ne Baguette peu Ordinaire

La journée avait été très belle et particulièrement étouffante en cette toute fin de mois d'Août sur le Chemin de Traverse et la rue commençait tout juste à perdre un peu de son effervescence. En effet, le premier septembre approchant rapidement, nombre d'élèves de tous âges, accompagnés le plus souvent de leurs parents, avaient fait leurs emplettes en vue de la rentrée à Poudlard. Un jeune garçon se distinguait des autres sorciers, non pas parce qu'il était petit ou grand, gros, mince ou encore chauve mais parce qu'il portait sur l'épaule un faucon. Les hiboux, les crapauds et les chats étaient d'ordinaire les compagnons préférés des sorciers. Cet adolescent était brun, avait les cheveux courts, et un sourire séduisant. Ses yeux étaient rieurs bien qu'ils fussent gris comme l'acier et cela suscitait régulièrement quelque étonnement quand on faisait sa connaissance. Delvin Malbranche était son nom.

Les bras chargés de livres tout juste achetés chez Fleury & Bot, il descendait tranquillement cette grande allée parsemée d'innombrables magasins tous plus merveilleux les uns que les autres. Certains pourtant dégageaient des odeurs étranges, surtout ceux qui vendaient les ingrédients indispensables à la préparation des potions. Mais la magie opérait déjà, avant même de poser un chaudron sur un feu, d'ouvrir un livre ou encore de saisir sa baguette magique et de prononcer une incantation.

Dans quelques jours, Delvin commencerait sa sixième année. Trois ans auparavant, un drame épouvantable avait ébranlé le collège. La mystérieuse Chambre des Secrets avait été ouverte par le descendant de Salazar Serpentard et une jeune fille avait été retrouvée morte dans les toilettes. Mimi était certes une élève sinistre et ennuyeuse, mais elle ne méritait pas de mourir pour autant. D'ailleurs, qui le mérite à cet âge ?

C'était la première fois que Delvin s'était senti aussi mal au sein de l'école. La paranoïa régnait alors en maître et les amitiés laissaient place au doute et à la calomnie.

Heureusement, grâce à l'intervention d'un élève de cinquième année particulièrement brillant, Tom Jedusor, le coupable avait été démasqué. La nouvelle avait fait l'effet d'une véritable bombe car le responsable de cette tragédie n'était autre que Hagrid, un jeune élève qui faisait plus de deux mètres trente. Lui qui était si gentil avec tout le monde, si serviable, héritier de Serpentard ? Delvin avait eu du mal à l'admettre, surtout qu'ils s'étaient liés d'amitié depuis que Hagrid l'avait aidé à soigner son faucon.

Toujours est-il qu'il fut renvoyé et sa baguette brisée en deux. Le professeur Dumbledore cependant, qui ne semblait pas croire à sa culpabilité, s'était arrangé pour que le géant reste tout de même à l'école.

Mais cette nouvelle année se présentait sous les meilleurs auspices, Delvin allait retrouver ses amis et surtout celle qui ne quittait plus ses pensées. L'année précédente, il avait fait la rencontre de Chloëlle Durbois, une élève de cinquième année, qui avait quitté la France où elle étudiait au collège Beaux Bâtons. Elle était venue s'installer en Angleterre avec toute sa famille. Ses parents, son frère jumeau (qui s'était révélé particulièrement détestable), et une très jeune sœur. Son frère elle et avaient été admis dans la maison Serpentard. Ce qui n'était guère surprenant pour son frère l'était en revanche beaucoup plus pour Chloëlle. Elle était appréciée par un grand nombre d'élèves, toutes maisons confondues. Elle était agréable et douce avec tout le monde, et on se demandait comment elle avait pu atterrir dans la maison qui avait la réputation la plus douteuse… Ils s'étaient écrit plusieurs fois pendant l'été et les mots de sa dernière lettre ne cessaient de lui revenir en mémoire :

« Si tu savais à quel point j'ai envie de te revoir… Mais nous devrons nous faire discrets, mon frère ne t'apprécie vraiment pas et il m'a même menacée. Il attache une grande importance aux liens du sang, or ta mère n'était pas une sorcière…

Quoi qu'il en soit, je me fiche éperdument de ce que peut dire cet imbécile, et ni lui ni personne ne m'empêchera de te fréquenter si je le veux.

Je pense souvent à toi et il me tarde d'être de retour à Poudlard.

Je t'embrasse,

Chloëlle. »

C'est son faucon qui arracha Delvin à ses pensées, il lui pinçait le lobe de l'oreille.

Du calme Fulgur, répondit-il. Nous allons bientôt rentrer, il se fait tard et je ne voudrais pas rater mon train.

Il passa alors devant la boutique de baguettes magiques Ollivander. Il s'arrêta quelques instants devant la vitrine poussiéreuse. La vue de ce magasin lui remémora un souvenir qu'il n'oublierait jamais. C'était cinq ans auparavant, lorsqu'il avait franchi l'entrée de l'échoppe pour acheter sa première, et de toute évidence sa dernière, baguette.

Mr Ollivander, après avoir pris les mesures d'usage, lui avait fait essayer des dizaines de baguettes et aucune ne semblait lui convenir. L'une d'elles l'avait même fait saigner du nez.

Mr Ollivander semblait prendre cet échec comme un affront personnel.

Personne n'est jamais sorti d'ici sans avoir trouvé une baguette qui l'ait choisi. Je ne vois pas pourquoi vous feriez exception. Foi de Ollivander !

Alors qu'il s'apprêtait à sortir une énième baguette de sa boîte poussiéreuse, Mr Ollivander avait retenu son geste et avait murmuré quelque chose pour lui-même mais que Delvin avait pu entendre :

A moins que… Je me demande où elle est ? après tout, pourquoi pas ?

Après avoir cherché quelques minutes, il avait sorti du niveau du sol une petite boîte fine et longue. Elle était très abîmée.

Voudriez-vous essayer celle-ci Mr Malbranche ? 27,3 cm, bois d'If.

Mais à peine Delvin avait-il tendu le bras pour s'en saisir, que la baguette avait échappé des doigts de Mr Ollivander à la vitesse d'une flèche, pour atterrir dans sa main.

Voilà qui est plutôt inhabituel ! dit Mr Ollivander. Ceci étant, vu le nombre de baguettes qui ne vous ont pas convenu, je ne suis pas vraiment surpris de ce qui vient de se passer.

Pourquoi ? s'était étonné Delvin.

Voyez-vous Mr Malbranche, ce n'est pas moi qui ai fabriqué cette baguette, mais mon arrière arrière grand-père et si j'en crois ce qui est écrit sur la boîte, c'était en 1782. Depuis tout ce temps, elle n'a jamais trouvé acquéreur. Cette baguette recèle une grande magie, Mr Malbranche. Les sorts que vous lancerez avec elle seront plus puissants, aussi je vous demande de bien faire attention quand vous l'utiliserez. D'après ce que mon père m'a dit un jour, cette baguette est incassable et nul autre que vous ne pourra s'en servir, tout cela sans que je puisse vous dire pourquoi. J'ai connu ou fabriqué des baguettes qui avaient certaines capacités, voire même certains caprices, mais cette baguette-là est tout à fait particulière, croyez-moi !

Combien coûte-t-elle ? avait demandé Delvin.

Voyons, ça aussi c'est marqué sur la boîte. Oh ! je ne m'attendais pas à cela. 113 Gallions, 12 Mornilles et 7 Noises.

Mais Delvin n'avait jamais possédé une telle somme, son père, sans être pauvre n'était pas un homme riche. Cent treize Gallions représentaient une somme considérable. Delvin avait fouillé toutes ses poches et n'avait pu réunir que 9 Gallions et 5 Mornilles. C'était injuste. Alors qu'il venait de trouver sa baguette, il n'était pas en mesure de la payer !

Mr Ollivander avait regardé le jeune garçon avec amusement et lui avait demandé :

Est-ce que 7 Gallions vous conviendraient Mr Malbranche ?

Bien sûr ! mais pourquoi me faire une telle faveur ?

Ce n'est pas avec cette baguette que je deviendrai riche Mr Malbranche, je ne suis pas prêt à attendre cent ou deux cents ans de plus pour qu'elle choisisse un autre sorcier !

Delvin était sans voix, il était parfaitement conscient que Mr Ollivander lui faisait un cadeau.

Comment puis-je vous remercier, Mr Ollivander ?

En me promettant de ne jamais utiliser cette baguette de façon injuste ou pour faire le mal Mr Malbranche.

Je vous le promets !

Alors qu'il était sur le point de franchir le seuil de la boutique, Delvin s'était retourné et avait demandé :

Mr Ollivander ?

Oui, jeune homme ?

Pourriez-vous me dire ce que la baguette renferme ?

Pardonnez-moi, j'avais oublié. L'élément magique qu'elle renferme n'est autre qu'un poil de la barbe de Merlin !

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