Cette "fiction" est en réalité un recueil d'OS (qui devrait en contenir une dizaine je pense). Je vous laisse ici avec mon premier bébé dont l'histoire est directement inspiré du concours lancé par le DAMN-ADDICT-LEMON. Bonne lecture :)

Un râteau presque parfait

19h50, soit l'heure idéale pour faire mon entrée au bar. J'avais vingt minutes de retard. Vingt minutes que j'avais délibérément attendu dans la voiture afin de compliquer le jeu, de me faire désirer par ma proie.

Ce soir là, j'avais rendez-vous avec une certaine Rosalie Hale, étudiante de vingt deux ans en école de journalisme. Sur le site de rencontre sur lequel j'avais fait sa connaissance, la photo qui illustrait cette biographie était plutôt agréable : une cascade de cheveux blonds habillement ondulés autour de son visage à peine maquillée à l'exception de ces yeux gris aciers parfaitement mis en valeur.

En soit, j'avais toutes les raisons du monde de la désirer et d'espérer que notre premier rendez vous se conclut dans l'une des chambre d'hôtel se situant à une volée de marche du bar où je venais de pénétrer. Sauf que ce n'était pas le cas. Je n'avais nullement l'intention de conclure quoi que ce soit. En revanche, je voulais qu'elle croit le contraire, qu'elle me désire... pour pouvoir la jeter aux orties.

Pourquoi ? C'est une longue explication qui remonte à plusieurs années. Quatre pour être précis. C'était durant mon année de terminale. Avec mes meilleurs amis Jasper, Chris et Mathieu, nous attendions l'arrivée du cinquième et dernier membre de notre petite bande : Léo. Lorsque ce dernier arriva, le lendemain matin, il n'avait pas l'air ravi de sa nuit. Il nous expliqua que la Jessica avec laquelle il venait de dîner était totalement insupportable, mais qu'il n'avait malheureusement pour lui trouver aucun prétexte pour la repousser et avait donc du passer la nuit avec elle, ne pouvant même pas prétendre une panne sans entâcher sa réputation.

De là était né était né notre petit jeu puéril : faire le râteau parfait. Il fallait pour cela faire chavirer le coeur de la jeune femelle toute la soirée avant de sortir THE excuse pour la lâcher là, les hormones en ébulition et la tête déjà pleine de projets et de fantasmes. Avec le temps, Jasper et moi -qui étions les seuls à avoir réellement continué- avions mis au point une excuse imparable : l'homosexualité. Celle ci avait toujours était présente, mais ce n'était qu'avec ce petit divertissement qu'il s'était imposé à moi comme un petit ami parfait : drôle, intelligent et bien foutu.

Mais attention, comme la compétition ne pouvait se jouer sur l'alibi, toute la perfection reposée sur notre habileté à faire chavirer les damoiselles.

La veille, Jasper avait réussi un coup d'enfer avec Alice, une parisienne de passage à new-york à qui il avait pu raconter n'importe quoi, la pauvre ne comprenant pas l'anglais. Du coup ce soir, je me devais de faire au moins aussi bien ce qui s'annonçait plutôt facile dans la mesure où mon compagnon n'était guère doué pour trouver des filles un tant soit peu inaccessible.

Je lançais un dernière clin d'oeil à celui-ci qui s'installait tranquillement dans un fauteuil face à la table où m'attendais Rosalie, de là où il pouvait tout entendre sans être vu.

La photo de la jeune new yorkaise ne lui rendait pas justice, elle était encore plus splendide. Pendant près de trois heures, la conversation se passa mieux que tout ce que je pouvais espérer. Ce soir là, je jouais le rôle d'Emmett Lagsdam, jeune architecte récemment diplômé et joueur amateur de hockey. Je n'étais rien de tout cela évidemment, la fausse identité que je changeais chaque semaine me permettait simplement de ne jamais avoir mauvaise réputation et de pouvoir ainsi continuer à jouer éternellement.

L'exercice de la conversation se révellait ce soir là encore plus difficile qu'à l'ordinaire, la jeune Rose était très observatrice et ne devait pas comprendre le sens caché de mes paroles. C'était là que résidait la beauté de cet exercice : ne jamais mentir ! Je n'avais pas le droit de feinter des sentiments et des émotions, j'étais soumis à la vérité, et je devais donc réfléchir à chaque mot, à chaque intonation pour lui faire croire ce que je voulais, sans toutefois dire quelque chose d'inexact (à l'exception de ma biographie et de celle de mes amis et famille).

Heureusement pour moi, Rosalie finit par se détendre et relâcher mon attention, rendant mes paroles bien plus simple à choisir.

Lorsque le serveur nous apporta l'addition, je me préparais mentalement à ce qui allait suivre, Jasper débarquant de nulle part, me serrant fort dans ses bras, me disant que je lui avait manqué, qu'il m'aimait, et qu'il avait par un heureux miracle réussi à avancer son départ de Los Angeles. Arrivait alors mon moment préféré : les adieux. Il fallait pour cela être un excellent acteur pour ne pas rire et trahir le jeu et prononcer un "à bientôt" sincère et les "une soirée excellente" d'usage dans ce genre de situation.

Comme d'habitude, Jazz se leva de son fauteuil et se diriga au comptoir pour régler la note, un endoit hors de vue de ma proie. Pendant ce temps, Rose me proposait un dernier verre dans son appartement "à deux pas du bar". J'allais faire semblant d'accepter son offre lorsque mon petit ami se diriga vers notre table. C'est alors qu'il m'enlaca. Sauf que contrairement à d'habitude, cette étreinte ne me procurait aucun plaisir. Lorsqu'il me lâcha pour m'expliquer sa présence, mon esprit carburait à toute vitesse avec une seule question qui tournait en boucle : pourquoi voulais-je qu'il arrête de parler ? Pourquoi voulais-je continuer de faire croire à Rosalie qu'elle m'intéressait ?

La réponse pourtant ultra simple, je ne la comprit que plusieurs heures plus tard, blottit conte mon amant qui dormait comme un bébé. Je m'étais menti, j'avais trahi une règle du jeu que personne n'avait jamais énoncé jusqu'à présent alors qu'elle était incontournable. En fait, ce n'était pas vraiment une règle, plutôt un avertissement : on peut jouer avec tout, sauf avec les sentiments. Rose n'était pas une cible, elle ne l'était plus depuis que j'avais plongé mes yeux dans les siens et que j'y avais vu ce que Jazz et moi ne pourrions jamais avoir : une famille.

Je ne voulais pas des bras de mon chéri au restaurant car il venait de détruire le rêve qui s'était inconsciemment créer dans mon esprit durant le repas : moi et rosalie, assis dans le canapé, une petite fille blonde avec les yeux de sa maman et le caractère joueur de son père assise sur mes genoux. Ma fille.

Vous avez déjà appelé une fille en pleine nuit pour lui dire que vous la voulez près de vous, que vous l'aimez plus que le garçon que vous venez d'embrasser quelques heures plus tôt devant elle dans le seul but de vous amuser en la ridiculisant ? Non ? Et bien vous avez intérêt à vous accrocher et à supporter son humeur massacrante des semaines durant avant qu'elle ne vous pardonne et ne vous embrasse.

J'ai perdu la partie, je me suis contenté d'un râteau presque parfait. Le râteau raté le plus parfait de l'univers !