Bonjour a tous! Je suis très heureuse de vous présenter mon nouveau bébé! Je travaille dessus depuis octobre dernier et, très honnêtement, j'en suis assez fière! J'espère que vous apprecierez ce plongeon dans mon univers. Ceux qui m'ont déjà lu reconnaitrons peut-être quelques éléments familiers mais les autres comprendrons sans problèmes. Enfin j'espère... J'espère que vous prendrez autant de plaisir a la lire que j'ai eu a l'écrire!

Situation chronologique : pendant la S4 mais sans spoilers majeurs

Résumé : "Austrich, Kansas. Son climat, ses paysages, ses meurtres, sa vieille sorcière. Découvrez l'Amérique Profonde comme vous auriez préféré ne jamais la voir."

Longueur : 11 chapitres + épiloque

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La vieille dame au cœur de pierre

1

Trous noirs et cheeseburgers

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L'agent Nash s'enfonce un peu plus profondément dans le canapé. L'envie de grignoter les biscuits salés de la veillée funèbre est définitivement passée quand Mr. Jackson a commencé à pleurer. Parce qu'avant de pleurer, il a raconté une fois de plus ce qu'il a vu il y a trois jours de ça. Il a décrit à nouveau l'état dans lequel il a retrouvé son petit garçon, comme si ces connards de flics n'avaient pas pris assez de photos.

Maintenant il doit le redire encore, chaque détails du cadavre, chacune des horreurs qu'il aurait pu remarquer en plus du corps mutilé d'un gosse de huit ans. Son gosse de huit ans. Ces deux guignols ont frappé à sa porte et demandé, encore, les détails de ce matin là et Mr. Jackson a répété, encore, les détails de ce matin là.

Maintenant les agents Nash et Simpson sont assis sur le canapé, livides. Simpson entortille ses grands doigts les uns avec les autres et évite le regard du père accablé. Ils ne disent pas de banalités du genre Je suis profondément désolé ou Je vous promets qu'on attrapera le salaud qui a fait ça comme ont dit les autres flics. Eux sont silencieux. Ils ne disent rien et Mr. Jackson est reconnaissant pour ça. Il n'a pas besoin que quelqu'un d'autre soit désolé, il l'est assez lui-même. Il ne veut pas de leur pitié, ni de leur mensonges. Il veut juste Warren. Il veut juste qu'on lui rende son petit Warren.

Il veut juste mourir lui aussi.

« Merci de votre temps, Mr. Jackson. On va vous laisser maintenant, je suis sûr que vous avez mieux à faire. Nous avons tout ce qu'il nous faut, on ne vous dérangera pas plus. » Dit le plus grand, Simpson, en se levant de toute sa hauteur.

L'autre l'imite quelques secondes plus tard et envoi un dernier regard compatissant à Mr. Jackson avant de tourner les talons. Ils abandonnent le père à son chagrin dans sa grande maison silencieuse, et repartent vers leur berline de location.

***

« Hey ! » interpelle une petite voix avant que Nash n'ouvre sa portière.

Les deux agents se retournent vers une femme d'une cinquantaine d'années qui les observe depuis le jardin d'à côté, à demi cachée derrière un arbre.

« Madame ? » Répond nonchalamment Nash en inclinant la tête.

« On peut vous aider ? » Demande Simpson.

La femme se mord les lèvres en regardant vers la maison des Jackson. Elle quitte sa planque derrière l'arbre et s'approche de la petite clôture qui sépare les deux jardins.

« Vous êtes des fédéraux ? » Interroge-t-elle en toisant les deux hommes de haut en bas.

Nash sourit, Simpson se racle la gorge.

« Oui, m'dame. »

Elle regarde à nouveau la maison de son voisin comme si elle redoutait quelque chose.

« C'est horrible ce qui est arrivé au petit Jackson. »

Les agents hochent la tête.

« La police vous a surement déjà interrogée madame, nous ne voudrions pas vous faire perdre votre temps. A moins bien sur que vous ayez quelque chose à ajouter à votre déposition. » Tente Simpson.

Le ton de sa voix et la douceur de son visage sonnent comme une invitation que la femme saisit.

« Je m'appelle Sue-Ann Baker, j'habite juste à côté des Jackson depuis 11 ans. » Elle secoue la tête en regardant ses chaussures « Quand je pense que Renée est morte… et maintenant Warren… mon dieu… pauvre Georges. Il ne lui reste plus personne. »

« Renée ? Vous parlez de la femme de Georges Jackson, la mère de Warren ? »

« Oui. Une tumeur au cerveau, il y a deux ans. Vous vous rendez compte ? D'un côté ça me réjouit de savoir qu'elle est partie avant de voir ce qui est arrivé à son petit garçon. »

« On peut voir les choses comme ça. » Répond l'agent Nash.

Il récolte pour cela un regard noir de son coéquipier qui reprend son air concerné dès qu'il se retourne vers Sue-Ann.

« Madame Baker, auriez vous des informations supplémentaires a ajouter à votre déposition ? » Demande Simpson.

Elle soupire. « C'est possible. »

Nash pose ses mains sur le capot de la berline, soudainement très intéressé par ce que la voisine pourrait avoir à dire. Son coéquipier à l'air tout aussi intrigué mais son visage reflète plus de compassion que de curiosité. C'est pourquoi c'est à lui que s'adresse Sue-Ann Baker quand elle répond.

« J'ai pas vraiment pensé à le dire la première fois… J'veux dire… j'étais sous le choc vous savez. C'est vraiment horrible un meurtre pareil… Mais euh… enfin… je ne suis pas sûre mais… »

« Madame Baker ? » invite doucement Simpson.

« Oui. Et bien, il y a cette femme… »

« Quelle femme ? »

La voisine se gratte la tête et oscille d'un pied sur l'autre comme un enfant qui aurait peur d'avouer une bêtise.

« Elle s'appelle Eleanor Parker mais ici tout le monde l'appelle 'la sorcière'. » Sue-Ann ne remarque pas l'étrange regard que s'échangent les deux agents et poursuit son récit. « Elle et Georges, enfin… Mr. Jackson, se sont disputés au supermarché la semaine avant le meurtre. »

« Disputés à quel sujet ? » Demande Nash.

« Un truc stupide, du genre qui aurait la dernière boîte de crackers. Mais la sor- euh… Mme Parker, est une femme qu'on remarque. On l'entend surtout. J'étais au supermarché, elle a hurlé après Mr. Jackson. Elle lui a dit que le diable viendrait le punir. »

A nouveau Nash et Simpson s'échangent un regard par-dessus le toit de la voiture. Quand il se retourne vers elle, le plus grand n'a plus l'air compatissant mais agacé.

« Vous pensez que cette femme aurait pu tuer le fils de Mr. Jackson à cause d'une boite de crackers ? » Demande Nash en arquant un sourcil.

La femme hausse les épaules. « Eleanor Parker, n'a pas vraiment bonne réputation par chez nous, vous savez. Il y a beaucoup de rumeurs à son sujet. Je ne sais pas ce qui est vrai et faux, mais disons que ça ne me surprendrai pas d'apprendre qu'elle est impliqué dans ce genre de choses. »

« Merci Madame, nous reviendrons vers vous si nous avons d'autres questions. Simpson, en voiture. » Intervient finalement Nash.

L'autre acquiesce et remercie Sue-Ann Baker pour son aide précieuse. La voiture quitte le trottoir devant la maison des Jackson et Sue-Ann aurait pu jurer avoir entendu AC/DC rugir sitôt le moteur lancé.

***

« Coïncidence ? » Demande ironiquement Sam en feuilletant distraitement un dossier ouvert sur ses genoux.

Dean pouffe en haussant les épaules. « Ca ou des petits lutins. »

« Cinq familles sur douze qui mentionnent la même sorcière… J'y crois pas. Depuis quand est ce que ce sont les victimes qui pointe du doigt le monstre en disant 'c'est lui' ? »

« C'est pas plus mal, on va perdre carrément moins de temps a faire des recherches à la con. »

« Arrête de rêver. On va devoir enquêter sur cette femme. On va pas la bruler juste parce que des pecnos dans un bled pourri pensent qu'elle chevauche un balai les soirs de pleine lune. »

« Sammy, Sammy, tu t'arrêtes toujours sur des détails. »

Sam ne répond pas, il est de nouveau plongé dans le dossier de l'assassinat du petit Jackson. Sa lampe torche parcours les détails les plus répugnants de la mise à mort et il se demande si l'envie de vomir provient du texte ou du simple fait de lire en voiture.

« En tout cas, ça ressemble au modus operandi d'une sorcière. » dit-il doucement. « Je veux dire, c'est le genre de truc qu'elles peuvent faire avec un hex bag. »

« Mais pourquoi s'en prendre à Warren et pas au père directement si elle en avait après lui ? »

« Peut-être pour qu'il souffre encore plus… »

Dean détache les yeux de la route et pose un regard aux sourcils dubitatifs sur son petit frère.

« Quoi ? » s'étonne Sammy.

« Pour une boîte de crackers ? Une sorcière convoque un démon, lui vend son âme, pratique un rituel à base sang et d'autres trucs dégueus, tout ça pour tuer le gosse du mec qui a acheté le dernier paquet de chips ? »

Sam soupire et hausse les épaules. « Ce serait pas le premier truc tordu qu'on apprend à propos des sorcières. »

Les doigts de Dean se resserrent autour du volant. « Cette pute est morte. »

« Dean, on n'est pas encore certains que- »

Dean lève les yeux au ciel et coupe la parole de son cadet « Rectification : si c'est elle, cette pute est morte. Si c'est pas elle, la saloperie responsable est doublement morte. »

« Doublement ? » Demande Sam amusé.

Il n'est pas vraiment amusé en réalité. C'est une stratégie. C'est son boulot de petit frère que de sentir quand quelque chose touche son aîné sur une corde sensible et c'est son boulot de détourner l'attention, de changer discrètement de sujet.

Les chasses qui impliquent des enfants ont toujours rendu Dean malade. Vraiment malade. Ce sont les seules affaires où Sam à pu voir son imperturbable chasseur de grand frère hésiter, flancher, pleurer même. Les enfants sont définitivement le point faible de son aîné et sa détermination à attraper les créatures responsables de leurs morts semble sans limite.

Ils travaillent aujourd'hui sur l'un de ces cas et le cadet sait depuis le départ qu'il doit garder un œil sur son aîné plus vigilant que d'habitude. Douze familles, douze cadavres, douze enfants retrouvés en miette dans leur chambre, douze excellentes raisons pour que Dean pète les plombs.

Alors Sam allège cette conversation parce que c'est ce qu'on attend de lui en tant que petit frère. Et bien sur, parce que c'est ce qu'on attend de lui en tant que grand frère, Dean saisit la perche.

« Je la ranime et je la retue, ce ne serait pas la première fois. »

« T'as déjà ranimé des machins pour les retuer ? »

« Tu te rappelle du Lazarus à Hadest ? Je l'ai zigouillé sept fois. »

Sam éclate de rire. « C'est le principe d'un Lazarus, Dean, il revient à la vie si tu ne le crames pas. »

« N'empêche, sept fois. »

Pendant quelques secondes il n'y a rien d'autre que les hurlements d'Ozzy Osbourne sur Crazy Train dans la voiture et Sam est plutôt content de lui. Dean n'a plus l'air enragé. Il repense au Lazarus et il sourit. Bon, certes, dans une famille normale il faudrait s'inquiéter que quelqu'un trouve du plaisir à se souvenir de la mise à mort d'une créature de cauchemar, mais dans la famille Winchester, ça montre que vous êtes toujours debout. Parce que si vous êtes encore là pour en rire, c'est que c'est l'autre qui a cramé. Sam est satisfait d'avoir pu officier son rôle de petit frère avec succès.

« En attendant, j'irais bien me faire un double Cheeseburger, qu'est ce que t'en dis ? » Ajoute soudainement Dean en désignant du doigt l'enseigne lumineuse d'un fast food.

Sam grimace « Après avoir lu ce rapport, il va me falloir au moins une semaine avant d'arriver à manger. »

« T'es vraiment une fille. »

Il n'y a pas la conviction habituelle de Dean quand il traite son frère de Samantha, pas la fanfaronnade que Sam se surprend a apprécier bien qu'elle soit toujours destinée à le ridiculiser. Le ton de Dean est terne. Il repense certainement aux photos et aux descriptions du légiste.

Les premiers dossiers ont plus de quarante ans et vu la pauvreté du matériel photographique de l'époque, les médecins se sont lâchés sur les détails gores des séances de torture antémortem.

Parce que les gosses ont bien eu le temps de voir la mort arriver. Des heures et des heures de coups et de coupures avant que le cauchemar ne se termine et tout ça, parfaitement détaillé dans les neuf dossiers sur douze qu'ils ont pu récupérer.

Douze morts en quarante ans et le plus âgé n'avait que 17 ans. Ca cloue l'estomac de Sam sur place. Il n'est pas d'humeur à tolérer la vue d'un steak haché. A l'inverse, l'horreur ouvre un gouffre dans le ventre de Dean, une sensation de vide qu'il faut remplir pour ne pas perdre pied. Remplir a tout prix. Remplir avec n'importe quoi. C'est pour cela que l'Impala s'arrête au Drive-In du fast food malgré les protestations de Sam. Et parce que son petit frère ne peut pas comprendre ce sentiment là, ce trou noir dans sa chair, Dean le masque sous couvert d'un appétit vorace et d'une indifférence dégoulinante de testostérone. Les vrais mecs ne se laissent pas démonter par des photos immondes, les vrais mecs mangent des cheeseburgers contre vents et marées.

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TBC

Chapitre 2 : Americana Profundis