« Je sais ! C'est à ce moment là, j'en suis sûr ! S'exclama James. »

Pointant son index en l'air comme s'il avait trouvé un remède miracle à la morsure du loup-garou, le jeune maraudeur traversa la maison qu'il partageait avec Lily Evans depuis peu à grandes enjambées pour la rejoindre dans le salon.

Paisiblement assise sur le canapé, caressant un gros chat roux ronronnant sur ses genoux, Lily doutait que son sourire puisse disparaître un jour. Le mariage approchait, et son fiancé s'était mis en tête de raconter à leurs convives lors de son discours comment il avait réussi à faire pencher la balance, comment il avait réussi à faire en sorte que Lily tombe sous « son charme dévastateur ». Ces mots étaient les siens, certainement pas ceux de l'ancienne préfète qui avait levé les yeux au ciel lorsqu'ils les avait prononcés.

« Alors vas-y, dis moi, l'encouragea-t-elle, amusée et persuadée qu'il était loin du compte. »

James attrapa un fauteuil et le poussa juste devant elle avant de s'asseoir dessus, d'appuyer ses deux coudes sur ses genoux, et de la fixer si sérieusement qu'elle eut l'impression un instant qu'il allait lui détailler le prochain plan d'attaque de l'Ordre du Phénix.

« C'était en quatrième année, commença t-il. »

James Potter déambulait dans les couloirs du château accompagné de ses trois amis. Baguette à la main, il faisait voleter une colombe au dessus d'eux, lui faisant exécuter toute sorte de pirouettes devant des élèves de première année émerveillés.

Aujourd'hui était un jour très spécial, c'était l'anniversaire de Lily Evans, une élève particulièrement brillante de sa classe avec qui il se disputait la première place dans la plupart des matières, et ce depuis qu'ils étaient arrivés à Poudlard.

Leur petite rivalité était connue de tous, mais on savait qu'au coeur de cette compétition se cachait une certaine admiration qu'ils se fatiguaient tous deux à cacher car ils auraient été malades d'admettre l'un comme l'autre que cette perpétuelle concurrence était un véritable stimulant.

« Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu veux faire ça, commenta Sirius qui marchait à côté de son ami.
_ Parce qu'il est amoureux, ajouta Rémus avec un sourire moqueur.
_ Je ne suis pas amoureux ! Protesta vivement l'intéressé. C'est juste que... C'est son anniversaire, et j'ai eu une meilleure note qu'elle en métamorphose aujourd'hui.
_ Et alors ? L'interrogea Peter avec perplexité.
_ Elle était déçue, elle avait l'air triste. Je lui dois bien ça.
_ Tu ne lui dois rien, répliqua Sirius en dévisageant son meilleur ami comme s'il devenait fou. »

James ne répondit pas, ignorant délibérément les regards atterrés que se lançaient ses camarades tout en continuant à se diriger vers la bibliothèque d'un pas léger. Sirius pensait que cette attitude était beaucoup trop convenable pour être digne de James, mais il ne voulait pas le contrarier plus qu'il ne l'avait déjà fait.

Rémus, lui, se garda de faire remarquer à James que sa condition lui permettait également de remarquer que son taux d'hormones crevait le plafond. Il était presque certain que s'il le lui avait confié, il se serait retrouvé avec un tas de chaussettes malodorantes sous son oreiller le soir même.

Quant à Peter, il pensa secrètement que James devait avoir une autre idée derrière la tête, quelque chose de bien plus démoniaque que ce qu'il leur avait décrit, une surprise qu'il garderait secrète jusqu'à la fin. Malheureusement pour lui, ce ne fut pas le cas. Enfin... Presque pas.

Le valeureux poursuiveur de l'équipe de Gryffondor avait l'habitude de soigner ses entrées, c'est ainsi qu'il prit soin de pousser les portes de la bibliothèque assez énergiquement pour qu'elles émettent un bruit sourd et que tous les élèves présents se tournent vers lui, défilant comme un prince jusqu'au centre de la pièce.

Il s'immobilisa lorsqu'il remarqua Lily Evans, ne pouvant réprimer un tic nerveux au coin de sa bouche lorsqu'elle secoua la tête d'un air contrarié avant de replonger dans son livre. Pourtant, il ne se démonta pas. Il n'entendit pas la bibliothécaire lui sommer de faire disparaître l'oiseau blanc sur lequel il avait toujours une parfaite maîtrise, il se contenta d'envoyer la bête se poser sur la table de sa jeune camarade.

Il sourit lorsque Lily leva ses yeux verts pour observer curieusement l'oiseau, et ce sourire s'élargit encore plus lorsque, dans un « pop » sonore qui la fit sursauter, l'oiseau disparut pour ne laisser devant Lily qu'une délicieuse plume en sucre, sa sucrerie préférée.

Pour la première fois depuis qu'il la connaissait, il lui sembla apercevoir une lueur de reconnaissance sur le visage de sa rivale, mais il n'eut malheureusement pas le bon sens de s'en contenter...

Lily se saisit de la confiserie, appréciant la sobriété toute nouvelle dont James Potter avait fait preuve, hésitant à lui adresser un geste de remerciement tant elle était touchée par la volonté du jeune homme de lui offrir un petit quelque chose pour son anniversaire et cela même s'ils n'avaient aucune affinité, mais elle se ravisa lorsqu'elle le vit brandir sa baguette en l'air, ses yeux verts se teintant de terreur. Il allait tout gâcher.

Et effectivement, il gâcha tout. En à peine une minute, il parvint à métamorphoser une centaine de livres poussiéreux en colombes et toutes volèrent d'un seul battement d'aile jusqu'à Lily avant d'éclater, lâchant tout un tas de plumes en sucre sur la jeune femme qui dut plaquer ses mains sur son crâne pour se protéger pendant que les amis de James riaient aux éclats.

La bibliothécaire ne cessait de hurler, des élèves se plaignaient du bruit, Lily avait été interrompue dans son devoir de botanique, et James avait détruit quelques uns des meilleurs livres de Poudlard. C'était une journée basique pour les maraudeurs, une journée comme les 364 autres qui composaient l'année, mais une journée qui valut à James plusieurs retenues mémorables durant lesquelles il dut ranger par ordre alphabétique quelques centaines de bouquins.

« Merlin, comment peux-tu t'imaginer que c'était ça ?! S'étonna Lily, complètement déconcertée par le manque de discernement de son fiancé.
_ Les plumes en sucre... Tu adores les plumes en sucre, répondit James d'un air penaud. »

Le chat ouvrit de grands yeux ronds et tourna la tête vers Lily d'un air mauvais parce qu'elle avait cessé de le caresser sous le coup de la surprise. Il y avait des explications qu'elle n'avait jamais eues avec James car il lui semblait qu'il avait compris qu'il avait parfois agi comme un véritable troll, mais visiblement il était temps d'apporter quelques précisions.

« Bien sûr que j'adore les plumes en sucre, et la première était une adorable attention James, vraiment, mais...
_ Où est-ce que j'ai encore merdé ? La coupa t-il sur un ton las qui la fit sourire.
_ Tu avais eu une meilleure note que moi en métamorphose, et il a fallu que tu me nargues en transformant tous ces livres juste sous mon nez, rien que pour montrer que tu savais le faire ! Livres qui, soit dit en passant, étaient pour beaucoup mes préférés et que tu as détruits.
_ Pour les transformer en plumes à sucre ! Protesta James avec véhémence. »

Lily grimaça, tapota le genou de James avec une certaine tendresse, et lui murmura un léger « ce n'est pas grave » qui le vexa profondément. Il n'aimait pas quand elle lui montrait les choses sous un tout nouveau jour, quand elle lui démontrait par A + B qu'il n'avait jamais su se comporter de la bonne manière avec elle alors qu'il avait toujours été persuadé du contraire.

« En plus, je n'avais aucune intention de te montrer que j'étais meilleur que toi en métamorphose... Même si on sait tous les deux que c'est le cas et que...
_ Tu ne peux pas t'en empêcher, trancha t-elle en levant les yeux au ciel.
_ C'était un geste noble ! Je... Je voulais juste que... Je savais que tu n'étais pas contente d'avoir eu une note inférieure à la mienne et...
_ Tu t'enfonces James, réellement, appuya t-elle.
_ Et je voulais juste te faire plaisir. Je pensais que... Enfin... C'était ton anniversaire ! Tu ne m'as même pas remercié ! Continua t-il en ignorant sa remarque.
_ Cent colombe se sont transformées en plumes en sucre au dessus de moi, James. Au dessus de moi. Au dessus de mes cheveux, insista t-elle. Tu imagines le temps que j'ai passé à les démêler ? »

James balaya sa remarque d'un geste de la main et se leva de son fauteuil, contrarié. Lily, elle, ne lui en voulait pas le moins du monde. Cette histoire était lointaine, et elle l'amusait à présent parce que ce n'était pas si grave au fond, mais la maladresse de James n'avait cessée d'être un frein à leur relation qu'en septième année.

« Je croyais que tu avais fait exprès pour te moquer de moi avec les garçons, reprit-elle avant qu'il ne quitte la pièce.
_ Bien sûr que non ! S'écria t-il, indigné.
_ C'était... Gentil de ta part, dans ce cas. Merci.
_ Enfin ! S'exclama t-il en poussant un soupir qui la fit sourire. »

Il quitta le salon juste pour aller chercher deux tasses de thé dans la cuisine, encore légèrement vexé mais avec une pointe d'espoir persistant toujours dans son esprit, et c'est lorsqu'il pénétra de nouveau dans la pièce où se trouvait Lily qu'il décida de la remettre en jeu.

« Bon, du coup, c'est à ce moment là, ou pas ? Lui demanda t-il en lui tendant une tasse.
_ Oh non. Non, non, non, s'empressa t-elle de répondre.
_ Tu es obligée d'être aussi catégorique ? C'est un peu vexant, lui fit-il remarquer.
_ Ecoute, j'ai bien compris que ton geste était plein de bonnes intentions, mais à ce moment là, la simple évocation de ton nom me donnait envie de vomir tout mon déjeuner.
_ Tant que ça ? S'étonna James.
_ Et plus encore, répondit Lily en évitant son regard. »

Touché dans son orgueil, le jeune homme décréta qu'il était temps pour lui d'aller rejoindre ses meilleurs amis aux Trois Balais, et Lily le regarda quitter la maison, toujours aussi amusée par son attitude et persuadée qu'il ne trouverait jamais ce qu'il cherchait. Elle n'avait cependant aucune envie de l'arrêter car toutes ces histoires étaient réellement divertissantes et elle aimait voir les choses sous un autre point de vue, celui de James.

Il n'avait jamais eu de mauvaises intentions à son égard contrairement à ce qu'elle avait toujours pensé, il avait simplement été si gauche dans ses tentatives d'approche qu'elle n'avait pas pu éprouver pour lui autre chose que de l'antipathie.