Disclaimer : Fairy Tail ne m'appartient pas.


RULES - PARTIE I


Juin

La fenêtre Skype s'ouvre et il tombe sur le visage agacé de Luxus, qui mange un beignet. Ses sourcils sont froncés tandis qu'il met son surligneur derrière son oreille tout en avalant l'énorme bouchée qu'il a dû prendre, juste avant. Il s'essuie la main sur son pull pour retirer le sucre de sa collation, sourit, et se penche en arrière sur son siège.

« Hey, lance-t-il avec désinvolture, comment tu vas ? »

Gerald esquisse un bref sourire en se saisissant d'une bouteille d'eau, à côté de son ordinateur portable. Le bouchon tourne entre ses doigts et l'air du ventilo qui tourne à plein régime frappe son visage. Ça fait un bien fou ; la chaleur est horrible, tant qu'il n'ose pas imaginer les températures à l'extérieur.

« J'ai un truc à t'annoncer.

- Ah ouais ? Qu'est-ce que c'est ? Tu t'es enfin décidé à bouger ton cul et aller en soirée comme le commun de tous les étudiants ?

- Non, ça, tu peux rêver.

- Ce serait trop beau, se moque le grand blond en prenant une bouchée de sa pâtisserie. »

L'étudiant en astronomie boit un peu et essaie de trouver une tournure de phrase pour que sa nouvelle passe tranquillement mais, au bout d'une minute ou deux, il décide de se lancer et d'y aller directement. Ce sera plus simple. Et puis, depuis quand a-t-il besoin de prendre des pincettes avec ce gars ?

« Je vais vivre avec Erza l'année prochaine. »

Bien sûr, Gerald n'a pas prévu que son ami crache ce qu'il avait dans la bouche sur l'écran, rendant le visuel brouillé par des miettes et sans doute de la salive. Et, évidemment, il ne prend pas tout de suite la peine d'essuyer.

« C'est une putain de mauvaise idée, ça. »

Il se lève du siège pour nettoyer le gâchis de nourriture, avec une feuille d'essuie-tout.

« Pas vraiment. Après tout, on va dans la même université, ce serait stupide de prendre un appartement différent. En plus, les loyers sont élevés.

- Et tu ne pouvais pas prendre un appartement avec une autre personne ? Nan ?, raille Luxus en se remettant assis. T'es vraiment pas malin sur tous les plans. »

Gigotant un peu sur son fauteuil, le garçon se frotte la nuque. Il s'étonne durant un instant de ne pas sentir des mèches sur ses phalanges, puis se souvient qu'il s'est coupé les cheveux, la semaine dernière.

« On se connaît depuis longtemps et on peut veiller l'un sur l'autre. Ce n'est pas quelque chose de si mauvais que ça.

- Ça reste vraiment une idée à la con.

- Pourquoi ?, soupire Gerald en appuyant son menton contre sa paume.

- Oh pitié, tout le monde sait que tu aimes Erza. »

La voix de son ami est assez moqueuse, bien qu'irritée dans le fond. Ses bras se sont croisés au fur et à mesure de la discussion, lui montrant clairement que la situation est, pour lui, un nid à emmerdes.

« On a grandi, le lycée est passé. On est adulte maintenant. »

Le blond ricane et secoue la tête.

« Si ça te plait de vivre dans un monde où tu te mens, soit. Mais tu vas recommencer à ressentir cette merde pour elle et quand ce sera le cas, je me ferai un plaisir de t'entendre dire que j'avais raison. »

Les yeux verts se plissent un peu, légèrement, juste pour méditer sur ces mots. Puis Gerald hausse les épaules.

« Nah, dit-il, tout ira bien. »

Pourtant, alors qu'il voit son nom à côté du sien sur le bail, le jeune homme sent son cœur s'emballer et son ventre se tordre. Il déglutit pour chasser l'émotion coincée dans sa gorge.

Il n'a pas à s'inquiéter, pas vrai ?

Juillet

Erza avance tranquillement dans l'allée du magasin, observant les alentours avec une attention toute particulière. C'est elle qui est en charge de la décoration de leur appartement, le garçon n'ayant pas envie de protester à ce sujet. Et puis, ce n'est pas comme s'il accordait une grande importance à la couleur des coussins sur un canapé, ou encore au tableau qui sera accroché à l'entrée. Donc il la suit tranquillement, donnant tout de même parfois un avis, ce qui lui arrache un rictus à l'occasion.

Elle a une façon de sourire qu'il apprécie beaucoup et, à mesure du temps, Gerald commence aussi à trouver que cette idée de vivre avec elle est horrible. Mais c'est trop tard pour reculer, tous les papiers sont signés. Avec de la chance, tout se déroulera comme sur des roulettes : pas de complications, pas de sentiments oubliés qui refont surface, juste des bons moments avec cette amie en or.

Les mèches écarlates, ondulées pour aujourd'hui, flottent sous ses pas légers. Ses cheveux possèdent ce parfum un peu sucré, doux, fruité, qui lui donne toujours envie de l'enlacer pour faufiler son nez dedans. C'est enivrant et dangereux, il ne s'est jamais habitué, même s'il a déjà dormi avec elle plusieurs fois.

« Vu l'exposition qu'on a, ce serait chouette de prendre quelques plantes, tu ne crois pas ? »

Elle s'est retournée pour lui poser la question, en croisant ses fins doigts derrière son dos. Sa robe blanche bouge encore sous son mouvement subtil. Gerald hausse les sourcils, juste avant qu'un sourire taquin se faufile sur ses lèvres.

« Tu veux dire que tu veux des plantes pour que je m'en occupe, parce que tu les oublies toujours ? »

La rouquine gonfle les joues.

« N'oublions pas Fred, ce pauvre cactus, continue-t-il en se frottant le menton. C'est quand même un sacré exploit d'avoir tué un ca- »

Le moelleux coussin qui lui atterrit en pleine face lui indique clairement que le sujet « plantes vertes » est clos. Un gloussement lui échappe alors qu'il se remet en marche, cette fois à côté d'elle. Sa main tient la poignée du panier à roues qu'il tire tranquillement.

« Et si on allait regarder la vaisselle ? »

Erza lui jette un bref coup d'œil. Elle est en train de jouer avec une mèche rouge, s'amusant à l'enrouler autour de son index. Son regard pétille de malice, comme toujours.

« Tu parles de la vaisselle que tu vas sans doute casser ? Bien sûr, oui, allons-y. »

Août

Gerald n'aurait jamais pensé que se rendre pour de bon à leur appartement serait aussi intimidant. Le trajet dans le taxi se fait un peu en silence, ses quelques tentatives de blague étant compressées au fond de sa gorge. À côté de lui, Erza paraît très calme tandis qu'elle répond à ses messages, sur son téléphone. Il évite de la regarder, parce que la réalisation est dure à avaler ; il va vivre avec avec elle. Pendant un an.

Une. Foutue. Année.

Quand le véhicule s'arrête, il fourre une main dans la poche de son jean pour en sortir son portefeuille afin de régler le trajet, sauf que son amie le devance et tend un billet en direction du chauffeur. Le sourire qu'elle lui donne quand il s'apprête à protester lui fait oublier ses mots et stoppe son geste. Il a la brève pensée qu'il est mal barré s'il est aussi comme ça quand ils auront des disputes.

Bon sang, ce n'est pas le moment de redevenir un bisounours !

Le bâtiment ne possède pas d'ascenseur mais ce n'est pas un détail dérangeant. Gerald est tout à fait apte à monter au troisième, les bras plein de courses, même si ce détail ne plaît pas trop à la jeune femme. Cependant, leur appartement détient un charme indéniable, ce qui avait définitivement séduit sa colocataire lors de la première visite.

Ils sont en train de longer le mur vers la porte de leur petit cocon quand elle pose une question avec une voix enjouée.

« Est-ce que tu vas me porter sur le seuil ? »

Bien évidemment, les clés lui ont échappé des mains et se sont écrasées par terre, à ses pieds. Une flopée de pensées se bouscule dans sa tête et il se retrouve juste les lèvres entrouvertes, avec les yeux un peu écarquillés.

« Euh je- Quoi ? Enfin, si tu veux je- Non, mais, pourquoi ? Je veux dire, on n'est p-

- Du calme Gerald, je plaisantais, rit la demoiselle en reprenant les clés, ça va aller. »

Oui.

Évidemment qu'elle plaisante.

Pourquoi serait-elle sérieuse ?

Ce soir-là, Gerald a cédé et a envoyé un message à Luxus, approuvant l'intuition qu'il avait eue dès le départ. Sa réponse, le lendemain, n'est là que pour l'enfoncer davantage et le faire grogner ; il est un abruti et il devra l'assumer pendant une année entière, voire même plus. Parce qu'il ne va pas arrêter de côtoyer la rouquine du jour au lendemain.

Vivre avec Erza reste néanmoins assez agréable, mis à part les moments où son corps décide de s'emballer quand elle est trop proche de lui. Surtout durant les soirées télévision, où ils sont pelotonnés l'un contre l'autre, devant une énième série. Le reste du temps, il a remarqué ses petites habitudes de la semaine. Par exemple, aujourd'hui étant lundi, elle fera son yoga dans le salon, comme le mercredi et le samedi.

Elle apprécie le soleil qui passe par l'immense fenêtre de la pièce à vivre, caressant sa peau qui luit agréablement. Les muscles roulent sous la peau pâle, qui épouse chaque forme harmonieuse de son corps, et le ventre se tend tandis qu'elle s'étire. Combien de fois s'est-il étouffé avec le lait de ses céréales en regardant une goutte de sueur glisser sur la ligne de son estomac ? Beaucoup trop souvent.

Maintenant, dès que l'occasion se présente, Gerald se cache derrière son téléphone pour éviter de la regarder. Il fuit aussi la pièce, quand il n'arrive pas à contrôler ses mécanismes naturels fortement agaçants.

« Hey. »

Et puis, il y a aussi ces moments, où il est obligé de lui faire face.

Erza s'est installée sur la table basse et détache ses cheveux, les secouant pour les libérer correctement. La brassière et le short qu'elle porte ressemblent à un test de self-control. Trop de peau brillante, trop d'odeur alléchante. Trop d'elle.

« Oui ?, demande-t-il avec la gorge nouée.

- Ton cours de chimie commence à quelle heure aujourd'hui ?

- Hum, onze heures ?

- Tu n'as pas l'air très au courant, s'amuse-t-elle. Je pars avec toi dans ce cas.

- Mais tu commences plus tard, non ? »

La rouquine hausse les épaules pendant que, lui, baigne dans une profonde confusion, mêlée à la surprise. C'est quelque chose de déstabilisant quand elle agit de la sorte, parce qu'il ne sait jamais comment interpréter ça ; Erza et lui ont été proches durant toute leur enfance et même après encore. Il n'a jamais caché son attachement pour elle, ni son admiration pour son intelligence et toutes les autres qualités qu'elle possède. Il a toujours été présent pour elle, à chaque étape, même alors qu'elle sortait avec cet abruti de Simon durant une majeure partie du lycée.

Gerald a réalisé très vite que la vie ne s'arrêtait pas pour autant alors, lui aussi, de son côté, a expérimenté ce que ça faisait de partager la vie de quelqu'un. Et ça a duré, vraiment duré, mais une relation s'essouffle forcément quand l'une des personnes possède des sentiments pour une autre.

« Alors, hum, peut-être que tu devrais aller te doucher ?, propose le garçon.

- Je pense que c'est une bonne idée.

- C'en est une, sans douter. »

Le rire cristallin d'Erza fait s'envoler une horde de papillons dans son ventre et il jure intérieurement. Quand il est certain qu'elle est entrée dans la douche, Gerald se précipite vers son ordinateur pour appeler cet abruti de Luxus.

Le sourire moqueur qu'il lui offre dès qu'il accepte l'appel Skype lui donne envie de raccrocher tout de suite. Sauf qu'il se retient.

« Je crains, marmonne Gerald en se massant une tempe.

- Il n'est jamais trop tard pour s'en rendre compte.

- Ok, il faut vraiment que tu m'aides et que tu arrêtes de m'enfoncer.

- Ça dépend, tu t'es enfin décidé à avoir les yeux en face des trous ou tu aimes toujours autant faire l'autruche ? »

Le gémissement plaintif qui sort de sa gorge fait lever un sourcil au blond qui ferme un gros manuel. C'est amusant de voir à quel point ce gars a changé mais les raisons le sont moins, comme toujours ; devenir un avocat pour faire justice à son grand-père assassiné, qui a été son tuteur alors que son paternel croupissait en prison, montre juste à quel point il en a bavé.

« Je suis toujours amoureux d'elle, murmure-t-il en glissant une main dans ses cheveux. C'est désolant.

- Gray est vraiment nul pour les paris. Tu te rends compte qu'il a pensé que tu mettrais trois mois avant d'avouer ça ?

- Même moi je n'aurai pas dit autant.

- Ouais hein ? Un débutant. »

Luxus envoie sans aucun doute un message satisfait à leur ami avant de lui redonner toute son attention.

« Je pense que tu devrais établir une liste de règles. Des règles que tu devras respecter, dit-il en insistant bien sur le dernier mot.

- Du genre ?

- Du genre, ne pas cultiver tes fantasmes sur elle à la moindre occasion. »

Il a envie de rire mais se retient, parce qu'il sait qu'il en est capable. Vraiment capable. Et c'est clairement la pire des choses à faire, sérieusement. Ce serait signer son arrêt de mort, même si c'est un peu ce qu'il a fait en gravant sa marque sur ce maudit bail. Non mais bon sang, comment a-t-il osé songer une seule seconde que ça allait être une merveilleuse idée ?

« Tu en as d'autres comme ça ?, grogne Gerald en s'enfonçant davantage dans le siège du salon.

- Ne tombe pas sur elle quand elle est nue. Ça va te flinguer plus que tu l'es déjà. Oh et, ne t'endors pas à côté d'elle. Et tous les contacts improvisés, tu peux les oublier. Comme tous les innombrables compliments que tu lui destines.

- Mais-

- Et pas de sexe, mais ça tu t'en doutes. »

Luxus griffonne sur un bout de papier toutes les stupides règles qu'il est en train d'énoncer et se fera une joie de les envoyer ensuite. Il le sent d'ici.

« La plus importante, continue-t-il en levant à peine les yeux vers lui, ne lui dis jamais que tu l'aimes. »

C'est assez logique, à priori. Gerald se demande quand même s'il sera capable de respecter toutes ces consignes, parce qu'il se rend parfaitement compte qu'il a toujours un contact pour elle, un mot gentil. Une petite attention. Il aime prendre soin d'elle, comment pourrait-il tout plaquer d'un coup ? C'est inhumain. C'est de la torture. Oh mais tiens, ce n'est pas déjà ce qu'il se fait subir en habitant avec elle ?

« Oh ! Hey, Luxus ! »

Un sursaut fait se redresser les deux garçons et l'étudiant manque de faire tomber l'ordinateur de ses genoux. Le visage de sa rouquine préférée est juste à côté du sien et l'odeur de son savon le frappe de plein fouet. Elle est déjà sortie de la douche ? Il n'a rien entendu.

« Salut Erza !, s'exclame le blond. Ça fait un sacré moment, comment tu vas ?

- Bien, ça va, et toi ? Et Mira ? Je n'ai pas eu l'occasion de lui téléphoner hier.

- T'en fais pas, vous allez rattraper ça, j'en doute pas. »

Erza s'installe pour de bon à côté de lui et se penche contre son épaule, pour être toujours dans le cadre de l'image et parler à l'athlète.

« Alors, tu as quels cours cette année ? Toujours les mêmes ? »

Sa voix est ce qu'il y a de plus envoûtant et il a la fulgurante envie de glisser son nez dans les mèches flamboyantes, inspirer un grand coup, se laisser aller et-

Oh bordel.

« Euh, je reviens tout de suite, déclare brusquement le jeune homme. À plus Luxus. »

Il donne l'ordinateur à sa colocataire qui le regarde avec un air surpris, puis se précipite dans sa chambre après avoir prétexté de ne pas avoir préparé ses affaires pour les cours de la journée.

Septembre

L'odeur de légumes en train de cuire l'accueille quand il rentre enfin. Gerald est assez surpris, étant donné que c'est souvent lui qui prépare à manger et pas l'inverse. Une légère chanson donne une ambiance un peu plus chaleureuse et il tourne la tête pour voir la jeune femme balancer agréablement ses hanches sur le rythme des instruments. Le tissu de la jupe courte caresse ses cuisses finement musclées qu'il regarde, juste avant de se sermonner mentalement.

« Salut, sourit le jeune homme quand elle regarde par dessus son épaule. J'adore cette musique. Tu as bon goût, tu sais ça ?

- Tu en as douté ? »

Il rit et s'approche d'elle, profitant par la même occasion pour étudier le futur repas. Il a posé son sac sur l'îlot central, préférant donner toute son attention à la jeune femme qui coupe soigneusement des carottes.

« Comment était ta journée ?

- Parfaite, sourit-elle en essuyant ses mains sur un torchon. Et la tienne ? »

Gerald appuie sa paume sur le plan de travail, son corps orienté vers le sien quand elle se retourne pour lui faire face. Une mèche a échappé à son chignon rudimentaire et il meurt d'envie de la glisser derrière son oreille.

« Elle se termine bien. »

Les yeux marron, dorés, s'illuminent sous ses paroles. Il ne se rend pas tout de suite compte qu'il peut sentir son souffle sur sa mâchoire mais, quand c'est le cas, le garçon se recule en bafouillant quelques mots pour dire qu'il va mettre la table.

Il va se brûler les ailes dans cette histoire, il le sait, il est fichu.

Contrairement à d'habitude, la rouquine se met à côté de lui et non en face. Son épaule touche la sienne et leurs jambes s'effleurent.

« Tu te souviens de Sorano ? »

Une fourchette de riz en bouche, il hausse un sourcil, essayant de se souvenir de ce prénom. Il avale ce qu'il a en bouche et la remercie quand elle fait glisser un verre d'eau dans sa direction.

« Cette fille aux cheveux blancs. Tu l'as croisé la dernière fois, quand tu m'as rejoint à la bibliothèque.

- Oh, oui, je vois. »

Une jolie fille, qui a l'air un peu timide mais d'une gentillesse hors norme.

« Elle a demandé ton numéro. »

Gerald ne remarque pas tout de suite que son amie n'a pas encore touché à son assiette et qu'à la place, elle a sa joue contre son poing et qu'elle le regarde intensément. L'ongle carmin de son index caresse le rebord de la vaisselle.

« Tu veux que je le lui donne ? »

Sa question ressemble à un piège. Vraiment.

Ses yeux se perdent dans les siens jusqu'à ce qu'elle rompe le contact visuel, préférant déboucher la bouteille de vin qu'elle a posé à côté de l'eau. Elle remplit son verre, plus que ce qui est recommandé, avant d'en prendre une longue gorgée.

« Euh, ben, oui. Pourquoi pas ? Elle me paraît sympa. »

Il remarque les lèvres d'Erza se pincer mais ne dit rien à ce sujet. Elle est sur son téléphone, en train de faire défiler sa liste de contacts. Le reste du repas se fait dans le silence et c'est inconfortable. D'habitude, ils parlent, rient, même quand elle est dans une humeur massacrante. Ça fait un mois qu'ils vivent ensemble et elle n'a jamais eu ce type de comportement.

Quand Gerald s'est endormi sur le canapé, il est rapidement réveillé par un secouement perpétuel. Il grogne, ouvre un œil puis le deuxième, son esprit encore chaleureusement étreint par le sommeil. La digestion est rude, il a peut-être trop abusé.

« Qu'est-ce que tu fiches ?, marmonne-t-il avec une voix encore rauque de sa sieste.

- C'est vendredi soir, ne me dis pas que tu comptes passer ta nuit sur ce canapé devant la télévision.

- Et bien… si ? »

Il essaie d'ignorer le fait qu'il a une vue plus que satisfaisante du décolleté d'Erza, qui est accroupie pour être à hauteur de son visage.

« Je veux aller dans un bar.

- Je n'aime pas les bars.

- Gerald. »

Son ton est ferme. Il aime ça. Ça le fait frissonner.

« D'accord, grogne le concerné en se redressant. Je vais m'habiller.

- Mets ta chemise noire. »

Bien évidemment qu'elle décide ce qu'il doit porter. Le contraire serait étonnant. Mais Gerald se laisse faire. Il se laisse toujours faire avec elle. Il est peut-être vraiment masochiste. Ultia a raison.

« Où est-ce qu'on va ? »

Erza glisse ses longs cheveux sur une seule épaule, dégageant son cou gracieux. Le souvenir d'un rêve où il est en train de perdre ses lèvres sur cette peau crémeuse le saisit, mais il le repousse tout aussi vite qu'il est arrivé ; ce n'est pas le moment de s'exciter tout seul. La robe noire qu'elle porte épouse parfaitement son corps, jusqu'à mi-cuisses. Des cuisses mises en valeur, tout comme l'entièreté du galbe de ses jambes grâce aux talons qu'elle porte. Ses doigts aux ongles manucurés s'enroulent autour de son poignet pour le guider dans la foule.

Et puis, plus tard, sa main a fini dans la sienne pendant qu'ils se tiennent côte à côte, dans le tram. La ville grouille de monde et il est heureux d'avoir accepté de l'accompagner, même si Erza est une grande fille totalement apte à se défendre ; imaginer que des lourds puissent lui tourner autour alors qu'il dort comme une masse n'est pas agréable.

Son regard se perd sur le visage enjoué de son amie, qui observe les personnes dans la rame. Gerald se demande s'il sera vraiment capable de respecter les règles, parce qu'il en a déjà brisé une bonne partie. Donc tandis qu'ils entrent dans un bar assez chic, il se dit que ça n'a pas d'importance.

Après tout, il a déjà brisé bien plus que des règles pour rester auprès d'elle.