Je m'avance avec une douleur sourde au cœur dans le corridor qui mène à la grande salle. J'ai l'impression que les dernières années de ma vie ne sont plus que mensonges et faussetés. Trahit par des gens qui auraient du m'aimer et aimé par des gens qui aurait du me trahir. La longue confession du professeur Dumbeldore se défile dans ma tête comme un mauvais film, ou plutôt comme un mauvais rêve. Comme j'aimerais que ce ne soit pas vrai. Il m'aurait été plus facile de supporter la plus grande des haines de sa part pour l'éternité que de constater qu'il a sacrifié sa vie et son âme même pour ma seule survie….ne recevant en retour que mes injures les plus provocantes et mes regards les plus noirs. Je marche d'un pas hésitant vers la table réservée à ceux de ma maison et prends place aux côtés de mes deux meilleurs amis.

-Il va me le payer c'est espèce de lange de vipère.

Je me tourne la tête à cette appellation. J'aurais envie de crier la vérité, celle que je n'arrive pas à admettre moi-même, mais qui me serre néanmoins le cœur et la gorge. Je lève les yeux vers Ron, qui aborde une superbe couleur de cheveux nouveau genre : l'arc-en-ciel. Au loin, j'entends les rires cassés et stridents des quelques serpentards restants, ceux qui ne sont pas passé de l'autre côté durant la guerre, tous fiers de la toute dernière trouvaille de leur chef de maison. Puis une voix familière s'élève dans les airs.

-Un petit coup de pinceau et adieu la rouille! Mais je suis désolé Weasley, je ne peux rien faire pour le dedans!

Les rires s'élèvent encore plus de la table des serpentards et Ron se lève précipitamment de sa place. Je me lève tout aussi vite et je sors aussitôt ma baguette, que je pointe vers mon meilleur ami. Ma respiration saccadée me fait réaliser le geste que je viens de poser. Toute la salle s'est tue et Ron est figé devant moi, les yeux aussi rond que s'il avait une araignée de 10 mètres de hauteur devant lui.

-Mais voyons Harry, qu'est-ce qui te prends.

-Je….en fait…je voulais essayer quelque chose pour te rendre ta couleur naturelle, mais je crois qu'Hermione sera plus en mesure de t'aider que moi.

Hermione, qui s'est levé peu après que j'ai pointé ma baguette sur son amoureux, me fait un signe affirmatif de la tête. Ouf! Je l'ai bien rattrapé ma bourde! Enfin, c'est ce que je croyais jusqu'à ce que je tourne la tête vers Drago. Il me fixe avec une drôle d'expression dans le visage. Cela me semble être un mélange de surprise et d'inquiétude. Quelques secondes passent et il n'a toujours pas bougé. Moi non plus. Je suis absolument incapable de détacher mes yeux des siens, comme si je les voyais vraiment pour la première fois.

-Qu'est ce que tu as à me regarder comme ça Potter? Tu voudrais avoir mon visage pour ne plus contempler ta sale petite tronche de minable à tous les matins?

Son regard est redevenu impassible, ses lèvres crispées en un sourire méprisant. Jamais ce genre d'animosité de sa part de m'avait touché à ce point. Je sais maintenant….et le fait de savoir une telle chose….le courage que ça demande, la solitude qui en résulte….tout cela est trop horrible. S'en est trop. Tout en continuant de fixer mon vis-à-vis, je laisse deux petites larmes s'échapper de mes yeux et rouler jusque dans mon cou. Pardonnez-moi Dumbeldore, mais je ne peux continuer ma vie comme si je ne savais rien.

Je suis là, immobile au milieu de la grande place, laissant cette douleur brûlante s'échapper de par le miroir de mon âme, rougissant ma peau de petits sillons ici et là. Je n'ai pas quitté ses yeux. Je sens que je ne pourrai plus jamais m'y résoudre, car j'en fais présentement le serrement, j'y extirperai son cœur blessé afin de lui donner tout ce qu'il n'a jamais eu. Je ne peux m'arrêter de pleurer. Le pourrais-je un jour? Pourrais-je un jour sentir cette culpabilité mordante me quitter?

Un calme plat règne sur ceux qui nous entourent. L'animosité légendaire des deux maisons s'est pour un moment interrompue, choquée par la scène du Survivant versant une multitude de larmes devant l'une des répliques légendaires et cinglantes du Prince des enfers en personne. Normalement, cette réaction de ma part aurait provoqué une expression de grande satisfaction sur son visage, bientôt suivie par un coup de grâce qui ne se serait offert aucune réplique si ce n'est celle d'en recevoir les conséquences physiques. Or, son inexpressivité me laisse penser qu'il tente de fermer son esprit, afin qu'il soit le seul à affronter les dilemmes qui se jouent en lui. Cette dernière constatation me fait encore plus mal que les autres. Merlin la solitude et la souffrance qui doivent l'habiter! Des gens sont morts par ma faute, emportés par le mal pour la seule raison de leur amour envers moi. Mais jamais je n'aurais cru participer au meurtre d'une personne de par son âme. Je ne mérite pas cette bénédiction, je ne mérite pas le sacrifice d'une chose aussi sacrée seulement pour moi….pour ma survie.

-Fous-lui la paix ou je t'envoie rejoindre ceux de ton espèce!

Ron est finalement sortit de sa torpeur qui n'a probablement duré que quelques secondes, mais qui m'a paru une éternité. Son amitié à mon égard n'a d'égal que son courage et j'avoue que cela m'a grandement aidé à supporter tous les malheurs qui se sont abattu sur moi ces derniers temps.

Il s'avance dangereusement vers mon « ennemi de toujours » et pointe sa baguette sur lui, la colère faisant trembler légèrement la main qui la tient. Son vis-à-vis n'a pas bougé d'un poil, lui souriant effrontément et cela ne fait qu'ajouter à la colère de Ron, qui s'apprête à lui lancer un sort. Je ne peux pas le laisser faire…je ne peux plus. Trop de choses se bousculent en moi, trop de questions mêlées de reconnaissance. Rapidement, je me place entre mon meilleur ami et celui que je veux à tout prix protéger à mon tour. Je plante mes yeux dans ceux agrandis par la surprise de Ron et j'écarte ma robe de sorcier, plaçant mon cœur contre sa baguette.

-Mais qu'est ce qui te prend Harry pour l'amour du ciel!

-Désolé Ron…je ne peux pas te le dire…pas pour l'instant. Mais je te demande de me faire confiance et de ranger ta baguette.

-Mais Harry, ce salaud t'a

-Je ne te le demanderai pas deux fois Ron.

Ron me lance un regard qui vacille entre l'incompréhension et la colère et range immédiatement sa baguette, faisant demi-tour et sortant de la salle à grandes enjambées. Hermione est restée là, comme je l'aurais parié. Assoiffée de connaissance et de vérité, elle n'allait certainement pas partir avant d'en connaître un peu plus sur cette histoire. Je la regarde un instant et j'entends une voix derrière mon dos.

-Où est-il?

Je n'ai jamais entendu ce timbre de voix sortir de sa bouche. Je n'ai toujours pu identifier que les sentiments les plus dégradants se mêler à ses paroles et je ne lui en connais aucun autre. Il m'est donc impossible d'interpréter ces mots sans tenter de lire dans ses yeux. Je me retourne donc pour lui faire face. Il est impénétrable comme toujours. Ses yeux gris ne sont qu'un mur de verre qui ne s'est jamais laissé briser par personne. Je me contente donc de lui répondre le plus vite possible, ressentant le besoin de plus en plus pressant de m'enfuir, de me réveiller de ce cauchemar impossible. Je sais pertinemment de qui il parle.

-Dans son bureau.

Il bouge immédiatement, faisant voler sa robe autour de lui, se déplaçant avec la grâce et la rapidité féline que tous lui connaissent. Après qu'il ait passé la porte et qu'il soit hors de vue, je me précipite à l'extérieur, courrant comme si ma vie en dépendait, ignorant totalement où je désire me rendre. Tout ce que je sais, c'est qu'il me faut fuir cet endroit.