Pour Dean Thomas, Ginny Weasley avait toujours été un modèle. Un modèle de beauté que les autres filles ne pouvaient pas se permettre. Le genre de beauté qui faisait rêver, baver. Ce genre de beauté qui faisait tourner des têtes.
Ginny Weasley n'était pas seulement belle. Elle était extraordinaire. Elle possédait ce caractère qui fascinait. Ce caractère qui faisait d'elle une véritable Gryffondor. Du courage, elle en avait, ça oui. Elle défiait chacun de ses adversaires en les fixant droit dans les yeux, d'un regard qui lançait des couteaux, et d'une réplique tout aussi tranchante. Et en cette année scolaire de 1997-1998, Dieu seul pouvait savoir à quel point cette femme avait du courage. Elle défiait les règlements qu'elle jugeait ridicules, affrontant les Doloris qu'on lui affligeait la tête haute. Elle gardait sa fierté, Ginny. Elle gardait sa fierté, malgré les humiliations que les Carrow lui infligeait.
C'était Ginny qui l'avait inspiré. Ginny qui en restituant l'Armée de Dumbledore, organisation de défense contre les forces du mal qui a été bâtie deux ans plus tard, faisait symbole de résistance face au régime fasciste qui les entourait.
Et cette résistance, Dean voulait la représenter autrement. Il regardait toute ces femmes qui l'entouraient. Des femmes qui avaient plus ou moins son âge, et qui souffraient. Des femmes qui se taisaient, au risque de s'attirer de nouvelles ecchymoses. Et pour Dean, Dean l'artiste, c'était quelque chose de difficile à voir. À ignorer.
Il eut cette idée loufoque. Cette idée qui le mènerait sans doute à une sépulture qu'il n'aurait jamais mérité, dans les années précédentes. Il s'était longtemps demandé s'il valait la peine de courir un tel risque. Mais lorsqu'il voyait ces femmes dont il était amoureux, lorsqu'il entendait ces jeunes filles hurler dans la nuit en apprenant la mort d'un proche, lorsqu'il les voyait ressortir du dortoir les yeux bouffis, rougis par les pleurs et leurs peurs, il ne pouvait rester assis, les bras croisés. Il avait un talent, avec les pinceaux. Ce n'était peut-être pas grand chose, mais cette année, il s'en servirait.
Pour leur faire du bien. Pour faire revivre l'espoir. Pour leur montrer qu'elles sont toutes belles, fortes, pures. Mais surtout, surtout pour prouver aux Carrow que malgré les ecchymoses et les douleurs lancinantes, elles étaient toujours en vie, et résistantes, malgré la peur, les pleurs, les douleurs.
Le septième étage était rarement surveillé, pour son plus grand bonheur. La majorité des élèves pacifiques l'utilisaient en fait pour aller se réfugier dans la Salle sur Demande, qui était toujours ouverte pour les élèves de l'Armée. Enfin, l'étage était surveillé, mais pas par du personnel pouvant nuire aux activités des étudiants. Le cours de divination ayant été banni, l'étage au complet l'avait été, étant simplement surveillé par les préfets de Poufsouffle, Ernie McMillan et Hannah Abbott.
Plutôt dire que le couloir était libre. Il les salua et se faufila jusqu'au couloir souhaité. Les murs étaient vides, rien ne le gênerait ici.
«Parfait» pensa-t-il.
Il ferma les yeux et visualisa cette femme qui l'avait d'abord inspiré pour ce projet : Ginny Weasley.
Ginny au caractère dur, fort, mais pourtant si douce et jolie. Ginny aux cheveux de feu, à la teinte rubescente. Ginny qui savait séduire, rire, et qui pleurait rarement, malgré ce qui lui arrivait. Une véritable vénusté, qui méritait qu'on lui accorde son attention. Pour la peindre, Dean avait utilisé du orange, du rouge, du gris. Car malgré son caractère, elle était une femme douce, sensible. Et ça, seuls les pinceaux de Dean savaient. Alors ils la dessinèrent, faisant voler ses cheveux dans les airs, comme ils avaient si bien l'habitude de le faire, lorsque Ginny volait.
Il lui esquissa un sourire, qu'elle affichait, tant pour cacher son malheur, que pour narguer ses malfaiteurs. Elle était belle, malgré son manque de couleur. Mais de la blancheur qu'il lui avait laissée, la pureté de son âme était représentée. Que nul n'était le besoin de lui foutre des couleurs qui ne la représenteraient pas. Dans cette peinture, tout se retrouvait dans les cheveux, le regard.
Dean acheva de peindre ses traits, et il soupira. Ginny était magnifique, mais surtout, elle lui manquait. Il repensa à l'année précédente, lorsqu'il avait eu la chance d'avoir le titre du petit copain de Ginny Weasley. Il avait tant été heureux avec elle, malgré leurs nombreuses disputes. Et maintenant qu'il y repensait, il regrettait.
Il s'assit devant son oeuvre, mélancolique. De peindre ainsi les femmes, sur le mur allait-il réellement servir à quelque chose ? Le message passerait-il, quelqu'un comprendrait-il la signification qu'il avait voulu donner à son art ? Mais surtout, les femmes qu'il peindrait se reconnaîtraient-elles, verraient-elles à quel point elles sont belles ? Verraient-elles à quel point elles sont fortes, à quel point elles sont pures ?
Verraient-elle simplement le bien en elles, et non le mal ?
Il se releva, et gagna la Salle sur Demande, dans laquelle il allait dormir. Et alors qu'il s'installait, il sortit de ses poches un petit carnet, dans lequel il nota les noms de toutes ces filles, de toutes ces femmes qu'il se devait de peindre. Il les observerait, et les saisirait. Il les comprendrait comme nul homme ne les aurait compris, qu'elles veulent ou non lui parler. Il s'en fit la promesse.
