Voici une fic que j'ai commencé en février, et qui s'achève aujourd'hui, au premier jour de septembre. C'est le même temps de gestation qu'un bébé kangourou XD
J'ignore si cette fic sera aussi frappante et bondissante qu'un kangourou, mais elle bénéficie d'un petit (très modeste, entendons-nous bien) plot, et j'en suis relativement contente, voire même assez fière.
J'espère que la progression de la relation entre les deux personnages vous plaira, et...les petits moments gen avec les autres persos aussi ! Bonne lecture !


C'est étrange de chuter pour de vrai dans un monde fait de faux-semblants. On a beau connaître tous ses mensonges et ses demi-vérités, la surprise est toujours là, et pendant que l'on tombe, c'est tout un univers qui s'ouvre dans une réalité autrefois en deux dimensions. C'est comme un rideau qui se lève sur un spectacle inédit.

Bill en perdit son chapeau et se laissa même aller à un moment d'étourderie innocente – quelque chose qu'il avait rarement expérimenté en un trillion d'années. C'était un cabotin, un joueur, et il n'était pas habitué à ce que la scène vacille sous ses pas lorsqu'il lui prenait l'envie de danser il était tel un soleil autour duquel les autres astres doivent tourner, mais lui reste immobile, immuable dans son éternité, intouchable et inatteignable. C'est ainsi qu'il s'était toujours vu, se voulant à mille lieues des contraintes matérielles du monde des émotions concrètes.

Dipper en profita pour s'enfuir.

« Wow wow wow, relax Pine Tree, je ne vais pas te faire de mal ! Je viens en ami... », déclara Bill en le rattrapant aisément.

Il n'était qu'un tourbillon de sentiments contradictoires enfermés dans un esprit trop étroit, non-conçu pour ressentir ça épuisait son énergie, ça tirait, ça piquait, comme des aiguilles imaginaires plantées dans son œil, la seule partie sensible de son anatomie. Il était une tempête électrique menaçant de s'abattre sur celui qui avait tout déclenché – Dipper Pines, gamin fluet au regard terrorisé mais à l'expression ferme. C'est ce que Bill aimait plus que tout le reste : la détermination devant la peur. Il suffisait de gratter un peu la surface, et avec suffisamment de force, pour faire apparaître la frayeur dessous. Elle le tentait insidieusement, comme une coulée de confiture pour un enfant gourmand...

- On n'est pas ami !, rétorqua le garçon. Tu m'as possédé !

- Et ça n'aurait pas aussi bien marché si tu n'avais pas déjà un petit faible pour moi, pas vrai ?

Tandis que le gamin cherchait dans sa petite tête une réplique cinglante, Bill lui tourna autour en flottant dans les airs.

- Tu devrais écouter, ça ne t'engage à rien. Tiens, en signe de bonne volonté...tu veux voir ma vraie forme ?

Avant que Dipper ait pu répondre, Bill se mit à briller son corps devînt d'un rouge écarlate aux reflets pourpres, tandis que des bras lui poussaient de partout. Il se mit à grandir, grandir, et se scinda en trois parties. Plusieurs rangées de crocs scintillants de bave apparurent dans les interstices entre ses trois étages, laissant entrevoir des trous béants comme des bouches – ou des trous noirs vers le néant.

Il contempla avec satisfaction et arrogance le petit humain, qui n'en menait plus très large à présent. C'était un spectacle attendrissant, qui le fit vaciller sur ses certitudes.

- Je plaisante !, s'exclama vivement le triangle en redevenant normal en une fraction de seconde. Ce n'est pas ma vraie apparence – juste une des plus effrayantes. Elle te plaît ?

- Ne...ne m'approche pas !, se défendit Dipper en donnant un coup dans les airs avec son journal, afin d'éloigner le plus possible Bill de lui.

Ce dernier fronça le sourcil d'un air contrarié.

- Moi qui pensais que tu avais le sens de l'humour...

- Je n'en ai pas avec les viles démons de ton espèce !

- Oh, je suis blessé !, se plaignit faussement la créature sur un ton moqueur. Moi, vil ? Comme si ça ne t'était jamais arrivé de manipuler quelqu'un, toi !

Et bien sûr, il savait qu'il touchait un point sensible. Le visage de Dipper se froissa comme un vieux papier journal – c'était adorable.

Avec le crochet de sa canne, il attira le garçon vers lui et celui-ci trébucha contre la surface dure du triangle jaune. Le grand œil du démon se fit enjôleur.

- Tu as conscience que nous sommes un peu pareil, toi et moi, hein ? Tu as toujours su que tu étais spécial, mais les autres ne peuvent pas t'accepter tel que tu es. Alors tu utilises des subterfuges, tu fais illusion...mais ce n'est jamais assez.

Dipper détourna les yeux, alors Bill poussa son avantage et lui donna un coup de coude.

- Tu es intelligent Pine Tree, c'est une qualité que j'admire chez vous autres, humains. Pas que ça vaille un kopeck en face d'une intelligence telle que la mienne, mais enfin...je t'aime bien. Ce n'est pas tous les jours que je me donne autant de mal pour parler à quelqu'un. Tu sais que si j'avais vraiment voulu, j'aurais pu me servir de toi dès le début ?

- En quoi c'est sensé me convaincre de te faire confiance ?, grogna Dipper.

- Si tu es intelligent, tu ne le feras pas, indiqua Bill.

La moue que fit le gamin donna envie à Bill de fourrager dans ses cheveux il glissa les doigts dans les boucles épaisses, et Dipper eut un mouvement de recul. La défiance qu'il manifestait à son encontre était des plus touchantes. Bill enroula un de ses bras extensibles autour de ses épaules, collant son segment le plus proche contre le garçon de sorte qu'ils aient le plus de contact possible. Dipper était tout chaud et poisseux de sueur, sa peau si douce était suintante – et Bill ne trouvait pas ça totalement désagréable. C'était confortable de sentir son malaise, de percevoir les battements affolés de son cœur dans la pulsation de ses veines, dans le rythme rapide de sa respiration, comme de s'asseoir dans un canapé après une longue journée à terroriser la populace, chasser quelques humain et dévorer des nourrissons – exténuant, vraiment.

Il avait conscience qu'il aimait le toucher, pour n'importe quelle raison et que ce n'était pas naturel, que ça défiait ses propres règles. Pourtant cela apaisait temporairement les picotis agaçants derrière son œil, là où il cachait ses secrets les plus sombres.

Il s'arracha à contrecœur du garçon et s'éleva dans les airs, frôlant les branches d'un arbre avec son chapeau haut-de-forme.

- On pourrait s'aider mutuellement, Pine Tree. Ça ne dépend que de toi.

Il pointa le doigt sur Dipper, qui se figea comme un cerf pris dans la lumière des phares.

- Tu cherches à percer le mystère de Gravity Falls ? Je connais plus de réponses à ce sujet que ton stupide journal. Je ne demande qu'une minuscule petite chose en échange...

- Une marionnette ?, gronda Dipper. J'ai déjà donné...

- Aw, Pine Tree, l'interrompit Bill. On est passé à une autre étape de notre relation à présent. Non, ce que je veux...

Il contempla le garçon d'un œil brillant.

- Un petit effeuillage, par exemple.

Dipper écarquilla les yeux et Bill put ainsi confirmer son intuition : il ne savait pas ce que c'était.

Il écarta les bras, reculant.

- Je te laisse y réfléchir. En attendant, n'oublie pas : je t'ai à l'œil.

Il se laissa disparaître dans un flash lumineux.

..

Comme attendu de la part de Bill, Dipper chercha le mot dans le dictionnaire dès qu'il fut rentré au Shack. Il perdit vingt bonnes minutes avant de le trouver dans un placard plein de toiles d'araignées. La couverture était couverte de poussière, néanmoins les pages semblaient en bon état. Toutefois, en feuilletant l'ouvrage, il découvrit que celui-ci avait été creusé pour dissimuler des polaroids. Intrigué, le garçon contempla les photos. Elles représentaient une jolie jeune femme aux longs cheveux bruns, souriante. Il y avait plusieurs clichés d'elle en train de danser, de boire un milkshake, de prendre la pose devant une voiture étrangement familière...

Soudain Dipper se pencha pour mieux voir : l'une des photographie représentait un jeune homme se triturant une narine avec l'auriculaire, et son visage ressemblait définitivement à celui de l'oncle Stan, avec beaucoup d'années en moins.

Dipper resta plusieurs minutes à observer les images, se demandant qui était la fille et pourquoi les polaroids étaient cachés si c'était pour être abandonnés dans un coin sombre. Mais il ne se voyait pas poser la question ça semblait trop intime, comme s'il avait mis son nez quelque part où il n'aurait pas dû.

Il reposa le dictionnaire, après avoir replacé les photographies, et referma le placard.

Il lui fallait trouver autre chose.

Depuis une autre dimension faite de rêves et de cauchemars, Bill ne se lassait pas d'espionner Dipper, prenant plaisir à suivre les différentes étapes qui le mèneraient inexorablement entre ses griffes. C'était ridicule de penser pouvoir lui échapper, mais quand chez d'autres, la stupidité de la démarche l'aurait ennuyé, avec Dipper, c'était comme un jeu. Il savait, comme il savait toute chose, que le garçon n'allait pas pouvoir résister à l'attrait de la connaissance qu'il lui proposait. Ce n'était qu'un enfant après tout, précoce et avide d'apprendre. Habituellement, Bill détestait les mômes, cependant, celui-ci éveillait un intérêt inexplicable additionné à des sensations authentiques, qui auraient pu l'effrayer ne serait-ce qu'un millénaire plus tôt.

Aujourd'hui elles l'intriguaient, l'attiraient même. Elles bousculaient son univers bien ordonné autour de lui-même, dérangeant ses certitudes établies, l'obligeant à se soustraire de sa propre ligne temporelle et de ses savoirs prophétiques. Il naviguait désormais dans le noir le plus complet, s'interrogeant sur la finalité de tout cela, puisqu'il n'en maîtrisait plus les règles.

Dipper Pines avait été, quelque part, un moteur d'exaltation dans une existence pré-déterminée – et pour tout dire assez ennuyeuse, passés les premiers siècles.

Alors Bill était forcément intéressé.

..

Internet était la solution.

La bibliothèque de Gravity Falls disposait d'un certain nombres d'ordinateurs, destinés à des recherches sur la toile. Dipper avait dû supplier l'oncle Stan pour qu'il l'emmène au centre-ville, mais Mabel avait réussi à le convaincre en lui rappelant qu'il n'avait rien à payer.

Aussi Dipper put enfin s'asseoir à l'un des bureau, et réfléchir posément. Voulait-il réellement savoir ? De toute façon, conclure un nouvel accord avec Bill aurait dû être totalement hors de question. Pourtant il se surprenait encore à espérer que cette fois, il pourrait contrôler le démon et lui rendre la monnaie de sa pièce pour la fois où il l'avait trompé pour utiliser son corps.

C'était sans doute naïf, mais ça lui semblait le seul moyen de combattre efficacement ses cauchemars. Comme si une unique victoire pouvait effacer toutes les fois où il s'était réveillé couvert de sueur au beau milieu de la nuit.

Il alluma l'appareil en fronçant des sourcils, s'efforçant de ne pas trop y penser. Après quelques clics de souris, une fenêtre s'ouvrit pour lui demander s'il voulait se connecter à internet.

Bill le surveillait, penché derrière son épaule. Bien sûr, le garçon ne le voyait ni sentait pas, car ils n'étaient pas présents sur le même plan – un inconvénient que Bill, en tant que démon des cauchemars, savait contourner.

Il observa le garçon pianoter maladroitement sur le vieux clavier aux touches lourdes. Il allait obtenir ses réponses, et ça deviendrait alors nettement moins amusant.

Le démon s'empressa donc de descendre au sous-sol, là où il y avait le compteur électrique.

Après tout, il était fait de pure énergie...

Soudain, toutes les lumières s'éteignirent, plongeant la bibliothèque dans le noir. L'écran devant lequel Dipper était en train de taper se coupa lui aussi, dans un claquement sec.

Le garçon regarda autour de lui, avec étonnement, ne comprenant pas tout de suite ce qu'il se passait. Un petit enfant se mit à pleurer et le mécontentement des lecteurs s'éleva bientôt.

Dipper se tourna, désemparé, vers l'écran qui n'affichait plus rien, tel un immense œil vide et sans vie qui le fixait avec un désintérêt total.

Bill lui effleura la tête de sa main, les doigts encore parcourus de petites étincelles, et les cheveux de Dipper se dressèrent sous sa casquette.

Ce dernier tira vivement son siège et s'éloigna, les épaules rentrées dans une attitude inconsciemment défensive, comme un animal apeuré s'attendant à tous moments à être attaqué par un prédateur. Le démon triangulaire le regarda partir d'un air pensif et prit sa décision.

Ce serait pour ce soir.


Comme je l'ai dis dans les notes du début, cette fic est déjà terminée. Néanmoins, j'ai décidé de la segmenter en plusieurs chapitres pour une meilleure lisibilité. Voilà pour la petite explication. J'espère que ce premier chapitre vous aura mis en bouche pour la suite...