- Bon, maintenant cela suffit, tout le monde dans la Grande Salle ! tempêta le professeur McGonagall en tentant de regrouper la foule en désordre des élèves.
L'été touchait à sa fin et une nouvelle année à Poudlard allait bientôt débuter pour la plus grande joie de Harry qui avait passé l'essentiel de ses vacances à se morfondre dans sa chambre. Les Dursley n'avaient jamais été aussi hargneux et ils semblaient avoir trouvé un plaisir tout particulier à martyriser le jeune sorcier pendant les grandes vacances. Aussi Harry était-il heureux de retrouver enfin Poudlard, seul lieu où il se sentait véritablement chez lui. Cependant, la vie avait perdu la simplicité de ses premières années à Poudlard. Depuis le retour de Lord Voldemort, la peur s'était installée dans le monde des sorciers. Même les paroles rassurantes du ministère ne suffisaient plus à calmer l'inquiétude que provoquaient les disparitions de plus en plus nombreuses d'éminents sorciers, réputés pour avoir contribué à la chute de Lord Voldemort. La marque des ténèbres apparaissait de plus en plus souvent sur les portes des maisons ou aux coins des rues et la méfiance commençait à s'installer dans les cœurs. Aussi les parents étaient-ils heureux d'envoyer leurs enfants à Poudlard, seul lieu que craignaient encore le seigneur noir et ses sbires.Pourtant, ces nouvelles peu réjouissantes ne semblaient avoir aucun effet sur le calme imperturbable du professeur McGonagall, tandis qu'elle rassemblait les élèves d'une poigne de fer.
Harry, Ron et Hermione traversèrent le hall d'entrée et franchirent les doubles portes qui donnaient sur la Grande Salle. L'ambiance joyeuse qui régnait dans la pièce tranchait avec l'anxiété des élèves. Des assiettes et des gobelets d'argent luisaient faiblement à la lumière de centaines de chandelles suspendues au-dessus des convives. A l'extrémité de la salle, les professeurs attablés bavardaient avec insouciance. Harry, Ron et Hermione, gagnés par l'atmosphère chaleureuse propre aux préparatifs de festins, traversèrent les tables des Serpentard, des Poufsouflle et des Serdaigle pour rejoindre les autres Gryffondor à l'extrémité de la Grande Salle. Le banquet qui s'annonçait semblait devoir être le plus grandiose que Poudlard ait connu depuis bien longtemps, comme pour compenser les troubles qui régnaient dans le monde des sorciers. Seuls les fantômes qui discutaient avec animation dans un coin ne semblaient pas prendre part aux réjouissances. Harry observa Nick Quasi-Sans-Tête avec surprise : il faisait de grands gestes des mains et semblait terrorisé. Jamais le jeune garçon ne l'avait vu dans cet état. A la vérité, le moine gras ne semblait guère rassuré non plus et même le baron sanglant n'était pas dans son état normal. Quant à Peeves, il était tout bonnement absent, probablement occupé à jeter des ballons à eau sur les élèves de première année. Les autres fantômes discutaient par groupes de quatre ou cinq et la plupart semblaient au bord de la crise de nerf, ce qui, pour des êtres morts depuis parfois plus de cinq cent ans, était la preuve d'une émotion particulièrement forte.
- Comment Dumbledore ose-t-il l'accepter dans l'enceinte du château ? criait Nick en se tordant les doigts. Sait-il seulement ce que cela représente pour nous ? D'ailleurs, ces choses là ne sont pas normales, même pour un sorcier. Certaines lois n'ont pas à être transgressées et si l'on me demandait mon avis…
A ce moment, le professeur Rogue lança un regard courroucé au fantôme qui se tut aussitôt. Harry observa alors la table des professeurs avec plus d'attention. Effectivement, là-bas aussi quelque chose clochait. Le professeur Flitwick semblait discuter joyeusement avec Mrs Chourave mais il était évident que le cœur n'y était pas. Toutes les deux minutes, les deux sorciers jetaient des regards anxieux vers le professeur Dumbledore qui semblait perdu dans la contemplation du plafond magique. Hagrid regardait ses pieds avec obstination, sursautant au moindre bruit et même le professeur Rogue était tendu comme un ressort. Quant aux autres professeurs, ils affichaient des mines diverses, de la gaieté affectée à une peur vaguement dissimulée.
A l'instant où Harry allait faire part de ses observations à Ron qui discutait avec Hermione, les portes de la grande salle s'ouvrirent et le silence se fit. Le professeur McGonagall pénétra dans la pièce à la tête d'une longue file d'élèves de première année qu'elle conduisit au bout de la salle, près de la table des professeurs. Elle posa alors sur le sol un tabouret à trois pieds et y plaça le Choixpeau magique. Pendant un court instant, le chapeau resta immobile, puis il se mit à remuer. Une déchirure dans son étoffe élimée, tout près du bord, s'ouvrit comme une bouche, et il se mit à chanter :
Le ciel se couvre, la forêt frémit,
A l'approche du Mal dont le bras s'affermit.
Cependant en ces lieux,
Protégés des cieux,
Nul trouble ne peut frapper,
Ceux qui cherchent la paix.
Poufsouflle, Serpentard, Serdaigle et Gryffondor,
Les maisons où vous déploierez vos efforts,
Sont les garantes à jamais,
De votre sécurité.
Mais en cette heure difficile,
Où une force habile,
Lutte sans jamais se troubler,
Pour détruire, brûler, assassiner,
Il nous faut accueillir,
Celui dont le nom fait frémir.
Craint de tous,
Honni de tous,
Celui dont le sombre étendard,
Apportait jadis peur et désespoir,
Vient combattre avec nous,
Armé de son juste courroux.
Aussi je vous le dis,
Dans les ténèbres une flamme luit,
Car l'ennemi de l'humanité
Lutte aujourd'hui à nos côtés.
Pendant environ une minute, les élèves se regardèrent sans comprendre, stupéfaits par ce qu'ils venaient d'entendre. Bien sûr, le Choixpeau avait l'habitude d'inventer des chansons plus ou moins étranges, mais celle-ci dépassait de loin tout ce que Poudlard avait connu jusqu'à ce jour. Puis soudain, comme si un signal avait été donné, tout le monde se mit à parler en même temps.
- As-tu compris ce qu'il voulait dire ? demanda Ron en se penchant vers Harry. Cette chanson était vraiment…bizarre.
-Je me demande de qui il voulait parler, dit Hermione qui regardait le Choixpeau avec insistance.
- En tout cas, répondit Harry, les professeurs sont aussi troublés que les élèves. Je ne les avais jamais vus dans cet état.
Effectivement, le professeur Chourave était en train de pleurer sur l'épaule de Hagrid qui lui tapotait maladroitement le dos tandis que Rogue, debout, blanc comme un linge, ne quittait pas Dumbledore des yeux. Les autres professeurs n'étaient pas plus rassurés et les fantômes avaient tout simplement disparu. Finalement, le directeur, à la vue de l'agitation qui régnait dans la pièce, se leva et rétablit le silence d'un geste de la main. Il rajusta ses lunettes en demi-lune, regarda la foule des élèves, et se mit à parler de son habituelle voix grave.
