So close, no matter how far
Couldn't be much more from the heart
Forever trusting who we are
And nothing else matters
Nothing Else Matters – Metallica

Allongé sur le canapé du manoir de Godric's Hollow que James et Lily avaient acheté ensemble peu après avoir quitté Poudlard, le jeune homme ne cessait de balancer un vif d'or au dessus de lui, pour ensuite le rattraper d'un geste rapide, voir nerveux. Il n'avait pas perdu cette vieille habitude qu'il avait acquise à Poudlard et qui faisait sourire son meilleur ami.

« Elle va revenir.
- Tu n'en sais rien, Patmol, lui répondit-il sur un ton glacial un peu malgré lui.
- Elle est toujours revenue, non ? »

James ne répondit pas, il se contenta de soupirer en gardant les yeux vissés sur la petite balle dorée qui voletait au dessus de sa tête. Il avait toujours pensé que c'était une mauvaise idée, Lily et lui, mais il n'avait jamais pu faire autrement que de foncer tête baissée. C'était bien simple, depuis le moment où il avait croisé son chemin, dans le Poudlard Express, en première année, il n'avait pas été capable de se la sortir de la tête.

Pendant plusieurs années, il avait été convaincu qu'une telle obsession envers quelqu'un ne pouvait qu'être malsaine. Sa mère lui avait assuré le contraire quand elle l'avait trouvé en train de pleurer toutes les larmes de son corps dans sa chambre l'été de sa troisième année parce que Lily l'avait traité de voyou prétentieux et méprisant sur le quai de King's Cross.

Ce souvenir déplaisant le fit grimacer. Il n'était pas comme ça. Il n'était pas un garçon sentimental. C'était sûrement à cause de cela qu'il avait toujours été si maladroit avec elle. S'il avait su, s'il avait compris comment les sentiments fonctionnent, il s'y serait pris autrement. Sa mère avait eu beau lui avoir donné quelques conseils, il n'en avait fait qu'à sa tête, piqué dans son orgueil d'avoir pleuré pour elle, à cause d'elle.

« Ça me rend malade, pesta t-il d'une voix à peine audible. »

Sirius s'enfonça dans son fauteuil et émit un léger ricanement moqueur auquel James répondit par un regard noir.

« Tu n'as qu'à lui dire d'arrêter, lui conseilla t-il finalement.
- Excuse-moi, est-ce qu'on parle de la même personne ? L'interrogea James en refermant brutalement sa main sur le vif d'or avant de se redresser pour regarder son meilleur ami d'un air perplexe.
- Tu as une autre femme ?
- Lily ne m'écoutera jamais, murmura James, un poil agacé. »

Il avait appris, au cours de toutes ces années passées à Poudlard, que si Lily était une personne particulièrement douce, généreuse, et attentionnée, elle était également têtue, courageuse, et déterminée. Elle avait choisi de se battre au sein de l'Ordre, et il savait qu'elle ne reculerait pas.

James, lui, avait l'habitude de tout contrôler depuis son plus jeune âge. Il avait toujours été couvert de cadeaux, d'amour, et ses parents avaient obéi au moindre de ses caprices sans ciller. Il n'avait aucun mal à admettre qu'il avait été un enfant gâté, et il s'était rendu compte à chaque fois qu'il avait croisé le chemin de Lily à quel point cette éducation lui était fatale.

Il n'avait compris le sens du mot « non » que lorsqu'elle l'avait prononcé quand il lui avait demandé pour la première fois de venir faire un tour à Pré-au-Lard avec lui. Il avait d'abord cru qu'il n'avait pas bien entendu, mais elle l'avait répété, encore et encore, comme pour l'imprimer dans son esprit, comme si elle voulait rattraper toutes ces années pendant lesquelles il avait ignoré que ce mot existait.

Lentement, il avait encaissé les refus, appris à les accepter et appris à les gérer, mais il n'avait jamais cessé d'être frustré de ne pas pouvoir les contourner comme il contournait toutes les lois, toutes les règles. Lily était incontrôlable. C'était ce qu'il détestait chez elle. C'était aussi ce qu'il aimait chez elle.

« On ne sait jamais. Elle a bien dit oui, quand tu l'as demandée en mariage, et Merlin sait que ce n'était pas gagné, plaisanta Sirius avant de boire une gorgée de bièraubeurre. »

Là dessus, il marquait un point, mais au fond de lui, James savait que jamais Lily n'accepterait de laisser tomber les missions de l'Ordre. Jamais. Ils n'avaient pas beaucoup de chose en commun, mais celle-ci, ils l'avaient. L'envie de se battre. Constante, puissante. Tant que Voldemort n'arrêterait pas de tuer des moldus et de prôner la pureté du sang, ils l'auraient. Ils l'auraient tous les deux jusqu'au bout, jusqu'à la fin, jusqu'à leur mort.

« Ça fait combien de temps, maintenant ?
- Elle est partie il y a plus d'un mois, souffla James d'une voix éteinte.
- Quand est-ce qu'elle t'a écrit pour la dernière fois ?
- La semaine dernière, quand j'étais aux Trois Balais avec Lunard et Queudver. »

Il y eut un long moment de silence. L'angoisse de James prenait de plus en plus de place dans la pièce. Depuis qu'ils sortaient ensemble, il n'avait jamais été si longtemps sans nouvelle d'elle. Il savait que sa mission était très prenante, très dangereuse, et elle l'avait prévenu qu'elle ne pourrait peut-être pas lui écrire régulièrement, mais il ne pouvait s'empêcher de songer au pire.

« Imagine qu'elle soit morte, qu'ils l'aient balancée d'une falaise quelque part et que...
- Ne vas pas de ce côté, James... L'interrompit Sirius d'une voix étonnement sérieuse avant de continuer : Peut-être qu'elle est simplement en train de faire un shampooing à Servilus. Elle en a bien encore pour deux semaines, si c'est ça. »

Il eut le mérite de réussir à arracher un faible sourire à James. Il disparut bien vite alors que le jeune homme, assis sur le canapé, se prenait la tête entre les mains. Il avait la sensation d'être mort, sans elle. D'être vide. Atrocement vide. Si le néant avait pris une forme, il était convaincu qu'il aurait pris la sienne à ce moment précis.

« Tu as peur qu'elle soit morte, mais tu n'as pas peur qu'elle soit en train de faire des shampooings à Rogue, constata Sirius.
- J'ai confiance en elle, répondit aussitôt James en plantant son regard assuré dans celui de son meilleur ami.
- Tu n'avais pas l'air si confiant quand elle t'a annoncé qu'elle partait en mission avec lui.
- Parce qu'il n'est pas fiable ! Répliqua James. Peu importe ce que dit Dumbledore. Nous n'avons aucune garantie quant à son allégeance. »

Sirius ne put qu'acquiescer. Ils étaient tous d'accords sur ce point là. Rémus, Peter, Fenwick, McKinnon, et tous les autres de l'Ordre avaient exprimé leur mécontentement lorsque Rogue était apparu à une de leur réunion et que Dumbledore avait annoncé qu'il partait en mission avec Lily. Tous, sauf elle.

Elle n'avait rien dit. Pas un mot. Même en rentrant au manoir. Elle était allée se coucher, et le lendemain, elle avait fait comme si rien ne s'était passé. James avait pensé qu'elle évitait la dispute qu'elle redoutait, et qu'il redoutait d'ailleurs lui aussi. Il détestait cordialement Rogue, le sentiment était réciproque, mais Lily n'avait jamais voulu avoir un quelconque rôle dans cette histoire.

Pourtant, elle était au centre de tout. Elle pouvait bien faire semblant de ne pas le savoir, mais Rogue était amoureux d'elle depuis longtemps. James l'avait bien remarqué, à Poudlard. Ça n'avait pas aidé à améliorer son comportement avec lui. Leur rivalité s'était probablement développée de la même façon que les sentiments de James envers Lily. Elle avait pris une ampleur considérable. Écrasante.

« Ca irait, si Dumbledore m'avait donné quelque chose à faire à moi aussi, mais forcément, c'est Lunard et Queudver qui ont le droit de partir, reprit-il avec mauvaise humeur.
- C'était leur tour. Et puis ils sont meilleurs que nous en potion... En plus, d'après ce que Dumbledore disait, il fallait savoir déchiffrer des runes.
- Peter ne sait pas déchiffrer sa propre écriture.
- Wow. Elle doit vraiment te manquer. »

Nerveux, James bondit du canapé et passa une main dans ses cheveux avant de se sentir profondément honteux. Il ne disait jamais du mal de ses amis. Il ne se reconnaissait plus. Une minute après, il s'excusait platement devant un Sirius amusé qui lui signifiait d'un signe de la main que ça n'avait aucune importance.

« Ca me tue d'être enfermé ici pendant qu'ils font quelque chose de concret. J'ai l'impression de... J'ai l'impression d'être...
- Inutile, compléta Sirius en hochant la tête. »

Ils étaient comme des lions en cage. La pluie tombait à torrent dehors, et James s'avança vers la fenêtre pour pousser distraitement le rideau afin de regarder à travers la fenêtre. Il n'avait jamais aimé la pluie. C'était le genre de truc qui pourrissait un match de Quidditch, selon lui, mais là, il aurait donné n'importe quoi pour pouvoir la sentir sur son visage.

Il était supposé rester à l'abri, par mesure de précaution, d'après Dumbledore qui semblait avoir des raisons de croire que sa vie était plus menacée que celles des autres membres de l'Ordre. Celle de Lily l'était aussi, par extension, mais ça ne l'avait pas empêché de l'envoyer en mission. Enfin... Le plus fou était probablement le fait qu'il obéisse au directeur de Poudlard.

Bon, il avait bien été boire un coup aux Trois Balais la semaine précédente, mais Pré-au-Lard était ultra surveillé par les aurors, ce n'était pas comme s'il se promenait à la portée des mangemorts. Cette petite excursion lui avait fait du bien, mais pas tant qu'il l'aurait imaginé. Il manquait Lily. Il manquait toujours Lily, et s'il restait planté comme un piquet devant cette fenêtre au lieu d'aller voler sous la pluie, c'était bien pour elle.

Sirius avait beau se sentir aussi inutile que lui, au moins, il pouvait sortir. Il pouvait bouger. Il pouvait faire à peu près ce qu'il voulait. Heureusement qu'il lui rendait visite tous les jours, d'ailleurs, sinon, James serait probablement devenu fou. Il avait déjà l'impression de l'être. On lui aurait demandé la date, il n'aurait pas su répondre. Le monde s'était arrêté de tourner le jour où Lily était partie.

Il la revoyait encore, sur le pas de la porte, à quelques centimètres de lui, ses yeux verts qui fuyaient les siens avec une détermination qui l'avait déstabilisé. Quand elle avait refusé de s'éterniser, il aurait voulu qu'elle lui dise une dernière fois à quel point il allait lui manquer. Elle ne l'avait pas fait. Elle ne l'avait même pas embrassé. Pas comme il l'aurait voulu, en tout cas. Elle avait déposé un bref baiser sur ses lèvres, et elle s'en était allée.

Il savait pourquoi. Il la connaissait, depuis le temps, mais ça ne l'empêchait pas de garder un petit goût amer dans sa bouche. Les au revoir, elle n'en voulait pas. C'était quelque chose qu'elle refusait catégoriquement. Elle le lui avait expliqué la première fois qu'il était parti en mission, l'empêchant de l'étreindre comme il l'aurait voulu. Elle lui avait dit « On verra ça quand tu rentreras. ». Il avait souri, sur le coup, mais maintenant, il ne trouvait plus du tout cela attendrissant.

Il lui en voudrait, si elle ne rentrait pas. Il lui en voudrait de lui avoir volé ce dernier moment avec elle, de l'avoir empêché de lui montrer à quel point il avait besoin qu'elle revienne. Il lui en voudrait toute sa vie. Il s'en voudrait aussi toute sa vie, de ne pas avoir su la contrer comme il l'avait pourtant fait plusieurs fois avant, de ne pas l'avoir prise dans ses bras malgré ses protestations, de ne pas lui avoir montré qu'elle en avait besoin tout autant que lui.

Il sursauta lorsque l'on frappa à la porte. Il fit signe à Sirius de lui lancer sa baguette qui traînait sur la table basse, l'attrapa au vol, et traversa la pièce à grandes enjambées avant d'ouvrir la porte en grand.

Il ne savait pas vraiment pourquoi il s'attendait à voir Lily. Sûrement parce qu'elle lui manquait tellement qu'il espérait qu'elle le sentirait et que, par la simple force de sa pensée, il réussirait à l'attirer jusqu'ici, mais ce n'était pas elle.

« Maman ? Qu'est-ce que tu...
- Je t'amène à manger. Tu es trop maigre. Tu ne te nourris pas, ou quoi ? Le coupa t-elle en s'invitant à l'intérieur de la maison. »

Elle sécha son parapluie à l'aide d'un simple sort, s'essuya les pieds sur le paillasson, et se hâta d'aller saluer Sirius qui s'était levé pour l'accueillir. Elle lui fourra un gros plat entre les mains au passage, puis se retourna vers son fils.

« Ton père devait venir, mais il a été retenu au Ministère, expliqua t-elle avant de laisser son regard vagabonder autour d'elle. »

Quelques cadavres de bouteilles de biéraubeurre étaient éparpillés sur le sol, et des magasines de Quidditch qui semblaient émerger de sous le canapé en étaient imbibés. James fit disparaître le désordre d'un coup de baguette, reposa le vif d'or qu'il tenait toujours fermement sur le socle qui se trouvait sur la cheminée, et se planta au milieu du salon, les mains dans les poches.

« Tu n'as rien prévu ? Lui demanda t-elle. Je sais qu'elle n'est pas là, mais je pensais que tu ferais quelque chose, quand même.
- De quoi tu parles ? L'interrogea t-il en arquant un sourcil.
- Lily. Son anniversaire, répondit-elle en le regardant fixement comme si elle attendait que quelque chose s'allume à l'intérieur de son cerveau. »

Ce fut d'ailleurs le cas. Il écarquilla les yeux, jeta un bref coup d'oeil vers le dernier exemplaire de la Gazette du Sorcier qui traînait sur la table, et son cœur se mit à battre si fort qu'il eut presque du mal à respirer pendant une minute. Il avait oublié.

Ce n'était pas comme si elle était là, ce n'était pas comme si elle pouvait le lui reprocher, et il savait d'ailleurs qu'elle ne le ferait pas, mais il s'en voulait quand même. Il devait avoir l'air bien stupide, puisque sa mère et Sirius le rassurèrent instantanément.

« Ce n'est pas grave, s'empressa t-elle de lui dire en lui caressant affectueusement la joue.
- Lily se fiche bien de savoir si on fait la fête ou pas, ajouta aussitôt Sirius.
- J'aurais dû... Je ne sais pas... Faire un gâteau, marmonna James.
- Toi, faire un gâteau ? Lâcha Sirius en riant.
- Tout va bien, je vais en faire un. »

Euphémia tapota tendrement la joue de son fils avant de disparaître dans la cuisine et de le laisser tout penaud, en compagnie de son meilleur ami. C'était la première fois, en sept ans, qu'il oubliait l'anniversaire de Lily. C'était LA date qu'il retenait, d'habitude. Il avait parfois du mal avec celles de Sirius, Rémus, ou Peter, mais celle de Lily, il la connaissait par cœur.

Il retourna près de la fenêtre et laissa son front reposer contre la vitre froide en regardant la pluie transformer la terre en boue dans l'allée de leur petit jardin. Il s'attendait presque à voir Lily apparaître d'une seconde à l'autre. Le fait de se rappeler que c'était son anniversaire lui avait presque fait oublier son absence.

« Encore quelques semaines. »

Les trois mots de Sirius avaient sûrement pour but de lui remonter le moral, mais ils échouèrent lamentablement. La mission de Lily était censée durer plusieurs mois. Personne ne pouvait savoir quand elle reviendrait. Ce pouvait être en février, comme en mars, ou pire, en juin. Là, il n'avait plus de doute. C'était une très mauvaise idée, d'être tombé amoureux d'elle.

Ses muscles tendus lui faisaient un tel mal de chien qu'il regrettait presque de ne pas avoir développé une addiction pour l'alcool ou les potions, plutôt que pour elle. Tout semblait pouvoir se soigner, sauf le manque d'elle, tenace et persistant. Tout semblait surmontable, sauf son absence, déchirante et assassine.

Il faisait rouler son alliance autour de son doigt comme s'il suffisait de cela pour que le hibou de Lily apparaisse dans la pénombre pour lui porter une lettre, jusque quelques mots griffonnés de sa main qui lui prouveraient qu'elle est toujours en vie, qu'elle est toujours dehors, quelque part, et qu'elle pense à lui autant qu'il pense à elle.

« Voilà, déclara Euphémia en déposant un gros pudding au chocolat sur la table. »

Elle y avait mis une jolie bougie en forme de baguette. James se demanda qui allait la souffler lorsqu'elle l'alluma. Il n'avait aucune envie de le faire. Il avait juste envie de voir Lily surgir de derrière la porte et hurler « Surprise ! » en éclatant de rire, mais personne ne vint, et James dégusta sa part dans le plus grand silence.

Sirius et Euphémia essayaient de lui remonter le moral, il le voyait bien, et il s'en voulait d'être aussi maussade, mais il n'arrivait pas à participer à la discussion. Son esprit était ailleurs. Lily avait l'air si proche de lui, là, avec ce gâteau sur la table célébrant son 20ème anniversaire, et pourtant, elle n'était pas là.

« Je suis désolé, je crois que je vais aller me coucher, déclara James sous le regard préoccupé de sa mère.
- Oh, mon chéri, je suis sûr qu'elle va bientôt revenir, lui assura t-elle en constatant sa détresse. »

James ne put qu'acquiescer, car la boule qui s'était formée dans sa gorge avait pris tant de place qu'elle l'empêchait de laisser sortir le moindre son. Il donna une brève accolade à Sirius, déposa un rapide baiser sur la joue de sa mère, regretta de ne pas pouvoir la remercier de sa visite, et se traîna jusqu'à sa chambre comme un animal blessé.

Il prit une rapide douche puis se glissa entre les couvertures qu'il avait dû changer depuis le départ de Lily et qui, par conséquent, ne portaient plus son odeur. Par réflexe, il continuait de lui garder une place, son côté du lit, sur lequel il n'empiétait pas, comme si elle allait rentrer et s'y allonger.

Depuis le temps qu'elle était partie, on aurait dit que le manoir n'avait jamais eu qu'un seul habitant. Ses affaires n'étaient plus dans la grande armoire de la chambre, sa brosse à dent avait disparue de la salle de bain, ses bouquins prenaient la poussière dans la bibliothèque, et James lui même commençait à se demander s'il n'allait pas finir ses jours sans elle.

Il se retourna dans son lit, et ses yeux, qui s'étaient maintenant habitués à la pénombre de la chambre, tombèrent sur une photo d'eux sur sa table de chevet. Elle datait de leur septième année. Ils étaient dans le parc, tous les deux. Elle était montée sur son dos, et il s'amusait à courir et à sautiller pour la faire descendre, mais elle s'accrochait à lui et riait aux éclats.

Un sourire s'étala sur son visage, et il ferma les yeux, gardant cette image solidement ancrée à son esprit. Le manque était toujours là, mais pendant une minute, il fut un peu moins insupportable. Son bras s'était étendu pour aller se loger sous l'oreiller de Lily, là où elle avait laissé son alliance. Par mesure de sécurité, ils ne l'emmenaient jamais en mission.

Il tâtonna plusieurs secondes et songea même avec détresse l'avoir égarée avant de refermer enfin ses doigts dessus et de la serrer si fort que son contour s'imprima dans sa peau. A demi soulagé, il soupira et s'endormit brièvement.

Elle était là, dans son sommeil. C'était le seul endroit où elle était là. Si proche, et pourtant si loin. Il la cherchait constamment, dès qu'il fermait les yeux, il la cherchait, et systématiquement, il la trouvait. Elle était là, avec lui, dans le salon. Elle pointait sa baguette vers le vieux tourne-disque de ses parents pour en faire émerger une musique rythmée, et elle dansait en riant.

Elle lui disait d'arrêter de s'en faire pour la guerre, juste le temps de danser un peu avec elle, et il lui obéissait parce qu'il ne pouvait pas faire autrement, quand il voyait un tel sourire sur son visage. Il la rejoignait et ils dansaient un moment avant de tomber dans les bras l'un de l'autre. Elle glissait sa main dans la sienne, déposait un baiser sur son alliance, et venait toujours un moment où il n'arrivait pas à se décider entre rire avec elle ou l'embrasser.

Sa mère avait raison, il n'y avait rien de malsain dans le fait d'aimer quelqu'un autant qu'il aimait Lily. C'était impossible. Il n'y avait aucun mal à cela. Il en était un peu plus sûr à chaque fois qu'il la rejoignait dans ses rêves. Son obsession envers elle n'était pas une hallucination, ce n'était pas un délire d'adolescent. C'était vrai. C'était la chose la plus vraie et puissante qu'il ait ressenti dans sa courte vie.