Commentaire :
Cette fanfic se concentre surtout sur un potentiel couple
Valdrigue/Ruruka, même si Hallwil n'est pas pour autant
délaissé. Je trouvais simplement intéressant de
développer les sentiments de Ruruka pour son maître (et
son côté un poil pervers, uhuh). L'histoire est
relativement simple puisqu'elle se base sur un conte, Rapunzel ou
Raiponce. Si vous ne le connaissez pas, je vous conseille de le lire
(en sachant qu'il existe sans doute plusieurs versions, dans la
mienne, le prince se fait crever les yeux par la sorcière qui
ne souhaite pas qu'il délivre la princesse).
J'aurai
certainement pu faire une fanfic plus longue avec ce fil conducteur,
elle est en effet relativement courte et « légère ».
Toutefois, ayant des projets plus importants, j'ai préféré
me concentrer sur l'essentiel. Il n'est toutefois pas impossible
que je la réécrive un jour, si le cœur m'en dit.
Enfin,
ceux qui auraient regretté l'absence de lemon dans ma
dernière fanfic (Finder No Aishû) seront servis. Je suis
vraiment rouillée pour en écrire.
Ah oui,
j'ai utilisé le terme « animal sacré »
pour Ruruka car la traduction anglaise de Nakama place plusieurs fois
le terme « sacred beast » pour le désigner.
J'ai retranscrit tel quel en français. Comme je n'ai pas
lu de VF du manga, j'ai aussi utiliser le vouvoiement pour Ruruka,
lorsqu'il parle à Val.
Valdrigue bougea légèrement alors qu'un soleil taquin
venait lui réchauffer le visage. Les menottes, qu'il portait
pour contenir le démon lorsqu'il dormait, cliquetèrent
discrètement alors qu'il se tournait sur le côté.
Il tira par automatisme un peu plus la couverture sur lui, désireux
de se mettre à l'abri de cette douce chaleur qui essayait de
lui faire quitter Morphée.Un coup
de bâton sur la tête vint le réveiller. Il grogna
et se redressa pour fixer Hallwil d'un regard mécontent.
« -
Debout, espèce de paresseux, » tonna le mage aux
cheveux longs et argenté tout en se détournant.
Valdrigue
grogna à nouveau en se massant le front. La douleur était
toujours là, il se demanda s'il avait une marque. Son
compagnon d'aventure n'y était pas allé de main
morte. Et dire que ça osait se prétendre mage !
Depuis quand un mage usait-il ainsi de coups de bâton ?
Heureusement, le jeune prince n'était pas spécialement
rancunier. Sa mauvaise humeur s'effaça rapidement. Pour
laisser place à la faim.
Le soleil n'était pas encore très haut dans le ciel
mais une longue route les attendait. Ils devaient se rendre à
Serasudel, royaume des magiciens, pour trouver le moyen de guérir
Valdrigue de sa malédiction et lui permettre de rentrer chez
lui, récupérer son trône de prince. Voyage qui
n'enchantait guère Hallwil et le jeune homme se demandait
bien ce qu'il pouvait cacher à ce propos. Nommer Serasudel
mettait le sorcier d'une humeur un peu plus mauvaise qu'à
l'habitude. Il cachait visiblement quelque chose d'important à
ce sujet mais le questionner là dessus était vain.
Valdrigue s'y était essayé durant les deux derniers
jours, sans aucun résultat, hormis un ou deux sarcasmes amers
et incompréhensibles.
Alors qu'il se redressait pour s'étirer de tout son long,
Ruruka bondit sur son épaule et enroula sa queue autour de son
cou. L'animal sacré gloussa malicieusement. Ses longues
oreilles de lapin caressaient la joue de Valdrigue.
« - Vous avez passé une bonne nuit, maître
Val ? » questionna-t-il avec curiosité.
Le jeune homme ramassa son épée maudite et se contenta
d'un vague murmure pour première réponse, avant
d'accorder plus de détails à l'étrange
créature :
« - Je me sens fatigué. Et un peu courbaturé. »
Ruruka se mit à nouveau à rire et Hallwil qui se tenait
un peu plus loin, au côté de sa démoniaque
monture, se tourna vers l'animal sacré pour lui adresser un
regard noir et assassin.
Valdrigue eut un léger sourire. Hallwil ne semblait guère
apprécier Ruruka alors qu'ils avaient couru de graves
dangers pour le retrouver. Combattre un dragon entre autre… Le mage
avait même été empoisonné et, à ce
souvenir, le prince se rembrunit. Il avait tellement eu peur de
perdre celui qui représentait son seul espoir de guérison.
Hallwil avait promis de le délivrer du démon qui le
possédait. Et puis… Peut-être s'était-il tout
simplement attaché au sorcier, malgré son mauvais
caractère.
Il se sentait parfois… Etrange en sa présence. Cette
impression de le connaître d'un point de vu physique, alors
qu'ils ne s'étaient jamais touchés. Du moins pas de
cette manière... Intime… Celle des amants.
C'était embarrassant. Le corps du mage lui paraissait si
familier. Ses lèvres l'envoûtaient, il avait parfois
envie de…
« - Cesse de rêvasser ! Nous avons une longue
route si nous souhaitons arriver à Serasudel dans dix jours, »
rappela Hallwil, perché sur le dos de sa noire monture.
Le jeune homme secoua la tête pour effacer ses pensées
gênantes puis attrapa les rênes de son cheval pour se
hisser dessus. Ruruka ronronna alors qu'il se dépêchait
de rattraper Hallwil, qui avait profité de sa distraction pour
prendre de l'avance.
Le chemin de terre s'étendait au milieu d'une paisible
forêt. Les arbres avaient un feuillage d'un vert lumineux et
le sol était tapissé d'herbes, de mousses et de
fleurs. Les sifflements des oiseaux venaient donner à
l'atmosphère un peu plus de sérénité.
C'était le genre d'endroit paradisiaque où l'on
se serait fort bien vu entamer un pique-nique à l'ombre des
arbres.
Ruruka, toujours perché sur les épaules de Valdrigue,
s'était d'ailleurs endormi. Le silence s'était
installé depuis longtemps entre les voyageurs.
Le prince gardait les yeux rivés devant lui. Du moins essayait
car il ne pouvait s'empêcher par moment de jeter des regards
à Hallwil, qui le précédait de quelques mètres.
Il ne voyait que le dos du sorcier, sa cape sombre s'étendant
jusque sur la croupe de sa monture et ses longs cheveux argentés
tombant négligemment dans son dos. Le bâton était
attaché à la selle.
Valdrigue se sentait gêné d'être constamment
attiré par la haute stature de l'homme qui le devançait.
Il n'était guère poli de déshabiller ainsi les
gens du regard, encore plus lorsqu'ils étaient du même
sexe que soi. Et encore plus lorsqu'on le faisait parce que l'on
ressentait un désir confus.
… Dire que l'on représentait souvent les mages comme des
hommes d'âge avancés et portant une barbe… Hallwil
n'avait absolument rien d'un vieillard malgré ses cheveux
argentés. Il était robuste, peut-être même
trop pour un praticien des arcanes.
Quel secret cachait donc cet homme au sujet de Serasudel ? Et
trouveraient-ils vraiment là bas le moyen de délivrer
Valdrigue de sa malédiction ? Du démon qui le
possédait et provoquait tant de malheur ?
Le prince frissonna en repensant aux morts qu'il avait causé,
sans le vouloir. Ses doigts se crispèrent sur les rênes
et il baissa tristement la tête. Il avait simplement voulu
protéger son peuple… Et le démon s'était
emparé de lui.
Le cheval de Valdrigue se mit soudainement à hennir pour se cabrer ensuite. Le jeune homme, pris par surprise, fit une chute violente et perdit connaissance.
« - Maître Val ? »
Le prince gémit et ouvrit lentement les yeux pour apercevoir
le visage de Ruruka au dessus de lui. L'animal sacré avait
pris forme humaine. Quoique « humaine » était
vite dit. Il possédait des cheveux tirant à la fois sur
le roux et le rose. Deux longues tresses pendaient sur ses épaules.
Ses yeux étaient rougeoyants, ses oreilles pointues, son
aspect général plutôt androgyne.
« - Que s'est-il passé ? »
marmonna Valdrigue tout en se redressant. Il aperçut son
cheval non loin, broutant paresseusement l'herbe au pied d'un
arbre.
« - Je ne sais pas, » répondit Ruruka,
agenouillé à côté de lui et les mains
posées sur ses genoux. « Je dormais… Et puis…
Vous êtes tombé, je me suis réveillé et…
« - Où est Hallwil ? » s'inquiéta
le jeune homme en s'asseyant. Sa tête lui tourna quelques
secondes mais il parvint à jeter un regard aux alentours. Le
mage et sa monture n'étaient nul part en vu.
« - C'est bien ça le problème, »
constata Ruruka avec un sourire gêné. « On
dirait qu'il a disparu. »
L'animal sacré eut un rire nerveux avant d'aider Valdrigue
à se redresser.
« - Dire que cette forêt avait l'air normale, »
soupira-t-il en se frottant l'arrière du crâne. « Peu
importe. Nous devons retrouver Hall le plus rapidement possible. Il
est peut-être en danger.
« - A moins que cela ne soit nous qui soyons en danger, »
toussota Ruruka en tendant ensuite le doigt en direction de formes
sombres et menaçantes qui se rassemblaient sous l'un des
arbres.
C'était bien leur veine !
Valdrigue tira son épée hors du fourreau. La lame rouge
chatoya sous la lumière du soleil. Et alors qu'il se
préparait mentalement au combat, il priait aussi pour que le
démon ne s'éveilla pas. Hallwil n'était pas
là pour le maîtriser si jamais… Ruruka n'était
certainement pas assez puissant pour le faire. Il ne voulait pas
blesser l'animal sacré.
« - Reste derrière moi, » ordonna-t-il
d'un ton ferme tout en poussant Ruruka du bras.
L'une des ombres se déplaça avec la rapidité
de l'éclair jusqu'à eux. La créature avait
un aspect étrange. Deux bras et deux jambes plus longs que la
moyennes, terminés par des griffes recourbés, et une
peau noire semblable à du cuir brillant. Sa tête
allongée paraissait dépourvue d'yeux, mais sa gueule
dévoilait des crocs effilés.
Valdrigue serra un peu plus fort la poignée de son épée
tout en portant un coup circulaire pour faucher le monstre dans son
élan. En vain. L'être stoppa net et se déporta
d'un bond sur le côté pour échapper à
l'attaque. Elle fondit ensuite droit sur le prince. La lame lui
transperça l'épaule gauche dans une gerbe de sang
noir mais la mâchoire du monstre eu le temps de se refermer sur
le bras de Valdrigue. Celui-ci cria et se sentit empli d'une rage
incontrôlable. Le prince retira d'un geste sec son épée
avant de l'enfoncer dans le ventre de son agresseur surnaturel.
Un éclair déchira l'air et vint déchiqueter la
créature qui n'avait pas lâché prise sur le
bras de Valdrigue. Ruruka n'était pas dépourvu de
moyen de défense et il ne pouvait rester sans réagir
lorsque son maître était en danger.
« - Val ! » s'écria-t-il tout en
venant supporter le jeune prince qui perdait soudainement
l'équilibre.
Le sang noir du monstre couvrait Valdrigue. Mais plus effrayant que
cela, c'était la teinte que prenait son regard. Ruruka
recula alors que la peau du prince se mettait à foncer et que
ses yeux devenaient ceux d'un serpent. Il n'avait jamais autant
regretté l'absence d'Hallwil qu'en cet instant.
Le
sorcier posa un regard suspicieux autour de lui alors que des
chuchotements se faisaient entendre aux alentours. Il n'avait guère
senti de maléfice lorsqu'ils avaient pénétré
dans la forêt. A présent, l'air lui-même
semblait être devenu plus lourd.
Hallwil
balaya à nouveau du regard le cercle de pierres levées
au milieu duquel il se trouvait. Alors qu'il suivait le chemin de
terre, il s'était soudainement retrouvé là,
sans raison apparente. Valdrigue avait disparu. Ruruka aussi mais
l'animal sacré lui importait peu. Seul comptait le prince et
le démon qui l'habitait. Hallwil ne pouvait permettre qu'il
leur arrive malheur.
Il ne
retournait pas à Serasudel, après tout ce qui s'était
passé là bas, pour de la confiture de prune. Il était
hors de question d'abandonner en cours de route ! Cette
stupide sorcellerie ne ferait pas long feu. Hallwil était
confiant à ce sujet.
Sa seule
réelle inquiétude était de savoir dans quel état
il retrouverait Valdrigue et comment il allait punir l'auteur de
cette mascarade, s'il parvenait à mettre la main dessus.
Hallwil
leva légèrement son bâton au dessus de lui et
prononça un mot de pouvoir.
Le cercle
de pierre vola en éclat sans opposer de résistance.
C'était
une façon comme une autre de défouler sa colère…
Ruruka
s'était tapis au pied d'un arbre lorsque le démon
avait surgi. Il avait beau eu essayer de raisonner Valdrigue,
celui-ci ne l'entendait plus désormais et l'Autre avait
pris la place, dans toute sa bestialité.
L'animal
sacré songeait, non sans cynisme, qu'il n'y avait rien de
plus efficace qu'un démon en colère pour nettoyer la
place de toute autre présence néfaste.
Valdrigue
offrait en cet instant un sens nouveau au terme boucherie. Il donnait
aux tripes et aux membres qu'il arrachait un petit côté
art moderne, lorsqu'il les abandonnait ensuite un peu partout au
sein de la végétation. Si Ruruka n'avait pas tant
tenu à sa vie et, surtout, à passer inaperçu de
tous les acteurs de cette scène, il se serait certainement
levé pour applaudir joyeusement le démon, qui restait
son maître même sous cette apparence. Et puis, après
tout, Valdrigue n'était pas déplaisant ainsi, avec sa
peau bronzée, ses tatouages qui lui couvraient le corps et…
Ses crocs et griffes acérées… Hum… Ruruka décida
d'opérer une fuite aussi stratégique que lâche,
le temps que les choses se calment. Du moins, c'est ce qu'il eut
réellement envie de faire, avant qu'un des monstres noir
comme la nuit ne se jette sur lui.
L'animal
sacré cria.
La tête
de la créature vola loin de lui.
Une gerbe
de sang lui aspergea le visage, histoire de clore la beauté du
tableau.
Ruruka
s'essuya la joue tout en relevant les yeux sur Valdrigue.
« -
Maître Val, vous devriez essayer de vous calmer à
présent, » commença-t-il en se demandant si
c'était à nouveau le moment d'hurler à plein
poumon.
Maître
Val, décidément d'humeur joueuse et malicieuse
lorsqu'il était possédé, sauta sur Ruruka et
le plaqua à terre.
Hallwil
avait l'horrible impression de tourner en rond depuis plusieurs
longues minutes. Il était difficile de croire que tous les
chemins de cette forêt se ressemblaient comme des copies faites
avec un papier calque… Le sorcier finit par s'arrêter au
milieu du sentier et soupira bruyamment en apercevant un bosquet de
myrtilles déjà croisé une dizaine de fois.
Maudite
illusion… De la magie de débutant.
Valdrigue
et ce satané lapin magique étaient toujours
introuvables. Sans nul doute l'empêchait-on de les retrouver.
Celui ou
celle qui s'amusait ainsi avec lui allait le payer chèrement.
Hallwil
ferma les yeux et se concentra afin de repérer l'origine de
cette mascarade stupide.
Ruruka
eut un sourire crispé alors que le démon le fixait de
ses yeux de serpent. En d'autres occasions, l'animal sacré
aurait certainement été heureux d'avoir son maître
au dessus de lui mais… Les circonstances étaient légèrement
différentes de celles qui peuplaient ses rêves. Un peu
moins excitantes, beaucoup plus angoissantes. Il se dégageait
en plus une odeur infecte du sang noir qui les couvrait tous les
deux.
« -
Maître Val, revenez à vous, je vous en supplie, »
murmura Ruruka en posant prudemment les mains sur les épaules
du démon qui le dominait.
Le prince
métamorphosé ne semblait guère désireux
d'écouter ce qu'on lui disait. La plus belle preuve de cet
état de fait furent ses lèvres venant museler la bouche
qui ne cessait de produire des sons désagréables et
inutiles.
Ruruka
écarquilla les yeux de stupeur. Les canines du démon
lui entaillèrent la lèvre inférieure. Etait-ce
un accident ou bien un acte volontaire de la part de l'alter ego du
prince ? Une chose était sûre, le goût de son
propre sang n'était guère agréable. C'était
salé, étrange. Dégoûtant.
Ruruka plissa les paupières en essayant de rompre le baiser.
Echappant enfin à la bouche vorace du démon, il chercha
à se redresser mais Valdrigue le plaqua au sol à l'aide
de ses deux mains. Ses griffes meurtrissant légèrement
la peau de Ruruka.
Si jamais
Hallwil voyait cela… Il allait piquer une crise à voir son
démon chercher à assouvir ses désirs avec
quelqu'un d'autre.
Mais
Hallwil n'était pas là.
Ce qui
amenait Ruruka à se poser une très grave question…
Devait-il céder aux sirènes de l'envie et faire des
choses inavouables avec son maître ? Après tout, il
était censé obéir à Valdrigue. Et le
démon était dans le corps de Valdrigue. Donc ce que
souhaitait le démon, il devait logiquement le faire. Et si le
démon avait envie de satisfaire un brusque désir, il
fallait bien l'y aider, non ? Sinon Ruruka n'était
dans ce cas pas un serviteur loyal. Et puis, c'était de la
faute de Hallwil s'il n'était pas là pour soulager
lui-même Valdrigue de toute cette tension et se nourrir de son
énergie magique !
Ragaillardi
par ces constatations évidentes, Ruruka se mit à
ronronner en entourant le cou de Valdrigue de ses bras. Pour une
fois, ce ne serait pas que Hallwil qui aurait le droit de s'amuser.
Héhé…
Alors que
Ruruka et le démon se distrayaient comme ils pouvaient,
Hallwil avait à faire face à des problèmes bien
moins futile.
A force
de persévérance, il avait fini par arriver dans une
clairière, où se trouvait une veille tour carrée
en pierre grise, couverte de lierre. Le toit était au trois
quart écroulé et l'endroit avait l'air déserté
depuis des siècles. Pourtant, le sorcier ne se laissait pas
prendre au piège grossier.
Le mage
s'avança en direction du donjon et chercha la porte de
celui-ci. Force était de constater que celui-ci en était
totalement dépourvu. Hallwil eut un rictus moqueur.
Comme si
l'absence de porte allait l'empêcher d'entrer à
l'intérieur. Hallwil recula jusqu'à apercevoir une
fenêtre ouverte située au sommet de la tour. Bagatelle
pour un sorcier tel que lui. Hallwil brandit son bâton et
s'éleva dans les airs pour atteindre cette entrée
élevée. Il se posa sur le rebord de la fenêtre et
ce qu'il vit à l'intérieur le laissa tout d'abord
sans voix.
Ruruka
soupira d'aise alors que le corps nu du démon se frottait
contre le sien en sueur.
Au Diable pudeur et convenance. L'animal sacré se fichait
bien que l'endroit – l'herbe d'une forêt maléfique
pour tout matelas – ne soit pas approprié pour ce genre de
choses. Ce n'était pas comme s'il pouvait invoquer un lit.
Il avait des pouvoirs mais fallait pas rêver non plus !
Il
caressa la nuque de Valdrigue puis descendit le long de son dos
musclé. Atteignant finalement la naissance de ses fesses. La
peau bronzée du démon était brûlante et
humide sous ses doigts. Ruruka s'émerveillait du contraste
qu'il y avait entre la sienne si blanche et celle si foncée
et tatouée de son maître. Ils étaient de parfaits
opposés, non ? Valdrigue était bien mieux avec lui
et non pas avec ce mage pervers d'Hallwil.
Le démon
lui écarta les cuisses et Ruruka le laissa venir entre elles.
Leurs deux bas ventre se rencontrèrent et le garçon
frissonna de plaisir de par cette promiscuité un peu plus
grande encore. Leurs membres étaient déjà tendus
et durcis. Chaque mouvement contre sa peau l'électrisait. Il
nicha son visage contre le cou de Valdrigue. Même métamorphosé
en démon, son odeur restait la même.
Ruruka
emprisonna le bassin de Valdrigue entre ses cuisses, l'amenant
d'autant plus contre lui pour l'attiser. Il voulait le prince
pour lui seul et qu'en cet instant il lui accorde toute son
attention. Rien qu'à lui. Peu importait que son maître
ne soit plus réellement son maître lorsque sa
personnalité démoniaque et bestiale prenait le dessus.
Peu importait si le démon obéissait à une
pulsion instinctive en faisant l'amour avec lui. C'était
avec lui qu'il partageait cet instant et non pas avec le mage.
L'animal
sacré noua les doigts d'une de ses mains dans les mèches
brunes de Valdrigue. Il suçota la peau de son amant, le nez
toujours contre son cou. Sa main libre caressa rêveusement les
reins du démon.
Il poussa un gémissement lorsqu'il s'immisça enfin
en lui, obéissant à ses sollicitations. La douceur
était à peine présente. Peut-être Ruruka
le regrettait-il un peu. Mais y en avait-il lorsque le démon
subissait les assauts d'Hallwil chaque nuit ? Les dominateurs
ne savaient pas ménager leurs partenaires. Ils agissaient
violemment et promptement. Offrant un plaisir brut, sans grande
subtilité, mais pourtant efficace.
Sous
cette personnalité là, Valdrigue était un
dominateur, même s'il se trouvait en position de faiblesse
face au sorcier.
Ruruka
gémit un peu plus fort lorsque le prince s'enfonça
plus profondément en lui. Il marqua la peau bronzée de
ses ongles tout en se mordant sa lèvre déjà
blessée. Puis laissa échapper un autre soupir alors que
Valdrigue se retirait presque pour revenir ensuite avec plus de force
encore.
Abandonnant
les cheveux de Valdrigue, Ruruka amena sa main sur sa propre
entrejambe, la massant en rythme avec les mouvements de son amant en
lui. Le plaisir montait en lui par vague successive, il ne parvenait
plus à retenir ses cris de franchir ses lèvres.
Ses
cuisses enserrèrent un peu plus le bassin du démon
alors qu'il cherchait à l'attirer encore plus loin. Il en
voulait plus. Et à en juger par le regard que posait Valdrigue
sur lui, il n'était pas le seul à avoir cette
pensée...
Hallwil
sauta de la fenêtre pour atterrir dans la pièce. Les
ténèbres y auraient régné si quelques
bougies n'avaient pas éclairé celle-ci. Dans
l'atmosphère flottait les effluves d'une grande puissance
magique. Toutefois pas aussi grande que la sienne.
« -
Que faites-vous ici ? Qui êtes-vous ? »
demanda une voix effrayée.
Le mage
reporta son attention sur la jeune fille qui se trouvait assise dans
un fauteuil, en train de filer de la laine à l'aide d'un
rouet. Son visage, en plus d'être magnifique, respirait
l'innocence, la candeur la plus pure. Le décolleté de
sa robe descendait pourtant avec insolence sur les rondeurs de sa
poitrine. Elle possédait une longue chevelure blonde. Et
longue était en vérité un faible mot. Hallwil
était à peu près sûr que la longueur de
ses cheveux étaient suffisantes pour atteindre le sol de la
tour.
« -
Ceci explique l'absence de toute porte, » constata-t-il
à voix haute. Des cheveux comme échelle ou escalier.
« Ne serait-ce pas à moi de poser les questions ?
J'ai le sentiment d'avoir mis les pieds dans un vieux conte pour
enfant. »
La jeune
fille ouvrit la bouche puis la referma. Hésita. Et parla enfin
d'une voix à peine audible.
« -
Un conte ? Comment ça ? Je m'appelle Rapunzel et
ce qui se passe ici n'a absolument rien d'un conte ! »
Hallwil
détourna le regard pour fixer l'une des bougies, presque
consumée. La cire s'écoulait goutte à goutte
dans le bougeoir.
« -
Je ne pensais pas que les contes puissent être vrais. Je
suppose que c'est à moi de jouer le rôle du prince
dans cette affaire ? Et de vous délivrer de votre prison,
avant que la méchante sorcière de l'histoire ne
revienne. »
Rapunzel
fit tomber son ouvrage à terre en se levant brusquement du
fauteuil.
« -
Me délivrer d'ici et d'elle ? Vous le feriez ? »
s'écria-t-elle en joignant les mains, le regard plein
d'espoir. « Cela fait si longtemps que je suis enfermée
ici ! J'en ai oublié à quoi ressemblait le
monde, mes parents… Sont-ils seulement encore vivants… ? »
Sa voix
s'était faite attristée sur la fin et elle baissa la
tête en portant les doigts à ses lèvres
tremblantes. Une larme roula sur sa joue. Hallwil tendit la main tout
en souriant chaleureusement, ce qui n'était d'ailleurs
guère dans ses habitudes.
« -
Il ne tient qu'à vous de le vérifier, Rapunzel…
Venez avec moi. »
La jeune
fille releva un regard timide sur le mage, puis approcha sa main de
la sienne avec prudence. Elle fit dans le même temps un pas en
avant, sa longue chevelure traînant sur le sol derrière
elle comme une cape. Leurs doigts s'effleurèrent avant de se
joindre. Hallwil amena la jeune fille contre lui, passant l'autre
bras autour de sa taille mais ne lâchant pour autant pas son
bâton.
« -
Mon prince, » soupira-t-elle amoureusement en glissant son
bras autour du cou du sorcier. Celui-ci ferma à demi les yeux
et son sourire s'effaça.
« -
Je suis désolé… Mais je ne peux te laisser me tuer
pour assouvir ta folie. »
Rapunzel
recula précipitamment mais Hallwil la retint par la main.
L'expression de la jeune fille exprimait la plus grande fureur
alors que ses yeux se mettaient à luire d'une lueur pourpre.
Ses ongles s'allongèrent et elles les enfonça dans la
main du mage, qui ne céda pas pour autant pas à la
douleur.
« -
Haïssez vous donc à ce point les vivants pour tenter de
les piéger par des artifices ?
« -
Vous ne pouvez pas comprendre, » cracha la créature
en usant de son autre main pour frapper et griffer la joue d'Hallwil.
« Il avait promis de me délivrer de cette maudite
sorcière mais il a disparu une fois qu'il eut pris ce qui
l'intéressait ! Je lui ai offert ma virginité en
croyant être aimée ! Je l'ai attendu durant des
jours, des années, en vain ! Et lorsque la sorcière
est finalement morte de vieillesse, je me suis retrouvée seule
dans cette tour ! »
Hallwil
repoussa Rapunzel alors que celle-ci tentait d'attaquer à
nouveau. La jeune fille atterrit dans le fauteuil et poussa un
feulement de rage, révélant ses dents longues et
aiguisées. Le sorcier fit un pas de côté tout en
regardant en direction du lit, là où s'étendait
sous les draps la forme d'un squelette desséché par
les siècles. Des restes ternis d'une longue chevelure blonde
pendaient au sommet du crâne. Il avait remarqué le corps
dès son entrée dans la tour.
« -
Je suis morte de faim dans l'indifférence de tous, »
poursuivit-elle en se redressant. « Mon prince m'avait
abandonné, la sorcière qui me détenait
prisonnière était décédée. Nul
autre n'avait connaissance de mon existence ! Alors, lorsque
des voyageurs passent dans cette forêt… Lorsqu'ils ont
l'insolence de ressembler autant à mon prince que vous… !
« -
Alors vous les assassinez en leur crevant les yeux, »
termina Hallwil d'une voix sombre. « Et en aspirant leur
énergie vitale pour développer vos propres pouvoirs.
Mais tout cela est fini à présent. Vous auriez du nous
laisser continuer notre route, mes compagnons et moi. »
La
mâchoire de Rapunzel se crispa. Son beau visage était
déformé par la rage et par sa lente métamorphose
en démon. Ses oreilles s'allongeaient alors que sa peau
devenait plus pâle encore. Preuve de la mort qui l'avait déjà
une fois emportée. Des ailes de dragon déchirèrent
son dos et s'étendirent de toute leur envergure.
Ce fut à
cet instant qu'elle se décida à bondir sur ce
magicien qui osait lui tenir tête. Elle allait lui crever les
yeux et le torturer pour qu'il implore grâce, alors qu'elle
avait eu la bonté d'accorder une mort rapide aux autres. Ses
griffes noires s'approchaient dangereusement du visage de Hallwil
mais une affreuse douleur lui dévora le ventre et se répandit
en chacun de ses membres.
Le
sorcier avait tendu son bâton en direction de la créature
et lancé son sortilège. Ruruka se plaisait à se
moquer de lui, car il ne pouvait délivrer Valdrigue par
lui-même. Cela ne voulait pour autant pas dire qu'il n'avait
aucun pouvoir sur les autres.
L'esprit
de Rapunzel n'était pas mauvais en soi. Mais il n'avait su surmonter l'horreur de sa mort, celle de sa trahison, et s'était
enfermée dans une logique implacable et cruelle.
Le feu
lécha la peau de la créature qui se tordait à
présent de douleur sur le sol poussiéreux de la
chambre. Hallwil fixait son œuvre sans sourciller. Attendant que le
corps disparaisse petit à petit sous l'assaut des flammes
purificatrices. Lorsqu'une âme ne parvenait à trouver
d'elle-même le repos et se faisait posséder par ses
démons intérieur, il fallait parfois l'y aider un
peu.
Lorsqu'il
ne resta plus que cendres, Hallwil les ramassa et retourna à
la fenêtre pour les disperser dans l'air. Il resta ensuite
quelques instants, mains appuyées sur le rebord en pierre.
Regardant la forêt qui s'étendait en contrebas.
S'il
avait toujours détesté les contes, c'était
bien parce qu'ils osaient donner des fins plus heureuses que celles
qui se produisaient en réalité…
Ruruka
battit des paupières alors qu'il s'éveillait
lentement mais sûrement. Les souvenirs de ces instants passés
avec le démon lui revenaient avec force et il jeta un regard à
Valdrigue étendu nu à ses côtés.
Il avait
retrouvé son état normal. Pour une fois, l'animal
sacré le regrettait. Si l'alter ego démoniaque
n'avait pas un grand sens de la conversation, il savait comment s'y
prendre. Et à repenser à cette étreinte sauvage,
Ruruka sentit le feu se répandre à nouveau dans ses
veines.
Il se
pencha sur Valdrigue et lui caressa la joue. Si seulement le prince
se montrait moins naïf et remarquait enfin l'intérêt
qu'on lui portait. Ruruka ne comprenait même pas que le jeune
homme ne se soit pas encore rendu compte de ce qui se passait chaque
nuit, lorsque le démon prenait le contrôle. Pensait-il
donc que sa fatigue était simplement due à une mauvaise
nuit de sommeil ? Ses courbatures aussi ?
L'animal
sacré brûlait de lui révéler la vérité
sur ce cher Hallwil. S'il tournait bien les choses, il en tirerait
profit. Son maître lui accorderait plus d'attention et
peut-être partageraient-ils leurs nuits, au grand désespoir
du mage pervers.
Ruruka
approcha ses lèvres de celle du prince, afin de le réveiller
d'une façon agréable.
C'était
sans compter sur l'arrivée inattendue de son rival.
La voix
d'Hallwil explosa suffisamment fort pour réveiller Valdrigue
en sursaut. Celui-ci jeta un regard perdu autour de lui. Sur les
cadavres des démons, sur son propre corps nu, sur celui de
Ruruka (en rougissant) et enfin sur Hallwil (en rougissant plus). Il
agrippa finalement ses habits pour couvrir les parties les plus
intimes de son anatomie. Tout en ayant l'horrible sentiment que
quelque chose d'inavouable s'était passé durant son
inconscience. Il était naïf, certes, mais il y avait
certaines choses que toute la naïveté du monde ne pouvait
ignorer.
« -
Ruruka, j'espère que tu cours très vite, »
lança Hallwil alors qu'un sourire malveillant étirait
lentement ses lèvres et que des flammes dansantes
apparaissaient dans sa paume ouverte.
