- Drago ! Drago, mon chéri, où es-tu ?
Le jeune homme soupira fortement, avant de lever les yeux vers le plafond. Il posa son rasoir aiguisé sur le rebord du lavabo et essuya le reste de mousse à raser qui lui restait sur son visage pâle. Il descendit les escaliers en bois vernis sombre du manoir tout en boutonnant sa chemise crème et en bouclant sa ceinture. Après un rapide passage de doigts dans ses cheveux blonds presque blancs, il entra dans le salon où sa mère lisait le journal, assise au fond d'un fauteuil défoncé.
Mrs Malefoy, un lourd chignon blond impeccable coiffant ses cheveux soyeux, scrutait d'un œil éveillé et curieux le journal qu'elle avait entre ses longs doigts blancs et parfaitement manucurés. Elle semblait lire et relire ce qu'elle avait sous ses yeux couverts d'un épais mascara noir.
- Maman ? Qu'est-ce qui se passe ? demanda le jeune homme en s'approchant de sa mère.
- As-tu vu que Pansy Parkinson...
- Je n'ai plus rien à faire de Pansy, maman. N'oublie pas qu'elle nous a trahis ! Alors, si tu m'as dérangé juste pour ça...
- À vrai dire, non, Drago. Il est écrit ici que quelqu'un a trouvé le moyen d'effacer définitivement la Marque des Ténèbres et de...
- Ne dis pas de sottises ! Voldemort l'a gravée sur des milliers de bras et il était le seul à pouvoir l'effacer ! Ce ne sont que des... imbécilités !
- Vois par toi-même, dans ce cas, si tu ne crois pas la parole de ta propre mère.
Narcissa Malefoy tendit la Gazette du Sorcier au moment où elle se leva et quitta la pièce, faisant glisser sa longue robe émeraude sombre derrière elle. Le son de ses chaussures à talons s'estompa soudainement après qu'une lourde porte se soit refermée derrière elle. Drago se reprocha alors instantanément d'avoir froissé sa mère, la seule personne encore vivante à qui il faisait confiance. Ce n'est pas son père, enfermé à Azkaban depuis quatre ans, qui allait le remettre dans le parfait droit chemin. Le jeune Malefoy se mit à rire jaune à cette simple pensée.
Il regarda alors le journal qu'il avait dans les mains et alla s'installer dans le sofa le plus proche pour le lire à son aise. Quelques faits divers ponctuaient encore le quotidien du monde des Sorciers - arrestations de Rafleurs, tortures sous Imperium, empoisonnements de licornes, etc... - mais plus rien, concrètement, n'aiguisait la peur que Lord Voldemort avait délibérément semé dans son sillage. Un nouvel équilibre était en train de se forger depuis quatre ans, quatre longues années au cours des quelles la paix reprenait sa véritable signification.
Il tourna alors quelques pages ambrées du quotidien et tomba sur l'article qu'il voulait dénicher. Si la solution à son "problème" s'avérait efficace et durable, il n'hésiterait pas à se rendre immédiatement au Ministère de la Magie et à réclamer ce qui lui était dû depuis six interminables années. Six années passées sans toucher le corps d'une femme, sans caresser l'épiderme si doux du sexe opposé. Dès qu'il dévoilait son bras gauche à une conquête, celle-ci prenait la fuite en poussant des petits cris de souris étouffée. Et même prendre une douche ou un bain se révélait être un véritable calvaire. Il se haïssait d'avoir une marque pareille, qui plus est, indélébile.
Sauf que quelqu'un aurait trouvé sa délivrance. Et qu'il comptait bien en être bénéficiaire.
Il y a quelques semaines, le Département de la Justice Magique établissait un compte rendu public à propos de la Marque des Ténèbres gravée sur l'avant-bras de nombreuses personnes à travers le monde. Symbole de l'allégeance envers l'homme qui a été un des plus grands mages noirs de tous les temps, aujourd'hui annihilé par la puissance du jeune Harry Potter, elle est considérée comme une marque d'adhésion aux Forces du Mal.
Pourtant, beaucoup d'enfants se sont retrouvés malgré eux et leurs propres choix dans les rangs de l'armée de Mangemorts. À leur insu, ils portent ce tatouage qui doit certainement rendre leur existence plus anormale que toutes les autres.
Mais cessons de tourmenter votre esprit, chers lecteurs ! Aujourd'hui, et aux suites de nombreuses recherches en sortilèges et en potions magiques, les tourments de ces enfants d'anciens Mangemorts vont enfin prendre fin ! Le mélange d'un puissant sortilège récemment trouvé et d'ingrédients de potions étudiés avec soin vont vraiment effacer la Marque des Ténèbres et permettre à ces fils et filles de Mangemorts de reprendre le cours d'une vie ordinaire !
Si vous êtes dans ce cas, merci d'envoyer une note de service à la Brigade de Police Magique. Un bref interrogatoire sera obligatoire avant de passer par l'effacement de la Marque, bien évidemment ! Vous recevrez les informations nécessaires ensuite si vous êtes concerné !
Drago reposa le journal sur la table basse noire de cette pièce à vivre si... sombre. Il fixa la photo animée de l'article dessus - Gringotts : les doyens des Gobelins en grève - tout en réfléchissant à ce qu'il comptait faire. Il se remémora alors comment cette foutue marque, qui, pour lui, ressemblait plus à une énorme tache d'encre qu'à un serpent et un crâne, avait fini par être gravée sur sa peau. Jusqu'à ce que cela lui saute aux yeux : protéger sa famille et son honneur. De par sa naissance et ses ancêtres, il DEVAIT être un Mangemort. Il était né dans une famille où les choix ne sont pas autorisés. Sa mère en était le premier exemple de par son mariage avec son père.
Le canapé grinça lorsqu'il se remit debout tout en poussant un soupir. Il voulait absolument que cette marque disparaisse, mais peut-être était-ce le Ministère qui recherchait encore les progénitures des alliés de Voldemort. Drago savait néanmoins qu'il ne risquait rien. Avec des témoignages comme ceux de Saint Potter ou de Miss-Je-Sais-Tout, il était hors de danger. Et il ne leur devait rien du tout. Un Serpentard, et un Malefoy, par dessus tout, n'était jamais redevable.
Drago frappa à la porte de la bibliothèque, où sa mère s'était enfermée, dans le secret espoir qu'elle la lui ouvre. Un déclic dans la serrure se fit entendre plus tard, et Narcissa Malefoy se lança au cou de son fils, haut de son mètre quatre-vingt-quatorze. Le jeune homme sentit quelques larmes chaudes glisser sur la peau de son cou d'une couleur crème ivoire et caressa doucement du bout des doigts le dos de sa mère.
- Fais le, Drago, fais le ! Tu n'es pas comme ton père, tu es pur ! Je me sens coupable de... de... de ça ! s'étrangla Mrs Malefoy en tapotant la marque au-dessus de la manche de sa chemise. Si seulement...
- Maman, tu n'es coupable de rien ! Tu as fait tout ce que tu pouvais pour me protéger et je ne sais pas comment je pourrai te remercier un jour mais arrête d'imaginer ce qui ne sera jamais ! Ce qui est fait est fait ! Point !
- Drago...
- Je vais aller écrire à la Brigade de Police Magique. Ce sera fait, annonça l'héritier Malefoy en détachant tendrement sa mère de son étreinte.
- Drago... insista Narcissa.
- Quoi ?
Le jeune blond se tourna vers sa mère au moment où il posa son pied sur la première marche de l'escalier monumental de la demeure. La main dans la poche de son pantalon, il adressa un regard fatigué à sa mère. La fatigue de ses nuits agitées commençait à lui rendre l'existence lourdement invivable.
- Je suis fière de toi, admit Narcissa Malefoy.
Drago alla embrasser le front de sa mère, qui s'accrocha doucement à sa chemise, et retourna dans sa chambre pour écrire au Ministère. Sa vie devait changer. Et Drago Malefoy en avait conscience.
