Mot de l'auteur : Hello les gens. J'attaque une fic un peu spéciale, moi-même je ne sais plus vraiment ce que j'ai pu boire pour avoir cette idée. Mais bon... passons. L'idée me trottait dans la tête depuis un moment et prendre Kairi et Naminé me semblait tout naturel. J'espère ne pas trop vous faire peur. Bonne lecture.


Elle n'était pas narcissique, loin de là. Mais voir son image dans le miroir l'intriguait toujours autant. Comme tout le monde, le matin en se réveillant, pour se maquiller, pour voir si l'on n'a pas le rouge à lèvres qui dépasse ou des grosses fesses… Cette dernière raison était stupide d'ailleurs. Mais elle, c'était en sortant de la douche. Elle oubliait toujours de préparer une serviette pour après, quand elle sortait. Alors elle devait courir jusqu'à sa chambre pour prendre sa serviette dans son armoire et elle mettait de l'eau partout. Et des fois, elle s'arrêtait devant le grand miroir dans le couloir, celui dans lequel elle pouvait voir tout son corps. Tout le monde pouvait se voir en entier dans ce miroir, il suffisait juste de ne pas être trop grand.

Le miroir renvoyait l'image d'une fille à la peau blanche, on pouvait très bien voir les veines bleues sous la peau de ses poignets et de ses chevilles. Ca faisait comme des tatouages en arabesque. Elle aimait bien le contraste entre ses yeux bleus et sa peau blanche. Des yeux qui semblaient trop grands pour son visage d'enfant. Ses cheveux étaient blonds, pas noirs comme ceux des autres enfants de son âge. Ils ondulaient déjà sous l'effet de l'humidité et elle tira une mèche trempée entre ses doigts, faisant tomber un peu plus d'eau sur le carrelage du couloir.

Elle laissa son reflet seul pour se rendre à sa chambre d'un pas moins pressé. Si ses parents la voyaient encore en train de se regarder nue dans le miroir du couloir, ils lui crieraient dessus. Parce que c'est indécent. Une jeune fille ne se balade pas nue, même pas dans le couloir de sa propre maison. Ca ne se fait pas et puis c'est tout. Et elle avait beau dire et répéter que c'était parce qu'elle avait oublié la serviette dans sa chambre, ils ne l'écoutaient pas. Elle n'allait tout de même pas remettre ses vêtements sales pour parcourir les quelques mètres qui séparaient la salle de bain de sa chambre pour ensuite les enlever, se sécher correctement et mettre des vêtements propres. C'était complètement illogique.

Ses cheveux gouttèrent sur le parquet de sa chambre. Pour ça aussi, sa mère lui crierait dessus, parce que l'eau sur le parquet, ça fait gondoler les lattes. Pourtant, le bois absorbe l'eau non ? Il n'y aurait rien normalement.

Normalement.

Oui, mais normalement, on n'oublie pas sa serviette dans sa chambre quand on en a besoin dans la salle de bain. Normalement, on ne s'arrête pas pour se regarder en entier dans le miroir du couloir… Et normalement, le reflet dans le miroir vous ressemble.

Pas toujours aurait-elle répondu. Elle l'avait vu une fois. La fille dans le miroir, ce n'était pas elle. Parce qu'elle, elle avait les cheveux blonds alors que le reflet avait les cheveux rouges. Un effet d'optique du à la lumière selon ses parents. Mais même la nuit parfois, quand l'envie lui prenait de regarder les effets d'ombres et de lumière sur la surface argentée du miroir, elle voyait l'autre fille.

Elle s'habilla rapidement avec ce qu'elle trouva en premier. Un jean noir et une chemise blanche trop grande. Mais elle aimait bien cette chemise, elle était à l'aise dedans. Elle mit sa serviette à sécher devant sa fenêtre ouverte, la brise d'été ferait tout le travail. Il fit soudainement sombre dans sa chambre, à cause de la serviette devant la fenêtre et elle s'amusa à compter toutes les étincelles que jetaient ses bibelots de verre sur les murs. Il y en avait plus quand un coup de vent un peu plus fort faisait se soulever un pan de la serviette et que la lumière du soleil pouvait entrer, mais celles qu'elle comptait dans le noir étaient beaucoup plus belles. Nébuleuses.

Une étincelle commença à bouger, suivie d'une autre. D'un jaune étincelant toutes les deux et barrées verticalement.

- Le chat… murmura-t-elle.

L'animal s'étira de tout son long et bailla, découvrant ses crocs et sortant ses griffes. Il vint se frotter à sa jambe en ronronnant et elle le prit dans ses bras.

- Tu sais que tu n'as pas le droit d'être là, lui fit-elle en le grattant derrière les oreilles.

- Attends ce soir pour me faire des remontrances, continue à me gratter les oreilles.

Elle s'exécuta, faisant courir ses doigts sur la fourrure noire et chaude.

- Tu m'as volé le soleil avec ta serviette de bain.

- Ah ? Pardon. Tu n'étais pas censé être là et je ne t'ai pas vu alors je l'ai mise à sécher. Je vais l'enlever.

Elle posa le chat au sol et partit retirer sa serviette, se hissant sur la pointe des pieds pour l'attraper. Pour la mettre, c'était facile, il suffisait de la lancer et de tirer un peu dessus. Mais pour la retirer, si elle tirait trop, c'était la fenêtre qui venait la première, les vitres cassaient et il y avait des morceaux de verre partout. Ca lui plaisait beaucoup, comme ça il y avait des étincelles partout aussi. Autant que les morceaux de verre. Mais ça aussi, ça n'était pas bien. Ca ne se fait pas de casser des vitres juste pour le plaisir de voir toutes les étincelles qui naissaient des brisures.

- Vraiment…

Le soleil revint immédiatement et le chat repartit s'allonger sur le lit, sous les rayons chauds.

- C'est mieux ?

- Beaucoup mieux, ronronna-t-il en commençant déjà à somnoler.

Elle s'assit près de lui et passa sa main sur la fourrure chaude. Il était venu un soir, comme ça tout bêtement. Elle lui avait donné du lait et des gâteaux, persuadée que les chats mangeaient des biscuits. Il avait bu tout le lait mais lui avait dit qu'il ne mangeait pas les gâteaux, qu'il préférait la viande. Le chat lui avait parlé à elle, elle l'avait dit à sa mère. Sa mère l'avait giflé en hurlant que les chats ne parlaient pas et qu'il était hors de question que sa fille devienne une folle qui parle aux animaux. Le chat avait été chassé à coups de balai et la petite fille enfermée dans sa chambre pour la journée.

Mais le chat était revenu un soir sans lune, ombre invisible dans la nuit. On avait beau dire que la nuit, tous les chats sont gris, celui-ci restait désespérément noir. La nuit comme le jour d'ailleurs. Il y avait juste ses deux yeux jaunes qui lançaient des étincelles. Et il revenait de temps en temps, sans qu'elle ne sache ni d'où il venait, ni comment il venait. Elle ne le voyait pas arriver, il était là ou pas, c'était tout.

- Je peux pas te voler le soleil imbécile, je suis trop petite pour l'attraper.

- Tu vas encore grandir non ?

- Je sais pas trop…

Elle baissa les yeux et la voix.

- Quel âge as-tu ? Je te connais depuis bientôt un an mais je ne sais pas ton âge.

Elle regarda sa main un instant avant de la lever au niveau de ses yeux. Elle compta sur ses doigts pendant quelques secondes.

- J'ai… Je vais avoir dix ans.

- Dix ans ? C'est jeune pour un humain, tu vas encore grandir. Tu verras, tu n'auras plus besoin de te mettre sur la pointe des pieds pour attraper ta serviette.

- Et je pourrais attraper le soleil ? demanda-t-elle d'un ton plein d'espoir.

Il lui lança un coup d'œil, son iris jaune jeta une étincelle.

- Peut-être. Si tu manges beaucoup de soupe.

- J'aime pas la soupe !

- Je sais, répondit-il avec un brin de moquerie dans la voix.

Elle enfouit son visage dans la fourrure noire et rendue brûlante par le soleil en râlant. Le félin bondit tout à coup en crachant, comme si elle l'avait mordu ou brûlé.

- Quoi ? fit-elle perplexe.

Il se calma un peu.

- Tu as les cheveux mouillés encore. J'ai horreur de ça.

- C'est pas ma faute, c'est parce que j'ai oublié la serviette dans l'armoire avant d'aller me doucher.

- Comme à chaque fois…

Il revint se coucher sur le lit, à une certaine distance de la fillette pour éviter d'être à nouveau mouillé. Il se lécha un instant la patte avant de la passer derrière son oreille, tandis qu'elle gardait le silence, les yeux baissés sur ses pieds. Elle réfléchissait, et généralement dans ces cas-là, ça la rendait triste. Car elle l'était déjà, triste et seule. Une fille qui parle aux chats, c'est déjà bizarre mais qui en plus voit autre chose que son reflet dans un miroir… Et les enfants sont cruels entre eux, beaucoup se moquaient de sa couleur de cheveux et de ses yeux. La couleur était proscrite.

A son âge, compter sur ses doits ne se fait pas, oublier sa serviette non plus, tout comme parler aux chats noirs. Voir quelqu'un dans un miroir est anormal, cette gamine était considérée comme anormale. Tout simplement dans ce monde. Il alla se frotter à sa jambe pour la réconforter un peu.

- Ne t'inquiète pas. Même si tu ne manges pas de soupe, tu vas grandir. Et tu deviendras une jolie fille qui fera tourner la tête de tous les garçons.

- Je m'en fiche des garçons, ils sont bêtes, méchants et moches en plus !

- Il faudra bien que tu en trouves un, si tu veux te marier.

Elle le serra contre elle et il commença à se débattre sans que cela n'ait d'autre effet que de renforcer l'étreinte.

- Quand je serais grande, je veux me marier avec toi.

Le chat parvint à la faire lâcher prise à grand renfort de griffures sur ses bras nus.

- Hors de question ! cracha-t-il. Tu es une brute. Moi, si je me marie, ce sera avec une petite chatte douce et gentille. Qui me fera des câlins plutôt que de m'étouffer.

Il vit qu'elle avait les larmes aux yeux. Bingo, il avait tout gagné. Lui qui voulait la réconforter un minimum, venait d'enfoncer le poignard plus profondément.

- Ecoute… commença-t-il.

- Nan ! J'écouterais pas ! Quand je serai grande, je me marierais pas, parce que je suis moche et que j'ai les yeux bleus ! Personne voudra de moi, personne !

Elle se leva tellement vite qu'elle repoussa le matelas contre le mur avec un ''bong'' sonore. Le voisin répondit aussitôt par un coup sourd porté au mur mitoyen. Elle partit en courant dans le couloir sans que le chat n'ait le temps de rajouter quoi que ce soit. Elle descendit l'escalier en courant, trébucha sur la dernière marche et faillit s'étaler de tout son long. Elle se rattrapa à la rampe au dernier moment.

Le chat la suivit, inquiet pour elle. Elle était capable de se faire mal sans faire exprès. Cette pauvre gamine anormale. Il l'aimait bien quand même, elle s'occupait bien de lui. Ou alors c'était parce qu'elle avait les cheveux blonds et les yeux bleus. Parce qu'elle était différente. Il s'en fichait un peu aussi.

Il s'arrêta sur la dernière marche et resta à l'affût, il la voyait très bien de là où il était, et il voyait très bien la mère aussi. Cette dernière était occupée devant l'évier, dans la cuisine. Il ne voyait pas à quoi.

- C'est toi qui a cogné contre le mur ? demanda la mère.

- Oui… répondit la gamine.

Aïe ! Ca commençait mal si la pente s'engageait dans ce sens.

- Et tu parlais.

- Oui, répondit la fillette avec une petite voix.

- A qui ?

Elle marqua un temps d'hésitation.

''A personne, à personne…'' pensa le chat, comme si une quelconque connexion pouvait s'établir entre son esprit et l'inconscient de la gamine.

- Au chat, répondit-elle finalement.

La gifle partit immédiatement, sans prévenir. Le bruit lui rappela celui d'un fouet qui claque. La gamine ne broncha pas, pas même quand sa joue se teinta de rouge, mais les larmes inondaient quand même ses yeux.

- Tu sais que je ne veux pas de cet animal ici ! tonna la mère. Fous-le dehors. Tout de suite !

- Non !

Le chat se raidit sur la marche. La petite le protégeait. Il lui en était reconnaissant certes, mais elle risquait gros.

- Dehors !

- Naooon ! hurla la gamine tandis que sa mère la tirait par les cheveux. Arrête, tu me fais mal ! Maman !

- Et moi ? Tu penses pas que tu me fais mal ?! Ca me fait pas mal de voir ma fille parler aux animaux, la voir seule dans la cour de récréation, chercher quelqu'un qui n'existe pas dans le miroir ?! Et cette couleur, bon sang ! Je sais pas d'où tu la sors mais je me demande des fois si tu es bien ma fille…

La petite se calma. Quelque chose venait de se briser en elle, le chat le sentit. Tout ça parce qu'elle ne savait pas mentir.

- Une fille aux yeux et aux cheveux clairs… Tes petits camarades n'ont pas si tort que ça quand il se moquent de toi.

- Maman… Tu me fais mal.

Elle avait la voix brisée. Ses petites mains posées sur la poigne furieuse de sa mère.

Le chat déboula dans la cuisine avec un miaulement rauque, attirant ainsi l'attention de la mère. Elle lâcha sa fille qui tomba à genoux sur le carrelage blanc et froid et partit à la poursuite de l'animal dans la maison. La gamine se recroquevilla sur elle-même et commença à sangloter. Les larmes coulèrent sur le sang des griffures sur ses bras et fit couler des petits ruisseaux rouges qui finissaient en gouttelettes sur le carrelage blanc.

- Ca ne se fait pas... murmura-t-elle par habitude.

Et pendant que sa mère courrait après un chat qui avait disparu depuis longtemps, elle pleurait sur le carrelage blanc tâché de rouge.