Bonjour à tous ! J'espère que vous avez passé de bonnes fêtes !
Voici le quatrième tome d'Une Lueur dans l'Ombre. Aux nouveaux, je ne peux que recommander la lecture des trois premiers, mais si vous désirez uniquement lire une fiction sur La Coupe de Feu, je suppose que ce tome peut se lire seul. Il ne spoile pas réellement les autres.
Aux revenants... Bienvenue ! Je suis heureuse que vous continuiez à suivre cette histoire qui ne serait pas arrivée jusqu'ici sans vous !
Le troisième tome a connu une publication éparse, et peut-être est-ce la raison pour laquelle il a suscité moins d'intérêt. Les Chemins Perdus seront publié en alternance avec Babysitter pour Mômes Spéciaux -enfin, son annexe-, un dimanche sur deux. Je compte sur vous pour ne pas me laisser seule lors de cette aventure !
Le monde et ses personnages appartiennent à JKRowling.
Avertissement : Comme les trois tomes précédents, quelques scènes présentent violence psychologique, ainsi que quelques passages où elle devient physique.
Voici donc Les Chemins Perdus.
La chambre aurait pu paraître impersonnelle. Sur les murs blancs où la peinture s'écaillait par endroit n'étaient fixées que deux étagères de bois qui croulaient sous le poids de lourds ouvrages. Une bibliothèque de la même série que les étagères avait été installée dans un coin quatre ans auparavant, mais à la faible lueur nocturne, nul ne pouvait l'en discerner. La lune éclairait en revanche directement le lit double installé au centre de la pièce. Son occupant s'agitait avec force sans que ses paupières ne s'ouvrent ses lèvres entrouvertes laissaient passer quelques gémissements.
En face du lit, sur un bureau blanc ayant à peine servi était ouvert un énorme livre, sur une double page où se terminait un chapitre et en commençait un autre.
si la magie n'est pas une entité visible, et qu'elle ne peut se définir comme concrète ou abstraite, elle possède des lois et des propriétés qui pourraient envisager que la magie soit vivante. Quant à décider d'apposer une majuscule et à différencier magie et Magie, seules les études des Mystères me donneront raison ou tort.
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DE LA NATURE DES LIENS MAGIQUES
Il convient d'effectuer une différenciation primordiale entre « Liens » et « Connexions » magiques. Les premiers, dont je m'entretiendrai dans ce chapitre, concernent deux individus qui peuvent être de parfaits inconnus l'un pour l'autre, sans aucun contact ni aucune donnée en commun. Les seconds feront l'objet d'une étude plus loin dans cet ouvrage et nécessitent une relation familiale ou magique.
En revanche, un lien comme une connexion naîtra uniquement d'un événement déclencheur. La différence se situe dans la magie. Le lien se crée avec la magie après, par exemple, qu'un sorcier ait sauvé ou épargné la vie d'un autre. La connexion se situe plus profondément dans deux individus, au niveau de l'esprit et de l'âme.
Il existe différentes formes de liens magiques : entre deux individus, entre deux baguettes jumelles, entre plusieurs individus, entre sorciers et animaux magiques, entre animaux magiques, entre un artefact magique et un sorcier. Ce dernier cas est le lien le plus répandu auquel ne pensent jamais les sorciers de notre siècle pourtant tous sont liés à leur possession magique la plus basique : leur baguette.
Il est établi que la baguette choisit son sorcier, elle est par conséquent ce qui initie le lien magique et le crée. Les propriétés des baguettes diffèrent (Il est à noter que le crin de licorne refuse la magie noire, que le sang de chimère peut infliger de grave brûlures et que la plume de phénix détient le pouvoir d'agir seule si son propriétaire, et ainsi le sorcier avec lequel est formé un lien, tarde à agir où se trouve menacé), pourtant
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Roulé en boule sur une partie de l'ancien ouvrage, un félin roux et blanc tentait de dormir mais ouvrait régulièrement ses paupières et ses prunelles vert pâles luisaient en direction de l'humain agité. Dans la pièce voisine, un adolescent corpulent ronflait, oubliant les troubles qui l'attendaient dès le petit déjeuner du lendemain.
Plus loin dans le couloir, son père l'imitait, confortablement endormi sur un matelas trop mou. Le sommeil de la femme à ses côtés était plus léger cependant, et elle s'éveillerait d'ici quelques instants en ressassant ses rêves, ses douleurs, ses doutes.
A quelques mètres d'elle, l'occupant de la première chambre, Lucifer Potter, s'éveilla en sursaut.
Le garçon glapit et ravala un cri de douleur. Il porta la main à son cou et grimaça. Une sensation de brûlure terriblement familière l'envahissait et il devina que son sommeil avait de nouveau été mouvementé. La tension de ses muscles venait de provoquer un torticolis et il devrait sans doute supporter la souffrance toute la semaine durant.
Depuis la nuit où le passé des Maraudeurs était brutalement revenu bouleverser sa vie et celle de son jumeau, il ne parvenait pas à demeurer apaisé. La confrontation entre Sirius et James le hantait, les mots cruels que son père avait adressés à trop de ses proches continuaient de le faire souffrir et son parrain avait trahi ses parents et démantelé sa famille.
Korrigan poussa un miaulement aigu et sauta à bas du bureau pour venir se blottir dans le creux de son cou, mais Lucifer le repoussa gentiment, le menant à ses jambes. Une violente migraine commençait à tambouriner à ses tempes et il ferma les paupières, adossé au mur. Il se souvenait d'un éclair de lumière vert et d'une voix glacée, et il déduisit aisément que son esprit avait revécu la scène que les Détraqueurs révélaient toujours chez lui.
La nausée le prit violemment, néanmoins et il se leva, alluma la lumière et contempla ses cassettes de Shakespeare et le livre d'Alexan Lupin ouvert sur son bureau avant de retourner dans son lit et de serrer contre lui la peluche de blaireau que sa tante lui avait offert deux ans plus tôt, sa main droite se perdant dans les poils de son chat. La douleur était telle qu'il lui paraissait impossible de lire quoi que ce soit, et il se sentait étrangement vulnérable. Lucifer ne se souvenait que très peu de ses rêves mais celui-ci l'avait bouleversé pour une raison inconnue. Etait-ce l'absence de sa mère, sa mort qui lui était brutalement rappelée chaque fois que les Détraqueurs approchaient ? La sensation au creux de son ventre que son frère n'allait pas bien ? L'anxiété qui le dévorait chaque fois qu'il songeait à Harry, la terreur qu'il décide que leur père avait raison et qu'il désirait sa gloire ? Où cette voix glacée dont il ne se souvenait pas même des mots prononcés ? La prophétie de Trelawney se réaliserait, Noah le certifiait. Voldemort reviendrait, plus puissant que jamais, et Harry devrait l'affronter et le vaincre. Des larmes brûlèrent les yeux du garçon. Il devrait se battre contre James, et accepter de souffrir, parce qu'il ne pouvait abandonner son jumeau. Il se tiendrait à ses côtés, quoi qu'il arrive.
Il s'habilla dès qu'il entendit le discret pas de sa tante dans le couloir, passa à la salle de bains et descendit dans la cuisine.
-Bonjour, tante Pétunia.
La femme se retourna, une expression indéchiffrable sur le visage. Ses mains dégoulinaient de jus des pamplemousses qu'elle s'échinait à découper pour le petit déjeuner. L'infirmière de Smelting avait prévenu les Dursleys que l'état corporel de leur fils était préoccupant, et que son surpoids risquait bientôt de devenir alarmant, causant des reniflements méprisants chez Vernon et une réflexion intense chez Pétunia. Dudley avait été mis au régime et le supportait mal.
-Joyeux Anniversaire, Lucifer.
La réponse avait tardé à venir, mais les mots le prirent par surprise et il écarquilla les yeux.
-Merci, murmura-t-il.
Elle hocha la tête, sèchement, à peine, et il disposa la table. Lorsque Vernon et Dudley descendirent, l'atmosphère de la cuisine se modifia brutalement : ni l'un ni l'autre n'appréciaient de se nourrir uniquement de fruits et légumes, mais Pétunia avait décrété que toute la famille devrait suivre le régime. Lucifer avait perdu quelques kilos déjà, et ses vêtements tombaient largement sur ses épaules, mais il n'avait pas protesté, comprenant inconsciemment que sa tante désirait les traiter de façon égale.
Le repas de midi fut différent, néanmoins. Sa tante avait préparé une excellente ratatouille accompagnée d'un steak cuit de la manière que chacun aimait, et le dessert venu, elle déposa à côté de Lucifer deux paquets parfaitement emballés.
-Pétunia, qu'est-ce que... s'insurgea Vernon, mais elle ne lui accorda pas un regard.
-Et moi ? quémanda Dudley.
-Tu es né en juin, Duddy, répondit la femme.
Les mains tremblant d'émotion, le garçon ouvrit le paquet du dessus et y découvrit deux cassettes audio des Beatles et Rolling Stones. Une boule se forma dans sa gorge et il leva des yeux embués vers sa tante, la remerciant silencieusement. Le second présent contenait un t-shirt Iron Maiden à sa taille. Son premier instinct fut de se lever pour la prendre dans ses bras mais il le refréna violemment et se contenta de manifester de nouveau sa gratitude par son regard. Vernon grommelait et le visage de Dudley virait au rouge : une pointe de culpabilité le transperça mais Pétunia fit mine de rien remarquer.
Il s'agissait de sa dernière journée à Privet Drive James venait le chercher pour assister à la Coupe de Quidditch dès le lendemain et il l'emmènerait à Poudlard le premier septembre. Entre temps, il les entraînerait Harry et lui et une excursion au bord de la mer était prévue fin Août. L'adolescent s'assit dans le canapé tandis que Dudley boudait à l'étage, et écouta le lecteur de cassettes diffuser Paint it Black. Sa tante passait le plumeau sur le vaisselier. I can't get No Satisfaction se lança et elle s'immobilisa, se tournant pour dévisager son neveu.
-Lily... adorait cet air. Elle disait … qu'il correspondait aux deux garçons... qu'elle aimait.
Sa voix demeurait hachée et sèche, mais elle venait de lui offrir de nouvelles informations, précieuses.
-Je n'éprouve aucune envie de passer le reste de mes vacances là-bas, déclara-t-il maladroitement. J'aurais aimé...
Il ne voyait sa tante qu'un mois par an, et il sentait confusément qu'elle lui manquerait, comme l'année précédente.
-Au moins il ne risque pas de t'arriver quoi que ce soit, le rabroua-t-elle.
Le rouquin se mordit la lèvre et inspira profondément tandis que les souvenirs de l'année précédente lui revenaient de plein fouet. Il ne pouvait lui promettre qu'il serait prudent, et que rien ne se passerait. Il suivrait Harry, toujours, Noah à ses côtés.
James fut à Privet Drive à dix heures piles, comme chaque année, accompagné de Harry, et Lucifer eut un mouvement de recul en apercevant son frère. Il avait grandi, ils devaient mesurer à peu près la même taille à présent, mais si des lunettes rectangulaires surplombaient son nez comme à l'accoutumée, le rouquin eut l'étrange impression de voir ce qui se serait produit s'il avait choisi de teindre ses cheveux en noir. Les épaules de son jumeau s'étaient carrée, sa mâchoire également, et ses traits légèrement affinés du fait de l'entrée dans l'adolescence. Ses cheveux de jais en bataille tombaient délicatement sur son menton, hérissés à l'arrière du crâne mais ondulant légèrement sur sa nuque.
-Bonjour James, siffla Pétunia.
-Pétunia, répondit l'homme en la saluant d'un hochement de tête.
Ses yeux se posèrent sur son deuxième fils. Lucifer portait un jean simple et le t-shirt offert à son anniversaire il avait teint ses cheveux en rouge foncé, mais la décoloration appliquée auparavant par Pétunia avait créé une réaction chimique et il arborait désormais un rose éclatant. Si Harry se mordit la lèvre en retenant un sourire, levant les yeux au ciel, James retint un soupir.
-Tu es prêt ?
-Il l'est toujours, cingla sa tante. L'autorisation de Lucifer pour... Pré-Au-Lard est signée.
Le garçon leva deux prunelles surprises vers elle, mais son père bomba le torse et serra les dents, retenant ostensiblement une réplique mordante.
-Je sais, répliqua-t-il. Lucifer, prend ton chat, nous devons régler certaines choses avant demain.
L'adolescent déglutit, puis se tourna vers la femme tendue à l'extrême.
-Merci, tante Pétunia. A... A l'année prochaine... Je...
Il fut incapable de terminer sa phrase et suivit son père sur le perron, une boule enflant dans le fond de sa gorge.
La demeure des Potter paraissait résister au temps. Les mêmes mauvaises herbes poussaient dans le jardin, les statuettes en bois sculpté sur la cheminée étaient intacte et dépoussiérées, et le confortable canapé blanc recouvert d'un plaid rouge surplombait le salon, directement en face de la porte d'entrée. Une table de verre où James ne manquerait pas d'amener trois verres de jus de citrouille était posée sur un tapis couleur bordeaux aux motifs abstraits. Lucifer inspira l'odeur de bois salée de la maison et monta déposer ses affaires dans la chambre d'amis. Il libéra Korrigan, qui se frotta à ses jambes plutôt que de lui cracher dessus, et redescendit en tentant de calmer son angoisse montante.
-Lucifer n'aime pas le jus de citrouille, Papa.
La phrase le tétanisa, et il agrippa violemment la rampe. Il n'entendit pas la réponse marmonnée de son père, mais une fois qu'il fut assis et que les deux autres revinrent, il nota avec soulagement que les verres étaient remplis de Bièraubeurre.
-Je vais devoir retourner au Ministère, annonça James. Il reste de nombreux éléments à régler pour demain, et même si Ludo est génial, son sens de l'organisation laisse à désirer. Avant cela, j'aimerais statuer les choses. Nous partons demain à cinq heures pour la Coupe du Monde de Quidditch, couchez vous tôt, si nous loupons le Portoloin nous ne pourrons pas y accéder. Sirius viendra passer quelques jours avec nous à la mer. Je ne veux aucun commentaire, est-ce clair ? Du reste, Lucifer, je veux une tenue exemplaire de toi durant ces vacances.
Des larmes de rage montèrent aux yeux du rouquin mais il serra les poings et s'abstint de répondre. James finit son verre d'un trait et se leva, sans lui accorder un seul regard. Il ébouriffa les cheveux du Survivant avec affection.
-Pas de balai dans la maison, et pas à plus de quatre mètres du sol, ajouta-t-il en souriant.
Il disparut quelques secondes plus tard, laissant les deux frères profondément mal à l'aise. Harry passa une main derrière sa nuque et fixa la porte.
-Les vacances sont dures pour lui, commenta-t-il. La Coupe du Monde demande une énergie considérable à beaucoup de départements, et il m'entraîne en même temps.
Lucifer retint une réplique acerbe et guetta avec angoisse le moindre signe d'agressivité chez son jumeau, mais Harry se contenta de soupirer.
-Ecoute... C'est compliqué, d'accord ? Sirius... Je suppose que Ja... que Papa... est responsable, mais ça n'en rend pas les choses plus facile pour moi.
Lucifer posa une main sur celle de son frère, par instinct, et si Harry se tendit, il ne bougea pas.
-Comment vont Ron et Hermione ? S'enquit-il.
Ils avaient échangé quelques courriers, mais ils portaient principalement sur l'avancée de la réouverture du dossier Sirius Black, et sur les engrenages administratifs. L'ancien prisonnier n'était toujours pas réapparu aux yeux du monde et demeurait chez Remus Lupin. Le visage du Gryffondor s'éclaira.
-Hermione était en France, mais elle va assister à la Coupe du Monde avec les Weasleys. Percy a trouvé du travail au Ministère, et il est visiblement assez obsédé par ça. Ron semble assez exaspéré dans ses lettres. J'ai hâte de les voir ! Ils arriveront à peu près en même temps que nous, et nos tentes sont dans le même camping... Tu vas voir, Lucifer, ces matchs... Ils sont exceptionnels ! Le plus long a duré cinq jours, entiers, ils devaient faire tourner les remplaçants... Et Noah ?
-Il ne devrait pas être loin de nous non plus. Il vient avec sa gouvernante, ses parents n'ont pas pu se libérer.
Il avait perçu le regret dans les mots de son ami, et son cœur se serra à sa mention. Il lui manquait plus qu'il ne pouvait l'exprimer. Le silence revint, embarrassant, et l'esprit de Lucifer se mit à tournoyer. Comment allait Sirius ? Il lui avait écrit par deux fois pendant les vacances, montrant à chaque lettre un intérêt et une sollicitude qui le bouleversaient. Où se trouvait son parrain ? Un éclair vert surgit devant ses yeux et il tressaillit.
-Je fais des cauchemars, murmura-t-il. J'entends Voldemort, et je revois ce sort... vert.
Harry se tendit, et leurs regards s'ancrèrent.
-Je ne dors pas bien non plus, marmonna son jumeau. Tu ne voudrais pas aller voler ? Je préférerai ne pas penser à... tout ça.
Lucifer cogitait jour et nuit, et il lui semblait parfois que son esprit ne lui laissait jamais de repos. Il hocha la tête, néanmoins, et partit chercher son éclair de feu.
Les cheveux en bataille du fait d'une mauvaise nuit et des cernes sous les yeux, Harry et Lucifer Potter suivaient tant bien que mal leur père sur un sentier en pente douce. La fraîcheur matinale s'engouffrait sous leurs robes et ils baillaient chacun leur tour. Les yeux verts du Survivant brillaient sous le soleil levant et l'excitation commençait à naître chez son jumeau qui observait le paysage qui les entourait avec ravissement. En dehors du parc de Poudlard et des jardins Weber, il n'avait eu que très peu l'occasion de découvrir la campagne. Les ronces s'accrochaient à sa robe et éraflaient ses genoux mais il saisit une poignée de mûre au passage et la partagea avec son frère. Elles étaient acides mais ils s'en moquaient. Il en proposa à James qui le dévisagea un bref instant puis lui offrit un sourire avant d'ébouriffer ses cheveux et de goûter au fruit sauvage, laissant le rouquin figé sur place, une sensation étrange bouillonnant au creux de son estomac. Harry le bouscula avec un agacement perceptible mais ses lèvres tâchées de jus violet s'étirèrent en un rictus amical. De temps à autre, leur père vérifiait la direction à l'aide d'un « Pointe-au-nord », et ils gravissaient quelques pierres et rochers.
-Je pense que nous y sommes, commenta l'homme en avisant une boîte de conserve rouillée. Lucifer, ceci est un Portoloin. Pose ta main dessus, il nous emmènera au camping... La Coupe du Monde accueille trop de sorciers pour que l'accès n'y soit pas réglementé... Bonjour Rosemary.
Trois silhouettes émergèrent de la brume, et Lucifer reconnut sa camarade de maison, Hannah Abbot. Elle le salua avec chaleur.
-Je suis si heureuse d'avoir pu venir ! Nous avons obtenu les tickets très tardivement...
Un couple de vieux sorcier les rejoignit, puis une famille avec deux jeunes enfants. James paraissait tous les connaître.
-Bathilda ne vient pas ? s'enquit le doyen.
-Elle juge toutes ces sottises indigne de son attention, commenta l'Auror avec amusement.
La mémoire de Lucifer eut un flash et ses yeux s'écarquillèrent.
-Bathilda Tourdesac ? Elle habite tout près n'est-ce pas ? Pourrais-je aller lui rendre visite, à notre retour ? Elle est historienne, j'aurais tant de choses...
Une brève pression sur son avant-bras le fit taire, et il réalisa que le vieil homme s'était tendu à son intervention.
-C'est là ton deuxième, James ? Petit, il est impoli d'écouter les conversations, et de s'y immiscer.
Le regard noir que lui adressa son père le mortifia.
-Je vous prie de m'excuser, murmura-t-il, je ne désirais pas être impoli. L'Histoire de la Magie...
Les mots moururent dans sa gorge, mais rien de plus n'eut le temps de se produire, car tous les sorciers présents posaient un doigts sur la boîte de conserve. Quelques minutes plus tard, ils décollaient.
Le voyage fut extrêmement désagréable, et les plus jeunes atterrirent peu gracieusement. James aida Harry à se relever dans un éclat de rire tandis qu'une voix annonçait :
-Sept heures trente la Coline de l'Arc, arrivée.
James salua les employés du Ministère vêtus de ce qui devait vouloir ressembler à un accoutrement moldu et les entraîna vers un camping. L'esprit de Lucifer bouillonnait. Bathilda Tourdesac avait écrit les volumes de Une Histoire de la Magie qui leur étaient demandés chaque année, et bien que le professeur Binns ne les utilise jamais, Noah et lui n'avaient jamais failli à les lire. Si les révoltes Gobeline occupaient chaque fois au moins trois chapitre, ils avaient retenu quelques connaissances sur Merlin et ses jeunes disciples, sur les Fondateurs, sur les sorciers qui avaient tenté dans la Rome Antique, la Grèce Antique et l'Egypte Antique de se faire passer pour des dieux, et la Guerre de Cent ans. La troisième année s'arrêtait au début de la Renaissance et ils n'avaient pu trouver d'informations sur le règne d'Elizabeth Ière dans leurs manuels scolaires, mais peut-être cette illustre femme pouvait-elle leur en parler.
-Tu ne lâchera pas, hein ? soupira son frère. Tiens, je crois que c'est notre camping... Ecoute, Bathilda habite juste à côté de chez nous. Elle est plus âgée que Dumbledore, et Papa pense qu'elle perd la tête, mais elle nous a déjà reçus, et si tout se passe bien...
Harry inspira profondément et Lucifer détourna le regard, tant les derniers mots sonnaient accusateurs.
-Je pense que tu devrais pouvoir lui parler, déclara-t-il enfin, trop sèchement.
James paya leur emplacement de camping avec aisance puis aida un couple qui venait derrière eux et se débattaient avec les bouts de papiers que constituaient les billets.
-Je n'aimerais pas être à la place des organisateurs, confia-t-il. Être Auror a son lot de difficultés mais arrêter des truands et des mages noirs est plus intéressant que de gérer une horde de sorcier qui font à peine attention à ne pas briser le Code du Secret. Et parfois plus simple, tu peux me croire.
Il passa une main affectueuse dans les cheveux du Survivant et ce fut comme si Lucifer n'existait pas. Leur père ne se rendit pas compte de son impair, mais l'estomac du rouquin se tordit et une violente nausée le saisit. Il songea à Noah et refoula les larmes qui menaçaient de couler. Il n'avait pas sa place dans la famille Potter, mais Noah tenait à lui, et Pétunia prenait soin de lui. Rien d'autre ne devait importer.
Harry s'en était également rendu compte. Et il se crispa.
L'expérience de camping s'avéra relativement amusante, et bien que Lucifer se douta que les sorciers puissent innover en matière de confort, il ne put retenir une exclamation lorsqu'il pénétra dans la tente nouvellement montée. Deux chambres dont une avec des lits superposés ainsi qu'une salle de bains, aux couleurs pourpres, entouraient une grande salle écarlate. Une commode en chêne rouge trônait sous une immense peinture de cinq adolescents, et le cœur de Lucifer manqua un battement. James, reconnaissable entre tous, tenait par la taille une jeune femme ravie. Une main sur l'épaule de son meilleur ami, et l'autre dans les cheveux de Peter, Sirius tirait malicieusement la langue à Remus. Ils étaient splendides, sur ce fond de montagne, et paraissaient au dessus de tous leurs soucis. Au fond de la pièce étaient entassés des sacs de couchages divers. Harry s'immobilisa à son tour lorsque l'un de ses pas envoya valser un objet au centre de la pièce. Il était rose et tranchait avec tout le reste il s'agissait indubitablement d'un hochet. James pénétra dans la pièce, et pâlit considérablement.
-J'avais oublié, grinça-t-il, les dents serrées. J'avais oublié.
Il sortit sa baguette et attrapa le jouet qui eut un bruit de billes qui s'entrechoquent. Considérant le tableau un instant comme s'il allait y mettre le feu, il choisit finalement de le recouvrir d'un voile noir. Harry s'assit sur le canapé, et souleva un coussin qui dévoila une peluche de demiguise.
-Papa... commença-t-il, mais les mots moururent avant qu'il puisse les prononcer.
Il s'agissait de leurs jouets, Lucifer comprit. Dans la chambre de James se trouvaient sans doute deux berceaux.
-Nous n'avions pas rangé, souffla l'homme. L... Lily... nous a prévenu qu'on le regretterait la prochaine fois qu'on sortirait la tente mais...
De la sueur coulait à son front et il paraissait fiévreux, ses yeux fixaient une scène du passée sans que ses fils ne puissent intervenir.
-Allez chercher de l'eau ! ordonna-t-il.
-On a un robinet, fit remarquer Harry, non sans douceur.
Leur père se tourna vers eux. Lucifer amorça un geste vers la peluche : elle paraissait rugueuse mais ses poils demeuraient relativement doux. Sitôt qu'il entra en contact avec l'objet, il devint invisible, et il eut envie d'éclater de rire.
-Harry, Lucifer... Je vais ranger tout ça. J'ai croisé Arthur, Ron et Hermione sont arrivés, et Noah ne doit pas être loin.
Il ne subsistait aucune animosité dans sa voix, simplement une fermeté, et il arracha presque le demiguise des mains du Poufsouffle. Les larmes montèrent aux yeux de l'adolescent mais il jugea qu'insister ne ferait qu'empirer la situation.
Ils sortirent sans mot dire, dans une ambiance devenue trop pesante. Lucifer amorça un mouvement vers son jumeau, qui se déroba.
-Je vais voir Ron et Hermione, annonça-t-il avec une tentative de sourire.
Blessé, le garçon hocha la tête et partit en quête de son meilleur ami. Quelques secondes plus tard, des larmes brûlantes dévalaient ses joues. Il lui semblait que son passé avec James et Lily Potter lui était fermé à jamais, que seuls comptaient les moments écoulés depuis que son père l'avait abandonné chez les Dursleys.
Les tentes installées sur le campus étaient variées, mais certaines ne pouvaient pas réellement passer pour des objets moldus. Elles possédaient des étages, des colonnes, une piscine, si bien que la tente au blason Gryffondor qui était leur se fondait aisément dans la masse. Le vent sécha les marques de sa peine et Lucifer observa, fasciné, le monde magique qui s'étendait devant lui, de tous pays et toutes origines. Une tente verte possédant une moustiquaire et un tas de bois incalcinable attira son attention, et le garçon qui était assis devant avec un livre leva es yeux pour bondir aussitôt sur ses pieds. Noah avait à peine grandi, comme beaucoup de garçons de leur âge, mais son visage était devenu plus anguleux, et la mèche rebelle qui tombait auparavant sur ses yeux était passée derrière son oreille.
-Lucifer !
Le contact le réconforta aussitôt, tiède, familier, naturel. Ses lèvres s'étirèrent d'elles-mêmes et il le serra dans ses bras de toutes ses forces.
-Viens, je suis sûr que l'intérieur va te plaire ! Il s'agit de la tente que mes parents utilisent lorsqu'ils se rendent en expédition en Europe de l'Est. Ils en possèdent une plus adaptée aux pays chauds et une pour les pays froids, selon les taux d'humidités et d'aridité !
La tente était en parfait état, mais très carrée, et Lucifer comprit pourquoi lorsqu'il avisa les étagères couvertes de bocaux et d'ouvrages accrochées au mur. Une femme entre deux âges était en train de vérifier une cuisinière rudimentaire.
-Lydia, je te présente Lucifer Potter.
Elle se retourna et hocha la tête.
-Je suis ravie de faire votre connaissance, Monsieur Potter. Voulez-vous une tasse de thé ?
-Merci, mais je crois que mon père voudra que nous déjeunions d'ici peu, répondit-il.
Il s'était habitué au respect que lui manifestaient les domestiques l'année précédente, mais il se sentait toujours légèrement mal à l'aise. Elle acquiesça, et les deux garçons résolurent de se promener parmi les tentes.
-Tu as les yeux rouges, murmura Noah. Oh, Lucifer...
-Ne t'inquiètes pas, répondit-il doucement.
Il lui relata le douloureux épisode qu'il venait d'expérimenter, et son meilleur ami attrapa sa main, comme à l'accoutumée.
Ils croisèrent Susan Bones à un stand de souvenir. Sa famille était épuisée et occupée à maintenir un semblant d'ordre. Elle paraissait en forme, et heureuse de les voir.
-Je n'ai jamais beaucoup de nouvelles durant l'été, déclara-t-elle. Sally-Ann et la communication... Enfin !
Lucifer regretta de ne pas lui avoir écrit, malgré le fait qu'il ne possède pas de hibou et l'expression de son meilleur ami lui indiqua qu'il n'était pas le seul. La jeune fille secoua la tête et ses longs cheveux bruns volèrent dans tous les sens.
-Je voudrais une rosette et les deux boîtes à hymne national, s'il vous plaît...
Le vendeur haussa les sourcils mais lui tendit ce qu'elle demandait. Susan se tourna vers les deux garçons avec un sourire espiègle.
-Je crois que l'année va être riche, annonça-t-elle. Quelque chose va se passer, de sans doute très excitant, et le Ministère n'a pas fini d'être sur les rotules ! J'ai surpris mes oncles et tantes en parler.
Lucifer fronça les sourcils, puis ses yeux parcoururent l'étendue de souvenirs. James leur avait confié à Harry et lui deux bourses pleines de Gallions mais il n'avait pas suivi la Coupe, et il ignorait quelle équipe supporter. L'écharpe avec des lions rugissants lui paraissait attractive, et il se décida pour un chapeau dansant irlandais également. Noah acheta un drapeau bulgare qui jouait l'hymne national et une écharpe.
-Je pensais que tous les jeunes anglais supportaient l'Irlande, plaisanta une voix derrière eux au fort accent français.
Il s'agissait d'un jeune homme de leur âge environ, entièrement habillé de rouge. Noah posa sur lui un regard froid, sans répondre, qui rappela à Lucifer leurs premières semaines à Poudlard. Son meilleur ami observait ceux qu'il ne connaissait pas avant de répondre.
-L'Angleterre s'est faite écraser et nos relations avec l'Irlande ne sont pas forcément excellente, répondit Susan à sa place. Beaubâtons, n'est-ce pas ?
-La meilleure des écoles, même si Pot-de-Lard n'est pas mal non plus. Trop fraîche, trop médiévale cependant.
Les yeux de Lucifer s'écarquillèrent et il s'approcha du français en comprenant qu'il venait d'une école étrangère.
-Qu'en est-il de la vôtre ? Quels sont les cours ? Possédez vous des passages secrets ?
-Des passages secrets... Bien sûr! Beaubâtons est splendide, un château renaissant avec des lampes vraiment belles. Nous apprenons la politique, bien sûr, l'histoire de la magie, l'alchimie, et une magie subtile. Tes cheveux sont roses de naissance ?
Lucifer opéra un mouvement de recul, ignorant que répondre, mais l'arrivée de camarades du français mit fin à la conversation.
-Je dois admettre que Sally-Ann avait parié sur le vert, commenta Susan en se mordant la lèvre avec amusement.
-La décoloration a créé une réaction chimique, expliqua-t-il. Je vais devoir rejoindre Harry et James...
Il délia à regret sa main de celle de Noah en arrivant près de leur tente.
-Nous nous verrons après le match, promis son meilleur ami avant de s'éloigner tandis que leurs écharpes rugissaient.
James avait allumé un feu, et il faisait rôtir une viande qui sentait délicieusement bon. A ses côtés, Harry riait. Le jeune Poufsouffle s'approcha, et leur père lui tendit une assiette pleine.
-J'ai dépoussiéré la tente, annonça-t-il. Et j'ai eu le temps de vous prendre quelque chose d'utile...
Il attrapa deux objets posés à côtés de lui, qui ressemblaient à des jumelles dorées.
-Des multipliettes ! s'exclama Harry. Oh, génial, Papa !
Se saisissant maladroitement de la paire qui lui était destinée, Lucifer découvrit les différents modes avec fascination.
-Merci, murmura-t-il, mais James ne parut pas s'en soucier.
L'atmosphère, leurs relations... Tout paraissait différent dans ce camping en ébullition. Pendant quelques heures, ils pourraient s'illusionner. L'homme souriait et ses yeux brillaient d'une excitation enfantine, il traitait ses deux garçons avec chaleur et peut-être, amour, et Lucifer se sentait déchiré entre la joie et la souffrance. Il tentait de profiter de l'instant tout en sachant que la prochaine confrontation n'en serait que plus amère.
Il savait désormais ce qui aurait pu être, prenait conscience de l'ampleur totale de ce qu'il avait perdu quand James avait décidé de le déposer chez Pétunia.
Et pourtant, il était heureux de la relation qu'il possédait avec sa tante.
Ludo Verpey passa chez eux et plaisanta avec James pourtant l'humeur générale s'assombrit brutalement lorsque l'Auror s'enquit de la situation de Bertha Jorkins. Elle avait disparu, et d'après le ton ferme et sérieux de leur père, la dernière fois que Voldemort avait gagné en puissance avait commencé également par des disparitions. Une sueur glacée s'écoula le long de la colonne vertébrale du garçon roux.
-Ne t'inquiètes pas, James, Bertha est une tête de linotte. Elle s'est simplement perdue.
-Bertha est bien trop maligne pour s'être perdue, Ludo. Le fait que sa mémoire se soit révélé défaillante est suffisamment inquiétant, je t'ai déjà conseillé de l'envoyer voir un médicomage.
L'ancien batteur éluda le conseil d'un geste de la main.
-Allons, James ! Ne gâchons pas les festivités, d'accord ? Et puis il y a autre chose qui arrive après, encore mieux ! Je parie que tu envie ton fils, hein ? Si ça s'était produit à ton époque...
Verpey adressa un clin d'oeil à Harry, sans se soucier de Lucifer, de sa présence, de son existence. Lorsqu'il respira, l'air s'accrocha à sa gorge et il eut l'impression de ne pas faire entrer assez d'air dans ses poumons. Le visage de James s'éclaira.
-Sirius et moi aurions tout tenté pour rentrer, même si nous n'en avions pas l'âge... Oublie ça, Harry, ajouta-t-il précipitamment. Lucifer aussi.
-Qu'est-ce que...
Le Survivant jeta un regard à son père, hésitant entre curiosité amusée et terreur. Il était devenu livide à la mention de Voldemort. Lucifer se leva pour venir poser une main sur son épaule. Son jumeau ne broncha pas.
-Oh, vous allez adorer, promit l'homme, ravi.
-Ludo, je reste persuadé que la situation est préoccupante, intervint James. Voldemort...
L'homme grimaça au nom maudit.
-James, il est mort, pas vrai ? Ton fils l'a vaincu !
-Il n'est pas à sous-estimer, nuança l'Auror. Quelques moldus sont morts de façon inexpliquée, et il existe d'autres signes...
-Je vais devoir y aller, l'interrompit Verpey. Amusez-vous bien !
Il partit précipitamment, laissant Harry et Lucifer tétanisés. Le visage de James prit une expression dure, puis il passa une main sur ses yeux et passa un bras autour des épaules de son fils, dégageant doucement mais fermement la main du rouquin.
-Ca ira, mon lion. Je ferais tout pour que tu soit tenu à l'écart de Voldemort le plus possible. Nous allons augmenter l'entraînement, et Lucifer te protégera. Tu comprends, n'est-ce pas, que ce n'est pas à propos de toi, et que tu ne dois rien faire qui mette ton frère en danger ?
Le regard dur de James sur lui provoqua une nouvelle boule dans sa gorge.
-Je serais toujours là pour Harry, répliqua-t-il avec une assurance malhabile.
James soupira et serra le garçon aux cheveux noirs dans ses bras, avant d'aviser le soleil couchant.
-Il est temps ! décréta-t-il en sautant aussitôt sur ses pieds. Prenez vos souvenirs, et allons-y pour la nuit la plus magique depuis quatre ans !
Les lèvres d'Harry s'étirèrent dans un large sourire et il fonça à l'intérieur de la tente. Ses doigts effleurèrent ceux de son frère, et ils échangèrent un instant de communication muette et anxiogène avant de courir jusqu'au stade dans un état nouveau, proche de l'euphorie.
James avait réussi à obtenir des places dans la loge du Ministre grâce à la célébrité de Harry, et Cornelius Fudge, le ministre, les salua tous trois chaleureusement en leur indiquant leurs places. Les Weasleys s'y trouvaient également, à l'exception de Molly, et Ron et Hermione commencèrent aussitôt à discuter avec leur meilleur ami. Lucifer salua Ginny, qui lui rendit timidement son salut et dévisagea les deux frères les plus âgés qui vinrent lui serrer la main. Celle de Charlie était calleuse du fait de son statut de dragonnier, et l'apparence de Bill le déconcerta. L'aîné des Weasleys était cool, indéniablement, et beau. Une dent de dragon lui servait de boucle d'oreille et son style vestimentaire se révélait hypnotisant. Lui serait-il possible de se percer les oreilles ? Pétunia le lui interdirait sans aucun doute, et le traiterait durement durant quelques jours.
-Intéressante façon de soutenir les deux équipes, commenta Bill avec un bref rire.
Le Poufsouffle baissa les yeux sur son écharpe Bulgare, toucha son chapeau Irlandais et esquissa un sourire.
-Une preuve de la stupidité des Potter, tout simplement, rétorqua une voix traînante au dessus d'eux.
Harry, qui discutait avec une étrange créature que son frère reconnut comme un elfe de maison, serra les poings et s'avança vers le nouveau venu. Lucifer ne possédait aucune rivalité avec Drago Malefoy ils ne se parlaient pratiquement jamais et se méprisaient simplement mutuellement.
-Eh bien, eh bien, Malefoy... Où donc es-tu allé traîner ta dignité pour obtenir de telles places ? persifla James avant qu'un seul des adolescents ait pu réagir.
Harry et Ron éclatèrent de rire, mais l'altercation fut coupée par un Fudge désireux de présenter deux de ses meilleurs collaborateurs à un Ministre Bulgare particulièrement agité. Le match commença quelques minutes plus tard avec l'arrivée de Ludo Verpey.
La vue était extraordinaire, et jamais encore Lucifer n'avait assisté à un match de cette envergure. De larges panneaux publicitaires clignotaient en annonçant des promotions pour des produits sorciers, la foule rassemblait divers peuples aux langues disparates et aux vêtements colorés, et l'hystérie collective qui naissait faisait monter une clameur assourdissante des gradins.
-Mesdames et Messieurs, bienvenue ! Bienvenue à la finale de la 422ème Coupe du Monde de Quidditch ! Veuillez accueillir sans plus tarder les mascottes de l'équipe Bulgare !
Intrigué, Lucifer se pencha en avant, pour constater l'apparition de femmes, splendides, surnaturelles.
-Je me demande ce qu'ils ont apportés... Ah... Des vélanes ! s'exclama Arthur Weasley.
Elles évoluaient avec une grâce envoûtante, et lorsque la musique commença, le rouquin se sentit hypnotisé par leur peau de lune et leurs cheveux d'or blanc. Le spectacle était sublime, avec une touche sauvage, et un sourire s'étira sur ses lèvres. Il se tourna vers Harry pour s'apercevoir que son jumeau fixait, bouchée béante et pupilles dilatées la danse endiablée qui se déroulait devant leurs yeux. Il paraissait ailleurs, au même titre que la plupart des Weasley -Ginny haussait un sourcil, Charlie riait et Mr Weasley avait retiré ses lunettes, quant à Hermione, elle soupirait en secouant la tête.- Un mouvement sur sa droite le fit réagir et il attrapa le poignet de son frère au moment où la musique stoppait, engendrant des cris de frustrations dans le public.
-Harry !
-Hein ? Oh...
Le Survivant tripota nerveusement le trèfle verdoyant sur sa poitrine, l'arrachant à moitié, et James, bien qu'immobile, paraissait aussi hagard que son fils. Il cilla plusieurs fois avant de passer une main dans ses cheveux et de faire de même dans ceux d'Harry.
-C'est toujours... prenant, commenta-t-il dans un éclat de rire. Exceptionnel, n'est-ce pas mon lion ?
L'arrivée des mascotte Irlandaises fut moins envoûtante mais tout aussi plaisante : des farfadets dansaient et dispersaient des arc-en-ciel et de l'or sur un public extatique.
Quelques minutes plus tard, le match démarrait avec un public au summum de l'excitation.
Exceptionnel. Verpey avait à peine le temps de donner le nom des Poursuiveurs, les Attrapeurs évoluaient comme si le balai n'était qu'un accessoire, les Batteurs et les Gardiens opéraient des mouvements sans défauts. Lucifer se servait des Multipliettes la moitié du temps elles lui indiquaient les techniques et les ruses. Le ballet aérien qui se jouait devant leurs yeux l'enchantait, et il se sentait plus euphorique qu'il ne l'avait jamais été, désireux de remercier James et de serrer la main de son frère lorsque la tension se faisait trop forte. Il n'obéit qu'à la seconde injonction de son corps, mais Harry ne sembla pas en prendre ombrage. Il s'agrippait à ses multipliettes, commentait, hurlait, applaudissait. Sa mâchoire se décrocha lorsqu'il suivit la progression de Krum jusqu'au Vif d'Or, signant la victoire de l'Irlande, qui possédait trop d'avance.
Et le stade explosa en applaudissements.
Arthur invita James à prendre une tasse de chocolat dans leur tente et ce fut une quinzaine de personnes extatiques qui commencèrent à converser autour d'une table agrandie d'un coup de baguette. Lucifer se contenta de ressasser ce qu'il venait de voir, des étoiles pleins les yeux, dégustant le chocolat plus que bienvenu. Quand Ginny s'endormit et renversa du liquide brûlant sur elle et son voisin néanmoins, il fut décrété par les deux adultes qu'il était temps d'aller dormir.
Harry protesta en rentrant dans la tente, essayant de continuer à argumenter sur Victor Krum, sa jeunesse, et ses splendides mouvements, mais James éclata de rire en lui ébouriffant les cheveux.
-Nous avons tout le reste des vacances pour en discuter, Harry. Je suis épuisé, et je travaille cette semaine.
Les deux frères se retirèrent dans leur chambre, et se mirent en pyjama.
-Lit du haut ou lit du bas ? s'enquit le Survivant.
-Comme tu préfères, marmonna son jumeau dans un bâillement.
Machinalement, Harry s'allongea sur la couchette du bas et il grimpa à l'échelle. Son oreiller lui parut inconfortable et lorsqu'il glissa une main dessous, il en retira un étrange objet indéfinissable par simple palpation.
-Harry ? souffla-t-il. J'ai trouvé... Ce qui me semble être un autre vestige de... la dernière fois que cette tente à servi.
Un bruit soudain le fit se pencher, alerté, et quelques secondes plus tard la lumière d'une bougie éclairait la pièce. Le rouquin descendit et ils approchèrent visages et objet de la flamme.
-C'est un miroir double-face ! Et il est doré, ce qui signifie que tu peux poser une question, l'un des côtés va mentir et l'autre te répondre la vérité... Ca ne va pas bien loin, bien sûr... Je te parie que Trelawney ne nous les fera jamais étudier ! Je crois que les plus communs sont les miroirs rouges, tu te regardes et un côté t'insulte et l'autre te complimente.
Lucifer buvait ses paroles, fasciné, et son poignet pivota pour observer les deux surfaces lisses.
-Je ne sais pas s'il marche toujours, commenta Harry. Attends... Comment ennuyer un Filet du Diable ?
La petite gargouille sculptée dessus tirait la langue.
-Ombre.
Harry força la main de Lucifer à pivoter de nouveau.
-Lumière.
La voix était atroce. Grinçante, hachée, comme celle des vieux jouets de Dudley.
-Qui était ton dernier utilisateur avant nous ? s'enquit doucement Lucifer.
-Sirius, répondit la voix. Peter, fit l'autre côté.
-Ca ne sert à rien de garder un côté comme « bon », c'est aléatoire, annonça le Survivant d'une voix blanche. Lucifer...
-Quelle question t'a posé ton dernier utilisateur avant nous ? reprit-il, hypnotisé.
-Est-ce que Lunard a demandé à une fille de sortir avec lui, retentit la voix. Est-ce que Lily va frapper Cornedrue quand elle saura qu'il a emmené ses fils voler ?
Bouleversé, le rouquin déglutit et tendit le miroir à son frère qui tressaillit mais ne fit pas mine de le prendre.
-Laissons le là, conseilla le Survivant. Nous pourrons toujours le reprendre, la prochaine fois...
Lucifer acquiesça et remonta, les jambes flageolantes. Ils se glissèrent sous leurs couvertures, et dans le silence, méditèrent sur le fragment de vie passé qu'ils venaient d'apercevoir. L'adolescent ferma les paupières, se sentant étrangement apaisé. Pour la première fois depuis des années, il partageait une chambre avec son jumeau, et le lien qui se construisait entre eux laissait place à de l'espoir, à l'espoir d'un amour fraternel puissant qu'il ne parvenait pas à refréner.
Un fracas assourdissant le fit se redresser d'un bond. Une lueur caractéristique d'un lumos éblouissait la chambre. Aussitôt alerte, le garçon discerna la silhouette de leur père.
-Debout, ordonna-t-il. Les Mangemorts attaquent. Mettez des chaussures, prenez vos baguettes et dirigez vous vers la forêt.
-Non ! se récria Harry.
James attrapa le bras de son fils, le tira hors du lit et attira à lui leurs deux paires de chaussures. Lucifer sauta au sol.
-Harry, écoutes-moi bien. Voldemort n'est pas de retour. Ces salopards s'amusent, sans doute en souvenir du bon vieux temps. Je me charge de les attraper. Ils ont mis le feu au camping et ils sont plusieurs. Tu ne te mettras pas face à eux aujourd'hui, tu m'entends ? Lucifer, de même pour toi. Vous restez ensemble, vers la forêt. Tout ira bien.
La voix calme et implacable de James possédait quelque chose de réconfortant. L'homme quitta la tente quelques secondes plus tard. Lucifer noua ses lacets, se saisit de sa baguette et attrapa la main de son frère, qui se dégagea. La blessure qui s'ouvrit dans son cœur fut très vite surpassée par la raison.
-Il est plus sûr que nous restions ainsi. Cela nous évitera de nous perdre.
Harry serra les dents, et porta une main à sa poche arrière.
-Je n'ai plus ma baguette ! s'étrangla-t-il.
Son jumeau laissa échapper une exclamation atterrée, puis lui tendit la sienne.
-Tu es plus aguerri que moi en défense.
Le Survivant le dévisagea de deux prunelles ardentes, déglutit douloureusement puis serra sa main dans la sienne et ils jaillirent hors de la tente.
Le camping ressemblait de façon terrifiante à un champ de bataille. Une affreuse luminosité verte resplendissait aux alentours et une fumée noire et étouffante s'élevait des tentes en flammes. Lucifer se retourna brusquement, avec l'impression que son cœur allait imploser.
-NOAH ! hurla-t-il.
Il s'élança sans réfléchir vers la tente verte de son meilleur ami, mais les doigts de son jumeau resserrèrent leur emprise.
-Il va bien, martela Harry. Sa Gouvernante le protégera.
La gorge nouée, les yeux en flammes, Lucifer secouait la tête les yeux rivés vers l'endroit où se trouvait l'emplacement de la famille Weber.
-NOAH !
S'il perdait Noah... Si Noah... Ses jambes menacèrent de le lâcher, et une main moite lui empoigna l'épaule.
-Lucifer, on va vers la forêt.
-NOAH !
-Merde ! Lucifer, Papa va te le faire payer si tu m'abandonnes...
La menace le fit tressaillir mais les larmes dévalaient sur ses joues sans qu'il ne puisse bouger. Il ne pouvait pas courir vers la forêt sans Noah. Quelque part dans son champ de vision, des hommes masqués martelaient la terre embrasée en tenant une famille moldue au bout de leur baguette, la tête en bas. Les ongles du Survivant s'enfoncèrent dans la chair de son épaule.
-Très bien, grogna-t-il. Noah.
L'instant d'après, son jumeau l'entraînait vers le cœur de l'incendie. Un chant morbide s'élevait dans les airs, des enfants hurlaient, séparés de leurs parents, ils trébuchaient sur des corps.
-NOAH !
-...CIFER !
Il eut l'impression de respirer de nouveau. Son meilleur ami se jeta dans ses bras, son pyjama déchiré, les cheveux roussis et de sérieuses brûlures sur la chair dénudée.
-Très bien. La forêt, maintenant, ordonna Harry.
Les doigts de Lucifer agrippèrent ceux de son meilleur ami. Harry, quelques pas devant eux, tenait sa baguette brandie dans les airs, prêt à attaquer et à les défendre. Il se déplaçait avec une assurance hors du commun et les muscles bandés prêts à bondir. En cet instant, il ressemblait à un guerrier.
L'effet de terreur s'était propagé, et même la forêt fut atteinte. Ils n'y voyaient goutte, et Harry refusa de lancer un lumos au cas où ils auraient eu besoin d'un sort protecteur.
Ils s'enfoncèrent dans les bois, et Harry appela plusieurs fois Ron et Hermione.
-Où est Lydia ? murmura Lucifer.
-Je ne sais pas.
La voix de Noah était emplie de sanglots.
-Elle m'a élevé, Lucifer. Si jamais... Une étincelle a atterri sur notre tente, et elle m'a fait sortir mais nous avons été séparés. Certaines choses auxquelles mes parents tiennent... Je voulais les prendre avec moi, mais elle m'a obligé à sortir.
Ils ralentissaient le rythme, à présent, trébuchaient sur des racines, peinaient à reprendre leur respiration. Le jeune Potter passa un bras autour des épaules de son ami et les serra. Au loin, les cris semblaient diminuer.
-Noah ? Harry, Lucifer ? Vous êtes là ?
La voix d'Hermione, à quelques mètres d'eux, apparut comme un véritable soulagement. Harry se précipita vers ses amis.
-On a croisé Malefoy, cracha Ron. Il a laissé sous-entendre que son père faisait partie de ces... retrouvailles. Et on a été séparé des jumeaux et de Ginny, on s'est dit qu'on allait les attendre...
-Oh, Harry ! J'ai cru que...
Hermione inspira profondément, laissant la fin de sa phrase en suspension.
-Que je serais en train de me battre ? siffla le Survivant. J'aurais bien voulu, mais selon Papa, ce n'était pas le moment.
-Il a raison... Je veux dire, bien sûr que tu aurais pu te battre Harry, mais tu as quatorze ans et les agents du ministère...
Le regard noir que son ami lui lança la réduisit au silence, et tous cinq purent se rendre compte que tout était de nouveau calme. Seuls quelques pas dans les fougères résonnaient.
-Qui est là ? s'exclama Harry, brandissant la baguette en Cèdre.
Nulle réponse ne vint et ils se levèrent précautionneusement. Une voix gutturale vint briser le silence de la nuit.
-MORSMORDRE !
Une lueur verte, semblable à celle qui avait illuminé le camping plus tôt, se déversa sur les bois, et une forme se détacha sous le ciel étoilé. Un crâne immense, détaillé à la perfection, de la bouche duquel sortait un immense serpent qui s'enroulait sur lui-même.
-Voldemort.
Harry bondit aussitôt, et Lucifer le suivit, les poings serrés, priant pour ne pas avoir à lancer de sort. Il était sans baguette, démuni, et incapable de protéger quoi que ce soit.
-Harry, allons-nous en, supplia Hermione. Le Ministère va arriver.
-Baissez-vous ! avertit Noah, et ils obéirent instinctivement.
-STUPEFIX !
Une vingtaine de sortilèges écarlates fusèrent au-dessus d'eux, et un bouclier de Protego se dressa entre eux et les membres du Ministères. Un instant plus tard, ils étaient entourés de James, d'Arthur Weasley et d'autres éminents agents dont le père de Cédric Diggory.
L'elfe de maison de Croupton, qui se trouvait juste derrière eux lors de match de Quidditch fut renvoyée après avoir été attrapée en possession de la baguette du Survivant, sous les yeux indignés d'Hermione. Lucifer éprouvait de plus en plus de difficultés à faire entrer de l'air dans ses poumons.
James les ramena au Manoir Potter dans la matinée. Il ne dit mot durant la plupart du trajet, et ce ne fut que lorsque les deux frères furent assis dans le canapé et la tente soigneusement hors de portée de quiconque que le masque dur apparu sur son visage glissa. Il serra Harry dans ses bras comme si sa vie en dépendait, caressa ses cheveux, son visage, s'assura qu'il allait bien. Et Lucifer s'efforça de ne pas songer que sa propre vie ne valait rien. Ses pensées dérivèrent vers son meilleur ami, rapidement traité pour ses brûlures par un Médicomage, à l'instar de sa gouvernante. Il leva vers son père deux prunelles fiévreuses, attendant d'être violemment repris pour avoir désobéi, pour n'avoir pas su protéger son jumeau, mais l'homme se contenta de secouer la tête. Il ignorait que ses deux fils s'étaient élancés dans l'incendie, se rappela Lucifer.
-Tu as vu... commença l'homme avant de s'interrompre.
Lorsqu'il reprit, le sujet n'avait plus rien à voir.
-Je vais devoir aller travailler. Mettez-vous au lit, rattrapez votre nuit, reposez vous. Je préférerais que vous ne montiez pas sur un balai aujourd'hui. Je serais de retour ce soir, on parlera... de tout ce que... vous voulez. Des vacances, aussi. Sirius refusera de les annuler pour que je vous entraîne, mais on prendra sur le temps libre des prochains jours.
Il embrassa Harry, salua Lucifer et disparu, l'air exténué. Les deux garçons demeurèrent sur le canapé, épuisés et abattus. Ils fixèrent le mur de longues minutes durant.
-Tous les signes pointent vers Voldemort, déclarèrent-ils d'une même voix.
Pas l'ombre d'un sourire ne passa sur le visage du Survivant.
Lucifer enfouit son visage dans la fourrure de Korrigan. Les traînées de larmes salées sur ses joues humidifièrent le pelage du chat, qui ne broncha pas.
Il se sentait mal. L'ère sombre qui arrivait vers eux lui donnait la nausée.
