Me revoici une fois de plus avec une petite histoire dans l'univers de Latin Hetalia que je chéris tant. J'ai essayé d'utiliser leurs noms humains "officiels", ou du moins ceux qu'on trouve sur la page wikia de la communauté hispanophone. Ce sera du BraArg en grande majorité, saupoudré de ChiBol.
J'espère que vous aimerez la lire autant que j'ai aimé l'écrire.
Dire que Luciano était effaré ou scandalisé était un euphémisme. En réalité, il n'était pas vraiment surpris, il savait bien que l'excès de haine qui sévissait contre la communauté LGBT au Brésil allait monter en flèche avec l'élection de cette tête de con de Bolsonaro. Le local de son association était complètement fichu les fenêtres étaient brisées, la caisse dérobée et le reste du mobilier cassé ou en très mauvais état. Et l'inspecteur Julio Paz qui avait été envoyé faire l'état des lieux semblait tout aussi désabusé que lui.
« Et donc… Hier, vous étiez où ? »
Il a un fort accent. La Bolivie. Cochabamba, annonce sa carte d'identité. La ville de la cueca* et des pénuries d'eau. Enfin bref. Il n'a pas une tête d'inspecteur il a des traits amérindiens très marqués, il a l'air constamment blasé et il prend des notes en quechua. Luciano soupire et fourre ses mains dans les poches de son short. Il déteste ça. Être soumis à un interrogatoire policier alors que jusqu'à preuve du contraire, c'est lui la victime.
« Dans l'avion. Avant-hier, j'étais chez mon père au Portugal. On s'entend pas très bien mais il a fait de la morue pour m'amadouer et je peux jamais y résister. Je sais me débrouiller pour vivre tout seul hein, je fais des plats préparés et des fois y a Martín Hernández de l'appartement d'en dessous qui vient m'aider. C'est un super pote, même s'il est très mauvais joueur et qu'il veut pas avouer que je suis meilleur que lui au foot. Il cuisine super bien les Alfajores**. Il est argentin mais il aime pas trop ça je crois, il se prend trop pour un européen, je crois qu'il aurait préféré que…
-Oui oui, je vois. Restons concentrés sur votre local, d'accord ? Vous faisiez quel genre d'activité ici ?
- Avant tout, c'était une association qui défendait les droits des LGBT. On pouvait pas faire grand-chose juridiquement mais ils pouvaient nous téléphoner quand ça allait pas fort, et venir se réfugier chez nous quand leurs parents les jetaient dehors. Et on avait aussi commencé à s'impliquer pour les amérindiens…
Julio grimace d'un air désapprobateur, se sentant directement concerné. Il est le mieux placé pour affirmer que c'était une très mauvaise idée.
« Votre ami, Martín. Vous pensez que je peux lui parler ?
- Oui bien sûr, il mord pas ! Il doit être au bowling, à cette heure-ci. »
Julio ne tarde pas à regretter amèrement d'avoir suivi Luciano dans sa Fiat Panda qui n'avait sûrement pas connu de contrôle technique depuis plus de cinq ans. Cet homme ne s'arrête donc jamais de parler ? Cela fait à peine cinq minutes qu'ils roulaient et ne pouvant apparemment pas supporter le silence, le brésilien avait commencé à parler du carnaval de Rio qui allait avoir lieu dans un mois et qui le mettait en joie comme pas possible. Julio n'avait rien dit du tout. Il était resté silencieux et renfrogné, regardant la fenêtre avec ennui. Et finalement, la délivrance. Le fameux bowling, à une demi-heure du quartier mi-ville mi-bidonville où Luciano s'entassait avec d'autres malchanceux de Rio. Et le bolivien fut assez mécontent de constater que ses collègues enquêteurs étaient déjà arrivés avant lui Itzel et Juan, tous les deux mexicains. Frère et sœur et avec toujours une longueur d'avance sur lui parce que comme on dit, « seul on va plus vite mais à deux on va plus loin ». Julio croise les bras en soupirant et les interpelle pendant que Luciano court à l'intérieur rejoindre Martín. Julio ne passe pas par quatre chemins.
« C'est mon enquête. Je peux savoir ce que vous foutez ici ?
-On est venus t'aider ! S'exclame Itzel, l'air choquée par sa réaction. On a trouvé un potentiel suspect.
- Et votre suspect et mon témoin se trouvaient mystérieusement au même endroit ?
-Non, le suspect était dans la rue d'à côté, on a eu du pot de tomber sur toi. On arrive pas à l'interroger.
- Il veut rien avouer ?
- Non, il sourit et il fait le malin. J'ai terriblement envie de le frapper… Vas-y s'il te plaît, tu es beaucoup plus patient que nous.
- Et le type que je devais interroger ?
-On s'en occupe, on connaît le dossier. »
Julio cède, une fois de plus. Seul contre ces deux têtes de mules, il ne peut pas faire grand-chose de toute façon. Dans une salle tranquille, il trouve ce fameux suspect que les deux mexicains ont négligemment attaché à une table, à la va-vite. La lumière est éteinte, on l'aperçoit à peine. Julio soupire intérieurement. Ce n'était pas digne de l'attitude professionnelle qu'on attendait d'eux. Il s'avance doucement, fixant l'homme qu'il ne peut pas encore voir puisqu'il est dos à lui.
« Paraît que ça vous amuse de voler l'argent des associations ? Vous croyez pas qu'ils galèrent déjà assez ?
Effectivement, il n'y a qu'un rire très agaçant qui lui répond, et l'homme penche sa tête en arrière. Pas assez pour voir Julio ou pour que Julio le voie. Le bolivien perd déjà patience, allume la lumière et se rapproche sèchement.
« Hé petit con, je te parles. Tu… »
Mais sa remarque meurt toute seule dans sa gorge et son assurance met les voiles. L'homme qui lui fait maintenant face avec un sourire arrogant, bah…
Bah il est pas mal du tout en fait. Et le bolivien reste là en face de lui comme un con, sans rien dire, surpris. Il ne s'attendait vraiment pas à ça.
Mais… Mais merde, il lui arrivait quoi, là ?
L'inconnu perd un peu son sourire et hausse un sourcil devant la réaction inattendue de l'inspecteur.
« Bah ? T'perdu ta langue ?
-…
- Sinon c'est quand que j'sors d'ici ? Le temps qu'j'ai passé dans ce trou on avait le temps d'tuer un âne à coup de figues molles tellement c'tait long.
- Je comprends rien à ce que vous racontez, faites un effort et exprimez-vous dans un espagnol correct, je vous prie.
- Ah mais j'cause espagnol. Mais j'viens du Chili.
- Je me fous complètement d'où vous venez. Nom, prénom.
- Whoaa, du calme, pète un coup hein… Manuel Gónzales. J'ai pas votre flouz, vous pouvez fouiller ma malle vous verrez y a walou.
- Votre quoi ?
-Le coffre de ma bagnole.
C'est la cinquième fois dans la journée que Julio soupire. Et ça fait sourire l'autre abruti.
Il est beau quand il sourit.
…On s'éloigne du sujet.
« Mes collègues avaient certainement une raison de vous arrêter.
-Ils croyaient qu'j'avais la caisse de Da Silva. Moi j'taf pour Martín et deux de ses potes. 'Fin eux ils vendent du maté et moi j'fais la plonge et j'passe le balai donc t'façon j'ai rien vu, rien entendu.
- D'accord… Hier vers 19h, vous étiez encore en train de travailler ?
- J'savais pas qu'ils engageaient des indiens dans la police.
Le crayon se serre tellement dans la main de Julio qu'il finit par se casser en deux. S'il avait pu tuer ce type avec ses yeux, il l'aurait déjà transpercé.
-Faites extrêmement attention à vos prochaines paroles.
- Ah mais moi j'm'en fiche. Vous avez le droit de vivre hein. La seule différence entre nous c'les vacances à la mer. »
Le silence. Les deux se regardent dans le blanc des yeux. L'un est foncièrement moqueur, l'autre se retient de se jeter à la gorge de son interlocuteur pour l'étrangler à mort. Finalement il se lève.
« Vous allez passer la nuit en cellule.
-Z'êtes pas cool comme inspecteur.
- Je vous emmerde. »
Quand il quitte la salle en tremblant littéralement de rage, Julio peut sentir le sourire de Manuel dans son dos sans même le voir.
* : La cueca est une danse traditionnelle et nationale en Bolivie
** : C'est une pâtisserie argentine
Concernant le langage de Manuel, explications: Le running gag sur lui, c'est que les chiliens ont un accent incompréhensible et ont un peu créé leur propre vocabulaire alors personne ne comprend ce qu'ils disent. Donc dans ma version française, il va parler un mélange d'argot et de patois occitan, histoire que vous compreniez la galère.
