Note : Cette fiction comporte un lexique Sindarin –langue des elfes gris- fidèle à l'original, mis au point par Tolkien. Il sera adjoint de sa traduction française. Le texte comporte quelques occurrences anglaises (au niveau des noms, des endroits et parfois à certains instants), en espérant que cela ne perturbe pas votre lecture !
Le récit porte la motion M pour son caractère explicite, je vous laisse découvrir Luthannen.
Enfin, je précise que je suis un véritable admirateur de l'univers de Tolkien, mais aussi de la mythologie nordique. Je n'essaie pas de bafouer l'œuvre ou les personnes de quelque manière - et je n'ai pas la prétention de fournir un écrit brillant. Cependant, je dois vous alerter sur le contenu érotique du texte qui va suivre. Je n'ai essayé en rien de dénaturer l'œuvre de Tolkien, il s'agit d'une fiction. Je ne tiens absolument pas à souiller le génie de la saga du Seigneur des Anneaux ou le travail de réadaptation de Peter Jackson, concernant The Hobbit.
Bonne lecture à vous.
P.S : Vous trouverez quelques références poétiques à Baudelaire dans le texte mêlées à quelques créations personnelles.
LUTHANNEN
Maudit, ensorcelé.
"Êl eria e môr. O môr henion i dhû. Ely siriar, êl sila."
« Une étoile surgit des ténèbres. De l'ombre, j'entrevois la nuit. Les rêves glissent, un astre brille… »
Thorin Oakenshield glissa la clef à l'intérieur de la serrure, à même la montagne. C'était une bien curieuse clef qu'il avait observé sous tous les angles. Une douce brise soulevait son épaisse chevelure sombre comme la nuit tout autour. Le roi légitime s'approchait un peu plus de son trône légendaire. Il accorda un regard à ses partenaires : à tous ces visages qui se ressemblaient et étaient pourtant si différents les uns des autres. En cet instant décisif, il entendit clairement les battements de son cœur secouer ses tympans, de vrais tambours de guerre. C'était comme si ses oreilles allaient en tomber. Il était trop tard pour reculer, de toute façon. Il prit appui en posant une main contre la pierre parfaite de la porte naturelle. Enfin, il déposa la deuxième main et le passage s'ouvrit à lui, car il l'avait attendu depuis tant d'années. Ses compagnons retinrent tous leur souffle. Les larmes aux coins des yeux de Balin luisaient au clair de lune. Bifur et Bofur avaient reculés en un seul geste. Ils s'étaient regardés, les nains ne connaissaient pas la peur. Du moins, c'est ce qu'ils aimaient prétendre.
Bilbo s'était figé et la scène semblait s'éterniser. Thorin lança un regard à chacun : il semblait vouloir simplement dire « suivez-moi ». Chose faite, la petite troupe venait de pénétrer les galeries.
« Erebor » dit-il simplement en faisant quelques pas à l'intérieur. Le nain ressentait l'immense émotion qui émanait de son aîné, Balin. Il reconnaissait l'endroit, les murs étaient toujours les mêmes. La froideur était maîtresse en ces lieux inexplorés depuis fort longtemps. Intérieurement, Thorin s'était écroulé à genoux devant le temple de ses ancêtres.
Chaque nain entra sous la montagne, le passé surgissait, comme une vieille étoile éteinte qu'on aurait rallumée. Au-dessus du passage, l'on pouvait lire quelques plaques et mémoires à la gloire du peuple de Durin, le puissant royaume des nains d'Erebor.
L'Arkenstone était représentée, radieuse, ce qui n'échappa pas à la vigilance pourtant approximative de Monsieur Baggins. Il la désira ardemment, irrésistiblement attiré par les trésors de ce monde ! Le jeune Hobbit resta cependant pour la réserve.
Thorin s'était tourné vers lui.
- Tu as l'air de la trouver à ton goût, je me trompe ?
Bilbo ouvrit la bouche, prêt à répondre – il ne fit rien.
- Je parle de l'Arkenstone, reprit Thorin.
Les autres nains se tournèrent tous vers Bilbo, qui détailla une dernière fois la représentation de la pierre.
- C'est pour ça que tu es là, précisa Thorin en croisant les bras, récupérer la pierre. Elle est à moi, ne l'oublie pas.
Bilbo Baggins se mordit la lèvre. Son nez remua quelques fois, puis il porta une main à sa bouche, peu confiant. Evidemment, il le savait ! L'amitié qu'il avait entretenu avec ses nouveaux partenaires avait quelque peu flouté cet objectif. Il sentit le regret, amer comme un plat qui aurait été préparé par un Touque mal intentionné.
- Comment suis-je censé savoir…Quelle pierre ? Vous m'avez tous parlé de votre or ! Et si je me trompais ?
- Impossible, siffla Balin, tu la reconnaîtras entre toutes !
Bilbo hocha la tête nerveusement.
- C'est à toi que revient la tâche de trouver la pierre, confia Thorin, mais il se trouve que je suis le roi de ces terres. Et je veux être le premier à fouler le sol.
Les fils de Durin étaient tous déstabilisés. Cela ne faisait pas partie du plan. Il y eut un silence lourd que personne n'osa briser.
- Thorin…
- Sans vouloir t'offenser, commença un autre nain en se grattant la tête.
- Ce n'est pas une bonne idée, coupa Bofur.
Dwalin regardait Thorin de ses deux yeux perçants, malgré l'obscurité tandis que Bilbo s'approchait de la fresque qui représentait la pierre. On lui avait parlé des flammes, du dragon. Et même s'il craignait par-dessus tout parcourir Erebor seul, laisser Thorin lui semblait être un risque inutile, même pour un Hobbit.
- Pourquoi ? s'indigna paisiblement Thorin.
Sa manière de bouger, très distinguée pour un être de cette race. Bilbo s'avança jusqu'à lui.
- Thorin, dit-il maladroitement, vous êtes le roi de ces lieux, il est vrai. Mais vous devriez me laisser chercher la pierre avant. J'ai bien peur que vous ne soyez pas en sécurité dans ces immenses galeries. Ne vous faites pas tuer, je vous en prie.
- Ma décision a été prise, trancha Thorin, je serai le premier à marcher sous cette montagne, que vous le voulez ou non.
- Nous sommes une équipe, dit Balin, Thorin, n'agis pas égoïstement. Nous savons ce que la beauté d'une pierre nous pousse parfois à faire…
- Thorin, vous devriez l'écouter… Laissez-moi y aller.
Thorin déposa une main contre l'épaule de Bilbo, en une frappe affectueuse. Bilbo faillit chanceler : la poigne du nain dépassait de loin la sienne qui était à peine suffisante pour fumer la pipe toute une soirée.
- La parole d'un roi peut parfois être douloureuse.
Le nain considéra la troupe. Il savait qu'aucun n'était en mesure de le comprendre, ainsi allaient les choses, se disait-il.
- Je vais ouvrir l'œil, et lorsque le terrain sera taillé pour le cambrioleur, alors je le laisserai prendre ma pierre pour me la donner.
Bilbo retint un brusque soupir.
- Attendez-moi près de la porte, je reviendrai.
L'idée était saugrenue, personne ne la partageait mais personne n'osa s'opposer au roi Thorin, de nouveau maître en son royaume. Il passa entre les murs de la galerie et se dirigea au loin. Il tourna sur le côté, les partenaires ne le virent plus.
Thorin fut seul.
Dans sa tête, les mélodies autour du feu résonnèrent. Il repensait à ses chants, aux voix de ses frères et à la fumée qui s'échappait de sa pipe.
"Far over the misty mountains cold, to dungeons deep and caverns old.
We must away ere break of day to find our long-forgotten gold."
A mesure qu'il avançait, Thorin sentait une pression à son torse. Ce n'était pas de l'écrasement, c'était un curieux mélange d'excitation et d'appréhension. Il retrouva les colonnes, les mêmes architectures. Le temps n'avait pas réussi à avoir raison de son monde. Elles s'élançaient jusqu'au ciel : un plafond si haut qu'il en aurait eu le vertige. Enfin, ses yeux se posèrent sur…
« Le trésor de mon peuple. L'or d'Erebor. »
Il ressentit un vif tremblement au niveau de ses jambes. C'était époustouflant. Il ne savait pas où regarder tant l'or couvrait l'intérieur, des vallons de pièces et de trésors inestimables… Il descendit les marches, à l'affût du moindre mouvement.
Le dragon qui avait anéanti son passé et guidé ses pas dans le futur était là, il le sentait même s'il ne le voyait pas. Une ombre persistante qui le suivait depuis le berceau, prête à lui sauter à la gorge. Thorin marcha, le trésor s'affaissait à chaque pas. Il savait qu'il allait trop loin, sa conscience lui sommait d'arrêter.
« Ne va pas plus loin, ne t'avance plus. Il s'éveillera, et tu mourras. »
Thorin s'abaissa. Il toucha la matière brillante, l'héritage se dressait en-dessous, devant, derrière, oui ! Partout autour de lui ! Il prit dans sa main quelques joyaux, des émeraudes et des rubis des plus exquis.
Il se redressa brusquement, il avait senti une présence. Il n'aperçut aucune aile et ne sentit aucune flamme lui lécher les cils… Thorin savait pourtant qu'il n'était pas seul par delà ces gigantesques vallons dorés se trouvait un monstre probablement endormi… Il était temps de faire demi-tour, Bilbo devait lui amener l'Arkenstone.
« Thorin Oakenshield. »
La voix lui était parvenue. Il s'arrêta de respirer et laissa les pierres précieuses tomber à ses pieds entre les chaînes et les œuvres d'art enchevêtrées anarchiquement. Thorin tourna la tête, c'était une voix humaine et ce n'était pas celle d'un fils de Durin, ni celle d'un cambrioleur.
- Où êtes-vous ? siffla le roi, montrez-vous.
- Le courage n'est qu'un joli mot pour ne pas dire « stupidité », qu'en penses-tu ?
Thorin se tourna de l'autre côté. Il fit de grandes enjambées, balayant son imposant trésor au passage. Il aurait pu se noyer dans cette brillante vague.
- Montrez-vous !
« Où est votre honneur ? »
- Toujours cette histoire d'honneur, dit-on délicatement.
Cette fois, Thorin l'avait vu. Il était là, au milieu de ses beautés. Il y avait ce bassin d'eau claire entouré de coupes ornementées, et des diamants par milliers. La découverte d'Erebor n'avait pas été à ce point surprenante que l'image qu'il contemplait en cet instant hors du temps. Ce n'était pas un dragon qui habitait sous la montagne d'Erebor – c'était quelqu'un d'autre. Il détailla sa tenue rouge et argentée qui prenait sa taille merveilleuse qu'il détestait tant.
Thorin serra la garde de son épée, dégaina la lame dans la seconde qui suivit.
- Halte, dit simplement l'étranger qui n'en était pas un.
- Que fais-tu, ici ? demanda Thorin en exerçant une forte pression contre l'épée.
L'expression calme et haute du roi intrus était agaçante aux yeux du nain. Elle parvenait à le troubler avec une aisance qu'il n'assumait pas et qu'il n'assumerait jamais.
« Parce que tu es lent, parce que je ne le suis pas. »
Sa voix grave et profonde parvint jusqu'à lui, elle lui donnait l'impression qu'elle enveloppait Erebor tout entier.
"The Elvenking of Mirkwood, under my mountain."
- Je n'y crois pas une seule seconde, reprit Thorin en menaçant l'elfe de son épée, c'est un piège? Une illusion, sans doute.
- Tu aimerais bien, coupa le roi en portant à ses lèvres une coupe de vin pleine.
Le raisin était presque noir, Thorin retint un juron, dans sa langue.
- Quand seras-tu capable de m'insulter correctement ? demanda l'homme.
Sa chevelure blonde était plus claire qu'avant. Les branches mêlées à la douceur de ses traits – Thorin eut l'impression de ne pas les avoir vus depuis un siècle. Mais leur escapade à Mirkwood était plus proche. Il avait encore en tête l'acharnement de Thranduil, prêt à tout pour le garder derrière les barreaux. Toutes les erreurs du monde valaient les deux affronts de Thranduil, roi de Mirkwood, the Woodland Realm.
- Je ne t'en propose pas.
- Où est le dragon ? demanda Thorin.
- Quel dragon ? demanda Thranduil en esquissant un large sourire.
Thorin devint blême. Il chercha le mensonge dans le regard de l'elfe, il l'avait vu plus d'une fois et sous des formes terribles.
- Que de naïveté de ta part, Thorin Oakenshield.
Il s'éleva, la pièce de tissus glissa contre ses épaules. La beauté et la pâleur du roi-elfe était incomparable à toutes les beautés autour. Il s'en détachait, Thorin recula de deux pas. L'apparition était trop belle. Cette pensée le heurta.
- Je l'ai vu ! Tu l'as vu, toi aussi…Le dragon a ravagé ces terres, il a tué les miens ! Et toi, tu es arrivé.
- Et je n'ai rien fait, n'est-ce pas ce que tu vas me répéter encore une fois ?
C'est comme si sa voix le pénétrait. La grande silhouette de l'elfe s'approchait de lui, quelque chose de reptilien émanait de sa personne. Une insulte se perdait encore dans sa gorge de nain…
