Bonjour, bonsoir à celui qui lira ces mots ! Alors, voilà, je me lance pour ma première fanfiction sur le Seigneur des Anneaux, en espérant qu'elle vous plaira et que vous ne serez pas trop sévères avec moi… même si j'accepte toutes critiques, bien évidemment ! C'est ça qui fait progresser après tout, pas vrai ? Tout est-il que je me baserais essentiellement sur les films, même si mes descriptions physiques et quelques éléments tiendront des livres, mais rien qui ne déboussolera vraiment celui qui ne les a pas lus ( n'étant moi-même qu'en train de les relire, après une longue période… ), pas d'inquiétudes !

Donc, voilà le premier chapitre… je suis déjà en train d'écrire la suite et je la posterais, si ça plaît un peu. Si je me suis trompée par rapport à quelque chose dans ce chapitre ou s'il y a des fautes qui vous perturbent, n'hésitez pas à me les signaler on apprend de ses erreurs !

Disclaimer : Donc, comme vous le savez tous, TOUT appartient au vénéré J. R. R. Tolkien, à qui je voue une admiration totale, donc un grand merci à lui ! Puis, également à Peter Jackson pour cette merveilleuse trilogie ( et maintenant le Hobbit ! ) qu'il a parfaitement su retranscrire à l'écran ! Seuls les personnages de Zofia et Nathaniel, ainsi que leurs histoires et ce qu'ils deviendront par la suite, est dû à mon petit cerveau.

Bonne lecture, et merci ! ^_^

Azalo.

oOo

CHAPITRE 1

Terre étrangère.

Zofia marchait à pas lents dans la forêt, évitant soigneusement les branches défeuillées qui se tendaient vers elle, tentant de garder le peu d'équilibre dont elle pouvait disposer sur ses hauts talons noirs. La lumière diffuse des lanternes colorées accrochées au mur de la maison, à quelques mètres de là, à la lisière des bois, éclairait faiblement son chemin, mais cela lui était suffisant pour veiller à ne pas trébucher dans des troncs allongés ou des branchages trop aiguisés. Habituellement, la jeune fille ne s'aventurait pas ainsi, seule, dans les endroits aussi sombres, mais également dangereux pour sa maladresse constante, cependant, cette fois, elle n'avait pas vraiment eu le choix. Quelqu'un l'y avait invité, un charmant jeune homme répondant au doux nom de Nathaniel. C'était celui sur qui elle craquait depuis quelques mois et lorsqu'il lui avait demandé, un peu plus tôt, lors de sa fête organisée pour Halloween, si elle voulait bien s'éloigner un moment pour le rejoindre et être un peu au calme, elle avait sauté sur l'invitation. De nature quelque peu timide, deux verres de vodka l'avaient bien évidemment aidé à prendre cette décision.

Et à présent, vêtue sur le modèle du Petit Chaperon Rouge, elle se jetait dans la gueule du grand méchant loup.

Car, pour l'occasion, elle avait revêtit le costume parfait de la petit fille des contes de fées des frères Grimm. Elle arborait un corset d'un rouge sombre par-dessus un débardeur en toile blanche, dont les manches courtes tombaient gracieusement sur ses épaules en partie dénudées. Ce haut amincissait sa taille et lui faisait un joli décolleté, avant de se retrouver prolongé par une bouffée de jupons blancs recouverts par une jupe également d'une teinte bordeaux, qui s'arrêtait aux genoux. Elle avait, pour parachever le tout, jeté une longue cape en coton, encore une fois rouge, sur son dos, cape dont elle avait rabattu le capuchon sur son crâne. Une paire de chaussures à talons noirs et bouts ronds, ainsi qu'un panier tressé complétaient son déguisement. Le dit panier lui servait également de sac à mains, où elle y avait fourré ses affaires nommées « du lendemain de soirée », kit de survie de toutes jeunes filles. Téléphone portable, paquet de mouchoirs, brosse à dents et dentifrice, large t-shirt noir léger comme pyjama, chewing-gum, et élastiques à cheveux, avec brosse. Cela lui pesait quelque peu, à force, sur le bras, mais elle avait déjà porté des charges plus lourdes et elle s'en accommodait donc sans rechigner.

Un craquement de branches sec lui fit relever les yeux vers sa destination. Aussitôt, un sourire discret se dessina sur ses lèvres. Nathaniel se tenait devant elle, adossé contre l'écorce rêche d'un arbre, habillé d'un pull moulant, d'un jean et d'une paire de baskets, intégralement noir. Il lui souriait doucement, son regard d'un vert très sombre pétillant, et le masque blanc du meurtrier de la saga « Vendredi 13 » relevé sur sa tête, plaquant en arrière ses cheveux bruns indomptables.

Il était terriblement séduisant.

Et elle, terriblement maladroite.

Bien sûr, elle était jolie, mais ce n'était pas non plus une de ces filles que les mecs rangeaient dans la catégorie « canon ». Elle avait des traits doux, un sourire agréable qui créait deux légers plis à l'une des commissures de ses lèvres, et son visage fin était encadré par une masse de cheveux sombres, lissés pour la soirée, où elle avait également fait, pour parfaire son costume, deux couettes basses. Elle était une fille comme les autres, en bref. La seule chose qui sortait quelque peu de l'ordinaire était ses yeux. Légèrement en amandes, et d'une couleur mordoré, un brun chaud aux reflets mordorés. Rien de bien extraordinaire, en somme.

Elle s'approcha lentement de Nathaniel, manqua de trébucher mais celui-ci la rattrapa par le bras avant qu'elle ne s'écroule. Ses joues s'empourprant, elle baissa légèrement la tête en murmurant un vague « désolée ». Le jeune homme pressa ses paumes contre les joues de Zofia et lui releva le visage. Puis, avant qu'elle puisse dire quoi que ce soit d'autre, il posa ses lèvres sur les siennes.

Le baiser fut tout plein d'une ardeur trop longtemps contenu. Il glissa sa langue dans sa bouche et Zofia eut du mal à répondre à cette violence soudaine, trop brutalement surprise. Il glissa ses mains sur la taille de la jeune fille et la poussa contre l'arbre le plus proche. L'arrière de la tête de Zofia alla cogner durement le tronc et elle poussa un gémissement de douleur, vite étouffé par les lippes de Nathaniel. Fronçant les sourcils, elle décida de mettre fin à cette échange trop poussé à son goût. Posant fermement ses mains contre son torse, elle le repoussa, tournant de plus le visage pour se soustraire à cette embrassade devenue forcée.

- Nathaniel, calme-toi !

Sourd à ses protestations, il revint à la charge. Lors de ce second baiser, Zofia sentit dans sa gorge le goût amer de la tequila, chose qu'elle n'avait pas pris soin de relever à son premier passage. Mais, il était clair, en tout cas, qu'il n'était plus tout à fait lui-même. A nouveau, elle le repoussa en s'essuyant la bouche.

- C'est bon, je crois que c'était une mauvaise idée de venir ici, annonça-t-elle platement.

Elle passa à ses côtés, le bousculant, avant de se baisser pour reprendre son panier tombé. Cependant, avant qu'elle n'ait pu faire un autre pas, il la rattrapa par le bras. Il la tourna vers lui et la maintenant avec force, l'embrassa encore une fois. Sa main libre se mit à remonter vers la poitrine de la jeune fille, où il tira sur l'une des ficelles du flot qui permettait au décolleté de rester décent. Zofia se mit à se débattre, furieuse de s'être fait ainsi attirer loin de tous. Qu'elle pouvait se montrer idiote ! Elle se recula vivement et gifla de son bras libre Nathaniel. Celui-ci, surpris, porta ses doigts à sa joue rougie. Serrant à s'en blanchir les jointures l'anse du panier, elle se détourna prestement et se mit à courir, mais elle remarqua rapidement que ce n'était pas le sentier qu'elle avait emprunté à l'allée.

Elle s'enfonçait dans la forêt.

Elle ne s'arrêtât pas pour autant. Elle continua, jusqu'à sortir du chemin net et tracé. Chacun de ses pas résonnait lourdement sur la terre sèche, mais elle entendait ceux de Nathaniel, non loin derrière elle, qui faisait écho au sien, alors elle ne s'arrêta pas. Malgré la fatigue diffuse dans ses muscles, sa tête douloureuse, emplie des battements de son cœur, et malgré son souffle court, elle continuait.

La peur lui donnait la force nécessaire et elle puisait le courage et la détermination dans sa colère.

Des branches aux allures fantomatiques de bras décharnés lui arrachèrent sa capuche rouge et l'une d'elles zébra d'un éclair sanglant sa joue. Elle serra les dents et redoubla sa cadence.

- Zofia, arrête ! Allez, reviens !

La voix était pâteuse, l'intonation saccadée, un tantinet moqueuse.

Elle n'était pas sûre de ce que serait capable de lui faire Nathaniel ; elle ne le connaissait que trop peu. Cependant, sa sauvagerie prompte l'avait suffisamment effrayée pour qu'elle désire mettre la plus large distance entre eux. Quel était la limite d'un homme saoul, dont les hormones le dérangeaient ?

Un point de côté la poignarda. Elle tourna la tête, plaquant sa main contre ses côtes, pour tenter de savoir si elle pouvait stopper sa course infernale, ce qui l'empêcha de voir la racine noueuse dans laquelle ses pieds s'emmêlèrent.

Elle s'effondra, avec une certaine brutalité, face contre terre. Son front heurta durement le sol, sa vue devint floue, son esprit embrumé. Les arbres s'allongeait, les pierres s'étiraient ; où se trouvait-elle ? Désorientée. Des bourdonnements crépitèrent dans ses oreilles, se répercutant contre les parois de son crâne, créant un brouhaha incohérent et douloureux. Elle sentit des mains retourner son corps. Impassible, elle se laissa aller. Un poids mort se posa sur son ventre. Cela lui donna envie de vomir. Elle ouvrit lentement les yeux, qu'elle ne se rappelait pas avoir fermés. Il y avait un visage familier, enfin, un peu. Une sonnette d'alarme vrilla ses sens, réveilla un pressentiment. Un nom lui revint alors en mémoire.

Nathaniel.

Un instinct tapi dans son cœur lui donna une aussi soudaine que nouvelle ardeur. Elle commença à bouger dans tous les sens, se cabrant, ruant et donnant des coups. Le jeune homme essaya de la neutraliser. Elle prit une poignée de ce qui lui tomba sous la main et la lui jeta au visage. Il poussa un juron et plaqua ses doigts contre ses yeux. Elle voulut en profiter pour se redresser et repousser l'inopportun, mais un sifflement attira son attention. Il ne dura qu'une seule seconde et précéda un trait brun qui fendit l'atmosphère et vint se planter dans l'épaule de Nathaniel. Ce dernier poussa un hoquet de stupeur, puis une plainte de douleur par la suite, avant de basculer sur le côté. A présent parfaitement éveillée, Zofia se redressa vivement. Une flèche, une flèche s'était fichée dans la chair de Nathaniel ! Elle s'approcha prestement de lui.

- Nathaniel… Ça va ?

C'était une question idiote, mais Zofia était totalement désemparée. Elle n'avait aucune idée de que faire. L'intéressé grogna et plaqua sa main contre la blessure.

- Qu'est-ce que tu m'as fait, sale conne ?!

De son autre main, il essaya de l'empoigner, mais ne tomba que sur une poignée de cheveux. Zofia voulut se retirer, mais cela ne fit que provoquer une douleur aigüe sur son cuir chevelu. Elle hurla et griffa le bras qui la maintenait, mais il ne lâcha rien. Elle posa alors sa main sur la plaie à vif, avant d'agripper la flèche et de la tirer d'un coup sec. Nathaniel poussa un long cri déchirant et s'agita aussitôt, pestant et jurant. La jeune fille se releva, ramassa ce qui lui servait de sac et se mit à courir, à nouveau. Mais, elle fut très vite stoppée.

Il y avait, devant elle, quelque chose qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Ça n'avait pas de limites précises, puisant sa source dans les ténèbres. C'était tel un écran trouble qui s'étalait de tout son long entre les arbres, comme un mur dit invisible, excepté qu'une aura bourdonnante semblait se dégager de cette limite. Zofia était subjuguée ; qu'est-ce que cela pouvait signifier ? Elle s'approcha, avec prudence, et tendit la main. Ses doigts fins se retrouvèrent soudainement à la prise d'un engourdissement étrange, à deux centimètres de cette paroi, mais lorsqu'elle la toucha, ce fut comme un éclair vif traversant son bras. Décharge électrique qui se répandit à travers ses veines, réveillant ses sens, faisant bouillir son sang d'une émotion nouvelle. Elle se retira aussitôt de ce toucher. Ce n'était pas douloureux, mais trop intriguant pour elle. Elle n'avait jamais été très terre à terre, elle était même souvent dans ses pensées, là où se trouvait un monde bien meilleur et plus savoureux, mais vivre une des aventures qu'on s'imagine, c'était… troublant. De plus, elle était intimement convaincue que c'était de là que provenait la flèche. Elle fit alors un pas en arrière, puis en détachant peu à peu, avec lenteur, ses yeux du mur, elle se retourna.

Derechef, elle vit une ombre bondir sur elle. Nathaniel, le visage en sueur, marqué de colère et de douleur, encercla son cou gracile entre ses paumes et se plaqua contre elle. Sous ce poids soudain, surprise, elle bascula en arrière en poussant un cri désemparé. Ses réflexes firent qu'elle ferma les yeux, en attente du choc électrique du mur, mais lorsqu'elle le toucha, elle se contenta de s'enfoncer mollement dedans, le traversant. Des picotements, des milliers de fourmillements s'emparèrent de son corps. Une traînée de poudre sembla s'enflammer tout le long de ses veines. Agitée, son cœur lui semblait battre trop fort contre sa poitrine. Il allait se faire expulser de sa cage thoracique, elle en était certaine. Il brûlait à l'intérieur, sa peau était beaucoup trop chaude à son emplacement. Sa cadence n'était pas assez rythmée et bien trop rapide. Désordonnée. Sa respiration devint saccadée, tout disparut autour d'elle. L'oxygène ne parvenait plus à gonfler ses poumons de vie et la dernière inspiration fut celle de la Mort. Son cœur manqua un battement. Elle griffa son cou, sa poitrine, il fallait qu'il reprenne. Un nœud se forma dans son ventre. Il ne reprit pas. Zofia bascula dans l'obscurité.

Puis, soudain, un choc. Son dos, ses jambes et son crâne se plaquèrent contre une surface cabossée et dure. La lumière revint à elle. Elle entrouvrit les lèvres et une longue bouffée d'air pénétra sa bouche. Ses paupières papillonnèrent avant que ses yeux ne s'ouvrent en grand.

Il faisait jour, mais le feuillage dense des arbres masquait le soleil. Une légère brise secouait les branches en de doux frottements, la forêt était calme. Pas de cris d'animaux, pas un seul piaffement d'oiseau. Zofia se redressa doucement, un mal terrible lui vrilla le crâne. Elle ne voyait plus le chemin, ni la maison. Elle ne voyait plus rien, à vrai dire. Elle voulut se rallonger, épuisée, à bout de nerfs, mais un craquement l'alerta. Elle prit sur elle et balaya les arbres des yeux.

Zofia se tenait assise au milieu de sa cascade rouge, protégé par les plis sanglants de sa cape, tel un petit animal blessé. Sa joue était barrée d'une coupure nette, de la terre maculait sa peau plus pâle encore qu'à l'ordinaire, une plaie ouverte tailladait son front, à la base de ses cheveux et ses lèvres tremblaient, blanches.

On eut dit une poupée de porcelaine au maquillage morbide.

Des larmes étaient nichées dans le brun paniqué de ses yeux, et l'une d'elle tomba sur sa main, lorsqu'elle remarqua qu'elle se trouvait encerclée par une dizaine d'hommes aux vêtements étranges. L'un d'eux tenait la silhouette écroulée de Nathaniel en joue, avec un arc, s'apprêtant au moindre mouvement à lâcher son tir.

Mais où avait-elle atterrit ? Était-ce une secte qui pensait qu'Halloween ne pouvait se fêter sans sacrifice humain ? Car, plus elle dévisageait leurs visages fermés et leurs allures inhabituelles, plus elle pensait qu'elle ne ressortirait pas vivante de ce cercle de prédateurs. Ils avaient tous des tuniques sombres, des pantalons et des bottes quelques peu plus clairs, mais surtout de longs cheveux qui ne cachaient que trop peu, pour certains, des oreilles allongées, légèrement pointues. Des Elfes… « Ne sois pas ridicule, Zofia ! C'est quand la dernière fois que t'as croisé des elfes, toi ? ». Oui, cela ne se pouvait. Elle devait se reprendre. Les nombreux chocs qu'elle avait reçus au crâne devaient y être pour quelque chose, à ce jugement faussé.

L'un d'eux, un grand brun aux traits finement ciselés, s'approcha de la jeune fille. Une grande partie des archers présents braquèrent immédiatement leurs flèches vers elle. Zofia tressaillit, retenant soudainement son souffle.

- Une étrangère sur les terres du Seigneur Elrond. Cela faisait bien longtemps que nous n'en n'avions plus vu. Enfin, pas d'étrangers avec de bonnes intentions, tout du moins. Je devrais vous tuer, sans plus attendre. Seulement, vous n'êtes pas un orc, ni un gobelin et je vais donc vous laisser le bénéfice du doute, en vous demandant simplement de décliner votre identité.

Zofia ne comprenait rien de ce que l'homme lui disait. Seuls quelques mots attirèrent et retinrent son attention bien plus que les autres. « Elrond », pour exemple, lui parlait vaguement. Elle était persuadée d'avoir déjà entendu ce nom quelque part. Où ? Bien sûr, elle n'aurait plus su le dire.

Avec lenteur, la jeune fille s'essuya les joues, puis releva les mains, signe qu'elle n'était pas armée et qu'elle ne voulait aucun mal. Puis, doucement, elle se redressa sur les genoux, voulant se relever. Mais les cordes des arcs se tendirent aussitôt, dans un bruit d'étirement sec. Elle se figea alors, restant soigneusement immobile, sa poitrine se soulevant uniquement au rythme cadencé de sa respiration, ses lèvres se mouvant au gré de ses paroles aimables, guidée par la peur.

- Je me nomme Zofia Venediktov et je vous prie de m'excuser, si je suis à un endroit où je ne devrais pas être. Car, en fait, pour tout vous dire, je sais pas du tout où je me trouve. Et bien que je sois une étrangère, je ne veux aucun mal. À qui que ce soit. Je suis sans défense, comme vous pouvez le voir.

L'homme releva le menton. Il ne dit rien pendant un instant, semblant prendre une décision, pour finalement faire un gracieux signe de la main, ordonnant aux autres de baisser leurs arcs. Ils obéirent dans la seconde. La jeune fille relâcha quelque peu la tension de ses muscles fins, mais resta sur ses gardes. Celui qui semblait être le chef reprit la parole :

- Je n'ai malheureusement aucune certitude quant à la véracité de vos propos, bien qu'il me semble que vos dires soient honnêtes. Néanmoins, peu importe ce que je crois. Ce n'est plus à moi de décider de votre sort, à présent. Je vais donc vous conduire en la demeure du Seigneur Elrond, où celui-ci prendra une décision en ce qui concerne votre avenir.

Zofia hocha la tête et déglutit difficilement. Puis, l'inconnu jeta ensuite son regard vers Nathaniel, qui était accroupi aux genoux d'un autre homme, la tête baissé, une traînée sanglante sur l'épaule.

- Cependant, je ne suis pas certain que celui-ci suive votre chemin. Lorsque nous sommes arrivés, il me semble qu'il désirait faire le mal. En premier lieu, à vous-même.

Les arcs se tendirent, Zofia bondit. Tous se tournèrent vers elle. Elle s'arrêtât prestement, mais, refoulant son angoisse, prit tout de même la parole.

- Il est vrai qu'il a tenté de me blesser. Cependant, je demande votre… votre clémence envers lui. Il n'était pas dans son état habituel, l'alcool a… déformé son caractère. Et je peux me porter garante de lui pour le reste de son séjour ici. Il ne tentera plus rien.

Le chef l'écouta attentivement, avant de faire un nouveau signe avec ses doigts. Deux hommes sortirent du cercle et vinrent encadrer Zofia. Ils lui prirent chacun un bras et l'entraînèrent avec eux. Elle jeta des regards paniqués autour d'elle, essayant d'apercevoir si sa requête avait été accordée. Mais, bientôt, son investigation coupa court. Un doux tissu se faufila sur ses yeux, puis un nœud se forma à l'arrière de son crâne, plongeant son champ de vision dans le noir total.

Au bout d'une centaine de pas, Zofia perdit toute notion de temps. Sa tête l'élançait, elle sentait d'une sang couler sur sa joue, traînée rougeâtre provenant de la plaie de son front. Au départ, elle avait songé que la blessure était superficielle, mais ce n'était apparemment pas le cas. Plus elle avançait, plus elle sombrait dans un état léthargique. Ses pieds étaient plus maladroits, ils butaient sans cesse sur diverses choses, sa tête basculait d'avant en arrière, tournait lentement, et ses lèvres sèches avaient un petit goût métallique, d'avoir été trop mordues pour éviter les plaintes. Seulement, elle n'en pouvait plus. Ses jambes lâchèrent, d'un coup, comme si on l'avait frappé derrière les genoux. Elle s'écroula dans les bras des hommes et sa conscience s'envola.

Tout n'était que ténèbres, elle était dans le néant. Ses pieds, ses bras, son corps entier, rien n'était dans un endroit précis. Elle se trouvait partout à la fois. Elle ne pouvait pas même dire si elle se tenait debout ou assise. Elle était simplement recroquevillée contre elle-même. Mais, soudain, la noirceur épaisse qui l'entourait sembla s'éclaircir. Une lumière approchait. Elle était aveuglante, blanche et diffuse. Un long souffle s'engouffra entre ses lèvres et glissa dans ses poumons. Zofia ouvrit en grand la bouche et inspira longuement. Ses yeux s'ouvrirent brutalement et elle se redressa prestement. Une douce main se posa aussitôt sur son épaule et la repoussa doucement dans ce qu'elle identifia être un sommier. Elle se laissa faire, épuisée, et laissa vagabonder son regard, quelque peu hagard. Elle se trouvait dans une modeste chambre aux murs de pierres blanches, meublée sommairement d'un lit double, d'une armoire et d'une étagère aux planches recouvertes de livres. Un tapis bleu nuit recouvrait une partie du sol, au pied du lit et la pièce comportait deux portes, sans compter une large ouverture, uniquement fermée par une lourde tenture en velours rouge, qui menait sans doute à un balcon.

Zofia se tenait allongée sur le lit, le front couvert de sueur et les cheveux poisseux, à cause du sang. Néanmoins, la zébrure de sa joue avait été nettoyée et une bande de coton blanc faisait le tour de son crâne, recouvrant sa plaie. Elle avait été débarrassée de sa cape, mais portait encore sa robe, où seuls les lacets de son corset avaient été défaits, lui permettant de respirer plus facilement. Une jeune femme tenait une coupe en argent, à ses côtés, le visage d'une douceur infinie. De longs cheveux de jais lisses, certaines mèches nattées, tombaient sur ses hanches et de grands yeux gris pâles la dévisageaient. Sa taille fine était enfermée dans une robe couleur émeraude, tressée à certains endroits de fils noir ou or. Et cet ensemble faisait ressortir sa peau claire et ses lèvres fines et rosées. Elle était d'une réelle beauté, celle que toute personne rêve de posséder, et ne semblait pas âgée de plus d'une vingtaine d'années. De plus, lorsqu'elle prit la parole, sa voix était d'une douceur exquise.

- Les gardes m'ont rapportée que vous vous nommiez Zofia. C'est un très joli nom. Quant à moi, même si je sais que cela ne sera pas suffisant à éloigner votre égarement, je m'appelle Arwen Undòmiel. C'est moi qui me suis occupée de vous, alors j'espère que mes soins vous auront un peu soulagé.

Le nom la frappa de plein fouet. Elle hoqueta sous le choc. Cela lui revint, oui, tout lui revint. Sa mère lui avait maintes fois raconté cette histoire, puis lui avait offert les livres et elle avait vu les films. Elle avait adoré ces contes et, pendant fort longtemps, s'en était souvenu par cœur. Cependant, cette période lui était passée et elle avait perdu le souvenir des détails. Bon sang, ces noms, ces lieux, tout ce monde dans lequel elle semblait être appartenait à l'univers de Tolkien !

Ses yeux s'écarquillèrent et sa vision bascula sous l'impact de la révélation. Cependant, elle tenta de se reprendre assez rapidement, pour balbutier une quelconque réponse.

- Je… D'accord… Merci, je veux dire.

Interprétant sans doute son balbutiement pour un égarement temporaire dû à son réveil brutal, la dénommée Arwen, qui ne ressemblait que vaguement à l'actrice du film, lui fit un sourire indulgent.

- Je vais vous laisser vous reposez. Mais, si vous le souhaitez, derrière cette porte, vous pourrez vous lavez et vous trouverez également du linge propre.

Zofia hocha difficilement la tête en guise d'approbation, alors qu'Arwen sortait d'une démarche gracieuse de la chambre.

Dès l'instant où l'Elfe referma derrière elle, Zofia bondit hors du lit, paniquée. Elle se dirigea vers la deuxième porte, l'ouvrit, puis referma derrière elle, une fois entrée. C'était une petite pièce agréable, sans fenêtres, où se mêlaient les parfums de la rose et de la lavande, éclairée uniquement par les flammes vacillantes de bougies éparpillées. Ce que la jeune femme assimilait à une baignoire se trouvait au milieu de la pièce, mais n'avait néanmoins pas de robinet. Le bac était déjà rempli d'une eau claire d'où s'élevait quelques vapeurs chaudes et quelques flacons divers avaient été posés sur les rebords. Un long miroir recouvrait également presque l'entièreté d'un pan du mur, juste derrière une commode sur laquelle trônaient quelques serviettes, puis un paquet de tissu blanc.

Zofia se plaqua contre le battant et inspira une longue bouffée d'air parfumé. Cela l'aida quelque peu à se reprendre, mais un raz-de-marée de questions l'assaillit tout de même. Etait-elle vraiment dans « Le seigneur des Anneaux » et, ce par la faute de cet écran étrange qu'elle avait traversé ? Qu'était-il advenu de Nathaniel ? Avaient-ils ignoré sa requête en le tuant ? Elle n'en savait rien et cela la rendait malade. Les émanations sucrées des divers parfums lui donnèrent soudainement l'envie de vomir. L'atmosphère était lourde, elle ne parvenait plus à respirer normalement. Sa bouche pâteuse n'accueillait plus le moindre souffle.

Depuis sa plus tendre enfance, Zofia était sujette aux crises d'angoisse. Elle avait toujours eu le pouvoir d'enfouir tout au fond d'elle, d'oublier ses peurs, les remarques mesquines, les méchancetés… Elle pouvait tout contrôler et oublier. Parfait, pas vrai ? Elle apparaissait ainsi comme une personne forte, que les autres ne pouvaient pas toucher. Sauf que ce n'était pas parfait, car cela ne durait qu'un temps. Il suffisait ensuite d'un rien, d'un tout petit déclic, à n'importe quel moment, pour qu'elle craque. Ça venait, comme ça repartait, sans qu'elle ne puisse plus rien contrôler. Et plus elle refoulait longtemps, plus la crise était violente.

Son dos heurta brutalement le battant et elle se laissa glisser le long de la porte en bois, tout en défaisant rapidement les nœuds de son corset, qu'elle balança à l'aveugle, une fois retiré. Trempée de sueur, le chemisier blanc qu'elle portait par-dessous collait à sa peau. Elle s'empressa de l'ôter, avant de se débarrasser de sa jupe, ses jupons, puis de ses sous-vêtements noirs. Une fois totalement nue, sa peau moite contre le carrelage frais lui fit le plus grand-bien, tel l'effet d'une brûlure sur un endormi. Elle s'éveilla de sa crise et tenta de retrouver une respiration tranquille, frissonnante.

Zofia laissa sa tête retomber en arrière, savourant l'exquis plaisir de se retrouver totalement immergée dans une eau propre et chaude. « T'es dans la merde, Zo', tu le sais ça ? ». Oui, elle le savait. Pas besoin de cette petite voix mesquine dans son crâne pour le savoir. Cependant, elle ne voulait pas réfléchir à la situation folle dans laquelle elle se trouvait. Pas pour l'instant.

Ouvrant de nouveau les yeux, elle s'empara des quelques flacons qui reposaient au bord et les examina attentivement, dévissant les couvercles, goûtant aux différentes odeurs, reposant ceux qui ne lui inspiraient pas confiance. Puis, elle se résigna à en choisir deux. Le premier contenait ce qui ressemblait à du gel douche à la vanille et elle s'en servit pour retirer toute crasse de son corps. Quant au deuxième, il recelait une lotion à la saveur de… Elle n'en savait trop rien, en fait. Cela ressemblait à du lilas, mais il y avait également quelque chose qui était différent. Alors, après avoir déroulé soigneusement le bandeau qui couvrait sa plaie, elle commença à s'occuper de ses cheveux noirs. Elle les lava, les peigna avec ses doigts, puis les rinça consciencieusement.

Une fois sa tâche finie, se sentant définitivement mieux propre, elle sortit du bac et alla s'enrouler dans une des serviettes moelleuses mises à sa disposition. Elle se sécha rapidement, puis se dirigea vers le paquet blanc, qui s'avéra être une pile de vêtements. Une culotte, ainsi qu'une robe. Elle enfila le tout sans plus tarder, puis se dévisagea un instant dans le miroir.

La robe était d'une beauté simple et déconcertante, réellement appréciable. Elle était pourvue de manches trois-quarts, d'un décolleté rond, et les épaules étaient recouvertes de lacets blancs, quelque peu délacés, dévoilant de minces lambeaux de sa chair pâle. Le tissu, bien qu'elle ignore de quoi il pouvait être fait, était doux sur sa peau, il semblait glisser sur sa taille, sur ses côtes, puis ses jambes. Le vêtement était un peu long et traînait sur le sol, ce qui était sans doute dû à sa taille, petite par rapport aux Elfes, et elle se sentait à l'étroit au niveau de la poitrine et des hanches, mais excepté ces petits défauts, il était parfaitement adapté à sa silhouette. La seule chose qui la mettait quelque peu mal à l'aise était l'absence de soutien-gorge. Dans un temps de crise semblable à celui-ci, c'était peut-être bien futile, certes, mais… En tant que femme des temps modernes, elle n'était jamais sorti sans. Toutefois, lorsqu'elle jeta un coup d'œil au sien qui traînait par terre, tâché de sueur et de boue, elle se résigna à ne pas en porter. Inspirant longuement pour calmer sa nervosité, elle passa ensuite à son visage. Une coupure nette, aux contours tout de même un peu boursoufflés et rougis, barrait le haut de son front, et une zébrure parfaite tranchait sa joue. Ses cheveux avaient repris leur aspect initial, ondulés et non lisses, mais elle ne s'en soucia pas. Que lui importaient ses cheveux, si sa vie était en danger, pas vrai ? Absolument rien.

Zofia s'humecta les lèvres ; il était temps de sortir.

A peine fut-elle sortie de la salle de bains, ses vêtements sales sur le bras, que deux personnes entrèrent dans la pièce. Arwen, accompagnée d'une très jolie jeune femme. Taille fine, élancée, grands yeux d'un bleu limpide, lèvres fines, pommettes hautes et roses, et fins cheveux blonds comme les blés. Arwen s'avança et la présenta :

- Zofia, je vous présente Dame Olvina. Elle s'occupe de tous les vêtements ici. Je vous conseille de lui donner ceux que vous portiez. Elle fera disparaître toutes tâches, que ce soit celles de sang ou de terre.

La jeune fille hocha mécaniquement la tête et tendit le paquet de linge sale qu'elle portait, avec un petit sourire contrit.

- Je suis désolée de vous donner du travail en plus, hum… Dame Olvina.

La dénommée Olvina la toisa un instant sans rien dire, puis prit les vêtements, avant de tourner les talons sans un mot de plus. Arwen croisa les mains devant elle et reprit la parole :

- Ne vous tracassez pas pour elle, Zofia. En ces lieux, peu de personnes apprécient les étrangers, encore moins les Hommes, et elle ne fait pas exception, mais elle sait ce qu'elle doit faire.

- Vous, pourtant, vous n'êtes pas comme ça avec moi. Pourquoi ?

Arwen inclina légèrement la tête et un maigre sourire se faufila sur ses lèvres.

- Jadis, mon père accueillit un enfant. Il faisait partie de la race des Hommes, mais fut élevé comme les Elfes, et il finit par posséder les traits de caractère des deux espèces. La sagesse et la témérité, le courage et le désir de protéger les siens, ainsi qu'une bonté sans égal et une lueur d'espoir éternelle en son cœur. Ainsi, au sein de notre cité, il se comportait toujours tel un des nôtres. Cependant, les moments où je l'apprécie le plus, ce sont ceux où je peux voir l'Homme, qu'une partie de sa vraie nature refait surface. Je suis une des seules à penser que tous les Hommes ne sont pas forcément mauvais. Les Elfes ont perdu la foi en leur race, lorsqu'Isildur a failli, mais moi pas.

Le ton de la jeune Elfe était si empreint de mélancolie qu'elle se douta qu'Arwen faisait référence à Aragorn, son unique amour. Elle ne dit donc rien, laissant la femme achever :

- C'est pour cela que je ne désire pas vous juger. Pas avant de connaître l'entièreté de votre histoire.

La jeune fille hocha la tête et laissa échapper un sourire flou, consternée, en murmurant :

- Arwen et Aragorn…

Elle n'en revenait pas. Elle se trouvait réellement dans l'histoire de Tolkien, avec Arwen et Aragorn. Plus elle y pensait, plus elle se remémorait l'histoire, leur histoire. Et elle trouvait cela à la fois complètement fou, mais aussi intriguant, excitant. Sa vie, avant cette soirée qui avait tout chamboulé, était tout ce qu'il y avait de plus banal. Elle se levait, mangeait, travaillait assidûment et rentrait chez elle. Ses journées n'avaient jamais rien de trépidantes. Elles se ressemblaient, toutes cruellement longues et ennuyantes, et s'entassaient dans son existence grise et morne. Elle n'avait pas de vrais amis, étant franchement associable. Personne pour mettre des couleurs dans sa vie. Son père était un militaire et elle déménageait souvent, trop souvent pour avoir le temps et la possibilité de se fondre dans la masse. Aussi avait-elle apprit à ne plus chercher la compagnie, mais à se maintenir éloignée de tous sans pour autant sombrer dans la folie. Alors, ce voyage inespéré, elle devait se l'avouer, éveillait en elle une certaine satisfaction. Bien qu'elle soit morte de trouille, parallèlement.

- Comment connaissez-vous ce nom, Zofia ?

Le visage soudain fermé et méfiant, ainsi que l'intonation sèche d'Arwen l'éloigna de ses pensées. Elle s'aperçut également de son erreur, trop concentrée sur l'étrangeté du tournant que sa vie prenait. Elle venait de prononcer un nom qu'elle n'aurait jamais dû connaître. Car, pour les étrangers, Aragorn n'était connu que sous le nom de Grands Pas.

Zofia s'approcha, tendant le bras comme en une supplique muette, et secoua la tête, prête à répliquer une excuse, mais Arwen ne lui en laissa pas le temps.

- Une espionne. Ils avaient donc raison de se méfier de vous ? J'en suis navrée.

- Non, ce n'est pas ce que vous…

Une fois encore, sa phrase fut avortée par le mouvement brusque de l'Elfe qui se détourna pour sortir de la chambre. Deux gardes entrèrent, dès sa sortie. Armés de carquois, d'arcs et de lames attachés à leurs ceintures, ils étaient effrayants. Cependant, la jeune fille tenta de garder son sang-froid. Une panique sournoise ne la saisit que lorsqu'ils la prirent chacun par un bras et l'entraînèrent vers le couloir. Elle réalisa alors qu'elle n'était pas de leur côté, qu'elle était une ennemie à leurs yeux.

Et que cela causerait peut-être sa perte.

Ils arrivèrent rapidement dans une vaste salle, où se tenait un grand homme brun devant une large baie ouverte. Les gardes la lâchèrent, mais ne s'éloignèrent pas. Une légère brise s'engouffra dans la pièce, et bien que le souffle soit chaud, Zofia frissonna. Quelque chose l'intimidait et l'effrayait ici. L'Elfe se retourna et la dévisagea, un instant. Une chevelure sombre, des yeux perçants, des traits anguleux et une longue tunique brodée de fils d'or. Il était de haut rang, elle le soupçonnait même d'être le Seigneur Elrond en personne. Mais, avant que l'un d'eux n'ait pu dire quoi que ce soit, des éclats de voix parvinrent à leurs oreilles, brisant le silence.

- Lâchez-moi, bande de tapettes ! Vous ne savez donc pas qui je suis ? Je suis le fils du prochain présent, Mathieu Dontar !

Contrairement à ce qu'elle s'attendait, ce n'est pas du soulagement qui la terrassa à l'entente de cette voix, mais de l'agacement. Zofia leva les yeux au ciel et poussa un léger soupir. Nathaniel, elle l'avait ignoré jusqu'à cette fameuse soirée, pouvait vraiment se comporter comme un parfait idiot. Lasse, elle se retourna. Pour découvrir que deux Elfes empoignaient avec force les épaules du jeune homme, le soulevant presque. Il bougeait dans tous les sens, lançant des poings qui n'atteignaient personne et balançant des coups de pieds qui se voulaient menaçants. Il saignait du nez et son masque blanc pendait lamentablement à son cou.

Il ne lui inspirait plus que pitié.

Nathaniel braqua soudainement son regard sur elle et lui cracha au visage, à travers ses dents serrées :

- Toi. C'est un de tes coups foireux, pas vrai ? Les autres avaient donc bien raison ; t'es qu'une putain de cinglée !

Zofia cilla, mais accusa le coup. Elle n'avait pas le temps de s'alourdir sur sa réputation qui était visiblement bien pire que ce qu'elle avait pu imaginer. Elle se retourna vivement, mais se figea de nouveau, quand les gardes à ses côtés se tendirent. Elle resta alors à sa place et se contenta d'ancrer son regard à celui du jeune homme.

- T'as vraiment aucune idée de la situation dans laquelle tes petits jeux nous ont menés, alors je t'en prie, ferme-là. C'est bien pire que ce que tu peux imaginer.

Son air grave dû réveiller le peu d'intelligence de Nathaniel, car il cessa d'opposer toute résistance et il la dévisagea soudainement, les sourcils froncés, un air grave sur les traits.

- Tu me jure que ce n'est pas toi qui as organisé cette espèce de jeu de rôle géant ?

Elle ne lui répondit pas et se détourna de lui, reportant son attention sur le Seigneur Elrond. Craignant que prendre la parole sans y être autorisée pour s'adresser à lui ne lui soit néfaste, elle se contenta de s'incliner légèrement pour lui montrer son respect. Le silence perdura quelques instants, puis le Seigneur des lieux consentit enfin à prendre la parole.

- On m'a rapporté ce que vous aviez fait et ce que vous aviez dit, Zofia Venediktov, et j'avoue que votre histoire m'intrigue. Excepté ce nom étrange… dîtes-moi qui vous êtes, vous et votre compagnon.

Il était temps de choisir. Deux choix s'offraient soudainement à elle. Ou mentir, en inventant le nom d'un village d'Hommes, au risque de s'empêtrer dans ses propres mensonges, ou… jouer cartes sur table. Avec la possibilité d'être prise pour une folle, si elle ne trouvait pas les bons arguments. Elle inspira profondément et se lança alors.

- Je… Nous ne venons pas d'ici. Je crois que… non, en fait, je suis presque sûre que nous venons d'un univers parallèle.

Elrond leva un sourcil, dubitatif.

- Oui, je sais, ça à l'air dingue, mais c'est la stricte vérité. Nous étions dans la forêt et j'ai remarqué une étrange chose, comme un écran bleu plein de lumière et… nous avons basculé dedans et nous nous sommes retrouvés là.

Le seigneur Elrond secoua la tête et s'apprêtait à se retourner, peu convaincu. Zofia n'avait plus le temps de faire dans la dentelle. Dehors les explications floues.

- Ce que je veux dire, c'est que d'où je viens, vous n'existez pas. Les Elfes, les Nains, Sauron… Tout ça, c'est une histoire. Une histoire inventée par un auteur nommé Tolkien. Il a écrit une trilogie… et bien d'autres livres complexes sur votre monde… mais, peu importe, c'est la trilogie qui nous intéresse. Car, elle raconte le Destin de la communauté de l'Anneau, et je crois que je suis dans le monde de Tolkien, parce que je… je reconnais des noms, et…

Elrond braqua son regard perçant sur elle et l'arrêtât en levant une main, un air sérieux sur le visage.

- S'il vous plaît, pouvez-vous me dire une chose, Zofia Venediktov ?

- Bien sûr…

- Comment pouvez-vous savoir pour la Communauté de l'Anneau ? L'idée ne m'est venue que dans la nuit et je n'en ai touché mot à personne, pour le moment.

Zofia se figea.

- Pardon ? La Communauté de l'Anneau n'est pas encore partie ? L'histoire ne s'est pas encore déroulée ?

Bon, d'accord, raison et folie s'étaient mêlées pour s'entendre sur le fait qu'elle avait peut-être atterrie dans un monde censé être imaginaire. Toutefois, elle n'avait pas vraiment songé au fait que, peut-être, tous les faits décrits ne s'étaient pas encore passés et…

- Zofia, tu peux m'expliquer ?

Le ton hargneux de Nathaniel la tira de ses pensées et elle se retourna vers lui, paniquée.

- Tu n'as toujours pas compris ? On est dans l'univers du Seigneur des Anneaux et leur quête ne s'est pas encore produite, mais elle est imminente !

Nathaniel la regarda les yeux ronds, toujours aussi perdu. Aussi, Zofia fut prise d'un doute.

- Oh, mec… Ne me dis pas que tu n'as pas lu le Seigneur des Anneaux ?

Il détourna les yeux.

- T'as vu les films, au moins ?

Il déglutit bruyamment, avant d'étouffer un toussotement.

- Mais, dis-moi… tu regardes un peu autre chose que ton nombril, des fois ?

- Ça va, j'ai dû voir quelques extraits du premier ! Répliqua le jeune homme, touché dans sa fierté de mâle peu cultivé.

La jeune fille fronça les sourcils et soupira, avant de se faire reprendre à l'ordre.

- Zofia, reprenez vos esprits, je vous prie, ainsi que vos explications.

Elrond n'haussa pas une seule fois la voix, pourtant elle comprit clairement que c'était un ordre sans appel. Elle tacherait de ne plus se laisser distraire. Tout en se tordant nerveusement les mains, Zofia se tourna de nouveau vers l'Elfe et reprit alors :

- Cette trilogie dont je vous ai parlé, Seigneur, conte les aventures de la Communauté de l'Anneau et je crois que je suis à l'époque exacte du début des faits. Le Conseil se réunira ce soir ou demain, pas vrai ? Vous avez appelé des représentants de chaque espèce pour trouver un porteur, mais je sais déjà qui le sera. Et comment sa quête s'achèvera.

- Souhaitez-vous me faire croire que notre futur est écrit dans un livre ?

- Dans trois livres, pour exact, rectifia timidement Zofia avec un petit sourire contrit.

- C'est absurde !

- Je vous l'accorde, Seigneur Elrond, mais le fait est que… Je ne viens pas d'ici et, si ce n'est pas le coup que j'ai reçu à la tête qui me fait avoir des hallucinations, et bien… Si vous n'êtes pas encore convaincu, je peux vous apporter une preuve inébranlable.

- Ah oui, et laquelle ?

Le cœur battant, elle réfléchit rapidement au moyen le plus efficace et rapide de lui prouver l'exactitude de ses paroles.

- Je… je vais vous dire ce qui se déroulera exactement durant le Conseil. Qui seront les compagnons du porteur et qui va s'inviter à cette réunion secrète, et…

- Très bien. Vous allez me le dire, et s'il s'avère que ce que vous m'avez révélé est véridique, vous intégrerez la Communauté de l'Anneau, sans rien me confier de plus du futur, pour que je ne sois pas tenté de le changer.

Son cœur manqua un battement et sa vision chavira, l'espace d'une demi-seconde.

- Comment ? Non, je… je ne peux pas intégrer la communauté, c'est cela qui changerait le futur ! Je veux simplement rentrer chez moi, Seigneur Elrond.

Et ils gagnaient à la fin. Il ne fallait pas changer ça. Elrond poussa un profond soupir et tourna son regard vers le balcon, où ses yeux se mêlèrent aux nuages.

- Votre venue à tous deux a déjà, j'en suis persuadé, changé de nombreuses choses. Il suffit d'un souffle pour créer une tempête, un léger battement d'ailes pour que le monde entier bascule dans le chaos… Si je vous intègre à la communauté, c'est pour que vous veillez à ce que l'histoire se déroule exactement tel que vous l'avez lu. N'essayez pas d'influencer le Destin. Laissez les morts se produire, s'il doit y en avoir, laissez-les à la terre. Ne prenez pas de décision, sauf si quelque chose qui ne devait pas se produire se passe. Dans ce cas, faîtes tout pour que tout redevienne au mot exact comme dans votre trilogie.

Zofia revit soudainement les images de la mort de Boromir, le long périple de Sam et Frodon, les épreuves endurées, la souffrance provoquée par les pertes et la guerre, oui la guerre sanglante en fond, dans son crâne et des larmes qu'elle se refusa à laisser couler vinrent enrouer sa voix, alors qu'elle protestait.

- Vous n'avez pas le droit de me confier un tel fardeau, vous ne savez pas les épreuves qu'ils vont affronter, je ne suis pas capable de me joindre à eux ! Et j'ai une vie de l'autre côté… si je rentre, je suis certaine que tout rentrera dans l'ordre.

- Ma décision est prise, Zofia, je suis navré pour vous. Et vous aurez quelqu'un pour vous épauler.

Son regard se tourna vers Nathaniel et la panique se fit plus violente encore.

- Il a tenté de m'agresser ! Vous pensez vraiment qu'il va m'épauler ?

Nathaniel étouffa un gémissement de protestation, derrière eux, mais ni Zofia, ni Elrond, ne s'en soucia.

- Vous aurez neuf autres compagnons pour…

De la colère se mit à gonfler en son sein, investissant son corps et ses pensées, se chargeant de couper l'elfe dans son discours pour exposer son dernier argument :

- Vous ne savez même pas la fin ! Il est possible que tout change par notre faute, si nous intégrons la compagnie !

- Et je ne veux pas la savoir, l'histoire se déroulera comme elle se doit de le faire. Vous y veillerez, car nous ne pouvons pas nous permettre de jouer avec le Destin ! Tonna le Seigneur pour réplique.

Zofia recula instinctivement devant la menace que représentait soudainement son interlocuteur, ce qui calma aussitôt l'Elfe, qui reprit alors d'un ton neutre :

- Venez me dire vos informations, Zofia, et si elles s'avèrent exactes, tous deux, vous intégrerez la Communauté de l'Anneau, il n'y a pas à discuter.

Un elfe finit par la ramener dans la chambre où elle s'était réveillée ce matin et ce, avec l'interdiction formelle de prendre contact avec Nathaniel, pour le moment. Tout comme on ne lui rendit pas le panier avec ses affaires. Des fois qu'ils soient tous deux des espions, que Nate soit en réalité un dangereux criminel et que son portable et sa brosse à dents soient des bombes ! Zofia soupira et ressentit le cliquetis de la clé verrouillant la porte comme le bruit sourd de son tombeau qu'on refermerait. Elle se laissa lourdement tomber sur le lit et remarqua qu'on avait posé ses vêtements lavés sur les draps. Elle caressa le tissu écarlate du bout de ses doigts, touchant un peu de chez elle… quoi que ce ridicule costume n'était pas porteur d'un très bon souvenir. Elle aurait aimé posséder quelque chose d'autre, comme son pyjama ou son portable. Elle se doutait fort bien que ce dernier ne marcherait pas en Terre du Milieu, mais ça aurait été un petit bout de son ancien « chez elle ». Son Monde lui manquait déjà. Elle n'avait pas vraiment d'amis, sa famille se résumait à son père et mieux valait ne pas songer à lui, mais… c'était là tout ce qu'elle avait jamais connu.

Sa Terre, avec ses livres qu'elle aimait dévorer dans un Starbucks près de chez elle, un chocolat chaud devant elle, ses écouteurs aux oreilles. Les paysages splendides des villes qu'elle visitait, les souvenirs qu'elle gardait dans chacun des lieux où elle avait posé un pied, l'histoire des cathédrales et des catacombes de Paris, de la Place Rouge en Russie ou encore de la Statue de la Liberté à New York. Ou même le lycée où elle se rendait chaque jour en vélo, un endroit bourré de savoir qu'elle n'avait guère apprécié, quand elle y était. Elle trouvait la bibliothèque trop peu fournie, les horaires trop larges, les repas à la cantine peu avenants et pourtant, le soir, quand elle retournait chez elle, elle détestait également le sentiment d'être enfermée dans cette étroite petite maison aux limites de Fontainebleau, qui aurait eu besoin de bien des travaux et… enfin… tout cet ensemble de petites choses semblant insignifiantes ou irritantes dans l'instant et qui prenaient enfin, maintenant, toute son importance… Être en Terre du Milieu, c'était être confronté à l'inconnu et elle ne se sentait pas prête pour ça. Elle n'était pas à la hauteur.

Elle retira vivement sa main de l'étoffe et la porta contre sa poitrine, juste sur son cœur pour essayer d'atténuer ses battements trop rapides. Elle se leva précipitamment. Elle avait besoin d'air. Elle se dirigea vers la porte, mais se souvint alors qu'elle était fermée. Et elle eut beau frapper contre la battant en s'époumonant qu'il fallait qu'ils la laissent sortir, il n'en fut rien. Elle balaya la chambre du regard et vit la large tenture qui menait sans doute à un balcon. Elle se rua dessus et l'écarta brusquement, se retrouvant alors aussitôt… devant la plus belle vision qui lui ait été donnée de voir. La Cité Elfique… D'une beauté inimaginable, avec sa cascade dévalant la plus haute des montagnes, les roches claires l'encerclant, les arbres aux couleurs chatoyantes, dont le bruissement des feuilles paraissaient semblable à une mélodie, et ces grands bâtiments, blancs et perçant le ciel de velours noir avec ses hauteurs immaculées, dignes des plus prestigieux seigneurs… Ses lèvres s'entrouvrirent sous la surprise et elle s'avança doucement, comme pour ne pas briser la quiétude des lieux, jusqu'à atteindre la rambarde de pierre. Elle y posa alors précautionneusement ses mains dessus, ses doigts effleurant les cicatrices laissées par le temps comme si elle risquait de se briser à tout instant. Tout était si beau… si différent.

Elle releva brusquement le visage, lorsque des bruits de sabots martelant le sol brisèrent le silence entêtant et elle chercha alors des yeux les intrus à ce décor parfait. Une bourrasque de vent souleva ses boucles sombres, camouflant momentanément à ses yeux le paysage. Elle chassa les mèches gênantes d'un revers de la main et reporta son attention sur une scène qui la captiva aussitôt. L'arrivée de cavaliers. Celui qui les menait descendit aussitôt de sa monture et laissa ses yeux balayer les environs, laissant à Zofia le temps de l'observer prudemment, le paysage éclairé par la blanche lumière de la lune. Une haute taille, des muscles finement dessinés sous une peau pâle qui semblait être aussi douce au toucher que du velours, des cheveux blonds et un regard perçant, sombre comme la nuit ; elle devina aussitôt à qui elle avait à faire. Legolas de Mirkwood, le prince de la Forêt Noire. L'unique description le concernant dans les livres lui revint soudainement en mémoire et elle la trouva très juste, parfaitement adaptée au jeune Elfe. « Il était grand comme un jeune arbre, souple, immensément fort, capable de bander rapidement un grand arc de guerre et d'atteindre un Nazgûl, doté de l'énorme vitalité des corps elfiques, si dur et si résistant aux blessures qu'il marchait chaussé de souliers légers sur la pierre et à travers la neige, le plus infatigable de toute la Communauté. ». Il était d'une beauté éthérée et dégageait une puissance incontestable.

Autant dire que le cocktail était explosif.

Zofia laissa lui échapper un hoquet de stupéfaction, en secouant la tête, et le regard méfiant du prince Elfe se tourna alors vers le petit balcon où elle se tenait. Aussitôt, elle recula, plongeant sa silhouette dans l'obscurité, retournant au confort de sa chambre pour ne pas être démasquée.

Trop d'événements, trop de questions, trop de tensions.

Autant se coucher, maintenant, la journée du lendemain serait longue et éprouvante.

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