« Ronon ! Réponds ! »
Le Runner ne répondit pas. Même s'il l'avait voulu, il n'aurait pas pu : il se démenait comme un beau diable pour ne pas succomber sous la puissance ennemie. Teyla protégeait Rodney du mieux qu'elle pouvait, tentant de le ramener vers l'abri que formait la forêt.
Alors que la bagarre semblait perdue pour les Atlantes, la situation se rééquilibra. Ils reçurent un renfort inattendu. Deux tornades brunes se jetèrent, l'une sur les adversaires de John, l'autre sur ceux de Ronon, pendant qu'un grand gaillard à la mine patibulaire faisait signe à Teyla de se taire.
Quelques minutes plus tard, tout était fini : John et Ronon reprenaient difficilement leur souffle, tandis que Teyla et Rodney étaient à l'abri à l'orée de la forêt.
« Qui que vous soyez…Merci » articula avec peine le colonel Sheppard.
« Pas de quoi. » répondit une voix féminine.
Les deux alliés inespérées étaient des femmes.
Ronon se redressa et les vit : plutôt petites, de la taille de Teyla, elles avaient la même silhouette que la jeune athosienne – de véritables guerrières, pensa le Runner – et elles étaient en train de vérifier que leurs ennemis communs étaient hors d'état de nuire.
Ils se regroupèrent tous les quatres.
« Teyla et Rodney, ils sont où ? »
« John retourne toi » souffla la voix de Teyla dans son oreillette.
Il obtempéra et la vit, aux côtés de Rodney. Un grand gaillard, près d'eux scrutait d'un air inquiet les environs.
« Vous feriez mieux de partir…Les renforts vont arriver. »
« Des renforts… ? »
« Ouaip. »
Comme un écho aux paroles de la jeune femme, on entendit des hurlements.
« Wow, vaut mieux pas traîner ici. »
Tous prirent la fuite. Les deux inconnues ouvraient la marche.
Après quelques instants, Ronon remarqua qu'elles allaient droit vers le Jumper.
Ils y arrivèrent en effet moins de trente secondes plus tard.
Rodney se précipita dans le poste de pilotage, tandis que les trois inconnus regardaient les Atlantes embarquer.
« John ! On va pas les laisser là ? » s'insurgea Teyla.
« Hey ! On sait pas qui ils sont… »
« Ouais, mais on peut toujours les sortir de ce pétrin et les déposer ailleurs. Après tout, ils nous ont aidé… »
Ronon venait de sortir sa plus longue phrases depuis au moins deux semaines.
Rodney regarda John et haussa les épaules, de son air « c'est toi qui décide ».
« Ronon ! Magne toi de les faire embarquer… »
Trente secondes plus tard, tous étaient en sécurité à bord du Jumper occulté. Teyla sortit la trousse d'urgence : l'inconnu avait été touché par une balle.
« Rien de grave, mais faudra montrer ça au doc » grogna Ronon.
L'autre releva la tête. Un instant, Teyla fut frappée par la similitude de leurs attitudes, de leurs regards.
Se pourrait-il qu'ils soient tous des Runners ?
A ce moment-là, John appelait Atlantis.
« Elizabeth, nous avons avec nous trois personnes qui nous ont aidé à nous sortir du pétrin…Permission de rentrer ? »
« Ok, mais restez sur vos gardes. »
« A tout de suite. »
Il ouvrit la porte de communication pour expliquer la situation.
« Ca va derrière ? »
« Oui. » répondit Teyla. Elle allait désinfecter un peu la blessure de l'homme, mais l'une des deux femmes se leva et lui prit doucement son matériel des mains.
« Je vais le faire… » proposa-t-elle.
C'est en la voyant que Teyla prit conscience que quelque chose unissait le couple, bien plus que la fraternité.
« Vous nous suivez ? » fit John au trio. Ils acquiescèrent, et leur emboîtèrent le pas, direction la salle de réunion.
Attendant d'être invité à parler, ils restèrent debout.
A les voir comme ça, debouts, tranquilles, les armes au harnais et les mains dans les poches, Elizabeth comprit qu'elle n'avait nul besoin de les faire encadrer d'hommes armés. Elle appela Carson et fit entrer son petit monde, après avoir fait signe aux gardes qu'ils pouvaient disposer.
« Bonjour. Je suis le Docteur Elizabeth Weir. Je dirige cette cité. Nous avons ici le colonel John Sheppard, Teyla Emmagan, Ronon Dex, et enfin Rodney Mc Kay. »
Elle présenta tout le monde, espérant que les nouveaux venus en feraient de même.
« Stella Tagan, Ma sœur Helya, et son mari Kaylan. »
« Bien. Je vous remercie. Il manque notre médecin chef, qui va arriver pour vous examiner » fit-elle à l'attention de Kaylan.
« Pas la peine. » grommela celui-ci.
« Si, si j'y tiens. Après tout, si vous avez été blessé, c'est à cause de mes hommes… »
Helya eut un petit sourire.
« En fait, Dr Weir, monsieur est très douillet… »
Une dispute entre le jeune couple s'ensuivit, interrompu par Ronon.
« Comment vous faites pour les supporter ? »
« Je peux pas… Quand ils sont comme ça, je vais dormir plus loin… »
Ronon sourit à la jeune femme : lui non plus n'aimait pas les gens trop bruyants. Et il se doutait que la cohabitation dans leur cavale – puisqu'il ne faisait aucun doute qu'ils étaient en cavale- ne devait pas être facile.
Bon sang ! Je pourrais pas supporter de tenir la chandelle se disaient Rodney et John. Quand à Teyla, elle observait son ami le Runner. Elle sentait qu'il était intrigué par cette nouvelle venue.
Stella leur fit soudain signe de se boucher les oreilles. Elle siffla d'une façon si perçante que le jeune couple ne put faire autrement que de se taire.
« Stel' j'ai horreur quand tu fais ça. ! » protesta Helya les mains sur les oreilles.
Elle ne put aller plus loin dans ses reproches, car Carson arrivait, et il entraîna quelques secondes plus tard Kaylan à l'infirmerie. Voir l'écossais mener à la baguette ce grand baraqué était quelque chose d'assez marrant, et tous eurent un sourire amusé.
Après quelques instants de conversation, il apparut que les trois jeunes gens étaient à la recherche d'un groupe de Geniis, qui avaient massacré le reste de leur famille.
« Vous les avez trouvé ? »
« Oui. C'est ceux qui vous ont attaqué. » répondit laconiquement Stella. Quant à Helya, elle jetait de fréquents regards vers la porte, désespérant probablement de pouvoir rejoindre son mari.
Elizabeth finit par surprendre ces regards et les congédia, avec pour mission de faire visiter la base à leurs invités.
« Vous voulez rester quelques jours ? Maintenant que votre but est atteint… » proposa Liz.
Les deux femmes se regardèrent et haussèrent les épaules.
« Pourquoi pas ? » Elles étaient habituées à ce genre de vie. Trois jours à gauche, deux nuits à droite. Pendant trois ans elles n'avaient eu de cesse de retrouver ceux qui avaient fait d'elles des orphelines. Maintenant elles pouvaient se permettre de prendre du repos.
John escorta Rodney à l'infirmerie – le canadien étaient encore en train de faire le grand blessé -, Teyla les suivit, accompagnée d'Helya. Elizabeth se leva et s'excusa. Elle revint cinq minutes après, demandant à Ronon d'escorter Stella là jusqu'aux quartiers B32. Elle repartit aussitôt dans son bureau.
« On y va ? » grommela le Runner.
« Je vous suis »
Les deux groupes au complet – moins Ronon et Stella – se retrouvèrent à l'infirmerie.
L'ambiance entre eux était cordiale et les Atlantes espéraient secrètement qu'ils viendraient grossir leurs rangs.
Quelques heures plus tard, c'est au grand complet cette fois qu'ils se retrouvèrent au mess. Le dîner fut convivial, et Helya et Kaylan s'excusèrent bientôt pour aller se reposer dans les quartiers que Liz leur avait affecté – elle avait pensé que pour une fois Stella apprécierait de profiter d'un peu de tranquillité, aussi l'avait-elle mis dans la même zone que Ronon, un peu à l'écart . Le Runner avait demandé à déménager quelques semaines plus tôt, car il y avait encore dans la base des gens qui le regardaient de travers quand il entrait ou sortait de chez lui.
« Ronon, tu n'es pas contre un peu de compagnie ? » demanda Liz.
Saisissant trop tard le double sens de ses paroles, elles plongea le nez dans son dessert.
« De compagnie, comment ça ? » fit Rodney, intéressé.
« Figurez-vous que mademoiselle et Monsieur sont tous les deux dans le coin le plus tranquille de la cité… » fit John, railleur.
Stella, tranquille, écoutait. Helya, près d'elle souriait. Elle avait bien remarqué que le grand guerrier avait tapé dans l'œil de sa sœur, même si cela était invisible aux yeux des autres. Elle savait aussi que Stella n'était pas aussi solide qu'elle voulait le faire croire, et ne se livrait pas facilement.
Comme plus tôt dans l'après-midi, Ronon et Stella se retrouvèrent seuls, avant qu'il ne la raccompagne vers ses quartiers.
Quelques heures plus tard, un léger frottement trahit la sortie de Stella. Elle alla se réfugier, les larmes aux yeux, sur un balcon qu'elle avait repéré un peu plus tôt. Là, avec pour seuls témoins la mer et le vent, elle se laissa aller.
« Papa, Maman, Keyran, vous êtes vengés. »
Elle pleura longtemps.
Ronon ouvrit les yeux. Encore un cauchemar. Ils étaient rares désormais, grâce aux bons soins de Carson et à la vie régulière qu'il lui avait permis d'avoir, mais parfois, ils ressurgissaient. Il se leva, et torse nu, ombre familière des nuits de la cité, se dirigea vers le balcon, là où il avait parlé pour la première fois avec Teyla.
Il était presque arrivé quand il tendit l'oreille. Des pleurs.
Quand il vit la silhouette, il crut un instant que c'était Teyla. En s'approchant, il comprit sa méprise. L'athosienne ayant prêté des vêtements aux deux jeunes femmes, Stella était vêtue d'un pantalon ample et léger et d'un haut lacé, comme en portait souvent Teyla.
Il s'approcha et, sans un mot, s'assit à côté d'elle. Elle pleurait effectivement, mais il ne voulait pas la forcer à parler. Alors, il la réconforta de son mieux, la laissant pleurer de tout son saoul dans ses bras. Elle, elle s'était laissée aller, profitant du réconfort qui lui était donné, après tant d'années passées à poursuivre son unique but.
Quand elle se fut calmée, il soupira doucement.
« Merci » entendit-il.
« De rien…Dis »
« Hm ? »
« Pourquoi. ? »
Elle soupira. Après tout, pourquoi pas ? Il était à même de comprendre.
« Le fait d'avoir enfin atteint mon but a fait tomber toutes les barrières. Je n'ai plus rien … Helya a Kaylan, mais moi je vais devoir repartir… Eux vont sûrement accepter l'invitation d'Elizabeth… »
« Pourquoi tu ne restes pas… »
« Pour l'instant, je n'ai pas envie… »
Elle leva les yeux vers lui, et là, il ne résista plus. L'attirance qui les poussait l'un vers l'autre fit son effet et ils s'embrassèrent.
La raison du Runner lui criait de s'arrêter tant qu'il en était encore temps, qu'il n'avait pas le droit, mais son corps le trahit.
Il la porta jusqu'à ses quartiers, et la couvrit de caresses. D'un coup, il s'arrêta.
« Ronon ? »
« J'ai pas le droit… je suis un monstre…j'ai tellement tué…je n'ai plus droit au plaisir… »
Elle ouvrit de grands yeux, stupéfaite.
Elle se redressa et vint s'appuyer contre son torse.
« Regarde moi…Moi aussi j'ai tué, et pas des Wraiths, des humains…C'était pire encore…Deux ensemble, c'est bien non ? »
Elle se rallongea et l'attira contre lui, sans rien faire de plus. Le désir de Ronon prit vite le dessus, et ils reprirent là où ils s'étaient arrêtés.
Ce fut une nuit magnifique, pour l'un comme pour l'autre. Quand Ronon se réveilla le lendemain, il ne comprit pas pourquoi il était si heureux. Puis il repensa à la nuit qu'il venait de passer et sourit, avant de se rendre compte qu'il était seul. Il s'habilla, avant de trouver le mot, écrit sur une page arrachée d'un calepin.
Merci.
De m'avoir réconforté, de m'avoir offert tant de joie et de bonheur, même si c'était éphémère.
Une nuit sans engagements, sans arrières pensées…
Adieu
Stella
Tu n'es pas un monstre Ronon. Tu as droit au bonheur…Alors si la chance te sourit, ne la laisse pas passer…
Il laissa tomber le papier .
« Et merde ! »
Teyla, qui allait frapper, l'appela.
« Ronon ? »
« Quoi ? » répondit-il méchamment.
« Si tu veux dire au revoir à Stella c'est le moment, elle repart dans dix minutes. Helya et Ka… »
Elle ne put finir sa phrase, le runner l'avait bousculé en sortant en trombe de ses quartiers. Elle aperçut le lit complètement défait et comprit.
Dans la salle de commande, les adieux entre les deux sœurs étaient déchirants. Stella repartait, chargée de quelques équipements et d'un boîtier d'identification. Ronon déboula du téléporteur alors qu'elle allait passer. Elle se retourna et lui sourit, juste avant de disparaître dans le mur liquide du vortex. La porte se coupa, mais Ronon resta là, les yeux fixés sur la porte désormais désactivée.
Il fallut que Teyla aille le chercher pour qu'il se décide enfin à bouger.
