Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas.
Septembre arriva très tôt cette année-là.
Trop tôt, au goût de Naruto. les journées étaient encore bien longues et chaudes, et les nuits encore bien courtes et tièdes. La veille, le trente-et-un août, Naruto était encore en compagnie de Kiba, son meilleur ami, errant dans les rues de Konoha, une bouteille presque vide à la main et entonnant chants sur chants avec son acolyte. Le ciel commençait à perdre ses dernières lueurs orangées pour laisser place à des tons moins éclatants, tandis que l'air, chaud, se radoucissait petit à petit. Cette dernière journée d'août avait été particulièrement suffocante.
Du bord du Canal de Konoha, les riverains ne semblaient pas vouloir partir. Ils étaient encore tous assis, les pieds dans l'eau : tous les jeunes de la ville semblaient être de sortie, aucun d'eux ne voulait renoncer à cette dernière soirée, car le lendemain, ils savaient que leur été prendrait fin et qu'il faudrait retourner sur les bancs des écoles. Certains jouaient aux cartes, la boisson aidant ; d'autres se contentaient de fumer les dernières pousses d'herbe qu'il leur restait de leurs vacances et quelques amoureux profitaient de ces derniers moments pour se retrouver en tout quiétude.
Et c'est au milieu de tous ces gens, que Naruto et Kiba, bras dessus bras dessous, chantaient maladroitement, pompettes et tout sourire. Il était vingt-deux heures trente et le rose du ciel virait à présent au violet. Les lampadaires dans les rues commençaient à s'allumer et les derniers commerces fermaient leurs volets : tout, autour d'eux, semblait annoncer la fin. Les deux garçons montèrent sur un des nombreux ponts qui traversaient le canal, en hauteur. Devant eux, tout un panorama : une saison qui tirait sa révérence et de jeunes gens qui la sentaient s'en aller en silence. Ils étaient fiers, tous les deux, surplombant le canal. Alors ils se regardèrent, se mirent à rire à pleins poumons : ils étaient les rois du pont, comme ils ont été les rois de cet été.
« C'était tellement drôle quand t'as fait croire à Hinata qu'on était ensemble pour qu'elle te lâche enfin les baskets !
- Elle devenait impossible ! Et même après ça, elle continuait à me harceler et j'arrêtais pas de lui dire : nan mais, t'sais, tu vas pas me faire changer de bord ma chérie, fit Naruto dans une piètre imitation.
- Par contre, t'étais pas obligé de m'embrasser devant elle ! Je sais que t'en pinces pour moi secrètement, mais t'aurais pu te retenir…
- Mais oui, mais oui, bien sûr. C'était mon objectif cet été, t'embrasser et sentir ton haleine de chien. Même la bouche d'Akamaru sent mieux.
- Bâtard, s'esclaffa Kiba, alors comme ça t'as senti la bouche de mon chien ? Je savais pas qu'en plus d'être pédé t'étais zoophile.
- Ouaip ! Et nécrophile, et pédophile aussi, tiens ! Et Tsumephile et Hannahphile.
- Enfoiré ! »
Il marqua un temps, puis reprit, nostalgique :
« Plus sérieusement… on en a passé de belles journées cet été.
- Ouais… ça, tu l'as dit. Ca va être chiant sans toi. Tu pars à quelle heure demain ?
- On était censés prendre la route ce soir, mais maman était trop crevée. Hannah est déjà partie avec son copain. Elle reprend le boulot au cabinet mercredi, mais elle a préféré rentrer un peu plus tôt. Du coup, comme j'ai pas encore récupéré mon permis, maman s'est dit que quitte à être la seule à conduire, mieux valait le faire tôt le matin que tard la nuit.
- Quel gland en même temps !
- J'te signale que si tu m'avais pas autant fait chier pour arriver tôt à cette soirée, je l'aurai toujours, mon permis.
- Mais oui c'est ça, tocard ! J'te rappelle que c'est toi qui voulait à tout prix arriver avant Shikamaru pour draguer Hanabi en premier. Et en plus, espèce de connard, moi j'arrêtais pas d'te dire qu'il était sur Temari mais môssieur voulait rien entendre. Qu'est c'que t'étais chiant ce soir là ! T'étais hyper bourré en plus, t'arrêtais pas de faire des câlins à tout l'monde et embrasser tout l'monde. Et comme d'hab, t'as fini à poil et c'était à moi de te ramasser comme une merde à la fin de la soirée. Et t'as d'la chance qu'on soit tombé sur un gentil Uber, sinon il nous aurait viré vu comment tu le faisais chier à l'arrière.
- Ah, ahah ! J'me souviens de ça ! Et j'avais même essayé d'embrasser Hanabi !
- Euh, tentative avortée avant même d'être initiée : dès qu'elle t'as vu bourré et senti que t'allais t'approcher, elle t'a foutu une de ces baffes mon vieux !
- Ouais, mais bon, ça compte pas, maugréa-t-il. J'ai quand même fini par la choper.
- Oui, après que je lui aie parlé pendant des jours et des jours pour t'arranger le coup... et qu'elle ait assez bu pour oublier que sa soeur était sur toi !
- Roh ! Arrête de t'attribuer le mérite. Et puis, si j'avais pas été aussi beau, t'aurais pu lui parler pendant des mois ça n'aurait rien changé. »
A cet instant-là, Naruto ne pût s'empêcher de trouver que son meilleur ami était beau : il avait encore ses joues d'enfant. Ses traits malgré tout, commençaient à se raffermir. Naruto en était sûr, Kiba allait devenir un bel homme. L'année prochaine, ils allaient avoir vingt ans et Naruto espérait au plus profond de lui que son meilleur ami conserverait dans ses yeux cet éclat espiègle que la vie n'avait pas encore décidé de ternir.
L'effet de la boisson commençait à s'estomper et la nostalgie le gagnait. Il baissa la tête un instant, se pinça l'arête du nez en fermant fort les yeux puis se redressa. Une pensée avait désormais envahi l'esprit de Naruto et elle revenait à lui, le harassait inlassablement malgré ses tentatives pour la refouler. Elle avait germé petit à petit, tout au long de leur conversation. Il ne voulait pas laisser cette simple pensée gâcher ces derniers moments, mais l'alcool l'avait aidée, cette pensée. Ses barrières mentales commençaient à se relâcher jusqu'au point où cette pensée réussit à s'imposer avec tellement de force que Naruto l'entendait crier dans sa tête.
Une seule phrase revenait sans cesse, comme une sentence : « C'est la fin. ».
« C'est fini. » dit Naruto, comme s'il faisait un aveu qu'il avait peur d'exprimer.
Kiba, qui était encore resté sur l'histoire avec Hanabi eu tout à coup très chaud. Ses joues devinrent rouges instantanément et il sentait le sang pulser contre sa tempe. Cette simple phrase lui fit l'effet d'une douche froide. Si une telle chaleur ne l'avait pas autant envahi, il aurait eu l'impression de se prendre un sceau d'eau glacée en pleine figure. L'espace d'un instant il fut frappé par cette révélation, comme s'il ne l'avait jamais envisagée.
La seconde d'après, cette banalité qui lui avait fait l'effet d'un choc passée, il répondit enfin :
« Oui, on dirait bien que c'est fini.
- On en a passé de bons moments... toi et moi, dit Naruto.
- Tellement... Je redoutais ce moment depuis ce matin, tu sais... J'ai pas envie que ça s'termine.
- Ah, parc'que tu crois que je saute de joie à l'idée de retourner en cours demain ?
- Toi au moins, tu s'ras bien. T'imagines ? T'as été pris à l'Université de Konoha, c'est la meilleure de tout le pays ! Moi ? je vais devoir rentrer avec maman à Iwa.
- Oui, mais ils sont tous là-bas. Moi, j'vais être tout seul dans mon p'tit appart.
- Baah ! T'avais qu'à pas être intelligent !
- Et me retrouver avec ce ramassis de merde, s'esclaffa Naruto, tu parles !
- J't'emmerde ! Shikamaru va à Iwa, lui aussi ! Et il est plus intelligent que toi, se défendit Kiba. On a juste pas voulu s'faire chier pendant les concours, c'est tout !
- C'est ça, c'est ça… cause toujours !
- Pff, pédé !
- Enculé ! ».
Ils firent semblant de s'insulter encore quelques instants.
Ce n'est qu'après avoir remarqué que le canal était à présent presque désert que les deux garçons se virent rattrapés par la réalité.
« J'ai envie de pleurer.
- Naru.. T'es bourré... ne dis pas ça, le rassura Kiba, on va se revoir ! Je sais pas quand, je sais pas où, mais on va se revoir ! Et puis, c'est pas comme si on allait perdre nos téléphones, nos ordis, et qu'internet existerait plus !
- Je sais Kiba, je sais, renifla Naruto, mais j'ai pas encore envie d'y retourner. C'est trop tôt. Déjà, les autres ils me manquent. Alors toi !
- Je sais Naru, je sais. Allez viens, assieds toi. Voilà. Passes tes jambes à travers les barrières, comme moi, et viens on reste un assis comme ça. Si tu veux, on reste encore un peu. On finit la bouteille et on s'fume nos dernières clopes, ok ?
- Ca marche, oui, ok, sourit Naruto. J'suis content qu'on ait pu passer cet été ensemble. T'imagine, on se connaît depuis tous petits, et il aura fallu attendre d'avoir putain de dix-neuf ans avant de passer un été ensemble !
- Ben en même temps, avant qu'on soit majeurs, on était obligés de suivre nos parents en voyage. Là, c'est la première fois qu'on peut faire à peu près c'qu'on veut.
- Ca, tu l'as dit… avec toutes les conneries qu'on a faites ! Un peu qu'on a fait c'qu'on veut ! »
Kiba souriait tendrement en voyant Naruto reprendre si rapidement son habituelle bonne humeur. Il était une des rares personnes à connaître son ami aussi bien. La plupart des gens ne voyaient en lui qu'un idiot fini. Ceux qui le connaissaient un peu plus, savaient qu'il jouait un rôle : certains se disaient qu'on ne pouvait pas être aussi bête et avoir d'aussi bonnes notes, mais d'autres - ceux qui faisaient l'effort de le connaître - ont tous bénéficié à un moment ou un autre de l'aide de Naruto. Quand il s'agissait de venir en aide à quelqu'un, Naruto était capable des plus grands prodiges. S'il avait la réputation d'être particulièrement gauche, il n'en restait pas moins qu'il avait un cœur entièrement dédié au bonheur d'autrui. Tout son groupe d'amis s'adorait et s'appréciait, mais chacun n'était réellement proche que de Naruto.
Et Naruto avait Kiba.
Kiba était le seul auprès de qui Naruto se confiait. Et c'était réciproque. Ce qui l'avait touché plus que tout, c'était le fait que derrière sa force apparente, derrière son dévouement pour ses amis, Naruto était tellement fragile, mais ne laissait jamais rien transparaître. S'il lui fallait sacrifier un peu de son bonheur pour faire celui de ses amis, Naruto le faisait systématiquement et y consentait comme si cela avait été la chose la plus naturelle, la plus normale au monde. Alors, l'ayant compris, Kiba s'y était résigné, en même temps qu'il s'était résolu à protéger son meilleur ami contre quiconque tenterait d'en profiter, d'en user et en abuser, comme ce fut le cas tellement de fois par le passé.
Alors Kiba passa un bras autour des épaules de Naruto et l'attira contre lui. Ils étaient assis sur le pont, les jambes dans le vide, au sommet de la colline par laquelle serpentait le canal. Devant eux, les lumières de Konoha et les dernières lueurs du soleil. Ils restèrent ainsi longtemps. Quelques fois, Naruto faisait une remarque : un oiseau l'intriguait, une lumière le faisait penser à une anecdote… mais ils ne parlaient pas réellement. Ils se contentaient de profiter de cet instant. Il n'avaient pas besoin de parler. Des passants les regardaient, les prenaient pour un couple. Lorsqu'un jeune homme fit une réflexion, Naruto voulu lui répondre mais Kiba l'en empêcha : « Tu te souviens de la chanson de Jason Mraz et Colbie Caillat ? Lucky I'm in love with my best friend ! Bah voilà ! On n'a rien à dire ni à prouver ! ». Ce à quoi Naruto répondit qu'il aurait plutôt pensé à la chanson Bromance de Avicii.
Les éternels goûts musicaux commerciaux de Naruto firent alors rire Kiba une dernière fois cette année-là.
« Allez, il est temps d'y aller. J'ai pas fini de ranger ma valise et ma mère doit être en train de m'attendre. J'te raccompagne ?
- S'tu veux, mais j'ai pas envie d'te faire faire un détour.
- Tu parles, ça s'rait pas la première fois ! Allez, on y va ! »
Naruto habitait à proximité du canal, dans une ruelle qui lui était perpendiculaire. Il saisit lentement la combinaison sur le digicode et préféra prendre les escaliers plutôt que l'ascenseur. Inconsciemment, il espérait peut-être rallonger au maximum cet au-revoir. Arrivés devant sa porte, Kiba demanda à aller aux toilettes. Pendant qu'il se lavait les mains, Naruto appréhendait... et lui, il songeait à l'appréhension de son ami. Il ferma l'arrivée d'eau puis sorti lentement de la salle de bains de Naruto. Il longea le petit couloir qui donnait sur la seule et unique pièce de cet appartement. Ca va, quand il aura fait un peu de ménage, ça aura l'air plus grand, songea-t-il. Naruto lui donnait le dos. Il était dans le balcon, face aux toits de la ville. Kiba l'y retrouva et lui mis une main sur l'épaule.
« Je vais y aller maintenant.
- Oui, je sais. »
Naruto se retourna et lui fit face. Cette fois-ci, il sourit. Il ne voulait pas que la dernière image que son meilleur ami garde de lui soit celle d'un garçon triste et défait. Kiba lui rendit son sourire. Pour la deuxième fois de la soirée, il l'attira contre lui pour une dernière étreinte. Ils se séparèrent après un temps, puis Naruto l'accompagna à la porte de son appartement. Kiba appela l'ascenseur. Ils se dirent au revoir sur le palier, et lorsque Kiba entra dans la cabine, Naruto lui fit un clin d'œil et un doigt d'honneur, auquel Kiba répondit en tirant la langue.
A présent seul dans son appartement, Naruto s'affala sur son canapé lit tout en se déchaussant avec ses pieds et jetant son tee-shirt bleu et son short beige sur le sol : il était trop fatigué pour se changer convenablement. C'est en caleçon, presque nu, le balcon ouvert et un léger vent soufflant, le rafraichissant en cette dernière nuit d'été, qu'il s'endormit.
Dehors, Kiba rentrait chez lui. Demain, sa mère et lui auront définitivement déménagé. Il pensait à son meilleur ami et espérait de tout son cœur qu'il réussirait à s'en sortir tout seul, qu'il serait fort et ne se laisserait avoir par personne. Son ami avait beaucoup mûri et Kiba était désormais convaincu que Naruto serait solide. Oui, il était serein. Et ce fut sur cette pensée qu'il rentra enfin chez lui.
Ce qu'il ne savait pas – et il ne serait pas là pour le voir, c'était que dès le lendemain, Naruto Uzumaki allait faire la rencontre de Sasuke Uchiha.
Ma-ax
