Et le revoilà ! ^^ Et un peu d'amusement aux Enfers ! Bonne lecture et merci pour votre fidélité ^^


Chapitre 81 : Amusement royal

J'apprécie l'Angleterre victorienne. La mode. Les mœurs. La misère qui s'accroche aux pas de ceux qui sont nés sous la mauvaise étoile.

La foule est massée sur les trottoirs. Des confettis colorés tombent du ciel. Il est là, caracolant en tête de cortège, écartant les bras pour inviter les gens à la fête, sa belle tête rousse tournée vers la foule. S'ils savaient ce que cache son pas engagé. S'ils savaient tous quelle misère se cache derrière le sourire de façade. S'ils savaient que la larme peinte sur la joue n'est que le témoin visible de toute la tristesse du monde. S'ils savaient à quelles bassesses illicites se livre la troupe principale du cirque itinérant pour assurer sa survie.

"Mesdemoiselles, Mesdames et Messieurs. Nous sommes le cirque itinérant Noah's Ark. Oublions les mauvaises nouvelles et le froid de l'hiver. Le spectacle du siècle va commencer !..."

Nous nous installons presque au premier rang. Les lumières se taisent pour éclairer la rousseur de Monsieur Loyal qui nous accueille, bras écart. "Bienvenus au cirque Noah's Ark, Mesdemoiselles, Mesdames et Messieurs !... Je me nomme Joker et je serai votre maître de cérémonie." commençant à jongler avec quelques balles colorées qu'il laisse volontairement chuter sur sa tête, esquissant une grimace comique, faisant rire la foule.

J'en secoue la tête.

"Notre cirque a une foule de tours à vous présenter..."

Le spectacle est rondement mené, féérique. Sauf que moi je sais. Je vois. Ce qui se cache derrière les sourires. Une peine. Immense. Un désenchantement. Total.

A chacune de ses apparitions, j'ai envie qu'il me fasse l'amour. Comme il sait le faire. Comme nos corps avaient appris à se plaire et à se cajoler des heures durant. Je veux voir les expressions de plaisir défiler sur son visage, entendre sa voix se déployer avant de tomber dans le rauque, son corps se tendre sous l'afflux des sensations. Mon ventre se tord à l'évocation. J'en souris.

Il ne me remarque pas. Pas encore.

A la sortie, un incident tombe à point nommé : la rupture d'une pièce principale du manège qui trône sur la droite du chapiteau. Mon père échange quelques mots avec les machinistes. L'affaire est enclenchée.

Les machinistes vont trouver mon rouquin. A son approche, mon cœur bat fort, mon intérieur palpite. Son regard se pose sur moi. Sourire de convenance. Attends un peu que je t'arrache autre chose, mon beau !...

"Je connais la panne. Et l'homme capable de réparer une telle pièce. J'ai également un manège de remplacement à vous proposer. Ainsi qu'un numéro équestre puisque ce dernier semble faire défaut." posant la main sur mon épaule opposée, souriant.

"On peut dire que vous tombez vraiment bien !... Affaire entendue." tendant sa prothèse osseuse que mon père considère avec un instant d'hésitation.

"Euh..."

"Ah oui, pardon !... J'en ai tellement pris l'habitude !..." tendant la main valide.

Il ne va pas faire la fine bouche parce qu'il a besoin tant d'un manège de remplacement que d'un numéro équestre. Il connaît ses priorités. C'est un excellent manager. C'est également un meurtrier d'une froideur extrême lorsque la situation l'exige, au modus operandi rodé : ne laisser aucun témoin autour des enlèvements d'enfants. Aucun témoin.


Mon père décharge les pièces du manège avec soin, aidé par une dizaine de machinistes.

Je débarque les étalons et les place dans un petit enclos réservé.

Il ne tarde pas à arriver, joyeux, canne à la main. Petite discussion de circonstances avec mon père. Puis il se dirige vers moi. Je lui adresse un regard chaud qui le remue des pieds à la tête, sans qu'il puisse déterminer pourquoi. Là, tout de suite, j'aurai envie de l'embrasser, que ma bouche déborde de la sienne, sur des sons indécents. Il me fixe.

"Est-ce que... nous nous sommes déjà rencontrés ?..." perturbé.

J'accueille la bouche d'un de mes étalon dans la paume de la main.

"Il ne me semble pas."

Oh oui, je te connais !... Je sais... Tes pupilles révulsées sous ces paupières mi-closes lorsque ton corps défaille et qu'il donne tout, généreux.

"Pardon, je..." petit rire nerveux. "... j'ai dû me tromper." pause, me fixant en plissant des yeux. "Pourtant..."

Envie de passer ma main sur ta joue.

"Est-il nécessaire de passer un examen d'entrée ?..."

"D'ordinaire, oui."

"Bien. Alors je vous montrerai."

"Volontiers." me fixe, me fixe, doigts caressant son menton. "... j'ai vraiment l'impression de vous connaître..." riant de lui-même.

"Je vous assure que je ne vous ai jamais vu. Je m'en souviendrai." sans le regarder, fixant la jolie tête blanche de Ghazli el Dakka.

"Bien, je..."

Je le regarde s'éloigner, sourire aux lèvres, venant embrasser le front de l'étalon. "Oui, je me rattraperai."


J'enfile mes gants, stick sous le bras. Puis je grimpe sur les deux dernières croupes, récupérant les rênes.

Il est installé dans les gradins, déjà très impressionné par l'attelage de six.

Un jeune homme d'à peine dix-neuf ans vient le rejoindre : Dagger, le lanceur de couteaux.

L'attelage se met en marche sur un ordre discret. Na'ir al Saïf est en tête, flanqué par Om El Al Azeem. El Bay de Sahara côtoie Alshaar el Bri. Ghazli el Dakka ferme la marche, aux côtés d'Ashanti de Shada Ram.

Au pas. Puis au trot. Ghazli a tendance à déborder sur la gauche, comme à l'ordinaire. Seul mon père le détecte : "Tente dans l'autre sens, pour voir."

"Vous avez l'œil, dites moi !..." déclare le rouquin.

"L'habitude. Permettez que je fasse une pause ?"

"Bien sûr."

Mon père s'installe, fixant l'attelage. "Soit tu inverses le sens de marche, soit je descends mettre Ghazli à la place d'Ashanti. Choisis."

Je fais demi-tour. Effectivement, Ghazli ne déborde plus.

Joker siffle. "Bravo, bravo !..." tapant dans ses mains.

Dagger ne me lâche pas du regard.

"A part les ajustages de rigueur, elle peut commencer dès ce soir, qu'en pensez-vous ?"

"Oh, vous pouvez me tutoyer, vous savez !... Surtout maintenant que vous faites partie de la famille !..." avenant.

"Très bien."

"Je pense qu'il est effectivement possible d'introduire le numéro de votre fille." ravi, étendant les pieds sous le gradin, à son aise. "Qu'en penses-tu, Dagger ?"

"Je dis que les gens vont bien accrocher."

Ce n'est pas comme s'il n'avait pas noté le regard épris de Dagger à mon égard. Prêt à partager. Pas égoïste pour trois sous. Je m'en régale par avance !...


Joker demeure derrière le rideau de l'entrée, observant le spectacle de trapèze de Wendy et Peter.

"Bonsoir."

Il se retourne de trois quart, avant d'écarquiller les yeux et se retourner totalement face à ma tenue. J'en souris.

Je porte un haut-de-forme agrémenté de quelques plumes blanches, bustier blanc, veste queue-de-pie, haute culotte noire brillante, bas et hautes bottes à semelles souples. Mon cou est garni d'un large collier en strass.

"Eh bien..." soufflé, élan vif au corps. Des flashes de nos rencontres antérieures lui parviennent, pêle-mêle, à l'esprit, dans des couleurs érotiques de nos corps se mélangeant.

"Auriez-vous vu le diable ?..." rieuse, sachant pertinemment que je jette en lui un tumulte sans nul autre pareil.

"Le diable ? hahahaha ! non, loin de là." se remettant assez mal de ses visions. "Vous êtes..." soufflé.

"... à votre goût ?..." joueuse.

"Au goût du public." rectifie-t-il pour se protéger du violent désir que mon seul corps lui inspire.

"Bien sûr. Au goût du public." sur le même ton.

"Vous... sentez-vous prête à assurer votre numéro ?..."

"Vous en doutez ?..."

Un petit baiser pour la route ?...

Comme s'il avait deviné ma pensée, ses yeux louchent sur mes lèvres.

"Le rouge à lèvres a débordé ?"

"Non, je... c'est... parfait." souriant.

Le numéro en cours se termine et il s'avance pour annoncer la suite du programme.

Je fais mon entrée, assise sur l'étalon Ashanti. Sur une impulsion, je me place à genoux sur chaque croupe avant de me redresser alors que l'attelage progresse au petit trot.

Durant près de dix minutes, je vais enchaîner les figures acrobatiques, sourire plaqué sur le visage. Je sens sur moi les regards mâles. Mais il n'y a que deux susceptibles de m'intéresser et ils se trouvent dans les coulisses. Dagger a rejoint celui qu'il appelle "Senpaï."

"C'est..."

"... spectaculaire ?" avance Joker.

"Elle est..."

Ah ! Nous y voilà...

"Te plairait-elle, Dagger ?..." questionné sans malice, sourire toujours affiché.

"Quoi ? N... nan !..."

Trop vif pour paraître vrai. Bien tenté, Dagger...

Joker baisse les paupières sur un sourire doublé d'un petit soupir rieur.


"Bravo !" canne placée sous le bras, applaudissant.

"Huhuhuhu !... Les compliments du chef." défaisant les brides de mes étalons.

"Un spectacle à couper le souffle."

"... à couper votre souffle."

Sa main me retient, ferme sur le poignet. "Nous... nous connaissons, n'est-ce pas ?"

Je le fixe. "Dans ce cas, pourquoi poursuivre le vouvoiement ?..."

"Je..."

Cet effet que je lui fais... corps chamboulé comme jamais.

Je me dégage pour poursuivre.

"Où ? Quand ?..."

Je laisse mon regard glisser sur lui. "Cela nous arrive parfois ; les impressions de déjà-vu."

"Ce n'est définitivement pas qu'une impression."

Je glisse sous l'encolure de Ghazli, émergeant de l'autre côté de la monture, défaisant le harnais. L'étalon frémit sur un hennissement, avant d'aller boire calmement.

Il me fixe. Ses iris bleutées cherchent, fouillent.

Je lui souris. "As-tu trouvé quelque chose, finalement ?..."

Il secoue la tête. "Je sais que je te connais."

"Eh bien, fions-nous à ton impression."

Il s'approche, posant sa prothèse sur mon poignet. "Qui es-tu ?"

Je plonge mon regard dans le sien. "Et toi ?..."

Il sourit, baissant les paupières. "Un humble saltimbanque."

Je hausse un sourcil. Fils de la prostituée Karen Tiller. Abandonné à la naissance. Mais bon sang, qu'est-ce que je peux t'aimer, foutu garçon !... J'ai plaqué pour toi mes Juges et un Shinigami plusieurs fois centenaire !... "Ton écuyère."


Je me couche, ventre remué.

Il n'en mène par large non plus, sommeil fuyant sa tente.

Ses pensées ne sont plus dirigées qu'à un seul endroit. Et son corps répond, vif.

Il rejette ses couvertures, laissant sa main valide se diriger droit vers le point de tension, s'empoignant sur le tissu, caressant là à grand bien, corps s'arquant sur des sons lourds.

La tension progresse dans tout son corps, tendant ses appuis, durcissant les muscles.

Refermé à même la chair, le poing fermé va-et-vient sans temps mort. Les sons montent, franchissant les lèvres closes.

Les jambes s'écartent par réflexe. Le lit est secoué par ce corps à bout de plaisir.

Il s'éclabousse généreusement le ventre sur un long rauque étouffé, chemise remontée, corps subissant les soubresauts d'une jouissance redoutable.


Pendant que je m'amusais avec les cœurs et les corps, aux Enfers, un invité aussi indésirable qu'indésiré fit son apparition. Asmita de la Vierge souillait de sa blondeur sacrée le décor des Enfers.

Alone eut le pinceau qui trembla, fronçant.

"Alone ?..." s'interrogea Lune.

"Encore..." levant le regard de la toile pour fixer un point invisible. "Cette aura..."

Asmita était apparu en pleine roseraie, à deux pas seulement d'Elysion. Il observait, à travers ses paupières closes, le magnifique éphèbe qui admirait le carmin des fleurs ; la possession exclusive de Minos.

A dire vrai, cet homme faisait partie des troupes ennemies.

Alone fit tomber son chevalet lorsqu'il quitta la pièce, Lune sur ses talons.

"Viens avec moi, Albafica des Poissons."

Albafica sursauta à l'appel, avisant l'homme à la longue chevelure aux fils d'or, à son armure superbe.

"Qui... êtes-vous ?..."

"Asmita. Saint de la Vierge."

"Saint de la Vierge." répéta la voix acide d'Alone.

Albafica s'agenouilla devant le maître incontesté des Enfers et de son épouse.

Asmita eut un petit sourire. "Ma foi, quel comité d'accueil..."

"Nous ne pouvons souffrir que tu te promènes ainsi à ta guise aux Enfers, Saint de la Vierge. De même que tes tentatives dérober ce qui est cher aux yeux d'un de nos Juges."

"Pourquoi n'est-il pas venu en personne me le signaler ? Et défendre ce qu'il pense lui appartenir ?"

Alone esquissa un bref sourire. "Tu as mieux que Minos devant toi, Asmita."

Lune était incapable de dévier son regard du Saint de la Vierge qu'elle trouvait magnifique, magnétique et pourtant incroyablement distant. Subjuguée, tel était le mot !...

Asmita fit face à Alone. Or vs ténèbres.

"Je compte offrir ta dépouille à ta déesse." appelant là son épée.

Lune recula d'un pas. Il était rare de voir Alone ceint d'une aussi immense colère !... A mesure que la rage enflait dans le corps de son aimé, la crainte et l'excitation gagnaient Lune. L'agitation en elle était telle qu'elle la poussa à poser les paumes de ses mains sur son bas-ventre ; corps dans un tumulte parfait.

Assurément, Asmita était dans une position délicate.

"Vois-tu, Albafica, tôt ou tard, il faut trouver sa voie et passer par la vérité qu'elle offre."

"Je vais te trancher la tête pour que ta bouche soit scellée à tout jamais." s'extasiait Alone, brandissant son arme légendaire.

Lune retint son souffle.

La lame s'arrêta nette contre le cou d'Asmita. Alone fixait Lune, témoin de son extraordinaire agitation.

L'arme hésita un court instant alors qu'Alone dévisageait Lune, lisant jusqu'au fond de son âme damnée.

"Fort bien. Il me sera agréable de te faire torturer avant, Asmita." fixant toujours Lune tout en s'adressant à Asmita.


Il était tôt, peu avant l'aube. Un poids sur mon lit. Au moment où je voulus ouvrir la bouche, une paume ferme vint me faire taire, index sur les siennes, fines.

"Shhh !..."

Le magnifique Griffon se tenait là, en surplis, ailes déployées.

"Notre Seigneur tient en sa prison un Saint dont il faut que tu voies les yeux."


Alone s'amusait avec un grain de raisin, le faisant délicatement rouler entre le pouce et l'index, regard fixé sur Lune.

"Ce Saint... te plairait-il autant que moi ?..."

"Quoi ?" effrayée autant qu'attisée. "Jamais !..."

Alone esquissa un sourire terrible. "Si je te l'offre pour une nuit seulement ?..."

"Alone !... Tu es fou !..."

"Fais-en ton jouet, Lune. Abîme-le autant que tu le voudras."

"Alone, je..."

"Je veux te voir prendre du plaisir à mesure que tu le souilleras, ma divine épouse."

Lune ferma ses poings sur la soie de sa robe. "Je..."

Alone s'approcha tout près de Lune. "Mon plaisir sera aussi grand que le tien lorsque tu le maculeras de la noirceur de notre territoire, Lune. Je veux qu'il ne soit plus que vomissures."


Un mouvement de menton suffit. Nous voici dans la geôle la mieux gardée des Enfers.

Là, une Vierge médite. Nulle chaîne à ses jambes, ni à ses poignets.

Sa pureté, même physique, me saute immédiatement au visage. J'en esquisse un sourire mauvais.

"Est-ce là ce pour quoi tu m'as fait déplacer, Minos ?"

"Il sera toujours temps pour toi de remettre tes amusements à plus tard." s'avançant.

Nous portons nos surplis.

"Voici donc... Léviathan dont on n'a cessé de me parler ?..." m'envisageant de ses yeux clos.

Je siffle. "Je ne savais pas que ma réputation passait les minces frontières du domaine saint."

"Il y a peu de raisons de t'en féliciter."

Je croise les bras tandis qu'il conserve sa position méditative.

"Tu as raison, Minos : cet homme vaut le détour."

"Sur Terre, on le dit le plus proche des dieux."

"Quel titre honorifique !..." moqueuse.

Soudain, des doigts, je monte les paupières closes qui donnent sur deux orbes magnifiques, d'un bleu azur rappelant la pureté du ciel.

Asmita défaille dans sa méditation face à l'outrage que je m'offre.

"Huhuhuhu !..." jouit Minos.

Je fixe Asmita. "Ai-je suffisamment de noirceur en moi pour que tu puisses me voir dans ta faible lumière, Asmita ?"

"Tu es..."

L'instant est intense. Nos cosmos crissent au contact rapproché, ne se supportant pas l'un l'autre. Mon sourire s'allonge pour devenir carnassier.

"Assez, Lévi."

Je m'écarte, libérant Asmita de mon emprise, baissant la tête devant la Souveraine - et non moins amie.

"Alone souhaite en faire un usage particulier. Aussi, veille à ne pas l'abîmer."

"Bien."

Alors que nous quittons la place, Lune demeure seule avec le Saint.

"Est-ce vrai ce qui se raconte ? Tu es le Saint le plus puissant du Sanctuaire ?..."

"Ma bouche n'a jamais eu l'audace de proférer de telles paroles."

"Elle devrait pourtant. Nous allons te traîner comme le dernier de nos esclaves dans le palais de mon époux. Là, je pourrai disposer de toi comme bon me semble." regard s'allumant à l'envi.

"Malgré votre pouvoir, vous ne pourrez jamais obtenir de moi ce qui est contraire à mes convictions."

"Ta recherche de vérité, Asmita. Ton errance au sein même des Enfers. J'ai entendu ton appel, tout comme Léviathan a perçu ton aveuglement volontaire."

Le Saint frémit.

"Je te forcerai à faire le contraire de ton souhait. J'irai à l'encontre de chacun de tes vœux. Et ce, pour le plus grand plaisir de mon époux. Tu ne dois ton salut qu'à sa recherche d'amusement, Saint d'Athéna. Ne te fourvoie pas. Mon époux est un esthète ; tout lui est beau, notamment ta souillure."

Un petit rire secoua les épaules saintes : "Un esthète, dites-vous ?..." fixant Lune derrière ses paupières closes, effaçant tout sourire. "Il porte la mort au bout de ses pinceaux."

Lune grimaça puis s'avança de deux pas pour le frapper en plein visage.


Étant donné qu'aux Enfers, le couple royal semble se débrouiller très bien sans moi, me voici de retour à l'époque victorienne.

Le cirque ambulant bouge beaucoup. Chaque nouvelle ville que nous traversons vaut un cortège visant à appâter les spectateurs. Il caracole toujours en tête de cortège, écartant les bras sur une invitation muette, sourire affiché, tandis que Dagger salue joyeusement la foule de ses bras levés qui s'agitent en rythme.

Je me contente d'être assise à l'envers sur un des étalons, dos contre celui de mon père.


Je félicite l'attitude exemplaire des étalons durant le défilé, distribuant câlins et friandises.

"J'ai également été sage durant le cortège..." m'interpelle la voix de Dagger.

"Uh ? Donc tu réclames aussi un câlin et une friandise ?" sans me retourner, caressant la belle tête d'Ashanti.

"Je l'aurai mérité, non ?"

Je me retourne, souriante, m'approchant pour me tenir face à lui, tandis que son bras demeure appuyé sur la barrière.

"Il y a quelqu'un à qui cela ne plairait guère."

"Qui ? Beast ?" affichant un sourire, cœur en peine. "Elle ne me voit pas. J'ai beau tout faire, elle ne me voit pas puisqu'elle en voit un autre."

"Un autre qui semble s'en contrebalancer comme de sa première balle de jonglage !..." riant.

Dagger pouffe de rire. "T'es marrante !... J'aime bien." se permettant de toucher une de mes mèches de cheveux.

Dis donc, c'est qu'il me ferait presque les yeux doux !... en tout cas, il est adorable, espiègle et joli garçon, lui aussi. Comme Joker, il possède cet accent anglais des bas-fonds ; cet argot nommé cockney accent, propre à la classe ouvrière des quartier Est de Londres. C'est tout ce qui semble leur rester de leur condition passée. Ça et les souvenirs tenaces comme l'était la boue des rues.


"En piste, Dagger." appelle la voix rieuse de Joker.

"J'arrive, Senpaï !..." courant tout en nouant sa chemise.

"Où as-tu encore trainé ?"

"Je jouais aux cartes avec Peter !..." en passant devant le leader, plaçant son chapeau à la hâte.

Il entre en pleine lumière, saluant la foule, adressant des clins d'œil enjôleurs.

Face à la cible, Dagger ne manque jamais. Il connaît ses couteaux comme sa poche. Son numéro, un grand classique, remporte toujours un vif succès.

Avec les filles, Dagger charme et flirte. Ses tentatives désespérées auprès de Beast amusent beaucoup son entourage. Il est grandiloquent avec elle, se déclarant sans cesse et ce à haute voix. Elle ne le voit jamais ; comme s'il était transparent.

Je me juche sur Ashanti, récupérant les rênes, sous l'œil averti de Joker. Il m'aide d'ailleurs dans ma tâche et nos mains s'effleurent un instant bien qu'il porte un gant blanc en fin tissu. Nous nous sourions.

"Épate-les."

"Compte sur moi."

Il caresse brièvement l'encolure d'Alshaar et s'écarte, ouvrant le bras pour me céder le passage.


Nous nous retrouvons tous dans la tente qui sert de réfectoire.

Joker nous félicite, faisant le service en remplissant nos verres à ras bord.

L'ambiance est joyeuse.

Les blagues vont bon train, parfois scabreuses. Je suis étonnée de voir Joker y rire franchement.

Dagger se lève pour trinquer avec Beast, essuyant un nouveau désintérêt. La belle regarde son rouquin qui plaisante avec Peter.

La situation me rappelle la période à laquelle je filais le parfait amour avec un certain Capitaine pirate... ses hommes étaient souvent très imbibés et du réfectoire s'élevaient des chansons paillardes à la gloire du vaisseau et des exploits du Capitaine.

"C'était le bon temps..." nostalgique, caressant le verre du bout des doigts.

"Tu dis ?"

"Rien, rien." souriant à Joker.


Le leader sort de sa tente, s'étirant avant de placer sa canne sous le bras et prendre le chemin des douches de fortune installées derrière le campement. C'est là qu'il manque de me percuter.

"Oooh !" aussi surpris que moi. "Désolé."

"La place est libre." avec un clin d'œil.

"Hmm... je cherchais quelqu'un qui me frotterait le dos."

"J'appelle Jumbo ?" taquine.

"Haha ! Non, je n'ai pas dit que je cherchais quelqu'un qui m'arracherait la peau du dos avec quelques côtes en prime !..." avec de grands gestes.

"Ce sera répété et amplifié, je te préviens." index levé.

"Hey !..." riant. "Ce n'est pas comme si j'avais dit que je souhaitais être chevauché comme l'un de tes étalons !..."

Ouh, ne me mène pas sur ce terrain-là, rouquin !...

"Houmpf ! Ça aurait au moins été honnête !..." croisant les bras.

"Ah oui ? Eh bien pour la poésie, tu te poses là, Princesse !..." amusé.

"La poésie, je l'apprécie lorsque mes autres appétits sont satisfaits, figure-toi."

"Mais quelle sauvageonne !..." m'attirant contre un pan de bois, à l'abri des regards, joignant sa bouche à la mienne sans attendre, dans un baiser chaud.

Ah !... il était temps que tu te décides, garnement !...