Résumé: Happy a connu l'amour de sa vie. Il aura duré 1613 jours. Je vous propose d'en partager quelques uns avec lui.

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1613ème jour

Elle ne sentait plus rien. Tout son corps s'était engourdi et elle avait l'impression maintenant de flotter. Enfin, du répit enfin. Elle l'avait attendu pendant les dix dernières heures.

Ils avaient attachés ses bras à des lourdes chaines descendant du plafond. C'était la seule chose qui l'empêchait de s'effondrer par terre. Elle ne tenait plus sur ses jambes depuis quelques heures déjà, et ses genoux pendaient misérablement à quelques centimètres du sol. Elle avait lâché prise quand ils avaient lacéré ses talons d'Achiles a coups de couteau.

Son tee-shirt déchiré couvrait à peine son ventre tailladé, et le sang qui coulait de ses épaules avait fini de rendre rêche le tissu maculé. Son dos était à vif après les coups de fouets reçus à répétitions. Elle avait senti la peau lâchée dès le deuxième claquement, s'était évanouie au bout du dixième et s'était réveillée quand ils avaient versés du sel sur sa chair exposée.

Elle releva un peu la tête et fixa les deux hommes en face d'elle, au milieu la caméra semblait la narguer, la fixant de son œil noir abyssal. Ses deux bourreaux chuchotaient entre eux sur un ton furieux, sans qu'elle puisse entendre le désaccord.

Elle réussit à dégager son visage des boucles blondes tournant au carmin à certains endroits en balançant sa tête à gauche et droite. La douleur qui vrilla ses tempes lui arracha un gémissement. Les deux entailles profondes gravées à la pointe d'un scalpel sur ses joues pulsaient sous sa peau alors que le visage balafré de Chibs lui venait à l'esprit. Sa bouche était remplie d'un goût métallique et elle cracha du sang aux pieds de ses ravisseurs.

Les deux hommes ne la lâchaient pas du regard, admirant leur œuvre.

Elle finit par éclater de rire, un rire franc et rauque qui montait en puissance avant de percuter le béton froid des murs de sa jôle.

L'homme de droite se balança sur ses pieds, mal à l'aise par la vision de cette femme aliénée par la douleur.

« Qu'est-ce qui te fait rire ? Cracha celui de gauche. »

« Vous, connard, admit-elle sans perdre son sourire, les dents rougies par son propre sang, l'œil droit tellement gonflé qu'elle ne pouvait plus rien voir. Vous venez juste de répandre l'enfer sur terre et dans votre vie de misérables abrutis. Vous pensiez pouvoir le briser ? Vous n'y arriverez jamais. Il vous retrouvera, tôt ou tard, il vous retrouvera. J'aurais adoré regarder ce spectacle et lui donner quelques suggestions, mais je sais qu'il se chargera très bien de vous. »

Elle reprit sa respiration, sifflante, chuintante, surement du à ses côtes cassées ou à l'air vicié de la pièce. Elle cracha encore un peu de sang et reprit.

« Ce que vous venez de faire, c'est le dixième de ce qu'il vous fera, alors je vous conseille d'en profiter une dernière fois. Parce que vous venez juste de signer pour un séjour de dix jours à Toture Paradise. Avec le meilleur animateur que la terre n'ait jamais porté. »

Celui de droite fit un geste vers la caméra mais son acolyte l'arrêta.

« Laisse tourner, qu'il profite jusqu'au bout des derniers instants de cette pute. »

De nouveau ce rire terrifiant.

« Vous avez vraiment envie de souffrir avant de mourir tous les deux. »

Une main lui attrapa brusquement la mâchoire, et lui releva la tête vers la lumière qui éblouit son seul œil valide quelques instants.

« On va lui livrer ton corps et l'enregistrement directement dans leur parking, et on va s'assurer que la seule image qu'il ait de toi soit celle-ci. La seule qu'il ne pourra jamais se remémorer de sa sale pute. »

Il la relâcha, essuya sa main rougie sur son jean, ses doigts avaient rouvert les entailles sur ses joues. Après quelques secondes, elle releva la tête :

« Vous êtes tellement morts que je vous sens déjà pourrir. C'est le fils de pute le plus fort que je connaisse – elle riva son regard sur la caméra, et afficha un sourire mille megawatts. Tue moi ces deux abrutis – fais les souffrir jusqu'à ce qu'ils te promettent leur mère pour que tu arrêtes.»

Un coup lui arracha un cri alors que sa pommette se brisait sous l'impact du poing.

« Tu vas fermer ta gueule, salope ! »

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1614ème jour

Le hurlement qu'il poussa figea ses frères autour de lui. Plus animal qu'humain, le cri les percuta de plein fouet. Un cercle se forma autour de lui, comme si une barrière invisible les empêchait de s'approcher.

Ils ne pouvaient voir que son dos, alors que recroquevillé, il tenait dans ses bras, un corps disloqué. Ils entrapercevaient du rouge principalement, un bras ballant que leur frère tentait de ramener contre lui et qui ne cessait de s'échapper, une masse de cheveux blonds tachés de sang. L'odeur métallique, l'odeur plus fine presque imperceptible de la mort qui commençait son travail alors que une par une chaque cellule du corps s'éteignait dans les bras de l'être aimé.

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Le dos contre les murs, les coudes posés sur ses genoux, et la tête entre les mains, il ne bougeait pas d'un pouce. Ses frères l'avaient poussé dans sa chambre et fermé la porte à double tour, le traitant comme un animal enragé qu'on mettrait en cage. Rien n'avait survécu à sa colère. La pièce avait été saccagée et depuis il attendait dans le noir qu'on vienne le chercher. Il aurait pu arracher la porte s'il l'avait voulu, mais pourquoi faire ? Il ne voulait voir personne et n'était pas en état de participer aux recherches. Il savait qu'ils viendraient le chercher une fois que les deux Mayans seraient entre leurs mains. Entre les siennes. Il ne pouvait rien faire d'autre que d'attendre – l'esprit focalisé sur chaque étape qu'il allait suivre pour respecter ses dernières volontés, toute son expertise et son expérience accumulée pour ses frères allaient servir pour elle, pour son honneur et sa mémoire.

Un sourire carnassier vint se dessiner sur ses lèvres : que ses frères viennent le chercher, il était prêt.

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Juice se leva et courut hors de la pièce, la main sur la bouche. Jax regarda le prospect presqu'avec envie. La vidéo tournait toujours, plus d'un Sons détournaient le regard ou grimaçaient alors que les cris de la blonde envahissaient la chapelle.

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Le sourire rouge, les yeux injectés de sang, les cheveux emmêlés, elle les regardait fixement et ne s'adressait qu'à une personne. Clay pressa sur pause et l'image resta sur l'écran, les dominant de toute son horreur.

« Nous retrouvons ces fils de putes et nous les livrons à Happy, lâcha Clay, brisant le silence de la chapelle avant de laisser tomber le marteau – sans attendre de réponse de ses frères. »

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1er jour

Assise sur un des tabourets hauts du bar du dinner, elle jouait distraitement avec une mèche de ses cheveux, concentrée sur le bouquin ouvert sur le comptoir. Elle balançait doucement une de ses jambes d'avant en arrière, complètement fascinée par son roman.

Il n'y avait pas un chat dans le restaurant, le silence était légèrement perturbé par l'aiguille de l'horloge et le vrombissement des réfrigérateurs de la cuisine. Elle attendait patiemment la fin de son quart, une tasse de thé en face d'elle, un bon bouquin dans les mains, comme à peu près tous les soirs à partir de minuit, une fois le rush du repas du soir passé. Ses collègues l'avaient salué un peu plus tôt, lui souhaitant bon courage, alors qu'ils rentraient enfin chez eux, prenant un peu en pitié la jeune femme. Mais ces horaires lui convenaient très bien : d'abord parce qu'elle ne dormait jamais beaucoup et surtout jamais très tôt, ensuite parce qu'elle avait du temps pour elle et qu'être seule ne la dérangeait pas.

Le tintement de la porte lui fit relever la tête et elle ferma son livre pour accueillir le client tardif.

« Bonsoir, bienvenue Chez Joe's, dit-elle en plaquant un sourire sur son visage alors qu'elle se redressait et tirait sur le bas de son short pour le remettre en place.»

Il hocha de la tête et s'assit à l'une des banquettes en demi-cercle, recouverte de skaï bleu clair, avant d'attraper la carte qu'elle lui présentait. Elle en profita pour passer un coup de chiffon sur la table avant d'installer un set, des couverts et un verre.

« Les cuisines sont fermées à cette heure-ci, dit-elle en se redressant, mais je peux toujours vous proposer un encas ou une part de tarte si vous souhaitez manger. »

Il leva enfin les yeux vers elle et la fixa pendant quelques secondes.

« T'es seule ici? »

Il dut lui reconnaitre la maitrise parfaite de son sourire qui ne flancha pas une seule seconde.

« Dans une ville comme celle-ci, on n'est jamais vraiment seul. Le poste de police n'est qu'à quelques mètres qui plus est. Sans compter le patron qui dort juste au-dessus. »

« Pas très prudent, grogna-t-il. »

« On a aussi un groupe de sympathiques afficionados de harley à Charming, reprit-elle en gardant un ton léger. Ils adorent notre ville et proposent régulièrement leur service à la population. »

« Je sais. »

Cela eut le mérite de la faire taire et il apprécia de la voir enfin vaciller un peu. Le coin de ses lèvres trembla légèrement, le sourire menaçant de tomber. Elle se racla la gorge avant de reprendre.

« Café ? »

« Et un sandwich. »

« Toute de suite Monsieur, acquiesça-t-elle en tournant des talons.»

Il renifla.

« Vous préférez que je vous appelle comment ? Demanda-t-elle en se retournant vers lui.»

« Happy. »

Elle le dévisagea quelques secondes avant qu'un léger sourire, un peu tordu - différent de celui avec lequel elle l'avait accueilli – vienne étirer ses lèvres. La tête légèrement penché et les yeux brillants de malice, elle finit par lâcher.

« Putain de karma, hein. »

Elle n'attendit pas de réponse et prit le chemin de la cuisine. Quelques minutes plus tard, elle lui servait sa commande et retournait se percher sur son tabouret sans un mot.

Lorsqu'elle s'aperçut qu'il avait fini, elle imprima l'addition et ajouta en bas de la somme les quelques mots de remerciement obligatoires - une des nombreuses règles de Joe, le propriétaire du restaurant. « Merci et à bientôt » suivi d'un simple smiley souriant.

Elle déposa la note sur la table avec un sourire et retourna s'asseoir.

Happy jeta un coup d'œil au bout de papier et releva la tête aussitôt. La serveuse était de nouveau plongée dans son livre, inconsciente de son regard inquisiteur. Le balancement de sa jambe reprit doucement alors qu'elle entamait le deuxième chapitre.

Le sort de Happy était scellé.

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93ème jour

L'asphalte disparaissait à toute vitesse sous les pneus de sa Harley. La nuit, déjà tombée, l'enveloppait de son manteau noir alors qu'il traçait sur l'autoroute, seule à cette heure tardive. Il aperçut enfin la sortie vers Charming, soulagé d'arriver.

Parti prêté main forte au charter de Tacoma, il revenait de sa mission deux semaines plus tard avec une seule idée en tête : aller Chez Joe's. Il parcourut à toute vitesse l'avenue principale de la ville, le vrombissement de sa Harley brisant le silence paisible des habitants qui n'iraient jamais s'en plaindre. Il s'arrêta devant la vitrine du restaurant et l'aperçut à sa place habituelle. Installée sur un des tabourets du bar, le menton posé sur sa main, concentrée sur un bouquin. Sa lourde chevelure blonde et bouclée était retenue à la base de sa nuque et lui masquait son visage. Il laissa son regard caresser un instant ses longues jambes nues qu'elle balançait doucement. Il ne savait pas si aimer ou détester son uniforme.

« Bonsoir, lui sourit-elle alors qu'il entrait dans le dinner, et bienvenue Chez Joe's. »

Sans un mot, il s'installa à sa banquette habituelle alors qu'elle lui préparait la table.

« Café et sandwich ? »

Il hocha de la tête et la regarda disparaitre dans la cuisine, suivant des yeux le mouvement de balancier de ses hanches.

Cela faisait trois mois maintenant depuis qu'il était entré la première fois dans le dinner. Il y était revenu à quatre reprises et n'avait jamais échangé plus de mot que le premier soir. Elle continuait de le saluer avec un grand sourire, lui servait son café et son sandwich avant de retourner à son livre en attendant qu'il ait fini. Il laissait un billet de vingt pour une note de neuf et repartait en silence.

Elle posa l'assiette devant lui et remplit la tasse du liquide fumant.

« Autre chose ? »

Il secoua la tête et elle lui adressa un petit sourire avant de retourner sur son perchoir, son livre déjà entre ses mains fines.

Le tintement de la porte vint troubler le silence et laissa place à un homme d'une quarantaine d'année, les traits anciennement fins bouffis par l'alcool. Visiblement éméché, il vint s'asseoir sur le tabouret à ses côtés.

Elle se releva aussitôt et lâcha sa phrase habituelle.

« Bonsoir et bienvenue Chez Joe's. »

« Salut ma jolie, lui répondit l'homme. »

Sans cesser de sourire, elle passa derrière le comptoir et lui tendit une carte.

« T'as quoi à boire ? »

« Café, thé, et sodas. »

« Pas de bière ? »

« Malheureusement non. C'est un restaurant familial. »

« Alors pourquoi il est ouvert si tard le soir ? »

« Tout le monde ne boit pas. »

« Tu crois que les gens viennent pour le café dégueulasse ? Je pense que c'est plutôt pour le joli cul que tu leur présentes »

Happy serra des poings et se retint de se retourner ou d'intervenir. Ce n'était pas ses histoires et il ne devait pas être le premire ni le dernier des clients à tenter quoi que ce soit avec elle.

« Vous n'êtes pas de Charming, vous, continua-t-elle sans se départir de son sourire. »

« Non, 'ffectivement. T'as dû déjà faire le tour de la ville, un peu de nouveauté ça te tente pas ? »

« C'est proposé de manière si élégante, rétorqua-t-elle. »

« Hey, si tu ne veux pas, t'as juste à le dire pétasse, grogna l'homme en lui attrapant le poignet, au lieu de te foutre de ma guAAAAH »

Happy se retourna lorsqu'il entendit le cri de douleur et vit l'homme, les yeux révulsés, le visage déformé par la souffrance, alors que la jeune fille restait tout sourire, une fourchette à la main. Une goutte de sang vint couler doucement le long du métal avant de tomber sur le comptoir.

« Alors, ce sera un café, du thé, ou un soda ? »

« Complètement tarée, murmura l'homme, sa main plaquée contre lui, en fuyant le dinner aussi vite que possible. »

Elle reprit sa place sans un mot et replongea dans son livre, en balançant doucement ses jambes. Happy retourna à son sandwich, un léger sourire aux lèvres.

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110ème jour

Happy travaillait sur sa moto lorsqu'il entendit le crissement d'une voiture au loin. Le bruit typique d'une courroie de distribution à changer si vous vouliez son avis, et vous vouliez son avis, c'est pour cela que vous veniez au garage après tout.

Quelques minutes plus tard, une vieille Volvo noire faisait son apparition dans le parking, rendant sourd pendant quelques instants tous les Sons du coin. Une fois le moteur coupé, le silence retomba dans le parking du garage.

Lorsqu'il reconnut la serveuse du dinner, grâce à ses jambes interminables et ses hanches à damner un saint – le reste du corps plongé dans l'habitacle de la voiture occupé à farfouiller dans la boite à gants - il laissa tomber ses outils et se leva pour aller l'accueillir.

Il donna un coup sur la tête du prospect sur son chemin – qui était un peu trop empressé à aller saluer la nouvelle cliente - et s'appuya sur la voiture. Lorsqu'elle se releva enfin pour se retrouver nez à nez avec lui, elle eut un mouvement de recul qui l'envoya percuter sa portière. Elle grimaça en se frottant le coude.

« Bonsoir… je veux dire, bonjour, sourit-elle, les joues un peu rouge. »

Happy ne put s'empêcher de se délecter du trouble qu'il lui causait, elle qui était d'habitude si maîtresse d'elle même, si indifférente à sa présence au restaurant, la voir enfin déstabilisée satisfaisait ses plus bas instincts.

« Je suis venu pour ma voiture. Logique, c'est un garage. Elle fait un bruit bizarre un peu strident comme si y avait un truc métallique… Enfin tu l'as entendu quand je… »

Elle s'arrêta net au milieu de sa phrase et prit une grande inspiration.

« Je recommence ? Sourit-elle doucement en plongeant ses mains dans les poches de son sweatshirt gris. »

Il pencha la tête, dans l'attente.

« Ma voiture fait un bruit bizarre. J'ai besoin que quelqu'un y jette un œil. Je ne m'attendais pas à te voir ici. Je ne suis pas douée en conversation. »

Elle vit ses traits se détendre et un léger sourire vint se dessiner quelques secondes.

Le sort de Jaimie était scellé.

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127ème jour

Elle leva les yeux en entendant le bruit d'une moto s'approcher du restaurant, son client habituel était de retour. Elle ne put empêcher son cœur de faire un bond dans sa poitrine, elle ne l'avait pas vu depuis qu'elle avait récupéré sa vieille voiture au garage et son absence au dinner l'avait un peu plus touchée qu'elle ne l'aurait cru.

Elle l'observa se garer, surprise qu'il soit cette fois accompagné de deux autres personnes.

« Bonsoir et bienvenue Chez Joe's, les accueillit-elle avec un sourire plus sincère que les dernières fois. »

« Mais je te connais toi, tu es passée au garage non ? La vieille bagnole pourrie qui… Enfin, pas si pourrie que ça, mais... »

Une tape sur l'arrière de la tête du prospect fusa. Le jeune portoricain se frotta furieusement le crâne, les joues rouges d'avoir été pris en faute.

« Je vous prie de l'excuser pour son manque de filtre social, mademoiselle, dit alors le tortionnaire – un homme avec de l'embonpoint et des cheveux mi- longs et frisés. »

Elle leva les yeux vers Happy, toujours aussi impassible.

« Tu as ramené Prof et Simplet ? »

L'éclat de rire – semblable à un aboiement rauque – la prit par surprise et elle ne put s'empêcher d'afficher son petit sourire fin et tordu, ravie d'avoir obtenu une réaction d'Happy.

Une fois installés et servis, elle reprit son tabouret, son livre et son balancement de jambe. Un claquement lui fit relever la tête et elle aperçut le prospect se frottant le crâne les yeux trainant encore sur elle. Happy lâcha une sorte de grognement sourd et le prospect leva aussitôt les yeux vers le plafond.

« Souhaitez-vous autre chose ? Demanda-t-elle en débarrassant les assiettes vides. »

« C'était parfait, ma jolie. Merci pour tout, lui sourit le Prof. Moi c'est Bobby, et le crétin en face de moi c'est Juice. »

« Cela fait partie du bizutage ? Son nom, je veux dire. »

« Tu me crois si je te dis qu'il l'a choisi lui même ? »

« Peut-être que le frapper sur le crane n'aide pas ? »

Bobby rit doucement dans sa barbe alors que Juice devenait de plus en plus rouge. Elle finit de débarrasser et porta les assiettes dans la cuisine sous le regard des trois hommes.

« Je sais maintenant que ce n'est pas pour ces sandwichs dégueulasses que tu viens ici, frère. »

« Ta gueule, répondit Happy. »

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142ème jour

Prenant un virage à droite, elle se demanda bien ce qu'elle faisait là. A quelques centaines de mètres, elle entendait déjà de la musique sourde sortir du garage Teller Morrow, la fête battant son plein. Elle était au courant des soirées du vendredi chez les Sons, qui ne l'était pas à Charming.

Sa collègue Rachel y faisait souvent un tour et ne manquait pas de raconter ses exploits le samedi à qui voulait bien l'écouter. Happy l'avait prise par surprise en l'invitant– entre le sandwich et le café.

« Je bosse le vendredi, mais seulement jusqu'à 23 heures. Je peux passer après ? »

Il avait seulement hoché de la tête, déposé son billet de vingt et tourné les talons.

Elle gara sa voiture dans le parking, éclairant l'espace d'une seconde un couple occupé contre le mur du garage. Les récits de Rachel n'étaient pas exagérés. Elle coupa le contact et prit quelques secondes pour rassembler ses affaires.

Elle fit quelques pas vers le clubhouse sans prêter attention aux quelques personnes qui la dévisagèrent. Un ring semblait porter toute l'attention de la foule et elle reconnut Bobby. Soulagée de connaître quelqu'un au milieu de tout ce bruit et cette foule, elle s'empressa de le rejoindre.

« Hey, t'es la serveuse du Dinner ? Happy m'a dit que tu passerais. »

« Parfois les gens m'appellent Jaimie, lui sourit-elle avant de répondre à son embrassade, surprise par ce geste amical si soudain. »

« T'arrives au bon moment, tu vas pouvoir le voir en action, lui cria-t-il à l'oreille alors que la foule hurlait autour d'eux. »

Elle leva les yeux vers le ring et y vit apparaître Happy suivit d'un homme aux joues barrées de cicatrices et d'un autre au cheveux bruns bouclés. Le premier leva les bras de ses deux acolytes alors que la foule criait de plus belle.

« Viens t'asseoir, lui dit alors Bobby sans lui laisser vraiment le choix. »

Elle fit ce qu'on lui demanda et s'installa sur la table de pique-nique que Bobby venait de libérer de deux femmes aux décolletés plongeant et aux jupes courtes. Elle se retrouva aussitôt avec une bière dans la main, et une cigarette dans l'autre.

Happy fit le tour du ring, les bras levés, saluant ses fans qui scandaient son nom et il croisa son regard. Elle le salua avec sa bouteille et il hocha de la tête avant de retirer son tee-shirt. Une fois torse-nu, il planta son regard dans le sien et ne put s'empêcher de sourire lorsqu'elle retint son souffle.

Elle ne le lâcha pas une seule seconde des yeux, admirant son corps ciselé et les muscles roulant sous sa peau à chaque coup porté. La soif de sang et de violence le faisait vibrer sur le ring alors qu'un sourire carnassier ne lâchait pas ses lèvres. Elle ne voyait plus que lui et seul cet homme existait encore dans son monde, lui et sa force destructrice, lui et le feu qu'il propageait dans son corps, lui et l'attraction animale qui suintait de tous ses pores. Elle trembla pour lui lorsque son opposant l'atteignit dans les reins et ce n'est qu'en sentant un gout métallique dans sa bouche qu'elle se força à libérer sa lèvre inférieure de l'étreinte de ses dents. Elle fut secouée d'une vague de plaisir et d'envie quand son ennemi tomba par terre. Elle hurla de frustration à son unisson quand l'homme balafré s'interposa pour l'empêcher d'achever le brun par terre. Le combat était fini et elle se sentit vidée comme si elle l'avait vécu elle-même. Elle ne le lâchait toujours pas des yeux, les battements de son cœur ralentissant enfin lorsque Happy prit dans ses bras le brun, les deux s'envoyant des fortes tapes dans le dos.

Happy descendit du ring et fendit la foule pour aller droit vers elle. Il savait qu'elle le regardait depuis le début, il l'avait senti tout le long du combat décuplant sa rage et son envie de vaincre. Il savait exactement dans quel état elle se trouvait : les yeux brillants, les lèvres gonflées, le souffle court. Seulement à le regarder. Il ne prêta pas attention à ses frères, ni aux filles de passages qui tentèrent de l'interpeller. Il posa ses deux mains sur la table en bois, et se pencha vers elle, la dominant totalement.

« Je crois que je suis de trop, lâcha Bobby avant de s'éloigner avec un petit rire. Viens par là toi, dit-il en attrapant par le bras une des filles prête à se jeter sur Happy. »

« Suis moi, lâcha finalement Happy. »

Elle hocha la tête et descendit de son perchoir. Il lui attrapa la main autant pour ne pas la perdre dans la foule que pour éviter qu'elle ne s'échappe et entra dans le clubhouse. En quelques secondes, ils avaient atteint la porte de sa chambre et il la laissait passer la première.

Le changement d'atmosphère la tira de sa transe. La pièce était étrangement silencieuse, seul un brouhaha parvenait jusqu'à leurs oreilles. Spartiate et rangée, aucun effet personnel ne venait dénoncer l'identité de son propriétaire. Elle enfonça ses mains dans les poches de son jean et se tint hésitante au milieu de la pièce sous le regard de Happy.

Adossé contre la porte, il attendit. Elle avait l'air brusquement intimidée. Pour la première fois depuis qu'ils s'étaient rencontrés, c'était maintenant qu'elle choisissait d'être intimidée ? Il remarqua qu'elle avait lâché ses cheveux, une véritable crinière qui n'attendait qu'une main de maitre. Sa respiration se calmait enfin, sa poitrine se soulevant encore légèrement sous son débardeur – il se trompait où elle ne portait pas de soutien gorge ? Les mains toujours enfoncées dans son jean laissaient apparaître ses hanches et le haut d'une culotte blanche. Il resta patient, s'agrippant presque à la porte.

Elle leva enfin ses grands yeux bleus vers lui, toute timidité oubliée, et pencha un peu la tête alors que son sourire fin et un peu tordu reprenait place.

« T'attends quoi? »

Il fondit sur elle.

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143ème jour

Sur la pointe des pieds, elle récupéra son jean qui avait valdingué de l'autre coté de la pièce. Elle le passa rapidement, sautillant sur place pour l'amener jusqu'en haut. Elle repéra son débardeur, en haut d'une étagère murale sur lequel trônaient quelques bouquins. Sérieux ? Elle dut se mettre sur la pointe des pieds pour réussir à attraper le bout de tissu du bout des doigts. Elle rattrapa de justesse le bouquin qui allait tomber sur le parquet. Moby Dick. Le livre qu'elle lisait la première fois qu'ils s'étaient rencontrés. Elle jeta un coup d'œil sur le corps endormi de Happy avant de reposer l'ouvrage. Basket dans les mains, elle sortit de la chambre et referma silencieusement la porte derrière elle.

Elle eut un cri étouffé lorsqu'elle se retrouva nez à nez avec le brun aux yeux bleus de la veille. Enfin, à l'œil bleu, celui de droit complètement fermé à cause d'un mauvais coup de Happy.

« Tu fais quoi ici ? »

Elle tenta de le dépasser mais il attrapa son bras et la plaqua violemment contre le mur. Sa vision se troubla pendant quelques secondes sous le choc.

« T'es qui et tu fais quoi ici ? Répéta rageusement le brun. »

Elle fut brusquement libre alors que son agresseur valsa à quelques mètres d'elle. Happy se tenait entre elle et l'homme, le corps prêt à bondir de nouveau s'il le fallait.

« Ne la touche pas. »

Elle entendit le grognement animal qui montait dans sa gorge alors que les portes des chambres adjacentes s'ouvraient, leurs habitants intrigués par le remue-ménage. Elle posa aussitôt sa main sur son épaule.

« Laisse, dit-elle doucement. C'est moi. J'aurais dû t'attendre. »

Il porta son attention sur elle et la tension disparut aussi vite qu'elle était arrivée.

« Pourquoi t'es sortie? Lui demanda-t-il durement. »

« Je voulais un café. »

« Tu aurais dû attendre, grogna-t-il »

« Je m'en rends compte, sourit-elle. »

« Tout va bien ici ? Demanda Bobby. Happy ? Tig ? »

« C'est qui cette sale petite… »

« Termine pas cette phrase, frère, le coupa Happy. »

En deux pas, il rejoignit Tig et l'aida à se remettre debout avant de le prendre dans ses bras.

« Termine jamais cette phrase, ajouta-t-il. »

Tig eut la bonne idée de ne rien ajouter et accepter l'embrassade en signe de réconciliation. Les autres Sons rassurés jetèrent un dernier regard curieux à la blonde qui attendait patiemment au milieu du couloir, avant de refermer leur porte.

« Je m'appelle Jaimie, se présenta-t-elle à Tig avec un sourire en lui tendant la main. Je suis désolée pour la confusion. Je voulais juste un café. »

Tig la regarda, un peu décontenancé par tout ce qui venait de se passer. Il jeta un coup d'œil à la main tendue, un autre à Happy, et s'empressa de l'accepter.

« Tig. Si j'avais su que tu étais avec Happy, je ne t'aurais pas touché. Mais, il est si cachottier celui là. Un grand timide derrière cette carapace de gros dur. »

Elle plaqua sa main contre sa bouche pour étouffer un rire qui finit par s'échapper clair et bruyant.

« Je te propose un café de la paix ? »

Tig ne put s'empêcher de sourire.

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146ème jour

« Tu sais combien ça coute de t'appeler ? T'es en France je te rappelle. »

« T'avais qu'à m'envoyer un mail au lieu d'attendre aussi longtemps, cria son amie »

Le hurlement vrilla ses tympans et elle eut l'envie de rabattra son ordinateur pour mettre fin à la session Skype en cours. Elle ne céda pas à la tentation et reprit consciencieusement la pose de son vernis.

« Il s'appelle comment ? Il fait quoi dans la vie ? T'as une photo ? »

Elle leva les yeux au ciel, se repentant d'avoir lâché le morceau.

« Happy. Mécano. Non »

Elle souffla doucement pour sécher la couche transparente.

« C'est tout ce que tu as à me dire sur ton copain ? J'aurais du choisir une meilleure amie plus bavarde. »

« Pas mon copain. T'étais au courant depuis le début. »

« Que ce n'était pas ton copain ou que tu n'es pas bavarde ? »

Elle lui lança un regard noir.

« Que tu n'es pas bavarde donc. »

Elle tendit les doigts devant elle, admirant son œuvre et pensant à la prochaine fois qu'elle pourrait les enfoncer dans le dos de Happy.

« Il est bon au pieu au moins ? »

« C'est un dix, répondit-elle un sourire rêveur aux lèvres. »

« Sérieux ? Cria-t-elle. »

Elle se boucha aussitôt les oreilles.

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J'espère que cette première partie vous aura plu. Vous en pensez quoi? Vous aimez? Détestez? Dites moi tout avec le petit bouton du bas.