Bonjour à toutes et à tous,
Cette histoire reprend la fic Transfert et conséquences. Il n'y a pas besoin de l'avoir lu pour suivre celle-là. L'intrigue de départ est assez simple.
Résumé de l'OS : Aphrodite a été séquestré, violenté sous le joug de Minos le prenant pour son amour défunt. Dans sa folie il s'est servi du corps du chevalier comme exutoire. Le juge a été neutralisé par le dieu du Sommeil pour un repos éternel.
Rating : T
Pairing : Aphrodite / Deathmask / Saga
Genre : Dark
o
Fic en 11 chapitres.
J'aime le personnage d'Aphrodite mais il vrai que je m'amuse à le faire souffrir d'ailleurs je ne sais pas pour quelle raison. Alors oui un chevalier d'Or tel que lui ne peut s'en doute pas se retrouver prisonnier d'un juge mais pour le besoin de mon histoire si. Je voulais développer le thème de la dépendance (physique et psychologique) cela me fut fort utile.
Au départ ce texte devait être un OS mais il a pris de l'ampleur, de plus en plus. Je ne décrochais pas d'Aphrodite et pour montrer sa reconstruction il fallait bien détailler les choses. Les chapitres se sont succédés et voici ce qui en découle. Je rajoute que je l'ai écrite il y a près de deux ans.
o
L'illustration est un cadeau de LesathALNiyat, que vous pouvez retrouver sur le site Deviantart. J'adore ses dessins et elle m'a gentiment dessiné un Aphrodite terriblement beau et émouvant. Ca m'a fortement touché de recevoir un « gift » aussi beau – bien entendu j'ai son accord pour l'utiliser.
Merci !
Bonne lecture.
Désolé Aph'
Peri BloodyRose.
~OoOOoOoOOoO~
Le Mal qui te ronge
.
~Séquelle de Transfert et conséquences~
~OoOOoOoOOoO~
Chapitre 1
La poupée de chiffon
.
Les chevaliers d'Athéna avaient parcouru les Enfers et mis à sac le palais du souverain pour ramener avec eux leur camarade disparu : Aphrodite chevalier des Poissons. Captif depuis des mois dans la demeure de Minos, second juge des Enfers, où il se trouvait prisonnier de son tortionnaire. Angelo le trouva dans la chambre du Griffon, livide, atonique, sans réaction aucune. Il l'avait secoué par les épaules comme un prunier, lui hurlant son désarroi mais rien n'y fit, son ami demeurait passible, le regard perdu dans le vague. Il ne semblait reconnaître personne, ni même l'endroit où il se trouvait.
Pendant tout le trajet du retour, Angelo porta son ami comme un objet fragile prêt à se casser à tout moment, ne le laissant jamais tomber, le collant contre son torse ferme, lui murmurant des phrases rassurantes.
— Ne t'inquiète pas je suis là. Ca va bien se passer maintenant. Je te protégerai. Je resterai toujours vers toi.
Malheureusement, les yeux clairs ne révélaient aucune expression, ils demeuraient vides. Sa bouche restait désespérément close, ses membres inertes. Aphrodite ressemblait à un pantin désarticulé, cassé avec lequel on ne joue plus, usé d'avoir trop servi. Servi trop souvent pour assouvir les dessins macabres d'un fou à lié.
Arrivé au Sanctuaire, Shion décida de réunir tous ses chevaliers pour statuer sur le sort de leur camarade et ami. Ne pouvant rester seul, Shaka fut assigné pour le veiller le temps de leurs délibérations dans le douzième temple. Il fut allongé dans son ancien lit, il ne bougeait toujours pas, il ne regardait pas non plus le chevalier de la Vierge qui tentait de lui parler pour le rassurer. Shaka déclencha son cosmos pour bercer son ami d'une aura de réconfort, en attendant de savoir quel mal le rongeait.
Dans le temple du Pope tous s'affairaient à parler en même temps en gesticulant les uns et les autres. Angelo hurlait, Saga revendiquait, Mû calmait les esprits échauffés, Milo marchait en long et en large dans la salle du trône, Camus réfléchissait. Dans la cohue-bohu régnante, Shion tapa du point sur la table pour se faire entendre.
— Bon cessez vos discussions intempestives ! Ca ne fera pas avancer les choses ! Nous devons trouver une solution pour le chevalier des Poissons. Aphrodite semble au plus mal, jamais je n'ai eu à faire à une telle situation. L'heure est grave !
— Ouais c'est à cause de cette enflure de merde De Griffon de mes deux ! Je vais le crever cet enfant de salaud ! hurla Angelo.
— Je comprends ta colère mon ami, mais d'insulter une personne qui n'est pas là ne fera pas non plus avancer les choses, restons constructifs.
— Quoi ! Pardon ! Vous voulez que je reste calme !? Et pourquoi pas lui baiser les pieds aussi pendant que vous y êtes ? C'est pas possible, vous prenez sa défense ? J'aurais cru que vous alliez faire quelque chose Shion !
— Et tu veux que je fasse quoi exactement Angelo ? Hadès s'est chargé lui-même de sa punition. Désormais, le juge Minos du Griffon n'existe plus. Il ne réapparaitra plus ici comme dans le futur.
— Et c'est tout ? C'est ça que vous appelez une punition ? Sans blague, roupiller jusqu'à l'éternité moi j'appelle pas ça une punition ! Il doit crever cette putain de…
— Stop ! Angelo ! Ne manque pas de respect au Grand Pope je te prie ! intervint vivement Mû. Ce n'est pas de son ressort, il ne peut rien faire de plus.
— Et tu trouves ça normal bien entendu toi ? Dès qu'on touche à un cheveu de ton vénérable maître, la petite brebis se réveille… Et bien moi je ne suis pas d'accord, il doit payer et durement pour ce qu'il a osé faire à Aphro !
Mû se radoucit puis répondit.
— Je suis d'accord avec toi, c'est intolérable ce qu'il a fait, mais regarde l'évidence, on ne peut intervenir plus…
Shion le coupa.
— Laisse Mû… Il souffre, il est révolté, je ne m'offusque pas… Angelo, j'aimerais réellement lui donner une punition comme il se le doit, mais les choses sont ainsi faites… La préoccupation principale est de soutenir et de trouver un moyen à Aphrodite de surmonter son traumatisme et de l'entourer de notre amour… N'es-tu pas d'accord ?
L'italien se contenta d'acquiescer d'un mouvement de la tête, les bras croisés. Shura vint derrière lui pour poser une main réconfortante sur ses épaules. Ainsi que Saga de l'autre côté. Tous comprenaient la détresse du Cancer, lui plus qu'un autre était révolté par le cauchemar qu'avait vécu leur ami. Parce que lui, plus qu'un autre portait des sentiments bien plus poussés que ses camarades.
Shion reprit.
— Je suis certain que vous êtes d'accord avec moi sur le fait qu'on ne peut laisser Aphrodite seul dans son temple. Il lui faut des soins et ce vingt quatre heures sur vingt quatre. Peut être que…
Il n'osa pas continuer et planta ses yeux dans ceux du Cancer avant de continuer.
— Probablement qu'il lui faudrait des soins appropriés dans un établissement spécialisé, là-bas des médecins ainsi que des infirmières pourront s'en occuper convenablement. Nous, nous ne sommes pas habilités pour le faire…
Angelo bondit hors des bras de ses amis pour se poster devant le Pope les poings tremblants, l'œil ulcéré. Il mugit.
— Quoi ? Comment osez-vous ? Vous voulez vous en débarrasser maintenant qu'il ne vous sert plus à rien !? Vous voulez qu'on l'abandonne à des étrangers ? Mais qu'est-ce qu'il va penser de nous ? Il va se sentir perdu, il n'est pas fou ! Il n'est pas fou !
Le cri de désespoir du Cancer toucha véritablement l'assemblée. Le bélier bicentenaire baissa la tête, plissa les yeux d'impuissance. Lui aussi avait mal. Il avait mal pour la douleur que ressentait Angelo, il souffrait pour les tortures infligées à son douzième gardien, il culpabilisait de ne pouvoir rien faire de constructif. Alors oui il comprenait l'italien au bord de l'agonie mentale, non il ne lui en voulait pas.
— Que proposes-tu alors ? lui demanda-t-il.
— On va s'en occuper, nous ! Moi ! Moi je vais m'en occuper !
— C'est une responsabilité très lourde tu sais, que de devoir s'occuper ainsi d'un autre être humain… Et nous ne savons pas combien de temps cela peut durer…
— Je m'en fous ! Laissez-moi m'occuper d'Aphrodite ! Il ne faut pas l'envoyer ailleurs, sa place est ici, au Sanctuaire avec nous !
— Je suis d'accord avec lui Grand Pope, osa Saga. S'il faut, nous nous relaierons à tour de rôle pour veiller sur lui. Il ne peut pas partir, je pense que ça l'enfoncerait d'avantage.
— Bien, je vous suis. Mais nous ne pouvons pas le laisser résider seul dans son temple à l'autre bout du domaine. Il n'est pas en mesure de faire quoi que se soit…
— Je le prends avec moi, reprit Angelo avec son ton toujours révolté.
— Oui, il faut qu'il réside parmi nous, au milieu du domaine pour qu'il se sente entouré, renchérit Saga.
— Faisons comme ça alors… Je ferai cependant venir des médecins pour l'examiner et s'il ne présente aucune amélioration dans les mois à venir, il faudra prendre une décision… Sur ce, je vous laisse vous concentrer sur votre camarade.
Angelo courut aussitôt dans le temple de son ami, informa Shaka du déroulement de la réunion et prit dans ses bras Aphrodite pour l'emmener chez lui. Pendant la descente des marches rien ne se passa de plus, le Poisson restait inanimé. Le quatrième chevalier l'installa dans sa propre chambre en aménagent ses appartements pour qu'ils soient le plus confortables possible. Il rajouta des coussins qu'il avait pris dans le temple de son ami. Lui amena des affaires personnelles et disposa dans sa chambre et au salon des bouquets de roses rouges.
Il s'assit au bord du lit et regarda son ami l'air absent. Il était éteint, tout son corps ressemblait à un gigantesque masque, comme ceux de la Comedia dell'arte, sauf que le sien restait inexorablement inexpressif. Il se retint de ne pas hurler encore une fois, pour ne pas effrayer son ami et aussi il ravala ses larmes qui voulaient percer ses prunelles chromées.
— Tu vas voir, tu vas te sentir bien chez moi. Je ferais tous les plats que tu aimes. Bon, je ne te garantis pas le résultat… Au pire, je suis sûr que Camus ou Mû t'en prépareront des meilleurs… Mais t'inquiète, j'interdirais à Mr Freeze de te faire ses fameuses grenouilles… Pouah c'est immonde !
Il se tut pour laisser son ami intervenir. Rien. Le silence. Un silence pesant chargé de douleur. Sa gorge commençait de le serrer, ses cordes vocales ne semblaient plus lui répondre, il voulut reprendre la parole mais aucun son ne sortit. Il émit un son muet et les larmes roulèrent le long de ses joues.
« Je n'ai pas le droit de me laisser aller. Pour lui. Reprends-toi Angelo merde ! Reprends-toi, pas devant lui, jamais. »
Il essuya d'un geste vif ses larmes traitresses et reprit une contenance, il continua de parler pour combler le vide intrusif. Il parla longuement au chevet d'Aphrodite pour éloigner les barrières de solitude qui s'installaient autour de son ami.
— Je t'apporte une couverture, tu vas prendre froid comme ça. Tu sais, demain on pourrait aller faire un tour dans ta serre, pour que tu retrouves tes roses… Elles doivent te manquer, tu adorais les bichonner.
Il se reprit intérieurement.
« Quel con ! Je parle de lui au passé, il n'est pas mort ! »
— Si tu préfères, on pourrait aller au bord de la plage, je sais que tu adores voir la mer au coucher du soleil… Qu'en dis-tu ?
Il plia la couverture en deux pour la déposer délicatement sur les jambes d'Aphrodite qui contemplait le mur d'en face.
— Je vais te préparer un bon dîner, je te l'amènerais tout à l'heure… Ok ? Je ne serais pas loin, dans la cuisine. Si tu as besoin de quelque chose appelle-moi…
Une fois le repas mijoté, Angelo le plaça sur un plateau avec un pichet d'eau et l'apporta à son convalescent. Celui-ci n'avait pas bougé de place, il restait assis adossé à la tête du lit, les jambes allongées, ses mains filigranées au dessus du tissu. On aurait vraiment dit une poupée de porcelaine, stoïque, presque sans vie. Même ses prunelles ciel ne trahissaient une quelconque flamme de vie, il semblait composé d'argile et de faïence. Poupée du temps passée, poupée abandonnée.
Angelo se rassit à sa place, déposa le plateau sur les genoux d'Aphrodite en lui indiquant de manger. Aucun regard ne se posa dessus, il flottait dans l'espace de la pièce. Alors l'italien se rapprocha plus près, prit une cuillérée d'aliment pour le porter à sa bouche.
— Ouvre la bouche s'il te plait.
Rien. Il ne le regardait même pas, il n'existait pas.
— Ouvre la bouche, tu dois te nourrir.
Le visage halé se décomposait littéralement devant ce sordide tableau. Il réfrénait tant bien que mal sa haine et ses larmes, encore une fois. Il n'était pas homme à se déverser facilement, mais là le déchirement qu'il subissait était trop grand pour tenter de le camoufler. Jamais il n'aurait imaginé un jour voir son ami, son soupirant dans un tel état. Lui qui aimait tant la vie, lui qui aimait tant rire, narguer, parler, babiller, chanter, se disputer, faire voir qu'il était là… Devant lui ne résidait plus qu'un fantôme sans vie, blême, sali par une folie destructrice.
Cet odieux spectre l'avait tué de l'intérieur. La main tremblante, Angelo tenta de nouveau de le faire manger, sans succès.
— Aller, pour moi… Mange un peu… Pour moi Aphro…
Voilà qu'il lui parlait comme à un gosse, un bébé à qui on apprend tout des choses de la vie, ou alors comme à une vielle personne à qui on doit tout faire. Aphrodite n'était pas impotent, pas fou, pas demeuré, il n'était plus un enfant ! De dépit, le Cancer posa le plateau repas sur sa commode et vint reprendre sa place. Il fit un geste de la main en la tendant près du visage de son ami. Dans un sursaut soudain, ce dernier se recula comme un animal apeuré, cette fois-ci ses yeux se posèrent sur l'individu en face. Son regard… Par tous les dieux de l'Olympe ! Son regard dépeignait une peur incommensurable, une aversion teigneuse, comme si Angelo allait l'agresser. Il s'agitait en donnant des coups à l'encontre de son ami, le frappant au visage, sur son torse, ses épaules, en le griffant et en hurlant. Une crise de panique l'envahit, incontrôlable.
Angelo tenta de le maîtriser ce qui attisa encore plus sa furie, il se sentait impuissant, qui plus est, il ne voulait pas user de sa force pour le calmer de peur de lui faire mal et de le traumatiser encore d'avantage. Au bout de quelques minutes, Saga, Mû montèrent dans le temple du Cancer, suivi d'Aiolia qui lui le descendit.
Ils entrèrent dans la chambre et furent témoin du triste spectacle qui se déroulait devant eux. Saga fit un signe de tête au Lion pour qu'il écarte Angelo et alla se placer devant Aphrodite qui continuait de ruer de coups le premier qui s'aventurait trop près de lui. Du coup, c'est le Gémeau qui subissait le mauvais traitement. Il encaissa jusqu'à temps qu'Aphrodite, à bout d'énergie se laisse aller sur le matelas, il redevint stoïque. Mû resta un peu seul avec lui pour essayer de le baigner de son cosmos ressourçant.
Dans la cuisine, Angelo assis à la table s'abandonna, la tête emprisonnée dans ses mains, il ne comprenait pas. Dévasté par l'état de son ami. Saga demanda au Lion d'aller chercher Shura, la seule personne qui comprenait le quatrième gardien. Quand ce dernier arriva il prit le relais auprès de son ami, il alla voir Aphrodite pour lui donner à manger, aucun succès ne vit le jour. Il servit une tasse de café bien forte à son ami et s'assit à ses côtés.
— C'est un choc, mais Angelo ne craque pas, tu ne peux pas te le permettre, pas pour lui…
— Je sais Shura, je sais. J'essaie, je te jure j'ai essayé mais… Le voir comme ça… Ca me tue, pourquoi lui ? Pourquoi lui ?
— Tu n'es pas seul, je suis là, les autres aussi. Si tu as besoin de souffler moi je peux…
L'hispanique marqua un temps d'arrêt pour peser ses mots, ne voulant pas froisser Angelo.
— Je peux prendre le relais de temps en temps si tu veux. Je saurai veiller sur lui tu sais. C'est mon ami à moi aussi…
— Oui je sais. Mais c'est mon rôle, je lui dois bien ça.
— Comme tu veux, mais sache que si un jour tu as besoin, n'hésite pas, pas avec moi.
La culpabilité le rongeait, il s'en voulait terriblement de n'avoir rien remarqué du manège de cet immonde salopard. De ses intrigues et de l'absence prolongée de son ami. Il était pris de remords en pensant au calvaire qu'il avait subi par sa faute, sa faute de n'avoir pu le sauver à temps. Il n'avait rien pressenti, ne se doutant pas du plan de l'autre. Et puis enfin, il s'insultait du fait d'avoir mis trop de temps à le retrouver et à le libérer. Il pensait que tout était sa faute, alors oui, il prendrait tout sur lui et se dévouerait entièrement à la reconstruction d'Aphrodite. Sans oublier le fait qu'il l'aimait en secret depuis de nombreuses années, lui vouant un véritable culte, résidant dans l'ombre de son amitié pour veiller sur ses faits et gestes. Non, jamais ô grand jamais il ne le laisserait tomber, de son point de vue cela ne s'appelait pas un sacrifice mais un dû.
Il demeura toute la nuit auprès de lui pour veiller sur son sommeil. Sommeil qui se révéla agité, il ne cessa de gémir des plaintes suppliantes, de se retourner sans cesse dans son lit. Il fit même un ou deux cauchemars au milieu de la nuit. Angelo se contentait de remonter les draps sur son corps frêle et de lui murmurer des paroles rassurantes. Il n'avait pas la possibilité de le prendre dans ses bras pour lui prouver qu'il était là, ne désirant pas revivre la scène dramatique de l'après-midi.
Au petit matin, la situation ne changea pas. Le petit déjeuner ne fut pas touché, Aphrodite restait alité. Lui qui s'évertuait à pendre soin de ses apparences voilà qu'il ne se levait plus pour aller se laver. Comment lui faire faire tous ces gestes intimes de la vie quotidienne ? Comment lui faire sa toilette ? Et puis toutes ces choses auxquelles on ne souhaite faire profiter quiconque. Surtout pour un chevalier aussi fier que le Poisson. Angelo ne se résolvait pas à imaginer ce problème, la situation devenait trop gênante et pesante. Pourtant il s'interdisait de penser qu'il deviendrait un fardeau un jour…
Alors paniqué, ne sachant pas quoi faire, il alla en parler à Saga, qui lui semblait toujours garder le contrôle des évènements et de ses humeurs. Même en cas de situation désespérée, le Gémeau gardait la tête froide pour contrer tous les problèmes. Les deux chevaliers convinrent qu'en tant qu'hommes ils ne pouvaient toucher à l'intimité meurtrie de leur compagnon, cela le condamnerait à revivre ses atroces souffrances passées. Il fallait qu'une femme s'occupe de sa toilette. Des servantes furent envoyées chaque matin pour tenter de laver le chevalier des Poissons.
Elles n'eurent pas plus de succès, le convalescent restait dans son lit, l'air ailleurs. Angelo un matin le prit dans ses bras pour l'emmener dans la salle de bain, il installa une chaise qu'il calla contre le mur de la douche. Assit son ami dessus, le couvrit de serviettes en attendant les domestiques. Il pensait qu'une bonne douche lui donnerait peut être le goût de reprendre l'envie de s'occuper de lui. Et puis, l'hygiène étant un besoin fondamental il ne pouvait le contourner. Quand les deux femmes de chambre entrèrent dans la douche elles virent un homme valeureux réduit à l'état de légume, n'attendant apparemment plus rien de la vie, car même ses yeux semblaient éteints. Sa conscience l'avait-elle quittée ? Est-ce qu'il ressentait encore quelque chose ? Entendait-il les murmures des autres ? Comprenait-il les conversations ? Ou n'était-il qu'une coque vide où seul son corps fonctionnait sans son cerveau ?
L'une d'elle enleva les serviettes, l'autre commença à chauffer l'eau de la douche pour régler la température. Quand elle mouilla la chevelure d'Aphrodite pour lui faire un shampoing et que la deuxième prit un gant de toilette pour le frictionner avec du savon, il eut là encore un mouvement de violence. Il poussa la première hors de la douche, tombant par terre, il s'agrippa aux bras de la deuxième pour l'amener vers lui. Maintenant il avait empoigné ses cheveux qu'il tirait fortement comme pour les lui arracher, dans le même temps de son autre main il s'ingéniait à la couvrir de griffure. Il semblait en crise. Les cris des deux jeunes femmes alertèrent aussitôt Angelo qui accourut dans la salle d'eau, une fois de plus l'épouvantable tableau qui se peignait sous son nez l'anéantit au reste.
A chaque fois qu'il regardait le suédois dans cet état lamentable, des vagues de nausées le prenaient à la gorge. Une haine immense emplissait son corps et son esprit. Là dans cette salle de bain, théâtre de la fin de son compagnon, il se sentait capable de dévaster la Terre entière, de tuer tout le monde par besoin d'assouvir sa vengeance. Là, il pourrait écharper quiconque s'interposerait entre lui et Aphrodite. Il intima l'ordre aux domestiques de partir et prit son ami à bras le corps pour l'empêcher de lui faire mal, de se faire du mal et de glisser au sol. Son corps amaigri, mouillé, glissait entre ses mains, il le sentait tomber de sa chaise. Il l'accompagna dans sa chute pour amortir le risque de blessure. Dans cette douche où l'eau coulait encore, Angelo serra de toutes ses forces le corps tremblant de son ami.
Il le détailla ce corps. Ne l'ayant encore pas vu depuis son retour. Un effarement prit place sur son visage, avec horreur il détailla tous les hématomes qui couvraient entièrement sa peau. Le violet avait pris place sur le blanc immaculé. Le rouge coagulé croutait sa chair. Des lacérations marquaient l'appartenance qu'il avait subi. Des traces de morsures souillaient ses épaules rondes, son ventre. Son corps n'était plus que supplice et ça, Angelo aurait voulut ne jamais le voir. Comment pouvait-on faire preuve d'autant de sadisme et de cruauté ? De la pure barbarie, voilà ce qu'était le terme adéquat.
Angelo prit sur lui pour ne pas faire voir ses sentiments et se chargea d'essuyer les gouttes qui ruisselaient toujours. Il sécha la longue chevelure au séchoir pour que son ami ne prenne pas froid et l'habilla avec un pantalon bleu clair et une chemise fluide blanche. Il l'installa au salon, sur le canapé près de lui. Il continuait de lui parler de tout et de rien en s'affairant à ses occupations.
— Tiens, Kiki a encore fait une connerie hier. A ce qu'il paraît Mû a couru dans tout le Sanctuaire pour mettre la main dessus, il hurlait comme un putois apparemment ! T'imagines-toi le gentil Mû donnant une correction à son apprenti ? Moi je l'ai toujours dit, il n'est pas assez sévère… Tiens, j'ai une idée, si tu veux demain matin on pourrait aller voir les autres à l'entrainement. Je suis sûr que ça te fera du bien de les voir…
Toujours le néant pour seule réponse. Angelo faisait d'énormes efforts pour ne pas montrer la peine qu'il éprouvait face à Aphrodite. Il gardait son masque à lui, un sourire contraint, figé pour faire passer le malaise, parlait encore et encore, toujours plus pour couvrir ce silence retentissant. Il avait envie de crier par moment contre son ami, de lui dicter de réagir, de parler, de faire quelque chose ! Il sentait monter par moment une gigantesque envie de lui balancer dans la figure son attaque pour le forcer à se battre, se défendre. Aphrodite l'exaspérait dans ces moments de faiblesse. Bien entendu, le contre coup de ses montées le culpabilisait d'avantage.
Tous admiraient la dévotion du Cancer et tous le félicitaient. Des médecins étaient venus ausculter le chevalier d'or mais rien n'y fit, ils ne trouvèrent pas d'explication plausible à cette léthargie aphasique. Ils décrétèrent qu'il souffrait de catatonie vu son manque de réaction et à sa passivité évidente, ne pouvant affirmer s'il resterait dans cet état le restant de sa vie. Le plus inquiétant étant son manque d'initiative à coordonner ses fonctions motrices. Il se laissait aller comme un bébé et par moment entrait dans une phase de défense quand il se sentait en danger, quand son espace vital était encombré par les autres. Son état fut jugé inquiétant, point final. Le discours froid et autopsique des médecins finirent de déprimer l'armée toute entière d'Athéna.
Pour le faire sortir de son quotidien, Angelo décida d'appliquer son idée : à savoir le mener aux arènes pour assister à l'entrainement des Ors. Il l'installa sur les gradins bien à l'ombre, en lui donnant une de ses roses démoniaques qu'il glissa dans sa main, si par chance l'envie lui prenait de s'essayer à la jeter. Il prévoyait toujours tout concernant le bien être de son ami, parce que l'italien amena une petite glacière pour prévenir à ses besoins. Avant d'aller lui-même rejoindre l'arène, il porta à la bouche pâle une bouteille d'eau pour lui donner à boire. Ce qu'il fit pour son plus grand plaisir, Aphrodite but trois petites gorgées. Il le félicita.
— C'est bien Aphro, tu vois tu fais des progrès ! Tu as raison de boire, il va faire chaud aujourd'hui, il ne faut pas que tu te déshydrates… Je reviendrais toute à l'heure pour te donner ta compote, en attendant encourage-moi pour mon entrainement… Je vais affronter Milo, il ne va pas faire un pli devant moi.
Il rangea la bouteille dans la glacière et descendit en bas des gradins pour retrouver les autres. Les autres justement… Leurs avis différaient. D'un côté on trouvait des hommes gênés qui n'osaient plus affronter le regard ni du suédois, ni de l'italien, tel que Aiolia, son frère et Doko. Eux pensaient que l'état de leur camarade demeurerait permanent et que tous ses efforts seraient inutiles. D'un autre côté on avait ceux qui désapprouvaient le comportement d'Angelo, incitant son ami à régresser toujours plus en le traitant comme un enfant, tel que Mû, Shaka et Kanon. Dans un troisième camp on avait ceux qui confortait le dévouement de l'italien, en le soutenant du mieux qu'ils le pouvaient, comme Saga, Shura, Aldébaran et Camus. Tandis que Milo vacillait entre les trois camps à tour de rôle, ne sachant pas quelle attitude adopter face à tout ça.
Le premier combat se déroulait, Shura affrontait Doko. Ce qui n'avait pas l'air de passionner grand monde, Mû dévisageait l'italien d'un air hautain et désapprobateur, les bras croisés, la tête haute, les yeux acides. Ce dernier sentit un poids s'abattre sur ses épaules, il se retourna pour en connaître les raisons.
— Et bien ! Qu'est-ce que tu as Mû à me reluquer comme ça ? J'ai mis mon fute de travers ? T'as tes ragnagnas ?
— Ne plaisante pas Angelo, la situation ne s'y prête pas du tout.
— Ah oui… Elle se prête à quoi alors ? Et de quelle situation parles-tu ? Eclaire-moi vas-y…
— Je parle de ton comportement avec Aphrodite !
Saga tenta de calmer l'Atlante en posant son bras sur le sien et en faisant un signe de tête pour ne pas insister mais le Bélier buté fonça.
— Tu le traites comme un gosse, comment peux-tu ? Tu lui manque de respect, c'est malsain !
Les yeux métalliques de l'italien fluctuèrent vers une teinte bien plus sombre, un bleu presque noir. Il s'approcha à quelques millimètres de son opposant, la bouche déformée par un rictus de hargne.
— Comment oses-tu dire ça espèce de sale teigne !? Est-ce que je dois te rappeler que c'est moi et uniquement moi qui m'occupe d'Aphrodite depuis le début ? Je dois te donner les noms des personnes qui ne viennent plus lui rendre visite parce qu'ils ont honte de ne pouvoir soutenir son regard vide ? Est-ce que je dois te rappeler de qui s'occupe de sa toilette ? Qui lui donne à manger parce qu'il ne peut plus le faire seul ? Tu crois que ça me plait de le voir comme ça ? Tu crois que ça me plait de devoir le gaver comme une oie ? De sentir la cuillère lui buter l'émaille des dents parce qu'il n'ouvre pas la bouche !? De savoir que je lui fais mal pour un geste banal que toi tu fais s'en t'en rendre compte Mû ! Est-ce que tu crois que ça me plait de lui remonter le pantalon parce qu'il ne fait plus le moindre mouvement !? Je ne le considère pas comme un enfant, parce qu'un gosse au moins il apprend à se débrouiller tout seul, hors, Aphrodite ne fera plus rien tout seul !
La haine qu'éprouvait Angelo faisait place à la détresse qu'il ressentait au fond de lui. Tous eurent honte de leur comportement. Milo se sentit mal pour son ami, il le défendit.
— Arrête Mû ! Ce n'est pas juste tes accusations ! Angelo a raison, nous l'avons lâchement abandonné en nous déchargeant de nos devoirs sur lui parce qu'il s'est proposé le premier ! Il fait tout ce qu'il peut pour Aphro, tu ne peux pas dire des saloperies pareilles…
Il se tourna vers l'intéressé en question.
— Excuse-moi Angelo, je ne suis pas venu lui rendre visite ni t'aider… Je ne sais pas comment réagir face à lui. Il me fait trop de peine, j'ai peur de craquer. Il me fait peur.
— Peur ? Mais de quoi, questionna l'air incrédule le Cancer.
— J'ai peur parce que je ne sais pas s'il…
Il s'arrêta n'osant pas continuer.
— Vas-y continue Milo, dis-moi tout. Toi au moins soit honnête, dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Toi tu n'as pas le droit de te défiler.
— Et bien… J'ai peur parce que je ne sais pas s'il ressent encore des choses, s'il peut penser, nous comprendre… J'ai peur qu'il soit devenu…
— Un légume. Dis le, un légume. C'est ce que vous pensez tous ? trancha net Angelo.
Les chevaliers se regardèrent tour à tour penauds et nigauds, ou admiraient leurs pieds, n'osant pas confirmer les dires du Scorpion. Camus voulut venir au secours de son amant.
— Admets tout de même qu'on ne sait pas ce qu'il se passe dans sa tête… Cela pose des questionnements…
— Ah Camus ! Le Saint patron des grands discours, l'évangile selon Camus ! Toi et tes théories philosophiques, hein… Tu parles de lui comme s'il était un sujet d'étude, c'est un être humain bordel, ton ami en plus ! Ne parle pas de lui comme s'il n'était pas là ou qu'il nageait dans le formole ! Putain Camus, toi aussi tu ressemblais à une loque, rappelle-toi… Tu te souviens où je dois insister ? Est-ce qu'on t'a considéré comme un demeuré ou un mort vivant ? Non !
»Alors parce qu'il ne parle plus, il n'a plus de cerveau ? Et on devrait arrêter de s'occuper de lui ? Il n'a plus le droit à de la considération, on doit le laisser dans une chambre capitonnée seul, c'est ça !?
Camus s'approcha plus près malgré ses vociférations et le prit dans ses bras en le serrant à lui broyer les os et murmura dans son oreille.
— Aller, lâches-toi. Tu en as besoin, ça fait du bien. Il ne peut pas t'entendre de là où il est. Tu es à bout Angelo, on s'inquiète beaucoup pour toi.
Alors l'homme à l'égo démesuré resserra l'étreinte pour se laisser aller aux doutes qui le rongeaient. Il étreignit le Verseau en laissant les larmes noyer sa peau. Milo vint à son tour derrière lui pour lui porter une main bienveillante sur son épaule. Ils l'avaient laissé seul face à sa charge, face à ses angoisses.
D'un coup on entendit Kanon hurler.
— Merde il est tombé ! Regardez ! Il est tombé !
Tous les visages se tournèrent en haut des gradins, ils ne virent plus leur camarade assis sur le banc. Le visage hermétiquement fermé, Angelo se rua avec l'aide de Saga pour porter secours au Poisson. Ce dernier gisait au sol, il avait glissé, sur son visage une marque rouge lui cuisait la peau. Le soleil avait tourné et malheureusement il portait sur lui la trace d'un vilain coup de soleil. Sa tête heurta l'arrête du banc en bois. Les deux Ors le relevèrent et regardèrent quelconques traces de sang ou bosses. Apparemment rien de grave. Il faudrait cependant appeler le médecin pour être sûr. Saga suggéra de le ramener dans le quatrième temple pour qu'il se repose, ce qu'approuva son gardien. Ensemble ils s'occupèrent de rapatrier le malade.
Mû l'ayant toujours mauvaise balança à l'assistance.
— Tss, oui bah c'est bien ce que je disais… Quelle idée de l'avoir trimballé là sous ce soleil de plombs et de le laisser seul sans surveillance. Il ne manquerait plus qu'il fasse une insolation ou qu'il se fasse un trauma crânien !
Ce que Shaka approuva bien évidement. Tandis que les Gold réglaient leurs comptes, Angelo et Saga veillaient leur ami.
(suite...)
