N d A : J'avais cette idée en tête depuis plusieurs mois quand j'ai commencé à écrire cette histoire cet été. Je ne sais pas si elle sera finie un jour, ça dépend sûrement de vous...
Prologue
L'inspecteur Jim Brass arriva au Club avec plus d'une demi-heure de retard sur son horaire habituel. Il donna la veste de son complet et son chapeau haut-de-forme à Nelson au vestiaire, ses mouvements traduisant une grande lassitude. Ces jours-là, le vieil employé du Club prenait les affaires du policier sans rien dire. Il devinait que ses amabilités ne seraient pas bien accueillies.
L'inspecteur Brass gravit les escaliers menant au petit salon où il retrouvait son plus vieil ami tous les mercredis soir à 18 heures après une journée passée à courir après les criminels. Il ouvrit la porte, avança de quelques pas dans la salle enfumée et parcourue la salle des yeux à la recherche de la silhouette familière. Au passage, il aperçut quelques visages de gentlemen qu'il connaissait depuis qu'il faisait partie du club. Il savait où il allait trouver son ami car les deux hommes occupaient toujours les fauteuils situés près de la fenêtre dans le fond de la pièce, ceux qui offraient le plus d'intimité. L'homme regardait par la fenêtre qui offrait une excellente vue sur une des rues les plus passantes de Boston, avec ses petits vendeurs de journaux du soir, ses fiacres et les sabots des chevaux résonnant sur les pavés.
« Bonsoir Jim. Encore une rude journée à ce que je vois, dit le Docteur Gilbert Grissom, sans lever les yeux de son journal.
- Comment pouvez-vous 'voir' que j'ai eu une journée difficile, Gil ? Vous n'avez pas quitté des yeux votre Boston Post, répliqua, irrité, l'inspecteur de police.
- Voyez-vous, Jim, je sais que vous détestez arriver en retard au club le mercredi. Or, vous avez quarante minutes de retard. De plus, vous avez fait les quelques pas entre la porte et cette table en traînant les pieds. J'en déduis très logiquement que la journée a été longue et que vous êtes épuisé, confia le Docteur à son ami de longue date. De plus, Nelson m'a apporté votre billet peu après mon arrivée. »
Le Docteur Gilbert Grissom était médecin légiste à Boston depuis seize ans. Toujours en quête de vérité et de challenges intellectuels, il ne se contentait pas de pratiquer des incisions en forme de Y sur les corps qui défilaient dans son cabinet. Il avait réussi, à plusieurs reprises et grâce à ses expériences un peu folles et son esprit de déduction, à faire éclater la vérité dans certaines affaires. Cela lui avait valu, l'estime et l'amitié de l'inspecteur Brass depuis de nombreuses années.
« C'est toujours cette histoire de vols de bijouterie qui vous cause souci Jim ? s'enquit le Dr Grissom.
- Ne m'en parlez pas ! La nuit dernière, ça a été le tour de la bijouterie Fletcher sur Cambridge Street. Vous parlez d'un casse-tête, répondit l'enquêteur. Bref, parlons d'autre chose. J'ai appris que David allait quitter votre service.
- En effet, oui. David se marie la semaine prochaine. Sa fiancée est de Californie et souhaite repartir vivre sur la côte ouest, annonça Grissom sans aucune émotion. David va me manquer, c'était un très bon assistant, » ajouta-t-il, et cette fois, Brass crut discerner une pointe de nostalgie dans la voix de l'homme le plus froid qu'il connaissait.
Aux yeux de n'importe qui, Grissom était un homme détaché et indifférent. Il pouvait aisément passé pour sans cœur. Mais depuis les longues années qu'il fréquentait Grissom, Brass avait appris à décoder l'énigmatique médecin légiste.
Brass savait que si le corps de son ami ne montrait rien de l'émotion qu'il ressentait à l'idée de laisser partir celui qui l'assistait dans ses autopsies depuis sept ans, une inflexion dans sa voix à la fin de la phrase et l'infime soupir une fois le dernier mot passé ses lèvres trahissaient son réel état intérieur.
Si sa voix ne l'avait pas trahi, ç'auraient été ses yeux ou encore un sourire forcé plaqué sur son visage autrement fermé.
« Avez-vous déjà commencé à chercher quelqu'un pour le remplacer ? demanda le policier, essayant vainement de détourner l'attention de Grissom de sa tristesse.
- Personne ne peut remplacer David, Jim, répondit Grissom exaspéré.
- Vous voyez bien ce que je veux dire, Gil. Il vous faut un assistant. Je suis certain que Boston est remplie d'excellents assistants prêts à supporter votre sale caractère dans l'espoir d'apprendre quelque chose de l'éminent scientifique que vous êtes. »
Grissom tira longuement sur sa cigarette et prit le temps d'en exhaler la fumée avant de répondre.
« Vous irez loin avec vos flatteries, Jim, » plaisanta-t-il avant de poursuivre.
« J'ai en effet reçu une vingtaine de lettres de motivation de candidats venant d'un grand quart Nord-Est du pays. Ne me regardez pas avec ses yeux ronds, vous l'avez dit vous-même, je suis un 'éminent scientifique' ! Cinq me semblent prometteurs mais un seul sort sérieusement du lot. D'ailleurs je dois recevoir cette personne demain à quatorze heures.
- Vous ne vous laissez pas longtemps abattre, mon ami, fit remarquer Brass. Puisque ce n'est pas non plus mon genre, que diriez-vous d'un bon dîner suivi d'une partie de poker ? »
Un simple sourire suffit à faire comprendre au policier que sa proposition plut à Grissom. Tous deux finirent leur verre de scotch et se rendirent dans leur restaurant habituel de l'autre côté de la rue avec la ferme intention de passer une soirée divertissante.
