Bonjour,

J'avoue mon crime, j'ai beaucoup trop aimé X-Men : First Class pour mon bien-être. Ce qui suit prend plus ou moins pour point d'ancrage les évènements du film - en fait, le film est un prétexte pour avoir écrit ceci. Quelques chapitres suivront, je ne sais pas encore combien, cela dépendra de Charles et d'Erik. C'est qu'ils savent se montrer têtus.

Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas, pas plus que le film sur lequel repose les lignes suivantes.

Bonne lecture,

Adamantys.


Il l'avait suivi. Envers et contre tout, contre son aversion pour les combats, la violence, il s'était élancé derrière lui et n'avait pas cherché à l'empêcher de continuer, de parcourir tous les couloirs inutiles de cette demeure perdue au milieu de la campagne au contraire, il l'avait accompagné sans même essayer de pénétrer son esprit pour tenter de le calmer. De le contraindre. Erik savait que Charles avait ce pouvoir, mais comme la première fois, où il lui avait conseillé de rester en lui affirmant qu'il pouvait l'y contraindre, mais qu'il ne le ferait pas, il n'avait rien tenté pour l'arrêter. Il l'avait accompagné, épaulé. Il ne l'avait pas arrêté.

Cette présence à ses côtés lui donna une force qu'il qualifia sur le coup de formidable. L'évidence s'imposa à lui : si Charles était à ses côtés, il pouvait soulever des montagnes. Et cette évidence le pétrifiait.

Charles avait dû le sentir, mais si c'était le cas, il eu la délicatesse de ne rien en dire, de ne rien laisser paraître non plus. Concentré sur ses pas, sur son avance rapide, cherchant mentalement, le plus discrètement possible, où se trouvait le général russe. Sans rien trahir. Erik s'exhorta de l'imiter, et le seul souvenir de Shaw rappela à lui toute sa haine, toute sa hargne et toutes ces années à courir derrière l'homme qui avait détruit sa vie pour en faire une machine de guerre. Plus rien ne comptait d'autre que son morbide objectif, sinon la présence de Charles comme un repère désormais stable dans sa vie.

« C'était… démentiel. »

Un mot aussi peu emprunté dans la bouche de Charles fit sourire Erik, qui maudit après-coup la capacité de son ami à percevoir l'infime changement dans un esprit, même celui commandant le sourire en coin. Charles l'observa pendant quelques secondes, incrédule, et Erik préféra détourner son intention en lui proposant une partie d'échecs. Juste pour se changer les idées l'espace d'une heure ou deux, se justifia-t-il rapidement avec désinvolture. Charles accepta il acceptait toujours un défi aux échecs, surtout si son adversaire était quelqu'un d'aussi doué qu'Erik, lui avait-il appris après leur quatrième dispute consécutive.

Charles prit les blancs, Erik les noirs il était désormais inutile pour eux de se concerter. Leur partie débuta dans un silence complet, mais en étudiant à la dérobée le visage concentré de son ami alors qu'il fixait le plateau de jeu, Erik devina qu'il n'était pas entièrement consacré à leur partie. Ce qu'il avait vu dans l'esprit d'Emma Frost devait continuer de le hanter, interminablement et Erik ne lui avait pas encore donné l'occasion de lui en faire part. Charles n'avait pas cherché non plus à le lui dire, se contentant d'y repenser sans cesse en lâchant des commentaires pour lui-même plus que pour lui. Sauf ce soir. Ce soir, il avait sûrement eu envie de le lui dire mais Erik avait sourit en l'entendant parler comme tout le monde, et avait préféré détourner le reste vers une partie d'échecs. Pourquoi ne pas lui avoir dit la raison de son sourire ? Alors qu'il contemplait, franchement cette fois-ci, le visage toujours tendu au regard perdu de son ami, Erik n'arrivait pas à se l'expliquer. Comme il n'arrivait pas à s'expliquer l'attachement qui le retenait au Manoir, alors qu'il avait milles raisons de partir continuer seul sa quête, à commencer par le fait que Charles lui-même lui ait dit que lorsqu'il trouverait l'équilibre parfait entre la rage et la sérénité, il serait l'un des mutants les plus puissants n'ayant encore jamais existé. Plus puissant, même, que lui, pourtant télépathe d'une rare acuité.

« Qu'est-ce que tu as vu ? »

La question fut tranchante dans cette atmosphère où Charles s'était involontairement isolé, bien que ce ne fut pas de la volonté d'Erik. Cela eut au moins l'effet de faire sortir son ami de sa transe. Charles fit rencontrer son regard avec celui d'Erik, et ne prononça pas un mot instinctivement, Erik soutint le regard de son ami tout en préparant son esprit à une probable intrusion. Qui ne vint jamais. Charles avait toujours mis un point d'honneur à ne jamais lire ses pensées lorsqu'ils disputaient une partie d'échecs et, au-delà à vrai dire, à ne le faire que dans les occasions qui le justifiaient. Sauf que ce regard grave qu'il plongeait dans ses prunelles en cet instant avait toujours signifié une chose : qu'il se faisait violence pour accepter par lui-même de pénétrer un autre esprit. Erik l'avait appris dans les débuts de leur relation, après lui avoir demandé pourquoi il n'utilisait jamais son pouvoir pour défendre la cause des mutants dès qu'il en avait l'occasion.

« Parce que lire les pensées des autres revient à violer leur intimité. Il n'existe au monde pas plus personnel que son esprit, et avoir la possibilité, à tout instant, de leur enlever leur dernier refuge stable, revient à leur faire perdre leur individualité. Ce qui fait qu'ils sont différents des autres. A les réduire. »

Si Erik avait compris les grandes lignes de la pensée de Charles, il était incapable de comprendre le mal-être, parfois même le dégoût que son ami éprouvait de lui-même lorsqu'il était trop fatigué pour brider son pouvoir.

« Ils veulent déclencher la Troisième Guerre mondiale pour ne laisser survivre que les mutants. »

Cette seule explication suffisait à faire comprendre à Erik le poids que portait Charles sur ses épaules depuis qu'il avait pénétré l'esprit d'Emma Frost. Même s'il n'était pas loin de désirer, à l'instar de Shaw, la disparition du genre humain, cette racaille qui refusait de les connaître, de les accepter, il n'en demeurait pas moins que tout cela avait des allures de fin du monde, et que, dans l'idéal de Charles, qui aimait tout et tout le monde, c'était inconcevable. Inhumain.

Mais nous somme des bêtes, à leurs yeux, alors pourquoi ne pas agir de la sorte ?

Charles ne répondit pas, parce qu'il ne savait pas. Il ne savait pas ce qu'avait pensé Erik, parce qu'il ne lisait pas ses pensées. Il s'était levé, avait enfoncé ses mains dans ses poches, et regardait désormais par la fenêtre le parc sombre de sa propriété, tournant le dos à son ami, qui rabaissa son regard sur leur partie à peine entamée. Bougeant ses pions, il fit échec à ceux de Charles, et se renfonça dans son fauteuil. Son ami n'avait pas bougé de sa position.

« Il faudra sans cesse nous cacher. »

« Sans doute, mais si c'est le prix à payer pour éviter des morts inutiles… »

« Tu es un éternel utopiste. »

« Et toi, un pessimiste qui ne croit plus en rien. »

Ils s'observèrent en chiens de faïence, l'un debout près de la fenêtre, l'autre assis dans son fauteuil. Face à face, un seul plateau d'échecs entre eux.

« Pourquoi ne veux-tu plus croire, Erik ? »

Il ne chercha pas à connaître sa réponse avant que le concerné ne la délivre. Toujours ce respect de l'autre. Même de l'ennemi. En cet instant, alors qu'il ancrait son regard dans le sien, Erik éprouva une foudroyante envie de l'attraper par le col et de le secouer. Pour le réveiller, pour lui ouvrir les yeux. Son respect ne le mènera à rien d'autre qu'à la perte. Les humains les chassaient de leurs vies à coup de déni, d'insultes et bientôt, ils pointeraient leurs armes sur eux.

Comme les nazis avaient rejeté ceux qui étaient différents d'eux. Comme ils les avaient massacrés.

« Parce qu'on ne m'a donné aucune raison d'avoir foi en quoique ce soit. »

Charles conserva le silence, mais son regard était éloquent. Alors quoi ? Il le savait, il le lui avait dit, il avait vu ce qu'il avait enduré, du temps où Shaw était médecin au service des nazis, il n'était certainement pas sans savoir qu'on l'avait privé de sa mère parce qu'il était un mutant, justement. Même si c'était pour qu'il prouve son pouvoir. Pourquoi conservait-il cette foi insensée, malgré tout ce qu'il avait vu, tout ce qu'il avait entendu ?

D'où tirait-il cette force ?

« Même moi ? »

Erik se raidit. Lui. La question dont il n'avait toujours pas la réponse.

« Je vais me coucher », annonça-t-il en se levant.

Et Charles ne le retint pas.