Le club des serial killer
Partie I : Les amants tueurs.
Divers : Première partie réalisée avec un défi personnel : pas de dialogues.
Os de Noël pour Maeglin
Une détestable journaliste rousse occupait présentement les pensées d'Hannibal Lecter. Prénommée Freddie, elle avait l'audace de s'immiscer régulièrement dans des affaires qui ne la concernaient ni de près ni de loin, au point que, récemment, Will s'était proposé de régler son cas. Will Graham était quelqu'un qui avait soulevé l'intérêt du docteur Lecter bien avant qu'ils ne deviennent amants, grâce à l'étrange dualité présente en lui. C'était quelqu'un de bon, de respectueux et même de doux : il n'y avait qu'à le regarder s'occuper des chiens errants pour s'en apercevoir. Il les rééduquait avec patience, les soignait et les ramenait chez lui, puis les intégrait petit à petit à sa famille ( qui était à présentement composée de dix canidés et d'un psychiatre serial killer). Il n'avait aucun goût pour les actes de cruauté ou la violence lorsqu'ils n'étaient ni mérités ni nécessaires, mais lorsque c'était le cas, il pouvait montrer un tout autre visage que celui du professeur en criminologie réservé et taciturne qu'il servait au commun des mortels. Lorsque c'était nécessaire, ou qu'il considérait que c'était juste, son apparente fragilité s'effaçait pour laisser place à un tueur à la fois brutal et méthodique. Un tueur qui n'aurait aucune difficulté à éliminer Freddie Lounds s'il décidait de s'en prendre à elle aujourd'hui, mais il n'en avait pas toujours été ainsi.
L'intérêt du docteur Lecter à l'égard de Will avait évolué au fil du temps. Il s'était transformé petit à petit, passant de la simple curiosité à la fascination puis à la fierté lorsqu'il l'avait vu tuer Willard Tier dit « l'homme-ours » à coups de poings. L'empathe avait montré autant, si ce n'était pas davantage de sauvagerie que le tueur qui se prenait pour un animal, avant de retourner à un calme parfait. Après le meurtre, il était simplement venu ouvrir la porte au médecin puis lui avait reproché de l'avoir mis en danger , lui et ses chiens (l'un d'eux, Buster, avait été légèrement blessé). Hannibal lui avait expliqué tout en soignant le jack russel qu'il n'avait jamais été vraiment en danger, car il aurait abattu l'homme-bête de son poste d'observation à l'extérieur de la maison si les choses avaient mal tourné. Le profiler avait simplement acquiescé, puis avait accepté son aide pour mettre en scène le cadavre de Willard. Il était resté calme durant tout le processus, de la découpe à la mise en place au musée, et ce malgré les risques qu'ils avaient dû prendre. Hannibal n'avait jamais vu quelqu'un possédant une telle imagination être également si pragmatique, et ce n'était là que l'une des choses qui le rendait unique à ses yeux. Il y avait, bien sûr, son incroyable empathie qui lui permettait de comprendre ses sentiments, différents de ceux de la plupart des gens, mais très loin d'être inexistants. Mais il y avait également son côté terre à terre, lucide et perspicace qui en faisait un allié parfait.
Bien sûr, le rallier à sa cause n'avait pas été facile. Will avait véritablement désiré le confondre et le faire enfermer afin de protéger le monde de ses appétits particuliers, mais il n'avait jamais souhaité le tuer. Le médecin s'était assuré sa sympathie en devenant un confident et un ami dévoué plutôt qu'un psychiatre distant et professionnel. Ils n'en étaient pas resté aux simples conversations qu'ils étaient sensé avoir. Hannibal était entré dans l'esprit de Will aussi sûrement que ce dernier était entré dans le sien, par d'autres méthodes plus ou moins licites. L'encéphalite du profiler avait été une véritable aubaine, et associée avec les séances de luminothérapie et d'hypnose, elle avait rendue la mince barrière protégeant Will Graham de ses démons intérieurs aussi fine que du papier à cigarette. Les principes moraux auxquels ils s'accrochaient étaient parti en cendres à l'intérieur de du cabinet du médecin, et il lui avait fait par de toutes les pensées sombres qui l'habitaient. Le point de départ avait été le meurtre de Hobbs, en état de légitime défense, mais qui lui avait donné un aperçu de la sensation de puissance que tuer faisait éprouver. Il avait lutté pour ne pas céder, mais la maladie et les soins avisés de son ami et psychiatre l'avaient à nouveau mené sur le chemin du meurtre, dans la neige et l'obscurité. Il avait revu Hobbs par-dessus le visage du docteur Gideon, sortant couvert de sang de la maison d'Alana, puis il avait eu un instant de lucidité. Il aurait pu tuer en étant confus, mais il avait bel et bien reconnu Gideon avant de l'abattre de sang froid alors qu'il était désarmé. Lorsqu'on l'avait interrogé à ce sujet, il avait répondu que ce dernier s'était jeté sur lui, et qu'il n'avait pas eu le temps de voir s'il avait une arme en main ou non, et avoir tiré pour se protéger. Il avait confessé ce mensonge à Hannibal, à la fois surpris et soulagé que ce dernier le comprenne et lui donne raison pour s'être fait justice lui-même en vengeant la mort d'Alana.
Hannibal l'avait ensuite flatté, lui assurant qu'il n'était pas fait pour servir aveuglément la justice et lui rappelant que d'ailleurs, il avait déjà triché avec elle en se taisant au sujet du meurtre de Nicholas Boyle. Ils s'étaient tût tous les deux d'ailleurs, pour protéger Abigail, et le secret comme le désir de prendre auprès d'elle une place de parent les avaient rapprochés. Mais malgré leur amitié et ses penchants meurtriers, Will désirait toujours protéger autrui, même les individus qui ne le méritaient aucunement, et faire enfermer l'Éventreur. A ce moment-là, un choix s'était offert à Hannibal Lecter : prendre des risques pour faire de cet homme fascinant son allié, ou se laver de tout soupçons en le faisant condamner pour ses crimes. Concrètement, les soupçons étaient tout ce que possédait le FBI contre lui. Il n'avait pas laissé la moindre trace, pas même une empreinte partielle et il n'avait aucun mobile pour les meurtres de l'Éventreur, ni de l'Imitateur. Il ne risquait rien. Mais pouvoir se mettre encore plus à l'abri n'était jamais une mauvaise option pour un homme tel que lui. Les choix s'opposaient, amitié ou protection, mais le docteur trouva une forme de compromis entre les deux, à sa manière.
Dans l'état dans lequel se trouvait Will à cause de l'avancée de sa maladie, il lui avait été facile de le droguer pour pouvoir lui faire ingérer l'oreille de Marissa Schurr puis de l'accuser de son meurtre lorsqu'il avait vomi celle-ci, ainsi que de tous les meurtres de l'Imitateur en plaçant à son domicile des ongles, cheveux et autres restes humains dans ses hameçons. Hannibal avait continué à jouer les amis auprès de lui (et en réalité, c'était ce qu'il était, malgré ses méthodes particulières) lorsqu'il avait été arrêté et s'était retrouvé complètement seul, d'autant plus abattu que l'enterrement d'Alana avait eu lieu peu de temps auparavant. Will avait extrêmement mal vécu la situation, doutant même de sa culpabilité un court laps de temps : Marissa était l'amie d'Abigail, il la connaissait de vue et il avait eu de nombreux trous de mémoire pendant la période estimée de sa disparition, ainsi que des hallucinations, des crises de somnambulisme et des accès de colère difficilement contrôlables. Il avait ensuite beaucoup réfléchi, tourné et retourné chaque élément dans son esprit, et sa logique couplée à ses fragments de mémoire lui avaient permis de comprendre deux choses essentielles : il était innocent, et Hannibal était à la fois l'Imitateur et l'Éventreur.
Il avait clamé son innocence et accusé le psychiatre, mais faute de preuves contre ce dernier et au vu de tous les indices qui l'accablaient lui, il avait vu se détourner peu à peu tous ceux qu'ils considéraient comme des personnes de confiance : Jack, Beverly, Zeller et Price...Mais assez ironiquement, pas Hannibal. Ce dernier s'était montré un soutien sans faille, et il avait insisté pour que l'on lui refasse passer un scanner même si le premier n'avait rien donné. Il avait également fait des suggestions au nouveau médecin (il était clair qu'il n'allait pas faire appel à Sutcliffe une seconde fois) jusqu'à ce que celui-ci trouve la forme particulière d'encéphalite dont souffrait le profiler. Puis, alors que ce dernier se trouvait en prison entre les mains de Chilton, soigné mais toujours accusé du meurtre de Marissa, Hannibal s'était occupé de Georgia Madchen qui commençait à retrouver la mémoire, en la faisant brûler vive dans son caisson d'isolation.
Elle était passée par le cabinet de Sutcliffe tout comme Will pour un scanner, et le psychiatre s'était arrangé pour laisser des indices pointant dans la direction de son confrère. Peu de temps après, il avait fait subir à un patient de Sutcliffe la même chose qu'à Will, en prenant bien soin de dissimuler son visage. Lorsque l'homme avait craché un doigt appartenant à Marissa, les certitudes de Jack et de son équipe à propos de la culpabilité de Will devinrent de simples doutes, un ensemble de questions sans réponses, mais le malaise entre eux et le profiler était bien installé et n'avait jamais totalement disparu.
En centre de détention psychiatrique, le jeune homme avait été relativement bien traité mais il s'était attiré les foudres de l'homme retenu dans la cellule en face de la sienne, un certain Sammy qui avait tué plusieurs personnes (dont sa propre mère), soit disant sur ordre de Jésus lui-même. Le malade avait tenté de discuter avec Will et ce dernier lui avait répondu sèchement, désirant simplement être tranquille, et après ça, l'homme avait tout fait pour l'agacer en produisant divers sons. L'empathe était hyper sensible à certains types de bruits et Sammy avait rapidement découvert que les claquements de langue répétés ou le fait de tapoter les barreaux de sa cellule l'irritait prodigieusement. Le fou religieux était bien recadré de temps à autre par les gardiens, mais ça n'empêchait pas la situation d'être très pénible, jusqu'au jour où Will s'était réveillé avec la vision de Sammy mort, allongé sur le sol dans sa cellule avec la tête tournée dans sa direction. La thèse de la crise cardiaque fut retenue, mais le profiler savait que ce n'était pas une mort naturelle avant même d'en avoir la confirmation par Matthew Brown. Il avait remarqué que le gardien le traitait différemment des autres, mais de là à tuer de tuer pour améliorer son confort, ça lui paraissait un rien irréaliste. Il changea d'avis lorsque le jeune homme aux yeux verts lui souffla « de rien » alors que le corps était emporté, et eut une longue discussion avec lui le soir même après que ce dernier ait coupé tous les dispositifs qui permettaient à Chilton de voir et d'entendre tout ce qui se disait dans son établissement.
L'empathe fut relâché peu de temps avant la date où devait se tenir son procès, totalement innocenté parce que l'Éventreur de Chesapeake venait d'être arrêté. Ayant obtenu un mandat de perquisition, Jack et son équipe avait fouillé la maison de Sutcliffe et y avait trouvé deux cadavres mutilés exactement de la même façon que les autres victimes de l'Éventreur, et ils avaient également trouvé dans des flacons des fragments d'os, des dents ou des cheveux appartenant aux victimes attribuées à l'Imitateur (y compris des cheveux de Nicholas Boyle). Le docteur Sutcliffe paraissait de premier abord plutôt inoffensif, mais après ce qui avait été découvert chez lui, il ne fallu pas longtemps pour qu'il soit considéré comme ayant parfaitement le profil. Il était neurochirurgien, et après son arrestation, plusieurs patients s'étaient manifestés pour porter plainte contre lui. Ceux-ci avaient eu l'impression d'avoir été traité davantage comme des cobayes que comme des personnes à soigner, sans avoir osé en parler à l'époque des faits, et l'accablaient à présent. L'homme était également en congé les jours parmi lesquels Cassie Boyle avait probablement été tuée, et n'avait pas d'alibi. Questionné longuement par Jack et probablement à bout de nerfs, il avait même admis s'être rendu au domicile de Will pour y placer des indices, ce qui avait fini de convaincre tout le monde de sa culpabilité.
C'était donc lavé de tous soupçons qu'Hannibal avait repris ses séances de thérapie avec Will Graham, la seule personne à ne pas être convaincue que Sutcliffe était l'Éventreur. La seule personne à savoir qui il était, sans pouvoir le prouver et sans pouvoir l'affirmer haut et fort sans risquer de se faire passer pour fou, en dehors d'Abigail. La jeune fille était elle aussi au courant, et avait été innocentée pour le meurtre de Nicholas Boyle.
Cela avait été la première partie de la conquête de Will Graham par Hannibal Lecter : lui montrer qu'il était inutile et dangereux de chercher à l'emprisonner, et lui montrer qu'il était particulier, unique à ses yeux. Il aurait pu le choisir comme coupable idéal à la place de Sutcliffe (au moins pour les meurtres de l'Imitateur) et le laisser finir ses jours dans l'institution de Chilton, mais il ne l'avait pas fait. De même qu'il aurait pu laisser l'encéphalite arriver à un stade critique, mais il avait surveillé l'évolution de la maladie avec la plus grande attention, et avait permis qu'il en soit débarrassé.
La seconde partie avait consisté à renforcer les liens existants et à révéler la vraie nature du profiler. Elle avait été plus ardue que la première, car Will était têtu et n'avait guère apprécié son séjour en prison. Avec l'aide de Matthew Brown qu'il avait revu peu de temps après sa libération, il avait manigancé un plan tout simple mais diablement efficace : Matthew avait pris un rendez-vous avec le psychiatre et lorsqu'ils avaient été assis l'un en face de l'autre, il lui avait tiré une fléchette enduite de somnifère dans le cou. Le risque de voir le plan échouer était minime, car Matthew était excellent tireur avec une sarbacane, mais dans le cas où il aurait raté son tir, Will attendait non loin avec une arme qui suffirait à dissuader le psychiatre de tenter quoi que ce soit. Il n'avait pas eu besoin de s'en servir cependant, tout ayant fonctionné comme prévu, et Matthew était simplement rentré chez lui en laissant Hannibal aux bons soins de l'empathe.
Le psychiatre s'était réveillé solidement attaché à l'une des chaises de sa salle d'attente, déménagée pour l'occasion dans son bureau pour plus d'intimité. La corde était solide et, ayant travaillé un bon moment à l'entretien et à la réparation de bateaux, s'il y avait bien quelque chose que Will savait faire parfaitement, c'était bien des nœuds impossibles à défaire sans aide. Le docteur Lecter aurait pu s'inquiéter de se retrouver dans une situation aussi délicate, mais il était avant tout curieux de voir ce que l'empathe lui réservait. Ce dernier avait posé son arme à distance respectueuse de lui et s'était emparé d'un simple scalpel dont il se servait pour tailler ses crayons, puis s'était assis sur ses genoux. Il souriait, mais son sourire était doux et le psychiatre compris qu'il ne s'agissait que d'une petite mise au point. Hannibal avait tenté de dominer l'homme et l'avait manipulé à sa guise, et ce dernier lui indiquait clairement qu'il pouvait jouer à ce jeu-là lui aussi. Il avait la possibilité de lui trancher la gorge, mais il ne le ferait pas. Il voulait être son allié et acceptait la part d'ombres en lui, enfin.
Le meurtre de Willard Tier avait eu lieu peu après cette soirée décisive et était leur première œuvre commune, même si elle appartenait davantage à Will qu'au psychiatre. Ce dernier l'avait simplement aidé à révéler tout son potentiel, en choisissant une victime qui n'était pas « innocente » selon les critères de son compagnon de meurtres, et en lui apportant ses connaissances médicales pour la découpe du corps et sa mise en place. Le tueur-ours avait réduit en pièces deux familles qui se promenaient en soirée dans un parc peu fréquenté de la région, et l'affaire avait fait grand bruit. Les premiers suspects interrogés furent les membres des familles des victimes, dont le mobile aurait été la vengeance, mais personne n'y croyait au FBI. Will et Hannibal qui avaient été appelé par Jack sur la scène de crime avaient été très clair eux aussi : il s'agissait d'un nouveau tueur, probablement assez jeune, intelligent mais encore malhabile. Son nom lui avait été donné par l'employé d'origine italienne chargé du nettoyage qui, en apercevant Willard sur le squelette du smilodon s'était écrié « un mostro nel museo ! » : un monstre dans le musée.
Ni Will ni Hannibal ne trouvaient fort flatteur d'être appelé « il mostro » (surtout qu'à la base, c'était leur victime qui avait été désignée ainsi) mais ils trouvaient à la fois plaisant et amusant d'être pris pour un seul et même tueur, et ne se focalisèrent pas sur le nom. Le soir même du meurtre, ils dînèrent ensemble (ce qui devenait une habitude), accompagnés d'Abigail. La jeune femme ne connaissait pas les détails de ce qui s'était passé, et ne semblait pas non plus vouloir en savoir plus, mais le psychiatre eut la délicatesse de lui faire une allusion assez appuyée pour qu'elle comprenne ce, ou plutôt qui se trouvait dans son assiette. Will intervint pour lui rappeler qu'elle avait tout à fait le droit de manger « végétarien » mais elle refusa avec un sourire, expliquant qu'elle ne ressentait aucune culpabilité à manger comme eux tant qu'elle n'était pas impliquée dans la mise à mort de la victime. Elle semblait aller bien, en particulier depuis qu'elle avait quitté cet espèce de foyer qui faisait également office d'hôpital et qu'elle ne devait plus côtoyer d'autres victimes racontant inlassablement les mêmes histoires. Will savait qu'elle n'aimait pas se confier à des étrangers, et il la comprenait parfaitement.
Récemment, il avait interrogé Hannibal à son propos, car si elle était de plus en plus détendue en sa présence et qu'elle semblait heureuse de le voir, elle lui parlait peu. Le psychiatre n'était pas rentré dans le détail, secret professionnel oblige, mais il l'avait rassuré quant au fait qu'Abigail ne le détestait pas pour ce qu'il avait fait à son père. Il lui avait également dit qu'elle se confiait de plus en plus à lui, et qu'elle ne les trahirait pas. La jeune femme semblait avoir trouvé en lui un père de substitution, plus dangereux que le précédent, mais dont paradoxalement, elle avait moins peur. Son père biologique l'avait forcée à participer à ses meurtres en l'envoyant chercher les filles, mais pas uniquement. Elle en avait dépecé plusieurs en sa compagnie, et le traumatisme était encore nettement présent même si Hannibal l'aidait à gérer les angoisses et les cauchemars. Il l'accueillait également chez lui le temps qu'elle soit acceptée dans l'université qu'elle avait choisie, et lui apprenait le clavecin pendant son temps libre. Il était attentionné bien que strict et exigeant, et Will trouvait la chose plutôt attendrissante.
Avec le temps, le profiler multiplia ses visites, se sentant de plus en plus chez lui dans la demeure du médecin même s'il était parfaitement conscient que ce dernier lui faisait miroiter la promesse de la famille parfaite pour mieux l'attirer à lui et consolider leur alliance. Par moments, il songeait qu'il faisait le mauvais choix en protégeant un homme tel que lui, mais le désir d'enfin trouver sa place et d'avoir un véritable foyer était bien plus fort que cette pensée. Oh, il aurait peut-être pu trouver une gentille épouse et vivre normalement, mais il y aurait toujours eu une part de mensonge dans une vie comme celle-là. Faire semblant n'était pas quelque chose qui le dérangeait, il avait toujours plus ou moins consciemment adapté son comportement à ce qui était attendu de lui et il n'avait aucun mal à mentir à Jack, mais porter un masque jusque dans sa vie privée était une chose totalement différente. Or, avec Hannibal, il pouvait être totalement lui-même. Mieux encore, il savait qu'il ne verrait jamais la moindre déception dans les yeux ambre du docteur. Il se relâcha tant et si bien que lors de leurs conversations, qu'ils avaient reprises dès sa sortie de prison, il lui parla de choses de plus en plus personnelles, et de blessures intimes. Hannibal avait usé de ses connaissances pour l'affaiblir et le faire douter de sa propre raison alors qu'il cherchait à le faire arrêter, mais à présent qu'il avait rendu les armes, il lui prodiguait une véritable thérapie. Le psychiatre lui apprenait à mieux gérer son empathie et le rendait plus fort, plus sûr de lui et surtout, plus heureux.
Au niveau du travail, il continuait comme avant à arrêter des meurtriers, sauf en quelques occasions où lui et Hannibal découvraient l'identité du tueur avant le FBI et lui rendaient une petite visite de courtoisie s'ils le trouvaient intéressant. Ils ne tuaient pas, prudents et capables de se maîtriser, mais le jour viendrait où ils en auraient l'occasion. Ils patientaient simplement, et la vie était plus douce et agréable pour le profiler qu'elle ne l'avait jamais été. Abigail était souvent avec eux car ils étaient ses repères dans sa reprise d'une vie normale, mais elle reprenait doucement confiance en elle et partirait bientôt vivre seule pour ses études, ayant été acceptée dans l'université qu'elle visait. Will profita du temps qu'il lui restait à passer avec elle en faisant des activités qu'elle ne pouvait faire avec Hannibal, comme regarder des films pour ados dont le psychiatre n'aurait sans doute même pas daigné prononcer le titre, lui apprenant à pêcher et aller faire de longues promenades avec ses chiens qu'elle adorait. Le médecin lui préférait largement emmener la jeune fille faire les magasins et lui faire visiter tous les musées du coin, avec Will de préférence, mais parfois sans lui lorsque leurs horaires ne le permettaient pas. Lorsque leur fille, car ils la considéraient réellement comme telle, partit pour de bon pour un autre État, l'empathe ressentit un tel vide qu'il usa souvent de son don dans la demeure de son ami proche pour ressentir à nouveau sa présence. Ils étaient restés en contact par vidéoconférences bien sûr, mais ce n'était pas pareil que de l'avoir auprès d'eux, au quotidien.
Après son départ, Will avait travaillé sur un cas particulièrement difficile sans l'aide d'Hannibal car ce dernier risquait de perdre une partie de sa clientèle s'il restait aussi impliqué dans l'aide qu'il apportait au FBI, et il ne le souhaitait pas. Le tueur que le profiler cherchait, surnommé l'Arracheur, était particulièrement violent et torturait souvent ses victimes, y compris les enfants car il s'en prenait systématiquement à des familles. Le profiler était heureux d'avoir pu améliorer ses défenses mentales, mais il ressortait malgré tout épuisé et choqué à chaque nouvelle scène de crime à inspecter, déjà au nombre de trois. Il rentra chez lui après la dernière et fit ce qu'il n'avait plus fait depuis longtemps : se soûler, ce qui bien sûr n'arrangea rien. L'alcool modifiant ses perceptions et son imagination ne le laissant pas en paix, il se sentit rapidement mal à l'aise dans sa propre maison, puis clairement angoissé et il appela Hannibal sans hésiter. Ce dernier arriva aussi vite que possible et vérifia que les chiens avaient été nourris et qu'ils allaient bien avant de ramener Will chez lui. Il l'installa dans la chambre d'amis et l'aida à se déshabiller et à se mettre au lit, mais au moment où il allait s'en aller, ce dernier l'attrapa par le poignet et le tira vers lui, l'air visiblement terrifié à l'idée de se retrouver seul.
Patiemment, le médecin tenta de le raisonner, mais il n'était pas en état pour comprendre et assimiler tout ce qu'il lui disait, alors le lituanien fit la seule chose qui restait à faire : il enleva ses chaussures et ses vêtements et se coucha auprès du profiler. Se retrouver en sous-vêtement dans le même lit que lui n'avait jamais été au programme, Will étant hétérosexuel, mais c'était loin de lui déplaire, même s'ils ne feraient que dormir ensemble. Néanmoins, Will ne dormait pas et s'était rapproché de lui, l'observant longuement dans les yeux, ce qui n'était pas dans ses habitudes même s'il supportait mieux qu'avant les contacts visuels. Le baiser fut si soudain que le psychiatre se tendit légèrement et faillit le repousser, mais il se détendit ensuite et posa une main sur sa nuque pour l'empêcher de reculer. Il lui laissa l'initiative, frémissant quand sa langue se fraya un passage entre ses lèvres en apportant avec elle les premiers frissons de plaisir et le goût du whisky. Le baiser était à la fois passionné et maladroit, mais il suffit largement à exciter le médecin dont les mains se posèrent cependant sagement dans le bas du dos de l'empathe, sans descendre plus bas. Il lui massa doucement le creux des reins et lui annonça clairement qu'ils ne feraient rien de plus que d'échanger quelques baisers tant qu'il serait ivre. Le jeune homme protesta faiblement, puis vaincu par la fatigue et les caresses, il s'endormit contre Il mostro qui le regarda longuement dormir.
Ce dernier ne s'attendait à rien de particulier le lendemain et aurait parfaitement compris si Will avait gardé ses distances, mais ce fut très loin d'être le cas. En effet, le docteur s'éveilla à cause d'une sensation curieuse entre ses jambes, à la fois douce, chaude et...humide, qui lui fit baisser les yeux et pousser un léger hoquet de surprise. Il souffla le nom du profiler qui releva les yeux vers lui, les promesses contenues dans son regard gris-bleu le faisant frissonner de la base de la nuque jusqu'au rachis sacral. Il égara aussitôt sa main dans ses cheveux bouclés et il renonça à discuter, écartant juste un peu plus les jambes. Will lui caressa les cuisses et poursuivit un moment la fellation jusqu'à ce que son souffle devienne saccadé, puis il arrêta les succions et remonta lentement à sa hauteur, ses mains caressant son ventre qui se contracta au passage. Hannibal l'attira à lui et l'embrassa longuement avant de l'interroger sur son orientation sexuelle présumée, ce qui fit sourire l'empathe. Alors que chacun d'eux caressait le sexe de l'autre, il lui expliqua que la plupart des gens le pensait hétérosexuel, mais que ce n'était pas le cas. Il était majoritairement attiré par les femmes, mais il avait déjà eu quelques rares partenaires masculins. Il lui avoua ensuite que s'il n'avait rien tenté avec lui, c'était parce qu'il avait traversé une période où il n'avait pas eu envie de contact et bien trop de choses à l'esprit.
Hannibal pouvait aisément le comprendre, surtout que c'était en partie lui qui avait été à la base des problèmes et inquiétudes de l'homme qui gémissait à présent doucement contre lui. A sa grande surprise, Will conserva le contact visuel aussi longtemps que possible, et ce fut lui qui le rompit en fermant les yeux, haletant alors qu'il atteignait l'orgasme. Malgré la fatigue et la sensation de bien-être provoquée par la libération d'endorphines, il continua à masturber son amant jusqu'à ce que son sperme chaud se répandre sur sa main, ouvrant les yeux juste à temps pour le voir jouir. L'empathe était superbe, les sourcils froncés et la bouche ouverte, sa gorge nue et fragile si proche...Hannibal s'imagina la déchirer à coups de dents l'espace d'un instant, et le ruisseau carmin qui en jaillirait, jouissant de la beauté de l'image sans désirer le moins du monde concrétiser l'idée. Will lui était infiniment précieux, et il se contenta d'un long baiser appuyé sur sa pomme d'Adam, sentant son cœur battre à un rythme affolé alors qu'il pressait doucement son pénis de bas en haut pour en faire sortir les dernières gouttes de sperme. Ils restèrent un long moment l'un contre l'autre, Hannibal respirant l'odeur infiniment plus agréable du profiler depuis que ce dernier avait cessé de mettre son abominable after-shave, puis ils se levèrent comme un seul homme pour aller prendre une douche.
Ils n'annoncèrent pas leur relation, agissant simplement comme un couple, et si cela surprit au début, leur entourage s'y habitua bien vite. Les amants tueurs étaient réunis, et à des années lumière de risquer que leurs sombres secrets soient découverts.
