Bonnie leva les yeux au ciel, agacée.
Au début, elle pensait qu'en devenant un fantôme, elle ne serait qu'un esprit flottant, sans conscience ni sentiments. Cependant, elle continuait à ressentir des émotions humaines. Comme lorsqu'elle rejoignait secrètement Jeremy dans la grotte. Elle était alors à la fois triste et heureuse : triste, car elle avait cru qu'ils seraient enfin réunis, heureuse, car Jeremy avait une seconde chance de vivre et de connaître le bonheur. Malgré leur histoire chaotique, malgré la souffrance et la tristesse qu'elle avait ressenties lors de la trahison de Jeremy, Bonnie n'avait jamais réussi à l'oublier. Grâce à son sacrifice, Jeremy avait une seconde chance mais il se sentait responsable de la mort de Bonnie, c'est pourquoi elle avait prétendu qu'elle ne ressentait aucune émotion humaine depuis qu'elle était morte. Elle voulait qu'il pense qu'elle était en paix et que rien ne pouvait l'atteindre. Mais c'était faux, elle ressentait tout, et à cet instant, elle ressentait de l'agacement. Et il n'y avait qu'une seule personne sur terre capable de l'énerver à ce point.
– Tu crois que je n'ai pas remarqué ton manège, Gilbert ? disait le vampire.
Évitant le regard de Bonnie pour que Damon ne remarque pas sa présence, Jeremy tenta de nier.
– Je ne vois absolument pas de quoi tu..., commença le garçon.
– Ne me prends pas pour un idiot, l'interrompit Damon en se versant un verre de bourbon. Je sais très bien que tu me caches quelque chose. Tu m'évites pour sortir sans que je pose de questions. Ne vas pas croire que ta vie m'intéresse, loin de là, je m'en fous complètement, mais étant donné que je sors avec ta sœur et qu'elle m'a demandé si tu pouvais vivre ici quelques temps, je me sens... responsable de toi, dit-il en grimaçant. Et Dieu sait que je déteste les responsabilités, soupira-t-il.
– Fiche moi la paix, Damon. Je ne fais rien de mal.
– Et qu'est-ce tu fais exactement ?
« Dis-lui, Jeremy », murmura Bonnie.
– Je ne te lâcherai pas tant que je ne saurai pas ce que tu me caches, menaça Damon.
Ignorant totalement Damon, Jeremy tourna la tête en direction de la jeune sorcière.
– Tu en es sure ? demanda-t-il, inquiet.
– A qui est-ce que tu parles ? s'énerva Damon.
« Il ne te laissera pas tranquille avant de savoir la vérité, tu le connais », soupira Bonnie en secouant la tête.
– Est-ce que tu vois des fantômes ? demanda soudain Damon, voyant que Jeremy parlait tout seul.
– Oui, répondit Jeremy d'une voix tremblante. Damon... Il y a quelque chose que je ne vous ai pas dit concernant mon retour, avoua-t-il, hésitant.
Il avait du mal à trouver ses mots et le regard d'acier du vampire posé sur lui ne l'aidait franchement pas.
– Il y a eu un problème avec le sort, reprit Jeremy, les yeux perdus dans le vide. Chaque sort de résurrection nécessite une mort et...
– Et ?
Damon s'impatientait : ce jeune crétin avait toujours eu le don de l'exaspérer et c'était encore pire lorsqu'il tournait autour du pot, comme il le faisait maintenant.
– Qui est mort ? demanda Damon de but en blanc.
Osant enfin le regarder, Jeremy inspira profondément avant de répondre.
– Bonnie.
Si Jeremy avait parié sur la réaction de Damon à l'annonce de la mort de Bonnie, il aurait perdu. Il s'attendait à ce que le vampire dise « ce sont des choses qui arrivent, tout le monde meurt, sauf les vampires sexy et immortels comme moi » avec un air prétentieux, ou quelque chose dans le genre. Il pensait que Damon n'en aurait rien à faire, qu'il serait seulement embêté d'avoir perdu leur « atout » contre Klaus, Silas, ou tout autre ennemi menaçant leur petit groupe. Il ne pensait pas se retrouver devant un Damon silencieux, au visage paraissant transformé en pierre. Jeremy aurait même pu croire qu'il ne l'avait pas entendu si Damon n'avait pas laissé tomber son verre, qui s'était brisé sur le carrelage. Le tapis commençait à absorber le bourbon. Mal à l'aise, Jeremy regardait Bonnie qui, à son tour, le regardait sans comprendre ce qu'il se passait. La tâche s'élargissait, et Damon ne parlait toujours pas. Il repensait à ce fichu tapis qu'il n'avait pas voulu salir lorsqu'il avait torturé Mason Lockwood avec Bonnie. Ils formaient une sacrée équipe, et même s'il préférait mourir plutôt que de l'admettre, il admirait Bonnie : elle avait des pouvoirs, une morale à toute épreuve et un courage incroyable pour une personne aussi jeune. Et maintenant, elle était morte pour ramener à la vie son ex-petit copain qui l'avait trompée avec un fantôme ? Il ne méritait pas son sacrifice.
– Comment comptes-tu la ramener ? interrogea Damon alors qu'il se penchait pour ramasser les éclats de verre.
– Je... Il n'a aucun moyen de la ramener, balbutia Jeremy, surpris par sa question.
– Il y a toujours un moyen, répondit Damon avec agressivité. Où est son corps ?
– Les sorcières l'ont caché grâce à un sort identique à celui que Bonnie a utilisé pour cacher les cercueils que Stefan avait volés à Klaus.
– Et son esprit ? C'est à elle que tu parlais ? demanda-t-il en jetant de brefs coups d'œil autour de lui.
Jeremy acquiesça : c'était tout ce qu'il pouvait faire car l'émotion lui coupait la parole. Pendant tout l'été, il avait gardé le secret, comme il l'avait promis à Bonnie. Ils s'étaient rencontrés secrètement dans la grotte et avaient passé des heures à discuter. C'était comme si Bonnie était toujours vivante, sauf qu'ils se voyaient en secret, comme un couple d'amoureux qui se cache du reste du monde. En parler avec Damon lui avait fait réaliser qu'il ne s'agissait que d'une illusion : Bonnie était morte et elle ne reviendrait pas. Il ne pourrait plus jamais la toucher, l'embrasser. Ils n'auraient pas de seconde chance et Bonnie ne construirait jamais sa propre famille. A cause de lui.
– Très bien, en route, lança Damon en se dirigeant vers la porte.
– Damon, je ne sais pas ce que tu veux faire mais...
– Je la ramène à la maison, répondit-il simplement.
