Il ne ferma pas de suite la porte d'entrée. Il inspecta tous les recoins qu'il apercevait depuis le paillasson, puis, n'entendant rien, il la verrouilla. L'appartement restait toujours le même, il ne semblait pas y avoir eu de problème. Pas d'intrusion malveillante au premier coup d'œil. Il n'en serra pas moins son arme entre ses doigts.

Il se rendit dans la cuisine. Une odeur pestilentielle en sortait. Des déchets traînaient un peu partout. La moisissure s'attaquait à la table, aux murs, aux résidus alimentaires dans les centaines de conserves.

Son flaire l'attira jusqu'à un paquet de biscuits à moitié entamé, qui traînait sur la table, derrière les détritus. Sa marque préféré. Il les lui avait gardé. Il les engouffra en quelques instants. Son estomac en souffrit. On perd l'habitude de manger à force.

Il traversa l'appartement. Ses jambes le retinrent devant le salon. Ils y coulaient des jours heureux, encore deux ans auparavant. Tous les cinq. Ils y tournaient des vidéos qu'ils publiaient ensemble. De joyeux colocataires.

Son regard dévia sur une photo, seul élément rangé et propre de la pièce. Elle résidait sur la table basse, devant ce qui devait être un canapé, couvert de vêtements. Un pincement au cœur le prit.


« Une photo ? Tu es sûr que c'est le bon moment Panda ?

- Justement oui ! On va traverser des événements terribles si ça se trouve, on ne sera jamais aussi soudé !

- T'as raison gros !

- Vous faites chier les mecs !

- Allé Patron ! Ca va être drôle ! »

Le Geek lui lançait un regard quémandeur. L'affection qui brillait dans ses yeux ne laissaient aucun choix. L'homme en noir accepta. Il s'installa avec les quatre autres sur le canapé. Le Hippie passait son bras sur l'épaule de Mathieu, au centre. Le Patron glissait furtivement ses doigts dans les cheveux de leur créateur. Il tenait de son autre main son arme, qu'il pointait vers la caméra. Son bras passait sur les épaules du geek, l'enlaçant Maître Panda activa le décompte, avant de sauter derrière le Hippie.


Sur la photo, sa tête se logeait entre celle de Mathieu et celle du Hippie. Ses bras descendaient le long de leur torse. Il quitta sa contemplation, et poursuivit sa visite. Croisant la salle de bain, il s'y incrusta. Il brandit son arme en direction de la douche, avant de l'ouvrir d'un geste brusque. Personne. Il soupira de soulagement.

Alors qu'il se retournait, il croisa son reflet, et manqua de tirer dans le miroir par réflexe. Se reconnaissant malgré quelques hésitations, il rabaissa son Desert Eagle. Il se reluqua. Son kigurumi déchiré laissait voir le gilet pare balle en dessous. Sous les manches lacérées, du sang séché formait des croûtes sur sa peau noircie.

Ses yeux pales se perdaient dans son visage délabré. Son nez déviait à droite. Il se l'était sans doute cassé. Il ouvrit la bouche. Il lui manquait une canine. Ses molaires noircissaient. Il ouvrit un tiroir et s'empara de sa vieille brosse à dents. Il en profita aussi pour se nettoyer. Son kigurumi puait, il l'enleva.

Ne gardant que son gilet pare-balle et ses armes, il s'avança vers ce qui était sa chambre avant qu'il ne parte. Son FN Scar, accroché par une lanière à son dos, refroidissait ses fesses nues à chaque contact. Il le passa au dessus de son sac à dos.

Il pénétra son logis avec prudence. Rien ne semblait avoir bougé, si ce n'est sa tablette, qui ne se trouvait pas à sa place. Il ouvrit son armoire, sa plus petite arme à feu en main. Personne. Il enfila un Kigurumi qui l'attendait depuis tout ce temps, accroché à un cintre. Il ne restait plus que quelques pièces.

Les chambres du Hippie et du Patron ne contenaient que leurs affaires. Il ouvrit le meuble mural du Patron. Il n'y restait que quelques chemises, des objets phalliques, son porte-feuille. Il l'ouvrit. Dedans, une photo du Geek et de lui se battait avec un cigarillo à la vanille. Maître Panda posa son nez dessus avant de se retourner.

Il entra dans la pièce du plus jeune de la confrérie. Ses jeux vidéos y trônaient, rangés. Ses peluches éparpillées sur le lit offrait une douceur à toute la maisonnée. En face, contre le mur se trouvait un panneau de liège. Dessus, des lieux, des articles de journaux venant des mois passés, jusqu'à il y a huit mois. Un fil bleu reliait différents endroits sur une carte de France. Quelques commentaires écrits à la main accompagnait les graphiques. Une photo du Patron et du Geek, tous deux armes à la main coloraient l'affichage. Il tendit les doigts.

« Où en est-on Panda ? »

L'interpellé sursauta et se fit volte face, baissant la sécurité de son Desert Eagle. Face à lui, un homme levait un minuscule P99, allongé par un silencieux. Ils remballèrent leur arme d'un même mouvement.

« Mathieu...

- Bon retour Maître. »

Il posa sa main sur l'épaule de son créateur. Il prit un peu de temps pour refouler ses émotions.

« Tu m'as manqué.

- Ca fait presque quatre mois. T'es blessé ?

- Rien de grave. Je vais... Je ne suis pas blessé. »

Leur front se joignirent dans un mouvement affectueux. Les yeux clos, il profitait juste de la présence de l'autre.

« Tu étais seul tout ce temps, murmura le Panda. »

Il s'inquiéta devant la réponse muette.

« Mathieu...

- Je suis resté en communication avec le Hippie. Je suis les traces du Geek, quand il en laisse. Il fait exprès je crois. Pour nous donner des nouvelles.

- Antoine, il ne devait pas venir habiter ici ?

- Au début oui, dit Mathieu en se détachant. »

Ses pas les guidèrent jusqu'à sa propre chambre. Enfin, son QG. Aucune lumière extérieure ne passait, pourtant, la chambre s'illuminait de tous les ordinateurs et écrans présents. Un mur lumineux sur fond noir.

Maître Panda passa ses doigts sur le clavier. Cet instant de contact le fit frissonner. Cela faisait tellement de temps.


« Ils veulent interdire quoi ? S'écria Maître Panda.

- Toutes notre technologie putain ! »

Les mots du Patron les choquèrent. Le Geek se leva du fauteuil.

« Mais ils peuvent pas... »

Mathieu alluma sa télévision. Il eut toutes les peines du monde à trouver une chaîne ne passant pas des documentaires animaliers ou de sciences naturelles. Lui qui pestait autrefois contre les informations des JT, elles lui manqueraient presque.

Un chaîne allemande lui offrit son salut. Il lut les sous-titres à voix haute.

« L'unité démocratique sociale pour la paix, gouvernant la France depuis maintenant six mois, à annoncer la fin de la possibilité de fabriquer ou utiliser des objets de technologie supérieur au four et chauffage à gaz.

Si l'eau courante et l'électricité sont conservées, des politiciens et bénévoles motivés iront dans chaque maison récupérer ordinateur, tablette, téléphone et tous les dérivés.

« La limite de la paix se base sur la surconsommation. La télévision en était le premier chaînon, non en avons pris le contrôle, au tour des technologies, qui créent l'inégalité et la division au sein de la nation »

Si leur action semblait pure au début, elle prend malheureusement des tournures désastreuses dans le pays de Voltaire. Où est la liberté? »

Le Geek, estomaqué, se rassit. Ses larmes lui montaient aux yeux. L'ursidé fixait le Patron sans comprendre.

« C'est... C'est … Ils n'ont pas le droit ?!

- Le droit ? Ca n'existe plus ici, lança le Hippie. Ce sont des despotes qui prônent des valeurs écologiques et philanthropiques mais qui s'y prennent en forçant les gens, détruisant l'humanité de leurs actes humanitaires !

- Le drogué a raison. Ils commencent « l'assainissement » dans deux mois, le temps de tout mettre en place et de nous laisser le choix de tout jeter par nous même.

- Et... Et si on obéit pas ? Proposa le Geek de sa voix chétive. »

Un froid parcourut les cinq amis. Aucun d'eux ne comptait léguer quoi que ce soit à ces tarés.

« Ils vont faire la même chose qu'aux religieux, expliqua Maître Panda en se tournant vers lui. Ils ont listé les religieux. Fouillés les églises. Ceux qui refusaient de renier... Ils les ont d'abord emprisonné. Ensuite... »

Ils n'avaient pas encore dit toute la vérité au Geek. Le Patron le leur interdisait. « Il est trop jeune, je le protégerai par moi même. Ca ira, vous verrez », leur disait-il. La situation devint catastrophique, car l'homme en noir acheva lui-même la phrase de l'ursidé, en s'approchant de celui qui était à ce moment, son petit ami.

« Les actes terroristes des religieux, qui pour la première fois s'étaient unis sans distinction de dieux, entraînèrent des condamnations à mort. Des centaines. Des milliers. »

Maître Panda se souvenait des larmes du geek, et du réconfort qu'il tenta de lui donner. Le Patron, cajolait la nuque de Mathieu du bout des doigts. L'ursidé se souviendrait toujours du regard jaloux qu'il reçut pour avoir enlacé le Geek.


« Le problème, c'est que nos actions seront trop facilement décelables si elles proviennent du même endroit. J'ai retrouvé des plans que le Patron et le Geek avaient écrit ensemble. Ils expliquaient où se placer dans le pays pour couvrir tout le territoire sans se faire détecter. Malheureusement, le nombre de radio et d'éléments électroniques diminue. Les journaux sont interdits... Ils nous divisent complètement. »

Mathieu s'installa sur son tabouret tournant, les jambes croisées. Son torse, recouvert d'un épais pull-over bleu, se tordait maladivement par moment. Ses doigts se tendaient et se détendaient à l'infini. Il n'en gardait pas moins sa concentration sur Maître Panda.

« L'assainissement est quasiment dans tout le pays. La télévision est totalement contrôlée pour ne passer que des images de natures. Les studios sont mieux protégés qu'un bunker. La poste n'existe plus. On quitte la ville, on est fouillé. On est dans la rue, on est surveillé.

- Et créer notre propre chaîne ?

- On y a pensé. Links, Antoine et moi y , les meilleurs dans ce domaine, c'était les greniers. Disparus. Mas bon, on a quand même le dernier pilier pour fonder la chaîne. Il s'appelle Matthieu. On aura qu'à dire qu'il est Tristesse pour ne pas confondre.

- Les greniers... Ils...

- Je ne sais pas. Pas un signe d'eux. Nulle part. Je filtre tout... Même les informations des pays voisins. Je... Ah ! »

Mathieu prit sa tête ente ses mains, se repliant sur lui même. Maître Panda grinça des dents. Avant qu'il ne parte, ce genre de symptômes atteignaient déjà son créateur. La distance avec ses personnalités détruisait progressivement sa psyché difforme.

Il se leva pour le soutenir alors qu'il tombait de son siège, quand un écran se mit à clignoter. Il appuya sur l'Ipad. Il en sortit une voix qu'il connaissait pas cœur.

« Mathieu ? Tu m'entends gros ?

- Hippie ! C'est Maître Panda !

- T'es rentré ? Cool ça gros. Quelle nouvelle de l'Est alors ?

- C'est la merde. Les rues sont jonchées de cadavres qu'on essaie de cacher derrière des pots de fleurs. J'ai fait de mon mieux pour sauver ce que je pouvais.

- Des nouvelles du petit ? »

Maître Panda resta silencieux un instant, impliquant une négation.

« On en est où de ton côté ?

- Ca devient dur là les mecs. Ils sont complètement fous, ils tuent des gens pour tout et rien.

- Depuis le début ça.

- Non mais là c'est différent. Ils ont crée un virus, pour les pays voisins et ils … Je dois couper ! A plus gros, reste en vie. »

L'image disparut. Mathieu se précipita sur la tablette pour en retirer la batterie et le processus interne pour le détruire. Il semblait ne plus souffrir physiquement. Mais son expression ne lui appartenait pas. Violente, dure, sans pitié.

« Je vois ce qu'ils veulent faire. Faut prévenir Antoine et Links. »

Voir ainsi son créateur serra le ventre de l'ursidé, qui partit se reposer.

Il s'allongea dans son lit. Le sommeil, comme toujours, le fuyait. Il se forçait à dormir quelques heures habituellement. Juste pour ne pas s'évanouir. Pour une fois, il pouvait vraiment dormir, se reposer. Mathieu, près de lui, aussi névrosé soit-il, le protégeait. Son lit confortable n'avait rien à voir avec le sol qu'il connaissait. Dans la pièce, il sentait une odeur connue, qui l'entourait. Outre les effluves de poussières, de moisissures, il s'en imprégnait. Le parfum de sa famille.


Pour cette fiction, je quitte mes romances ultra-sexuées habituelles. J'écrirais toujours des OS basés sur de la romance, c'est ce que je fais de mieux. Mais j'ai besoin de faire autre chose, de plus compliqué à écrire pour moi.
Contrairement à mes autres fictions publiées sur slg, celle-ci n'est pas encore terminée à l'écriture, mais j'ai pas mal d'avance sur les chapitres, et comme toujours, je connais déjà la fin. Voilà voilà, désolée si vous vous attendez à mes romances habituelles. Je ne peux que vous conseiller de lire tout de même.

Liberté & Bigoudis chauffants,
JackM