1 Origine
Destini détourna les yeux d'un ivrogne dansant sur une table pour regarder son ami d'un air blasé.
« Je peux savoir pourquoi on se trouve dans ce bar de dépravés ? » grinça t'elle vers le jeune homme blond vénitien l'accompagnant.
Il prit le temps de boire la moitié de sa chope de bière avant de lui répondre nonchalamment.
« Ce bar de dépravés, comme tu le dis si bien, est le seul endroit où on sert de l'alcool au moins de seize ans. Ce qui tombe bien puisque nous en avons quatorze. »
« Et demi. »
« Si tu veux. »
Il grimaça un peu, n'aimant pas le fait qu'elle soit plus vieille que lui. Fait qu'elle adorée lui rappeler.
« Ce n'est pas la raison, » continua t'elle en poussant de côté sa propre chope. Elle aimait l'alcool, mais pas celui de cette taverne. La bière y était trop acide et lui faisait monter les larmes aux yeux. « On peux très bien se procurer de l'alcool autre part et gratis. Je ne vois toujours pas pourquoi tu m'as emmené ici. »
Il haussa les épaules en soupirant. « Et pourquoi je ne t'y emmènerais pas ? Par ce que tu n'aimes pas leurs bières ? Allons, t'es une grande fille, non ? Tu peux te forcer. »
Elle fronça les sourcils, mécontente. Oh, qu'elle le détestait quand il prenait son air supérieur.
Puis elle esquissa un rictus et porta la chope à sa bouche.
« A la tienne, beau blond ! » ricana t'elle à son compagnon qui la regardait étonné. Destini ne répondait pas facilement aux provocations, encore moins quand elles n'étaient pas cachées.
Son sourire s'accentua et au moment de boire, elle lui lança tout le contenu de sa chope.
Des rires fusèrent en même temps que des sifflets. Midgar était une ville morne et les bars étaient les seuls endroits où on pouvait s'amuser, l'alcool aidant. Chaque scène ridicule était applaudit.
Rufino la fusilla du regard, n'appréciant pas la blague. Néanmoins, avec les cheveux dégoulinants de bière et sa tunique le collant, il n'était pas convainquant. Voyant que cela attisait les rires de son amie et des buveurs, il soupira et se tourna vers la foule avec un sourire éclatant mais crispé. Il fit une révérence magistrale qui transforma les rires en applaudissement et se tourna furibond vers la jeune brune qui, elle, essayait vainement de reprendre son souffle.
« Belle mise en scène, » hoqueta t'elle avec un rictus provoquant.
« Je ne suis pas aussi fort que toi niveau physique, je compense. »
Il se rassit mais ne rajouta rien.
Destini était très forte, pour une jeune fille de son âge. Elle avait apprit à se battre très tôt pour se démarquer de ses grands frères envahissants et d'un père violent. Maintenant, elle était très redoutée parmi les jeunes des bas-quartiers de Midgar. Rufino l'avait rencontré à huit ans, quand il s'était échappé des jupes de sa mère un après midi. Elle était seule dans la forêt à taper dans un arbre quand le blond l'avait découvert. Ses mains étaient en sang et il lui avait fait un pansement avec des morceaux de tunique. Elle l'avait reconnu comme étant un Shin-Rah, riche famille emigré du village Glaçon, et lui, une fille de prolétaire. Mais ils s'étaient revus et petit à petit, étaient devenus amis. Il utilisait son intelligence et son charisme pour connaître les points faibles des adversaires de la jeune fille et elle décimait leurs ennemis. Assez étrangement, leur amitié était solide, au grand désespoir du clan Shin-Rah qui voyait leur unique héritier avoir de mauvaises fréquentations.
Elle secoua la tête. « On peut partir maintenant ? » fit-elle en répriment un nouveau fou-rire à la vue de la moue boudeuse de son meilleur ami.
Il jeta un vague regard à sa tenue et acquiesça. Ils se levèrent alors et quittèrent rapidement le bar sans regard en arrière.
« Je ne pensais pas que tu allais le faire, » avoua t'il pendant leur marche.
Elle fit un sourire angélique et se tourna vers lui. « J'ai été influencé. »
Rufino grimaça. « Ma tante l'avait cherché ! Et c'était de l'eau. »
Destini reparti dans un rire joyeux. « Oui , oui ! »
Ils tournèrent dans une rue sale, noir de charbons.
« Enfin, tant pis. On va dans le Repaire ? » reprit la brune en sifflotant. Elle était dans son élément.
Rufino hocha la tête d'un air impassible. Il préférait les grandes conférences aux rues dégoutantes. Mais afficher ses sentiments en territoire comme celui-ci était signé son arrêt de mort. Un visage neutre était alors nécessaire.
Destini ouvrit la marche et ils quittèrent Midgar et sa pollution pour la forêt sinistre du côté Est de la ville. Ils traversèrent les chantiers de déforestations et pénétrèrent enfin dans les bois sombres. La suie avait en effet recouvert le feuillage des arbres, les rendant noirs et inhospitaliers. Toutes les populations avaient désertés les lieux une dizaine d'années auparavant. La jeune femme ne pouvait même pas se vanter d'avoir vu un oiseau.
Cependant, c'était dans ces bois qu'ils s'étaient rencontrés. Et si ce lieu était morbide à souhait, ils ne pouvaient s'empêcher d'y être attaché.
« La déforestation va de plus en plus vite, » remarqua Destini d'un ton monocorde.
Rufino acquiesça. « Mideel a passer une grande commande de papier ce moi ci. Papa abat les arbres un peu plus rapidement pour faire face. »
« Quand il n'y aura plus d'arbre, que ferait vous ? »
« Les chercheurs ont trouvé des gisements de charbon. »
Destini fronça les sourcils. Elle n'était pas un exemple d'écologie mais elle savait que dépouiller un lieu de sa nature n'était pas une bonne chose.
« Je n'aime pas ça non plus, » informa Rufino à son adresse. « Mais que pouvons nous faire ? »
« Trouver d'autres énergies ? » proposa t'elle.
« Et comment ? Le soleil pourrait nous procurer de l'énergie. Mais nous n'avons ni la connaissance ni la technologie pour ça. Et il y a bien longtemps qu'on ne l'a plus vu ici. »
Le ciel était en permanence obscurcit par des nuages de poussières rejeter par les lourdes industries polluantes. Elle n'avait elle-même jamais vu l'astre mais il lui avait raconté si souvent ces impressions qu'elle pouvait l'imaginer les yeux fermés.
« Mais si ça peut te rassurer, on a découvert une drôle de substances vertes coulants sous certaines mines. »
Destini s'arrêta et se tourna vers lui. « Quoi ? »
« On sait pas trop ce que ça peut être mais des scientifique travaillent dessus. » Il rajouta après une pause. « Et moi aussi. »
« Où ? »
« Sous les mines. »
« Mais les qu'elles ? » assista t'elle.
Il soupira en se frottant le crâne.
« Fino ! »
Avec un nouveau soupire il lâcha : « Sous l'Ancienne et sous Almeda. »
Elle hoqueta. « Mais ces mines sont fermées ! Quand on creusait trop profond les mineurs devenaient sujets à des maladies ! »
« C'est cette chose qui les rendrait malades, » acquiesça le blond. « Elle ne se trouve qu'à de grandes profondeurs. »
Destini secoua la tête. « A creuser toujours plus profonds, j'ai l'impression que l'homme creuse sa propre tombe, » avoua t'elle.
« Faut bien mourir de quelque chose, » avança Rufino.
Elle n'ajouta rien.
« Ecoute, c'est juste l'affaire de quelques temps. Le temps de trouver autre chose et d'avoir enfin un confort potable. »
« Ce n'est pas mon problème, mais le tien. C'est à toi de faire ces démarches. »
« Mais ça ne va pas plaire… » Il hocha la tête, le cœur lourd.
« C'est de ça que tu voulais me parler, dans le bar ? »
Rufino respira un grand coup et tourna dos à elle. Il n'agissait que rarement comme ça. La dernière fois, c'était pour lui avouer que sa famille ne voulait plus qu'ils se voient. Mais Rufino avait bravé l'ordre. Cela avait causé une sacré pagaille et Destini s'était juré de toujours être loyale envers lui. Il était le premier à être près à tout abandonner pour elle. Elle ne pouvait pas l'ignorer.
« Pas que de ça, » souffla t'il.
« Peut importe, » assura t'elle, voyant qu'il ne savait pas comment avouer la suite. « Je te suivrais. »
Il se tourna vers elle, abasourdi. « Tu n'aimes pas la politique ! »
« En effet, » garantit-elle. « Mais à part toi, je n'ais rien. Tu as dis que ça ne va pas plaire à tout le monde ce projet ? Soit. Je serai ton garde du corps. »
Il resta la bouche ouverte. Puis eut les larmes aux yeux. « Destini… »
« Je ne laisserais rien t'arriver. »
Elle sorti un couteau de sa poche et brandi son bras devant elle, face à Rufino.
« Moi, Destini Turk, je le jure ! » fit-elle en faisant courir la lame sur sa peau en guise de signature.
