Aucun personnage de Stargate Atlantis ne m'appartient.

*Ce premier chapitre se situe un peu avant l'épisode Duet où Cadman se retrouve dans la tête de McKay.


A smile as reward

Chapitre 1

Plusieurs personnes décriraient le Major Evan Lorne comme un homme… ennuyeux. Ennuyeux parce qu'il était l'archétype même du parfait petit soldat. Il était fort, intelligent et obéissant. Il était respectueux de ses supérieurs, s'attirait aisément l'estime de ses pairs, conservait son sang-froid dans n'importe quelle situation et savait s'imposer en tant que leader quand la situation l'exigeait.

Mais toutes ces qualités, bien qu'encourager par ses supérieurs hiérarchiques, jouaient contre lui dans sa vie privée. Être trop parfait était une malédiction. Personne n'aimait les gens trop parfaits; ils vous faisaient sentir inférieurs. Son compter qu'ils n'étaient pas drôles. Ils étaient ennuyeux, de fait.

Lorne n'était pas stupide, il avait conscience ne pas être quelqu'un de très divertissant. Déjà quand il était tout petit, ses camarades ne recherchaient pas sa compagnie. Sage comme une image, avec de bons résultats scolaires et des bonnes manières surfaites pour un jeune de son âge, il faisait la fierté ses parents. Pour tout dire, il faisait la joie de toutes les vieilles dames.

Cependant, être exagérément bien élevé n'avait rien de cool pour les garçons de son école. Ni même pour les filles qui, déjà à cette époque, préféraient les « mauvais » garçons.

Aujourd'hui, sur Atlantis, les choses n'avaient pas tellement changées. Les femmes, bien qu'elles s'accordent pour dire qu'il était plus que plaisant à regarder, ne cherchaient pas à le séduire outre mesure.

Il lui préférait le bon Colonel Sheppard, véritable réincarnation de Maverick dans Top Gun, avec son humour classique, ses sourires séducteurs et son complexe du héros. Il était la caricature du beau gosse militaire (coureur de jupon) volant à la rescousse des belles en détresse.

Bien sûr, le Major connaissait suffisamment Sheppard pour savoir qu'il n'était pas que ça, mais n'empêche que les femmes de la Cité craquaient toutes pour cette image .

Ce qui ne dérangeait point Evan, qui laissait bien volontiers ces dames à son supérieur. Contrairement à la croyance populaire, tous les militaires ne sont pas des séducteurs invétérés. Et Evan Lorne était plutôt mal à l'aise lorsqu'une femme lui manifestait de l'intérêt et deux fois plus maladroit quand venait le temps de les courtiser. Il était peut-être un gentleman, mais certainement pas un dragueur. Les deux n'étaient pas indissociables, il en était la preuve vivante.

Et il n'était pas plus habile à forger des amitiés. Pour en revenir à la première constatation à son sujet : qui voudrait d'un ami si ennuyeusement parfait? Naturellement, son bon caractère lui permettait d'entretenir une relation amicale avec tout le monde, mais cela ne dépassait jamais le stade de l'entente cordiale entre collègues.

Encore là, il s'en fichait pas mal. Le Major était un solitaire, un homme qui retournait à sa tranquillité une fois le travail effectué, qui se plaisait à peindre dans ses temps libres afin de se détendre. Il n'avait pas besoin d'amis, ses connaissances faisaient très bien l'affaire dans les rares moments où il désirait socialiser.

Dans ces cas-là, il était celui à aller vers les autres, comme si les gens savaient qu'il avait besoin de son espace et qu'il valait mieux le laisser venir à eux (si seulement il le voulait).

C'est en parti pour cela qu'il fut étonné d'être interpeller au beau milieu de son jogging matinal par une jeune femme à la chevelure de feu. Ça, et aussi le fait qu'il ne connaissait pas ladite jeune femme. C'était une nouvelle recrue – une Marine – qu'il avait à peine entraperçu au cours de cette première semaine de son service sur Atlantis. Il n'aurait pas su dire son nom.

― Major, le salua-t-elle, sourire aux lèvres, ses cheveux ramenés en queue de cheval se balançant de gauche à droite à chacune de ses foulées. Elle courait à la hauteur d'Evan maintenant, calquant son rythme.

Lorne voulut lui rendre la pareille quand il réalisa qu'il ignorait également qu'elle était son grade. Elle parut notée son désarroi puisqu'elle enchaîna aussitôt.

― Lieutenant Cadman, Monsieur.

― Euh… Bonjour, dit-il en retour, peu sûr. La rousse rigola; d'un rire frais, légèrement malicieux. Le pilote de l'Air Force se renfrogna automatiquement, continuant de courir en silence.

― Vous n'êtes pas très loquace, Monsieur, remarqua-t-elle au bout d'un moment.

― Mais vous si, répliqua son supérieur, un peu sèchement. Son ton n'échappa pas au Marine.

― Je ne riais pas pour me moquer, Monsieur, j'espère que vous n'êtes vexé.

― Bien sûr que non, lui assura Lorne.

Là, il fallait savoir autre chose au sujet du Major : il était un piètre menteur dans ce genre d'occasion. Pointez un fusil contre sa tempe et il s'en sortira à merveille, mais pour ce qui était du reste…

Cadman fit l'autruche (1) et arbora un sourire amène dans l'espoir de décoincer son interlocuteur. Le rictus fit convenablement effet, le militaire se décrispant légèrement devant la persistance de la jeune femme.

Evan poursuivit son footing avec le Lieutenant pour compagnie. Celle-ci, ayant identifié le genre d'homme à qui elle avait affaire, ne chercha pas à entamer la conversation. Elle se contenta de profiter du silence – confortable – que Lorne avait inconsciemment instauré.

Ce n'est que lorsqu'ils approchèrent les couloirs fréquentés de la Cité qu'elle l'apostropha de nouveau.

― Une petite course, ça vous dit, Monsieur? proposa-t-elle, ses lèvres s'étirant dans un sourire de défi. Lorne parut d'abord sceptique à sa demande, puis statuant qu'elle était sérieuse, il déclara :

― Non.

Sa réponse laconique aurait dû clore le sujet, comme ça le faisait normalement, mais c'était sans compter sur l'obstination du Marine.

― Peur de perdre, Monsieur, brava-t-elle.

― Attention Lieutenant, vous frôlez l'insubordination.

― Je ne fais que constater un fait.

― Vous essayez de me provoquer, Lieutenant.

― Vous croyez, dit-elle innocemment.

― Oui.

― Et est-ce que ça marche?

L'homme fit mine de réfléchir.

― Assez bien, admit-il à contrecœur.

― Je pense que je peux être fière.

― Effectivement, vous êtes douée dans votre genre.

― Merci du compliment, Monsieur.

― Ce n'était pas vraiment un compliment.

― Si vous le dites. Donc, pour la course…?

― C'est non, Lieutenant.

― Et pourquoi non?

― Je n'ai pas à me justifier devant vous.

― Peut-être, mais je ne vous vois aucune raison de ne pas le faire.

Evan lui jeta un coup d'œil en biais, analysant ces dernières paroles. Il opta finalement pour une question détournée.

― À quoi cela servirait-il?

― C'est juste pour le plaisir Monsieur. Avons-nous besoin d'une raison pour nous amuser?

― Non, concéda-t-il. Mais il ne fit aucun geste pour indiquer qu'il acceptait le défi.

― Vous êtes rabat-joie…

Lorne arqua un sourcil, réprobateur.

― …Monsieur, ajouta-t-elle précipitamment.

Le silence retomba, lourd cette fois.

Laura soupira comme l'aurait fait un enfant mécontent, ce qui attira l'attention du Major – amusé –, bien qu'il se garda de le montrer. Quelques secondes plus tard, Cadman ne se pouvant déjà plus, glissa un petit et faussement timide :

― S'il-vous-plait… Monsieur.

Comprenez bien, Evan n'était pas dupe; le petit manège de Cadman était aussi gros qu'un éléphant dans un couloir, mais quelque chose dans sa fraîcheur enfantine, son entêtement puéril, obligea le militaire à céder à son caprice.

― Quel est le prix? demanda-t-il.

― Quoi? fit Laura, prise au dépourvue.

― Si on fait la course, il faut une récompense pour le gagnant.

Le visage du Marine s'illumina.

― Pourquoi ne pas garder ça secret, offrit-t-elle, joueuse. Vous choisissez ce que voulez, je fais de même, et l'autre ne saura ce qu'il perd ou gagne qu'une fois le gagnant déterminé.

― Hum… Ce ne serait pas un piège, par hasard?

― Pour qui me prenez-vous, Monsieur? fit semblant de s'indigner la femme.

― Bon d'accord, agréa le Major. Mais rien de déplacé, hein.

― Mais non! Pour ma part, je sais déjà ce que je veux et je vous assure que ce n'est rien de tordu ou de douloureux, ria-t-elle.

― Bien, approuva-t-il.

― Le premier arrivé au Mess?

Ils se regardèrent… Et ce fut le signal de départ.

Les deux soldats s'élancèrent à corps perdu. Rapidement, Lorne gagna du terrain, mais Cadman n'était pas en reste. Donnant un second effort, elle rattrapa de justesse le Major. Elle joua du coude alors, déstabilisant l'espace d'instant son supérieur, ce qui lui permit de prendre sur lui.

Evan lui décocha un regard outré, réfrénant un « Tricheuse! » qui aurait été tout à fait immature. Il accéléra plutôt, devançant bientôt son adversaire.

Ils approchaient à présent des couloirs communément utilisés, ce qui donna indubitablement du piment à la course et qui rendait l'issue de la compétition beaucoup plus incertaine. Ils zigzaguaient entre les membres de l'expédition du mieux qu'ils pouvaient, s'attirant des commentaires désobligeants au passage.

Le Mess était en vue maintenant. Les deux coureurs piquèrent un sprint final. Lorne ramassa une épaule innocente dans son déchaînement, Cadman un genou qui « dépassait ». Elle trébucha légèrement, donna définitivement l'avantage au Major.

Il passa le seuil du Mess, vite suivit de la perdante. Il ne leva pas les bras en signe de triomphe non plus qu'il ne cria victoire. Il s'évertua plutôt à reprendre son souffle, Laura à ses côtés, avant d'affirmer simplement :

― J'ai gagné.

La jeune femme se contenta d'un hochement de tête pour toute réponse, puis d'un sourire grimaçant. Elle n'était pas mauvaise perdante, mais elle n'aimait pas la défaite non plus.

― Alors, qu'est-ce que je vous dois Monsieur? l'interrogea-t-elle une fois sa respiration retrouvée.

― À vrai dire, je n'y avais pas vraiment pensé Lieutenant.

― Quitte ou double? lança promptement la Marine.

Ce n'était pas une suggestion, mais une promesse. Un ordre, même. Et tout le monde savait que le Major Evan Lorne obéissait toujours aux ordres.

Il n'en avait pas fini avec elle. Ni plus elle avec lui.

À suivre…


(1) : « Faire l'autruche » est une expression. Ici, elle signifie que Laura fait comme si elle n'avait pas noté le mensonge de Lorne. J'ignore si tout le monde connaît cette expression, donc je préfère préciser son sens.