You give love a bad name
Sam Winchester regardait une fois de plus son grand frère faire les cent pas devant lui, sa pomette gauche légèrement abîmée et endolorie. Aussi loin qu'il s'en rappelait, Dean avait toujours eu cette manie quand il était préoccupé, ce qui arrivait en fait très fréquemment. Mais à voir comment il s'était comporté avec sa femme, par deux fois rien quand l'espace de quelques jours, on pouvait se demander s'il ne cherchait pas exprès les ennuis. Sam n'avait rien dit. Quand Amy s'était envolée grâce à ses nouveaux pouvoirs, il s'était contenté de se rassoir, de croiser les bras et de rester le regard vague alors que Dean se mettait à arpenter la salle d'attente de l'hôpital. Il y avait déjà deux heures de cela. Dean commençait à trouver le silence de son frère insupportable. De plus, ils n'avaient toujours pas de nouvelles de l'état de santé de Bobby. N'y tenant plus, et ayant besoin de parler ce qui était plutôt rare de sa part, l'aîné des Winchester se planta devant son frère, l'obligeant à relever la tête vers lui.
- Quoi ?
- Arrête Sam, arrête !
- J'ai rien dit Dean !
- Justement ! C'est vraiment pas ton genre. Allez, vas-y ! Fais-moi ton sermon ! « T'aurais pas dû la traiter comme ça…Tu veux la perdre comme avec Cass, comme à Colorado Springs, blabla bla… »
- Tu t'en sors très bien tout seul apparemment.
- Je suis un crétin, soupira Dean en baissant la tête.
- J'aurais pas mieux dit moi-même…ajouta Sam d'un ton las.
C'était toujours la même chose entre Amy et Dean, et ce depuis le début de leur relation sentimentale. Mais Sam trouvait que c'était un très mauvais moment pour se disputer avec elle. Elle était fragile et à la fois forte comme elle ne l'avait jamais été. C'était dans des circonstances similaires que Sam et Castiel avaient perdu le sens des priorités et des réalités.
- Qu'est-ce que je dois faire ? demanda Dean plus à lui-même qu'à Sam.
Ce dernier se demandait si il devait répondre et même ce qu'il devait répondre quand un médecin qui s'occupait de Bobby vint les rejoindre.
- Messieurs…J'ai du nouveau.
Amy ouvrit les yeux dans une chambre de motel qui lui était inconnue. Elle était habillée et n'avait même pas défait les draps. Mais ce qu'elle remarqua tout de suite, ce fut les traces de cet étrange sang noir et visqueux sur ses mains et ses vêtements. Bizarrement, la blessure qu'elle s'était faite à la main en frappant son mari avait disparu. Elle se redressa, barbouillée et se passa une main sur le visage.
- C'est normal de vous sentir mal…
Elle releva brusquement la tête et observa Nathanael dans un coin de la pièce.
- Nate ?
- Vous avez utilisé vos pouvoirs trop rapidement et d'une manière trop…excessive ce qui explique votre état…ça va passer.
- J'ai…J'ai explosé ces Léviathans.
- C'est exact.
Amy en avait de très vagues souvenirs. Elle avait seulement senti une immense colère l'envahir et l'envie irrépressible de faire usage d'une violence nouvelle qu'elle ne se connaissait pas. Elle se rappela alors soudain ce qui l'avait mise dans cet état.
- Bobby…murmura-t-elle. Je dois y retourner…ajouta-t-elle en tentant de se relever.
- Oh du calme ! Vous êtes encore faible…De plus…
- De plus ?
- Etes-vous sûr que ce soit une bonne idée ? Après tout, vous ne serez pas d'une grande utilité là-bas…
- Précise ta pensée.
- Vous vous rappelez que je vous ais dit ne pas avoir le pouvoir de guérison…
- Oui. Mais Kassandra…
- Il y a des pouvoirs de base, reprit Nate, que chaque super ange a obtenu mais il y aussi un pouvoir exceptionnel accordé à chacun…
- Quel est le tien ?
- Le feu que vous avez pu voir hier et le privilège d'être votre bras droit.
- Donc tu me dis que si je veux sauver Bobby il faut que je fasse appel à Kassandra ?
- Non. Je veux vous expliquer qu'en tant que premier super ange et leader de notre espèce, vous avez tous les pouvoirs…La base et les exceptions. Enfin une grande partie d'entre eux.
- Tu rigoles ? s'écria Amy qui n'en croyait pas ses oreilles.
- Ce n'est pas mon genre.
- Comment ? demanda la jeune femme en se levant brusquement. Comment je peux sauver Bobby ?
- Pour l'instant, vous ne pouvez pas. Il vous faut suivre la formation adéquate pour pouvoir utiliser correctement tous vos pouvoirs. Malheureusement, pour ça vous devez vous séparer de Sam et Dean pour une durée indéterminée.
Deux semaines plus tard – Cincinnati, Ohio
Carly Harrigan venait de sortir de son bureau du centre-ville de Cincinnati, d'un pas léger et guilleret. A 32 ans, elle était la vice-directrice d'un petit cabinet de gestion et comptabilité qui marchait plutôt bien. Elle venait d'obtenir la réponse positive d'un gros client qui allait faire faire un bond au petit cabinet. La jeune femme se sentait d'humeur généreuse. Elle arriva à sa voiture, la déverrouilla électroniquement et vit alors un homme qui pourrait bénéficier de son état d'esprit de cette fin de journée. Il portait de vieux vêtements, devait avoir une cinquantaine d'années. Surtout, il était aveugle, lunettes noirs et canne blanche à l'appui. Il était arrêté à un passage piéton et semblait hésitant. Carly n'eut aucune hésitation. Elle referma sa voiture et courut au secours de ce pauvre homme.
- Bonjour…Je vais vous aider !
- Oh merci Mademoiselle !
Carly sourit et fut très satisfaite du « Mademoiselle ». Elle aida l'homme à traverser la rue aussi délicatement qu'elle le pouvait. Il avait une légère odeur de vieilles pierres, de renfermé aussi et une douce note de sucré qu'apprécia beaucoup Carly. Une fois sa mission accomplie, l'homme serra très fortement la main de la jeune femme.
- Merci infiniment, merci !
- De rien ! ça va aller à présent ?
- Oui, merci ! Dieu vous le rendra !
- Au revoir Monsieur !
Carly repartit vers sa voiture avec le sentiment très agréable du travail bien fait.
Quelques heures plus tard, Carly était tranquillement installée dans son canapé, un verre de vin rouge sur la table basse et son ordinateur portable sur les genoux. Elle avait travaillé sur un de ses dossiers, bu la moitié de son verre et devait à présent prendre une douche. L'envie soudaine de laisser couler l'eau chaude sur son corps l'avait prise une trentaine de minutes auparavant. N'y tenant plus, elle posa son ordinateur sur la table basse et se dirigea vers la salle de bain. Elle alluma la douche pour laisser le temps à l'eau chaude d'arriver et se déshabilla lentement avant d'entrer dans l'habitacle de la douche, les portes en verre l'entourant étaient déjà couvertes de buée. Carly se plaça sous le jet d'eau et frissonna. C'était si agréable de se détendre de cette façon. Soudain, Carly crut voir une ombre passait devant la douche. Elle se frotta les yeux, ouvrit la porte et passa la tête en dehors de la douche.
- Y'a quelqu'un ?
Comme elle s'y attendait, personne ne répondit à Carly. Elle retourna sous l'eau mais elle n'eut pas le temps de se détendre qu'une des portes en verre de la douche vola en éclats. Carly cria de stupeur et hurla d'avantage quand quelqu'un lui attrapa la jambe. Elle sentit un souffle chaud et un bruit sourd parvint à ses oreilles alors qu'elle tentait de s'agripper à la douche puis plus rien. La douche continua de couler plusieurs minutes encore puis une main qui n'était pas celle de Carly Harrigan la stoppa.
Deux jours plus tard – Cincinnati, Ohio
- Agent Smith et John, on peut voir l'appartement de Carly Harrigan ?
- Vous avez de la chance ! La police a fini mais le service de nettoyage n'est pas encore passé…
La concierge de l'immeuble de Carly Harrigan emmena les agents Smith et John jusqu'à l'appartement de la victime. Les agents la remercièrent puis entrèrent. L'appartement était propre, moderne et bien rangé. Aucun signe ne dévoilait qu'un meurtre avait eu lieu dans cette endroit. Sam Winchester sortit de son long manteau noir d'agent du FBI son détecteur de champs électromagnétique et l'alluma. Rien ne se produisit.
- Pas d'EMF !
- Parfait, allons-voir la salle de bain, répondit Dean en soupirant.
Sam suivit son frère. Cela faisait deux semaines que Dean était une vraie épave. Il dormait peu, buvait beaucoup et ne parlait que le stricte minimum. Sam avait eu un mal de chien à le faire accepter cette enquête, il avait même dû jouer la carte du « possible Léviathan » pour le convaincre. Bobby était stable, dans le coma mais stable. Pour le moment, les médecins ne voulaient pas prendre le risque de retirer la balle logée dans sa tête mais dès que cela serait envisageable, ils le feraient. Son état ne s'aggravait en tout cas pas et ça c'était déjà un bon signe. Cependant, Dean avait eu du mal à le quitter. Mais Sam soupçonnait que c'était en fait dans l'espoir qu'Amy revienne que son frère n'avait pas voulu en premier lieu s'éloigner de Hammonton. La jeune femme n'était pas réapparue depuis sa dernière dispute avec son mari. Elle n'avait pas téléphoné, ni à Sam ni à Dean. Sam avait alors lui-même appelé toutes ses connaissances mais le seul qui avait eu des nouvelles était Kyle Bradley. Cependant l'Inspecteur ne leur avait pas dit grand-chose excepté qu'elle avait besoin de temps pour trouver un moyen d'arranger les choses. C'était loin d'être précis mais au moins, ils savaient qu'elle allait bien. Dean avait plutôt mal réagi au fait que sa femme ait parlé à Kyle plutôt qu'à lui et culpabilisait encore plus de la réaction qu'il avait eu contre elle la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Sam pensait surtout qu'Amy lui manquait. Elle manquait d'ailleurs aux deux frères.
- T'as vu ça…dit Dean faisant sortir son frère de ses pensées.
- Sympa…
Les plus gros morceaux du corps avaient été enlevé mais il restait encore de petits morceaux de chair et du sang en quantité sur le sol de la salle de bain accompagnés de bouts de verre de la vitre explosée.
- Qu'est-ce que t'as dit le médecin légiste ? demanda Dean à Sam.
- Un animal sauvage…Comme d'habitude. La victime a été déchiquetée apparemment. Il n'en restait plus grand-chose.
- Hum…
- Tu sens ça ? questionna soudain le cadet des Winchester.
- Non, quoi ?
- Du sucré…ça vient peut-être de moi.
- Envie de fraises Sammy ?
- Ah ah.
- T'as la photo de la victime ?
Sam sortit une photo de la poche intérieur de sa veste et la tendit à son frère. Dean la prit et l'observa longtemps. Quelque chose dans ses yeux intrigua son petit frère.
- Qu'est-ce qu'il y a Dean ?
- T'as remarqué ? Elle avait la même couleur de cheveux qu'Amy…
- T'es ridicule, soupira Sam. Pourquoi t'essayes pas de…
- De quoi ? Je te rappelle que Kyle a été clair là-dessus, elle ne veut pas qu'on la retrouve !
- Et depuis quand tu fais ce qu'on te demande toi ?
- Laisse-tomber Sam…
- Bordel c'est ta femme quand même !
- Je t'ai dit de laisser tomber ! On bosse ou quoi ?
- Parfait ! Fais ta tête de mule, comme d'habitude ! Je rentre au motel faire des recherches, toi fait ce que tu veux !
- Sam…Sam !
Mais Sam était déjà sorti de la salle de bain et peu de temps après, il sortait de l'appartement de Carly Harrigan laissant son frère seule dans l'étonnement. C'était plus lui qui d'ordinaire pouvait faire ce genre de caprices et voir Sam agir comme ça était plutôt étrange. Dean avait peut-être été égoïste. Il n'avait pas jusqu'alors imaginer que sa femme pouvait aussi manquer à Sam.
