Lars Von Heim n'était pas le journaliste allemand le plus réputé, que ce fut national ou mondial, mais son entourage ne doutait pas qu'il deviendrait un jour le reporter le plus connu du pays – et peut-être, du monde. Si Lars n'avait jamais été un élève particulièrement brillant du temps où il était étudiant au collège de sorcellerie Durmstrang, ses professeurs, comme son entourage, n'avaient jamais douté qu'il bénéficiait de la curiosité et de l'instinct d'un grand journaliste.
Hélas pour Lars, il manquait passablement de jugeote et de prudence. Aussi ne fût-il pas surprenant, ce soir-là, de le retrouver étalé derrière un buisson, le front luisant de sueur au clair de lune qui filtrait par le feuillage clairsemé des énormes et antiques arbres de la Forêt-Noire.
Comment Lars s'était-il retrouvé là ? C'était une longue histoire : tout avait commencé un an plus tôt, alors qu'il travaillait encore pour un magazine indépendant. Il avait été chargé de rencontrer quelques harpies pacifiques, dans le but de clarifier la situation sur une sombre affaire qui avait coûté la vie à un petit groupe de touristes suédois. Selon les harpies, aucune créature magique habitant la Forêt-Noire n'était coupable de ce massacre, contrairement à ce que prétendait le ministère de la Magie.
La vérité était bien plus noire, et sans nul doute bien plus dangereuse : car les harpies avaient révélé à Lars que la Forêt-Noire était devenu le terrain de jeux de mages noirs qui, semblait-il, recherchaient un objet ou un endroit particulier. Lars avait tu cette information, non seulement parce que personne n'y aurait cru, mais également pour pouvoir poursuivre ses investigations en toute discrétion.
Pendant une année, il avait surveillé la Forêt-Noire, s'offrant à quelques occasions la complicité de ses habitants, pour enfin découvrir des secrets qui avaient jusqu'alors échappé à la communauté sorcière comme, par exemple, le fait qu'une partie de la Forêt-Noire était soigneusement évitée par les êtres qui la peuplaient.
Pourquoi les créatures craignaient-elles cet endroit ? Lars n'avait jamais obtenu la moindre réponse à cette question, mais sa curiosité n'en avait été que renforcée. Et depuis, il avait découvert les fameux Mangemorts, il les avait suivis avec la plus grande discrétion et il avait fini par apprendre ce qu'il était désormais le seul allemand à savoir.
Ce soir-là, cependant, alors que Lars pensait exécuter une observation routinière, sa traque des mages noirs avait été chamboulée par l'arrivée du Lord noir en personne. Plaqué contre l'herbe comme s'il ne demandait qu'à être englouti par l'herbe humide, Lars observait avec de grands yeux appréhensifs les évènements qui se déroulaient en contrebas de sa cachette.
Les Mangemorts, silhouettes encagoulées de toutes tailles et de toutes corpulences, formaient un large arc-de-cercle au centre duquel se tenait leur maître et un vieil homme affalé sur le sol, dont le souffle haletant et rauque laissait deviner une maltraitance très récente. Très grand, très mince, son teint plus blafard encore celui d'un vampire, Lord Voldemort parcourait le demi-cercle de ses yeux rouges aux pupilles verticales.
Une réunion de Mangemorts et de leur maître dans les profondeurs de la Forêt-Noire aurait eu quelque chose de vraiment très singulier si le motif de leur présence n'avait pas été encore plus étrange : car si le Seigneur des Ténèbres faisait face à ses partisans, il tournait le dos à une lourde porte de pierre, usée par le temps et gravée de symboles inintelligibles, aménagée dans un monticule de pierre.
Qu'y avait-il derrière ? Lars n'en avait aucune idée et, pourtant, il avait effectué de longues recherches sur le passé de la Forêt-Noire depuis qu'il avait découvert, en même temps que des Mangemorts, cette énorme porte. Mais il n'avait jamais rien trouvé. Néanmoins, il ne doutait pas que l'homme étalé aux pieds de Lord Voldemort aurait un rôle important dans les évènements de la soirée.
─ Mes amis, dit alors Voldemort de sa voix glaciale et aigüe. Après cinq années de recherches et plus d'une année de fouilles, nous sommes enfin à deux pas de notre objectif final. Voilà dix ans que Harry Potter est porté disparu ; où est-il ? nul ne le sait, pas même ses plus proches amis, mais nous savons ce que tout le monde pense. Ces imbéciles croient que leur précieux sauveur réapparaîtra, plus puissant que moi.
Des rires goguenards et moqueurs s'élevèrent, comme si l'éventualité du retour d'un Survivant encore plus fort que le Seigneur des Ténèbres leur paraissait ridicule.
Lars se souvenait encore de l'annonce de la disparition de Potter. Alors que les Mangemorts et le Lord noir avaient attaqué le domicile de la famille du Survivant, ils étaient tombés sur une maison désertée et s'étaient aussitôt lancés à la recherche des proches de Potter. Mais même ces derniers avaient appris la disparition de leur ami en même temps que le reste de la communauté magique.
Les admirateurs de Potter avaient revu leur opinion à la baisse, persuadés au fil du temps qu'il s'était enfui. Les opposants au Seigneur des Ténèbres s'étaient fait discrets à mesure que les plus téméraires se faisaient tuer. Et l'espoir de voir un jour Lord Voldemort disparaître s'était éteint, progressivement, dans la douleur et l'horreur. Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom était devenu le maître de la Grande-Bretagne et avait eu le temps d'étendre son pouvoir dans les pays de l'Europe de l'est, mais il rencontrait certaines résistances dans les pays occidentaux du Vieux Continent.
Qu'était-il advenu du Survivant ? Lars l'ignorait et il ne se posait même pas la question. Que Potter ait abandonné le monde, ou qu'il fût mort dans l'ignorance générale, cela lui importait peu. Il n'avait pas cru un seul instant que le Survivant puisse un jour venir à bout du Seigneur des Ténèbres. Seul Albus Dumbledore aurait eu une chance de vaincre le Lord Noir, mais Dumbledore était mort depuis onze ans.
Revenant à la réalité, Lars remarqua que Voldemort avait fait taire ses partisans en levant simplement la main.
─ Non, mes fidèles Mangemorts, dit-il. Harry Potter a prouvé plus d'une fois qu'il était capable de me tenir tête. Il a bénéficié d'une chance insolente à chaque fois, c'est vrai, mais il m'a survécu plus que n'importe quel autre sorcier. Je comprends que Potter soit un espoir pour tous ces fous…
Il afficha un rictus mauvais.
─ Néanmoins, Potter ne représentera plus aucune menace quand nous aurons atteint notre objectif.
Sous leurs capuchons, plusieurs Mangemorts tournèrent la tête vers leurs voisins. Lars eut la très nette impression que la plupart des mages noirs, peut-être tous, ignoraient totalement ce qu'était réellement l'objectif final de leur maître. Il n'était pas spécialisé en psychologique de mage noir, mais Lars savait qu'il était peu probable que Voldemort eût la moindre amitié, la moindre sympathie, pour ses fidèles.
L'heure n'était cependant pas à l'analyse psychologique, car Lord Voldemort sortit d'une poche l'une de ses immenses mains blafardes qui était refermée sur sa baguette magique. D'un geste nonchalant, il fit s'élever son prisonnier dans les airs et pour la première fois, Lars put distinguer le visage du captif.
Etait-ce un homme ? Sans aucun doute possible, mais il n'était certainement pas humain. Quelle était cette créature ? Lars avait beau chercher dans sa mémoire, il n'avait jamais entendu parler d'un être ayant une peau d'un violet pâle, scintillante à la lueur argentée de la lune. Blancs, secs, cassants, les cheveux de la créature étincelaient autant que ses yeux aveugles où le blanc était remplacé par un vert extraordinairement intense.
Qu'était donc cet homme ? Stupéfait, Lars regarda la silhouette incroyablement ridée flotter jusqu'à la porte, suivie du Seigneur des Ténèbres. Les Mangemorts, pour leur part, restèrent immobiles, sans nul doute très concentrés sur la créature.
Voldemort parla, très calmement, mais sa voix frigide atteignit les oreilles de Lars sans aucun mal.
─ Lord Voldemort n'a qu'une seule parole, Kordh, dit le Seigneur des Ténèbres. Aide-moi et tu auras ta liberté. Nos chemins ne se recroiseront jamais plus, après ça.
Le dénommé Kordh redressa légèrement la tête. Etait-il crédule ou trop affaibli pour ne pas remettre la parole de Voldemort en doute ? Lars n'en avait aucune idée, mais il tressaillit violemment quand l'être tendit une main tremblante et ridée pour la poser jusqu'à la porte. Pendant quelques instants, il caressa du bout des doigts les étranges symboles gravés sur la pierre. Puis il parla d'une voix faible et Lars dut tendre l'oreille au maximum pour saisir les propos de Kordh :
A quiconque saura lire ces lignes,
je l'invite à faire demi-tour.
En ces lieux maudits furent enfermés
l'Ennemi et ses terribles alliés.
Si ton inconscience te pousse à entrer,
sache que la mort ne devra survenir en cet endroit
su risque de déclencher la Prophétie des Damnés.
Médites sur le danger, fou que tu es,
et parle la langue sacrée.
Lars fronça les sourcils. La Prophétie des Damnés ? De cela non plus, il n'avait jamais entendu parler. Que recherchait donc le Seigneur des Ténèbres ? Il n'espérait quand même pas pouvoir libérer ce très mystérieux Ennemi et ses terribles alliés ; à en juger par l'érosion de la pierre, la porte se trouvait ici bien avant la fondation des écoles de sorcellerie.
─ Parle ! ordonna le Seigneur des Ténèbres.
Kordh sembla frissonner.
─ Nyfan, récita-t-il dans une langue mélodieuse.
Les gravures s'illuminèrent instantanément d'une intense lueur bleue et le Lord noir recula en laissant retomber Kordh au sol. La vieille créature s'effondra lourdement et resta vautré sur le sol, haletante, comme si prononcer le mot de passe l'avait vidée de toutes ses forces. Dans un grondement sonore et un panache de fumée sombre, les battants s'ouvrirent.
Voldemort recula davantage à la vue de la fumée et, si Lars ne comprit pas tout de suite pourquoi, la réponse lui apparut lorsque Kordh poussa un gargouillement étrange. Soudain animé d'une vitalité qui lui faisait défaut depuis fort longtemps, il crispa ses mains à sa gorge et se convulsa au sol en laissant d'autres borborygmes atroces s'échapper de sa bouche.
Combien de temps dura son supplice ? Lars n'en eut aucune idée, mais la poussière s'était dissipée et le Seigneur des Ténèbres se tenait à dix bons mètres de la créature lorsque Kordh s'immobilisa enfin, à tout jamais. Passablement refroidis, les Mangemorts restèrent figés de terreur et semblèrent tout à coup prendre conscience de la gravité du message gravé sur la porte.
Lars ne fut pas surpris de les voir rechigner quelques secondes lorsqu'ils virent leur maître s'avancer. Il était peu probable que les effets du poison puissent atteindre quiconque, désormais, mais les mages noirs paraissaient peu enclins à s'en assurer par eux-mêmes. Le Seigneur des Ténèbres, cependant, se retrouva bientôt dans l'encadrement et se tourna tranquillement vers ses partisans.
─ Vous deux, lança-t-il en désignant deux silhouettes, montez la garde ici ! Vous trois, vous ferez des patrouilles. Les autres, avec moi !
Lars sentit son corps s'engourdir. Sa curiosité l'encourageait à suivre le Seigneur des Ténèbres dans le passage obscur mais, à présent qu'il savait que des Mangemorts gardaient l'accès, il n'était plus tout à fait certain que s'attarder ici était une bonne idée. D'autant que l'une des patrouilles se dirigeait vers lui et qu'elle le remarquerait si elle dépassait le monticule et en observait le flanc.
Tandis que l'escorte du Seigneur des Ténèbres suivait son maître dans l'obscur passage en allumant les baguettes magiques, Lars rampa à reculons. Se redresser serait une erreur, car il serait repéré ; bien malgré lui, toutefois, son idée de quitter les lieux à raz-de-terre ne fut pas une idée aussi bonne qu'il le pensait, car son pied s'écrasa sur une branche morte dont le craquement fut horriblement bruyant.
Le silence plus ou moins serein de la Forêt-Noire parut soudainement s'alourdir et des pas précipités se dirigèrent dans sa direction. Avant même qu'il ait pu se redresser, un Mangemort surgissait avec sa baguette magique pointée entre ses deux yeux écarquillés de terreur.
─ Avada Keda… ! lança le Mangemort.
Avant qu'il ait pu achever l'incantation du terrible maléfice, un éclair de lumière rouge fendit les airs au-dessus de Lars, ébouriffant violemment ses cheveux au passage, et frappa le Mangemort au ventre. Projeté en arrière, le mage noir perdit sa baguette magique dans le fabuleux vol plané qu'il exécuta.
Lars se retourna en entendant un cri étranglé derrière lui et vit un autre Mangemort s'envoler, pour se prendre de plein fouet un arbre. Alors émergea de l'obscurité un homme encapuchonné, aux épaules larges et à la démarche sereine malgré une certaine lourdeur. Sa baguette magique dans une main, il la pointa brusquement sur sa gauche et décocha un trait rougeâtre vers un arbre.
Au moment où le sortilège passa juste à côté du tronc, un mage noir surgit en brandissant sa baguette magique et reçut le maléfice de plein fouet. Ebahi, Lars regarda l'individu s'avancer vers lui sans avoir l'air surpris qu'il ait parfaitement anticipé l'apparition d'un Mangemort de derrière ce tronc-ci, et pas un autre. L'homme avait-il des dons de voyance ? Lars se le demandait bien, car il doutait que ce fût un simple coup de chance.
─ Rentrez chez vous, dit le sorcier en passant à côté de Lars.
Encore heureux que Lars eût une bonne maîtrise de l'anglais, car ce fut dans cette langue que l'homme s'adressa à lui. Avant qu'il ait enregistré l'ordre donné par son sauveur, celui-ci avait déjà disparu et, à en juger par le cri alarmé, il avait atteint les portes et s'occupait des Mangemorts en faction.
Lars finit enfin de se redresser et se précipita au sommet de son poste d'observation. L'individu parait tranquillement un maléfice mortel quand il eut enfin une vue sur le combat. Avec une rapidité et une précision impressionnantes, l'homme fit jaillir de sa baguette un éclair de lumière argenté qui frappa le dernier Mangemort à la poitrine. Dans une exclamation étouffée, le mage noir s'écroula et le sorcier se volatilisa à son tour dans l'obscurité du passage.
Incrédule, Lars observa les deux gardiens des portes inanimés et se livra un dur combat intérieur. Son sauveur lui avait dit de rentrer chez lui et il semblait que c'était la décision la plus sage ; mais éviter de peu une mort pure et simple l'encourageait à poursuivre son enquête, à suivre les Mangemorts, leur maître et le sorcier dans ce passage énigmatique. Avec un peu de chance, il pourrait carrément écrire un livre plutôt qu'un simple article !
S'accordant quelques instants de rêverie où il signerait plein d'autographes à de belles jeunes femmes aux yeux étincelants d'admiration, Lars afficha un sourire niais puis reprit ses esprits. Redescendant la pente au pas de course, il contourna le monticule, passa à côté d'un des Mangemorts inanimés puis du cadavre de Kordh et ralentit finalement l'allure en s'enfonçant dans l'obscurité.
Si son sauveur semblait avoir une bonne expérience en défense contre les forces du Mal, Lars n'était pas stupide au point d'allumer sa baguette magique. Il risquerait d'être repéré. Malheureusement, son aveuglement le contraignit à percuter un mur, sans dégât. Néanmoins, un détail le frappa : levant ses mains pour les poser sur la paroi, il eut la confirmation à son soupçon.
La pierre froide du mur était aussi lisse que du verre. Pour une prison où ont été enfermées des êtres de la pire espèce, les geôliers semblaient avoir pris un grand soin à offrir une architecture décente à cette forteresse. Reprenant sa route à l'aveuglette, Lars ne percuta plus aucun mur mais faillit dévaler tout un escalier lorsqu'il rata la première marche.
« Logique, songea-t-il. Si la prison s'était étendue à la surface du sol, elle aurait déjà été repérée par le ministère de la Magie. »
N'ayant rien d'autre à faire, Lars descendit l'escalier lentement, comptant une à une les marches pour être aussi précis que possible quand il écrirait son récit, que ce soit sous la forme d'un article ou sous la forme d'un livre. Néanmoins, il finit par abandonner au bout de la cinquième centaine dépassée. Il le regretta rapidement lorsqu'il distingua une lueur après un léger virage.
« Tant pis, se dit-il. Je reviendrai ! »
Où était son sauveur, il n'en avait pas la moindre idée, mais l'escalier débouchait dans un couloir vide de monde. Comme il l'avait deviné, les geôliers avaient pris grand soin d'offrir une architecture à leur prison. Aux plafonds voutés étaient suspendus de massifs lustres en cristal desquels émanaient une vive lueur blanche. Aucune bougie, aucune torche. La lumière provenait directement du cristal – était-ce là une forme de magie oubliée ?
Cette question émoustilla davantage la curiosité de Lars, qui s'avança dans le couloir en direction de la seule issue possible donnant sur une sorte de hall duquel d'autres couloirs similaires partaient dans six directions différentes. Lars, néanmoins, n'eut pas trop de difficulté à deviner le chemin du Lord noir et des Mangemorts, car deux d'entre eux étaient étalés au beau milieu d'un des corridors. Suivant cette voie ouverte par le sorcier, Lars sortit sa baguette, au cas où.
Aussi travaillée fût-elle, l'architecture restait d'une froideur oppressante. Ou bien était-ce de connaître la nature de cet endroit qui donnait à Lars la désagréable impression que quelque chose de malfaisant résidait – « avait résidé », rectifia-t-il – en ces lieux. A mesure qu'il s'enfonçait dans les galeries, l'air lui paraissait de plus en plus épais, plus lourd, plus rare, et la sensation d'un danger insoupçonnable se glissait rapidement dans son corps.
A plusieurs reprises, il traversa un hall identique au premier et eut même la très nette impression d'être déjà passé par certains. L'endroit était un véritable labyrinthe, semblait-il, et le Seigneur des Ténèbres paraissait n'avoir jamais eu accès aux plans du bâtiment. « Il aurait été étonnant du contraire » songea Lars qui n'avait jamais vu autant de poussière. Chacun de ses pas soulevait un véritable nuage et les empreintes de ses prédécesseurs apparaissaient nettement.
Soudain, il s'arrêta. Il était arrivé dans un couloir au fond duquel se trouvait un hall bien plus sombre que les précédents, bien plus sinistre. Malgré la distance, il distinguait très bien les reliefs morbides de corps de femmes et d'hommes dénudés et entassés qui ornaient les murs. Frissonnant en maudissant sa témérité, désormais persuadé que quelque chose de réellement malfaisant hantait cet endroit, il serra plus étroitement que jamais sa baguette et s'avança.
Le hall sinistre n'était pas désert : Lars aperçut son sauveur adossé tout près de la seule autre issue de l'endroit. Issue bien plus courte que les couloirs précédents et de laquelle s'élevaient des voix à peine intelligibles. Lars se hâta de rejoindre l'autre côté de l'accès, non sans éviter soigneusement le regard du sorcier, mais celui-ci ne fit aucun commentaire, aucun geste – il ne sembla même pas remarquer le journaliste.
─ …y avoir un piège…
Sans grande surprise, la voix la plus intelligible était celle du Seigneur des Ténèbres et, à en juger par son ton, il rencontrait une difficulté à laquelle il n'avait pas anticipé la solution. Cela signifiait-il qu'il avait déjà atteint son objectif ? Qu'était-ce ? Forcément quelque chose qui pourrait le rendre encore plus puissant, mais Lars ne voyait vraiment pas ce que cela pourrait être. Une potion ? Un artefact ?
Dans un moment d'égarement, Lars contempla les reliefs du hall plus précisément maintenant qu'il se tenait juste à côté. Effectivement, il y avait un peu partout des amas de corps d'hommes, de femmes et même d'enfants, apparemment tous morts, mais il voyait pour la première fois d'étranges créatures humanoïdes aux longs membres. Malgré leur nudité, ils ne possédaient apparemment aucun sexe, et se ressemblaient tous, tant par la corpulence que par les traits faciaux, alors que les cadavres possédaient tous des attributs physiques propres.
Un bruissement ramena alors Lars à la réalité et il eut un sursaut violent lorsqu'une masse sombre lui rentra dedans. A grand-peine, il étouffa un hurlement et recula en toute hâte pour s'apercevoir que le poids était un Mangemort inconscient. Le sorcier en traînait déjà un autre à l'écart du passage, pour le masquer de la vue d'autres arrivants.
Récupérant une respiration plus ou moins calme, Lars souleva à son tour le Mangemort évanoui qui avait failli l'écraser et le traîna à l'abri des regards. Il aurait peut-être dû compter combien il y avait de Mangemorts avant que Kordh n'ouvre le passage ; il aurait eu une vague idée du nombre de mages noirs qu'il restait encore à neutraliser. Son sauveur comptait-il affronter le Seigneur des Ténèbres ? La question méritait d'être posée, mais Lars n'osa pas.
Il y eut alors un grand éclat de lumière blanche, puis une succession de cris douloureux. Le sorcier fut le premier à se pencher pour regarder vers le fond du passage, imité par Lars. L'explosion de lumière s'atténuait progressivement, jetant sur le sol les ombres des Mangemorts courbés par la douleur de leur cécité temporaire.
Puis une femme poussa une exclamation victorieuse, apparemment rétablie de son éblouissement, et un silence cérémonieux s'installa. Le sorcier se remit aussitôt en mouvement et remonta le couloir. Il était à mi-chemin quand Lars se laissa tenter par le suivre à pas de loups. Ils s'adossèrent au mur mais ne purent suivre les mouvements des Mangemorts grâce à leurs ombres, car la lumière éclatante s'était enfin volatilisée.
Téméraire, le sorcier lança un très bref coup d'œil dans la salle voisine, puis il leva sa main valide afin de montrer ses cinq doigts gantés à Lars, qui comprit aussitôt. Il restait donc cinq Mangemorts avec le Seigneur des Ténèbres – et, visiblement, l'individu n'était pas mécontent que Lars lui ait désobéi pour le suivre dans cette forteresse.
A sa grande horreur, cependant, le sorcier leva de nouveau sa main valide, tendant cette fois-ci trois de ses doigts. Il abaissa alors son médius, puis son index et baissa la main. L'instant d'après, il bondissait dans l'encadrement de la voute menant à la salle voisine et faisait sortir de sa baguette une longue et mince flamme bleu pâle. Lars se joignit à lui au moment où le sortilège se refermait sur deux des cinq mages noirs.
Soulevés du sol, les deux Mangemorts se percutèrent de plein fouet et s'assommèrent mutuellement. Ils retombèrent brutalement sur le sol, ligotés, tandis que les autres faisaient volte-face. Le regard de Lars fut attiré vers le fond de la pièce, aussi sinistre que la précédente : un piédestal de marbre noir se dressait entre deux colonnes ; posé dessus, un coffret d'or incrusté de pierres précieuses scintillant à la lueur du lustre de cristal étrangement sombre.
Lord Voldemort se retourna, aussi stupéfait que ses partisans, et leva sa baguette magique. Le sorcier s'élança vers les mages noirs mais, dès qu'il eut prit son appui sur sa jambe droite, il se volatilisa.
─ QUOI ? s'exclamèrent les autres.
Effaré, Lars vit le sorcier apparaître une fraction de seconde plus tard devant la femme Mangemort et ses deux comparses. Trois éclairs de lumière jaillirent vers l'individu, qui fendit les airs avec sa propre baguette : il y eut un étrange son, comme une rafale de vent, et les trois maléfices revinrent aussitôt sur leurs lanceurs respectifs.
Les trois Mangemorts s'écartèrent rapidement et Lars reprit contenance. Il n'avait jamais été doué en duel et n'avait obtenu son Aspic de défense contre les forces du Mal que d'extrême justesse, mais il se sentait capable d'un exploit avec un allié comme le sorcier. Il leva donc sa baguette sur le Mangemort le plus proche et lui décocha un sortilège de Stupéfixion à la tête, mais le mage noir était vigilant et ne se donna pas beaucoup de mal pour contrer l'attaque.
Les deux autres mages noirs avaient déjà relevé leur baguette magique mais, dès qu'il eut reprit appui sur son pied droit, le sorcier se volatilisa. Ce n'était pas un transplanage, Lars en était convaincu, mais il doutait que l'heure était à la réflexion sur cet étrange moyen de locomotion. D'autant que le mage noir qu'il avait visé semblait déterminer à livrer bataille contre lui.
Lars dut donc exploiter toutes ses capacités pour parer les deux premières attaques du Mangemort qui reçut de plein fouet un maléfice entre les omoplates. Le sorcier était réapparu aussi rapidement qu'il avait disparu mais, cette fois-ci, le Seigneur des Ténèbres avait attaqué – et c'était son sortilège, dévié par le sauveur, que le Mangemort venait de recevoir.
Débarrassé de son adversaire direct, Lars s'engagea de nouveau dans la bataille, en s'offrant la femme comme ennemie. S'il était partit du principe qu'elle serait la moins dangereuse des deux Mangemorts restants, il eut très vite changé d'opinion, car la sorcière lui balança tellement de sortilèges à la figure en si peu de temps qu'il fut étonné d'être encore debout après vingt secondes.
Un jet de lumière rouge jaillit alors sur la droite de Lars et le frappa de plein fouet, mais Voldemort ne regarda pas sa victime s'effondrer, stupéfixée. Ses yeux rouge vif aux pupilles verticales perdirent une fois de plus l'olibrius de vue. Comment faisait-il pour se déplacer de la sorte ? Il n'avait même pas fini de se poser la question que l'énergumène réapparaissait entre les deux Mangemorts et décochait dans deux directions opposées deux traits verdâtres.
─ NON ! hurla Voldemort.
La femme Mangemort dévia le maléfice mortel et éclata d'un grand rire moqueur, tandis que l'acolyte échappait à l'Avada Kedavra et s'immobilisait soudainement. A travers les fentes de sa cagoule, ses yeux noirs et froids comme deux tunnels étincelaient d'une lueur calculatrice et surprise.
Tout aussi brutalement qu'il s'était arrêté, le Mangemort brandit de nouveau sa baguette, mais dans une autre direction que celle de l'intrus. L'incrédulité de Voldemort faillit lui coûter cher, mais il reprit ses esprits juste à temps pour parer l'attaque de son plus fidèle lieutenant tandis que la femme poussait une exclamation à la fois stupéfaite et victorieuse.
Voldemort plissa ses yeux écarlates en scrutant attentivement les opales froides du Mangemort, qui se débarrassait tranquillement de sa cagoule avant de la jeter parterre. Aussi impossible que cela fût pour le Seigneur des Ténèbres d'admettre cette idée, la vérité était peinte sur le visage cireux et pâle de son Mangemort : les rideaux de cheveux gras et noirs et le nez crochu de Severus Rogue n'étaient pas plus soumis à un enchantement que son esprit.
─ Tu me trahis, Severus ? dit Voldemort dans un souffle.
La trahison de Rogue sembla prendre de court le sorcier, que la femme Mangemort attaqua, de toute évidence moins étonnée que Voldemort lui-même par le comportement de l'assassin de Dumbledore. Son maléfice, cependant, heurta un bouclier d'énergie qui lui renvoya son propre sort, mais il en fallait bien plus pour venir à bout de Bellatrix Lestrange.
─ Je ne vous trahis pas, affirma Rogue en le fixant droit dans les yeux avec un rictus méprisant. Cela fait trente-six ans que je ne suis plus votre fidèle serviteur !
Voldemort cilla imperceptiblement. Qu'est-ce que cela signifiait ? Pourquoi Rogue aurait-il assassiné Dumbledore onze ans auparavant, si ce n'était par loyauté ? Trop de questions tourbillonnaient dans l'esprit du Seigneur des Ténèbres, qui se promit de ne pas tuer Rogue sur-le-champ. Celui-ci, de toute façon, se détourna de lui.
─ Je m'occupe d'elle, Potter ! lança-t-il.
─ Quoi ? s'exclamèrent Voldemort et Bellatrix.
L'étonnement faillit coûter cher aux deux mages noirs : Rogue décocha un éclair de lumière écarlate à destination de Bellatrix avec une vivacité admirable tandis que Potter – « est-ce vraiment lui ? » se dit Voldemort – faisait un mouvement brutal avec sa baguette pour en faire jaillir une longue et brillante ficelle d'or.
« Qu'est-ce que c'est que ce sortilège ? » s'étonna Voldemort en levant sa baguette. A tout hasard, il se protégea en invoquant une longue flamme violette. Son sortilège s'évanouit au contact du sort de Potter, mais il eut au moins l'utilité de dévier le maléfice. Quand la longue ligne dorée percuta le mur, une grande fissure entailla la surface de la paroi et quelques morceaux de reliefs s'écrasèrent sur le sol dallé.
Bellatrix avait réussi à échapper à l'attaque de Rogue et un combat impitoyable s'était engagé entre eux deux, chacun lançant autant de sorts que possible dans le délai le plus court possible. On ne voyait même plus leurs baguettes, simples silhouettes fines et floues desquelles jaillissaient à un rythme fou des rayons de lumière aux couleurs diverses.
Voldemort pointa sa baguette magique sur Potter, qui s'avançait sereinement vers lui, prêt à engager un combat plus violent que précédemment. Un éclair de lumière jaillir de la baguette du Seigneur des Ténèbres et rebondit contre un bouclier d'énergie invoqué par Potter, qui enchaîna quasi-aussitôt avec l'une de ses autres bottes secrètes.
Voldemort dévia son propre sortilège et bondit sur le côté pour échapper à l'attaque de Potter, mais il sentit parfaitement la chaleur cuisante du maléfice effleurer sa joue et y laisser une entaille. Alors, les espoirs les plus insensés étaient donc réalisés : Potter était revenu, plus puissant que jamais, et doté de connaissances que Lord Voldemort lui-même ne soupçonnait pas – donc il ne soupçonnait même pas la nature.
Essuyant d'un revers de manche le sang qui s'échappait de son entaille, fulminant du retour inattendu de cet infâme et éternel gêneur, Voldemort s'écarta légèrement, sa baguette pointée sur Potter, jusqu'à ce qu'il ait le coffret d'or dans son champ de vision. Tenté, il faillit jeter un coup d'œil au piédestal et révéler le plan qu'il construisait mentalement, mais il parvint à résister à ce désir. Tout ce qu'il fallait, à présent, c'était occupé ce sale gamin.
Un trait de lumière jaillit de nouveau de la baguette de Voldemort mais rata Potter d'un centimètre. Le garçon, devenu un homme à présent, répliqua instantanément avec cette vivacité nouvelle et folle que Voldemort ne lui aurait jamais soupçonné. Cette fois-ci, toutefois, le Survivant choisit la facilité avec un vulgaire sortilège de Désarmement que Voldemort dévia sans mal avant de répondre à l'avorton qui lui posait des problèmes depuis sa naissance.
Rapidement, le combat entre Voldemort et Potter devint aussi intense que celui mené par Rogue contre Bellatrix. Les sortilèges fusaient en tous sens, ricochaient parfois contre les murs ou le plafond, mais ils n'atteignaient jamais leur cible. La sueur couvrait progressivement le visage de Rogue, la poitrine de Bellatrix se soulevait à un rythme plus rapide qu'à l'ordinaire et la colère de Voldemort grandissait à chaque tentative ratée de neutraliser Potter.
Les combats s'étendirent à plusieurs minutes, de longues minutes, au cours desquelles personne ne fut dans la capacité de trouver une faille dans les défenses de son adversaire. La colère de Voldemort ne cessait de croître, tout comme celle de Rogue et de Bellatrix, qui en étaient venus à lancer les sorts les plus brutaux qu'ils connaissaient, en vain.
La fureur de Voldemort ne cessait de croître pour plusieurs raisons : la première était qu'il n'avait pas la moindre idée de l'état psychologique de Potter, qui ne s'était toujours pas découvert ; la seconde, se trouvait surtout être le fait que Potter se tenait devant lui ; et la troisième, c'était que Potter, comme les espoirs placés en lui, se révélait beaucoup plus puissant qu'autrefois – peut-être même autant que le Seigneur des Ténèbres lui-même.
Mais il y eut très vite un autre élément qui agaça singulièrement Voldemort : face à la cadence folle de sortilèges présents dans la salle, Potter ne cessa d'apparaître et de disparaître. Comment faisait-il ça ? Il était impossible de transplaner dans l'enceinte de cette prison, Voldemort avait senti l'enchantement dès son entrée dans la forteresse souterraine.
Néanmoins, aussi brèves fussent-elles, ces disparitions de Potter lui donnèrent une chance d'atteindre son objectif. Parant, bloquant, contre-attaquant, Voldemort profita de la première occasion pour viser le dos de Rogue et décocher un éclair de lumière verte dans sa direction. Comme il s'y attendait, Potter fit de nouveau une disparition silencieuse et le Seigneur des Ténèbres se précipita vers le coffret.
Il eut à peine esquissé le premier pas, cependant, qu'il vit du coin de l'œil Potter apparaître derrière la femme Mangemort et faire jaillir de sa baguette une étrange boule de couleur blanche qui envoya dans les airs Bellatrix, dont le corps s'interposa entre Rogue et l'Avada Kedavra.
─ NON ! répéta Voldemort.
Les yeux écarquillés d'horreur, abasourdi par la réaction de Potter, il regarda le corps de sa plus fidèle partisane s'effondrer sans vie au sol, non loin du compagnon de Potter. Le message sur la porte disait : « sache que la mort ne devra jamais survenir en cet endroit ». Mais Potter l'ignorait, ça. Voldemort et Rogue se figèrent et attendirent, balayant l'endroit d'un regard crispé, presque apeuré.
Alors, un grondement sinistre s'éleva au loin, se rapprochant dangereusement vite, tel un troupeau de buffles géants lancés à pleine vitesse. Le sol, les murs, le plafond, les colonnes encadrant le coffret et le piédestal se mirent à trembler, d'abord doucement, mais les vibrations gagnèrent en intensité aussi vite que le grondement se rapprochait.
S'efforçant de se maintenir debout, Voldemort s'approcha du coffret tremblant et vit du coin de l'œil Potter disparaître de nouveau. Une fraction de seconde plus tard, le Survivant apparaissait devant lui en pointant sa baguette sur lui. Aucun sortilège ne sortit de l'extrémité du fin morceau de bois, car un son encore plus inquiétant que le grondement alarma subitement tout le monde : des craquements très significatifs retentissaient un peu partout.
Des fissures apparurent partout et des morceaux de pierre commencèrent à tomber du plafond, des murs, des colonnes, percutant le sol avec fracas. Rogue prit la fuite, les bras au-dessus de la tête pour se protéger, et Potter brandit subitement sa baguette au-dessus de lui pour ne pas être aplati par un bloc de pierre trois fois plus lourd que lui. Voldemort saisit sa chance.
Décochant un éclair de lumière qui frappa Potter à l'estomac et le projeta en arrière, il affronta aussi rapidement et stablement que possible le séisme et atteignit enfin le coffret d'or au moment où celui-ci s'apprêtait à tomber. Ignorant les symboles gravés sur une plaque d'or laissée vierge de rubis et autres pierres précieuses, Voldemort ouvrit le coffret au moment où un jet rougeâtre jaillissait de la pluie de pierres qui le séparait de Potter.
Instantanément jailli une aveuglante lumière verte, empêchant Voldemort de distinguer le contenu du coffre, et l'aveuglant quasi-aussitôt. Ses yeux écarlates fermés sous la douleur, il entendit Potter laisser échapper un juron inintelligible sous le fracas du plafond s'écroulant et sentit soudain le sol se dérober sous ses pieds.
Puis, tout aussi brusquement, plus rien.
