Bonjour à tous! Voici le prologue/premier chapitre d'un gros projet qui s'annonce pour moi... Et que je suis bien déterminée à compléter, cette fois! Je vous laisse, on se retrouve à la fin de la page!


Hinata s'était toujours douté que quelque chose clochait chez lui, sans jamais réussir à réellement saisir ce que c'était.

Lorsqu'il y songeait, ses souvenirs les plus lointains ne lui semblaient pourtant pas dignes de considération. Il avait toujours vécu dans la même maison blanche de banlieue que chacun des habitants du pays, portés les mêmes uniformes gris (renouvelés à chaque six mois, dans un paquet envoyé par la Dirigeante, ajustés parfaitement à sa taille grâce aux rendez-vous biannuels à l'inspection médicale), mangé la même nourriture calibrée au nombre de calories selon son poids et son âge, suivi la même éducation au Centre, vécut la même routine au quotidien que n'importe quel des individus qu'il eût jamais rencontré dans sa vie.

Rien n'expliquait rien. C'était la conclusion à laquelle, en grandissant, il était parvenu, et qu'il se gardait bien de partager avec qui que ce soit. Il aurait pourtant dû s'y être habitué.

Car c'était ainsi depuis toujours autour de lui.

Le Centre se plaisait bien à leur bourrer le crâne de faits, de solutions, de vérités, mais jamais ne venaient les justifications. Et quand bien même Hinata aurait souhaité les demander, il en aurait été incapable, n'ayant jamais même appris comment formuler ses interrogations.

Pourtant, avec les années qui passaient, quelques-unes persistaient pourtant, comme des bourgeons à l'arrière de son crâne et qui ne cessaient de pousser. Parmi elles, violente, obsédante, insolvable : Pourquoi suis-je seul à penser différemment ?

Car, Hinata le savait très bien, n'avait mené une vie aucunement particulière en comparaison à son entourage.

La seule chose, vraiment, qui aurait peut-être pu le différencier des autres de quelque façon, était peut-être l'absence de son père. Il avait été tué, avait-on raconté à Hinata, dans un accident de travail, une fuite de gaz, tout bêtement. L'immeuble entier avait sauté. Des centaines de gens en étaient morts.

Hinata aurait sûrement dû ressentir un vague sentiment de tristesse, de manque, de douleur, de n'importe quoi, mais l'absurdité était qu'il ne s'en souvenait même pas. Il aurait dû, pourtant. C'était juste avant la naissance de Natsu, il y a dix ans de ça. Mais non. Tout ce qu'il restait de son père, dans la vie d'Hinata, c'était les yeux rouges de sa mère une fois par an et un misérable portrait accroché sur le mur de la cuisine, unique possession de la famille entière et seul dédommagement pour sa perte.

Lorsqu'il recevait des amis à la maison, tous s'agglutinaient devant la petite photo comme des mouches, tâchant maladroitement de contenir leur fascination et leur curiosité pour l'objet obsolète auquel aucun d'entre eux n'aurait probablement jamais droit.

Car il faut bien comprendre, dans le pays, les possessions étaient strictement défendues.

La Dirigeante distribuait équitablement les divers objets nécessaires à la survie selon le nombre d'habitant par famille, rien de plus, rien de moins, et si on se tentait à faire le tour des maisons de tout le pays, on retrouverait ces mêmes objets monochromes et uniformes, tous semblables, sans aucune divergence, aucun défaut, dans chacune d'entre elles.

À chaque matin, sauf le dimanche (réservé au jour de plein air), ceux en âge partaient à l'école pour ne revenir que le soir, quelques heures avant le couvre-feu de neuf heures. À ce moment, les patrouilles effectuaient leur tournée quotidienne, s'assurant que personne n'était perdu ou égaré, les aidant gentiment à rentrer dans leur foyer.

Du moins, c'est ce qu'on avait dit à Hinata, qui, comme probablement tout le monde, n'était jamais resté à l'extérieur pour tenter l'expérience.

Vraiment, jusqu'à un certain point, la vie d'Hinata n'était en rien différente de celle de n'importe quel garçon de son âge.

Ce n'est que vers l'adolescence que les choses commencèrent à se compliquer.

Vers ses douze ans, un soir après l'école, Hinata était arrivé plus tôt chez lui après avoir défié pour une course Natsu (qu'il avait complètement écrasée, d'ailleurs) pour rentrer à la maison. Lorsqu'il ouvrit la porte et qu'il ne vit pas sa mère l'accueillir aussitôt pour s'informer de sa journée, il comprit tout de suite que c'était encore ce jour de l'année. Le jour.

Le vingt-sept novembre, la mort de son père, cet inconnu, qui pourtant venait hanter la maison par son absence froide un seule journée par an.

Il déposa son sac dans l'entrée et s'avança lentement, comme à chaque année, vers la chambre de sa mère. Il poussa doucement la porte et la vit, comme à chaque année, assise sur son lit, son grand lit vide, tenant le portrait dans le creux de ses mains, ses mains abimées, le creux du cou, tout comme les yeux, arborant une couleur rouge qui s'accordait presque avec le flamboiement de ses cheveux. Hinata s'était avancé et, l'apercevant, elle avait relevé la tête. Ses yeux étaient secs. Il s'était assis à son côté, fixant le portrait à son tour, la figure implacable et vide d'émotion de son père, comme les portraits de l'état se devaient d'être, et avait déposé la tête sur l'épaule chaude de sa mère.

C'est à ce moment que, contrairement à jamais auparavant, Hinata l'avait ressenti.

Ce sentiment.

Cette colère.

Pour la première fois, elle avait germé dans le creux de sa poitrine, réchauffant incompréhensiblement son sang à chaque battement de cœur. C'est aussi à ce moment qu'il comprit que la rougeur du cou et des yeux de sa mère n'était point le résultat de la tristesse, mais d'un bouillonnement de sang semblable au sien face à l'injustice qu'ils vivaient.

Un simple portrait, c'est tout ce à quoi sa mère aurait droit. Un simple portrait. C'est tout ce à quoi son père avait eu droit. Un simple portrait, c'est tout ce à quoi chacun d'entre eux n'aurait jamais droit, tout ce qui resterait de l'existence de n'importe qui.

Sa mère avait alors murmuré quelque chose de très énigmatique pour le gamin qu'il était, mais à quoi il ne cessa de songer depuis.

« Tu sais, Hinata, j'espère que nous serons plus que de simples cicatrices. »

Puis, Natsu était arrivée, essoufflée et furieuse d'avoir été battue, et le portrait était tombé.

À partir de ce premier moment, les choses ne cessèrent d'empirer.

Bien sûr, sur le coup, elles semblaient très naturelles à Hinata, qui ne pouvait douter que ce à quoi il songeait n'était partagé de tous, et ne dissimulait donc rien à personne.

À la fin de la journée d'école, alors que les classes se séparaient pour retourner vers leurs foyers, Hinata avait intercepté deux de ses meilleurs amis, la tête émoustillée d'idées qu'il avait travaillées toute la journée.

« Les gars, ça vous dirait de sauter les cours demain ? avait-il chuchoté, l'excitation l'empêchant de se tenir immobile.

— Sauter les cours ? avait répété bêtement son ami, comme si le terme ne produisait aucun sens à ses oreilles. Pourquoi on voudrait faire ça ?

— Car on s'y emmerde, avait expliqué Hinata, comme si ça allait de soi. On aurait une journée de libre, on pourrait faire ce qui nous plait ! On aurait qu'à se présenter au recensement du début, et puis hop! on file. Personne ne remarquera rien ! »

Ses deux amis avaient échangé un regard, mal à l'aise, ce qu'Hinata ne remarqua pas, bien évidemment.

« Ça vous dit ? avait-il insisté, naïf.

— T'es complètement cinglé, avait alors finalement déclaré l'ami. C'est contre les règles. On ne peut pas faire ça.

— Et pourquoi pas ?

— Les règles sont là pour une raison, mec.

— Mais qu'est-ce que ça ferait ?

— On n'est pas là pour les comprendre, juste pour les respecter. Ça ne se brise pas, des règles. On n'est même pas censé en avoir envie. Oublie, Hinata, avait-il conclut mécaniquement. »

Puis, les deux garçons s'étaient éloignés, le laissant là, se sentant à moitié frustré (une émotion qu'il commençait à ressentir de plus en plus souvent) et à moitié coupable.

Il était alors rentré chez lui, les dents serrées, les poings fermés.

Mais aussitôt qu'il ouvrit la porte, sa mère se précipita vers lui comme un orage. Elle lui saisit violemment le bras et le tira à une vitesse vertigineuse vers sa chambre. Lui, confus, ne comprenait qu'à moitié ce qu'elle vociférait, et aperçu Natsu brièvement dans le cadre de la porte, les fixant, effrayée.

Sa mère souleva avec vigueur le matelas de son lit et en sortit une petite boite en métal. En un clignement d'œil, une douleur piquante le saisit à l'arrière de la nuque et il lâcha un cri.

« Aïe !

— Maintenant, tu restes tranquille, lui ordonna distraitement sa mère qui s'était emparée du bras de Natsu. »

La scène qu'il vit alors lui sembla un peu floue, sa mère donnant un coup à l'arrière de la nuque de sa petite sœur qui laissa à son tour échapper un léger cri de douleur, ne comprenant pas ce qu'elle avait fait pour se mériter une bourgade pareille. À peine sa mère eut le temps ensuite de glisser à nouveau la petite boîte en métal sous le lit qu'on cognait à la porte.

Sa mère se retourna vivement vers Hinata et Natsu.

« Vous allez être très gentils avec les agents, très polis. Maman compte sur vous. »

Puis elle fila ouvrir la porte, laissant les deux gamins se frottant le derrière de la tête et s'échangeant un regard de mutuelle confusion.

Ce fut alors qu'Hinata les vit.

Pour la première fois.

Les agents.

Avec leur peau pâle et leurs cheveux argentés, leur uniforme d'un blanc immaculé et leur visage impassible.

Ils étaient deux, un homme et une femme, sans âge et sans sourire, qui entraient aimablement mais fermement dans la maison. Ils causèrent quelques instants avec la mère d'Hinata, qui se tourna ensuite paisiblement vers Natsu et lui, toute trace de sa fébrilité précédente effacée. Elle leur fit signe d'avancer avec un sourire.

« Les enfants, voici des envoyés de la Dirigeante. Ils voudraient vous parler un peu. N'ayez pas, peur, allez ! »

Hinata s'approcha, Natsu se cachant maladroitement derrière lui.

« Hinata Shoyo, déclara la femme d'une voix indéchiffrable. Nous devons procéder à quelques vérifications suite à un incident rapporté aujourd'hui dans lequel vous avez été mêlé.

— Un incident ? s'étonna sa mère, un peu en retrait.

— Madame, coupa l'homme pour toute réponse, nous souhaiterions procéder avec Shoyo seul. Veuillez vous retirez, ainsi que votre fille, s'il vous plaît. »

Sa mère lui avait alors jeté un regard insondable, puis avait hoché la tête et prit Natsu avec elle pour aller dans le jardin.

« Hinata Shoyo, répéta ensuite la femme. Veuillez—

— Je peux vous raconter, s'était exclamé Hinata, sous l'effet d'une terreur incompréhensible. Je vous jure. »

L'agente ne broncha pas.

« Cela ne sera pas nécessaire. Veuillez baissez la tête, s'il vous plait. »

Hinata s'exécuta. Il sentit un objet froid frôler sa nuque, comme pour la sonder, puis un petit choc électrique, puis rien.

Au bout d'un moment, il se risqua à tourner la tête vers l'arrière pour observer les deux agents qui ne produisaient plus aucun son. Il les vit, tous les deux, fixant un objet électronique cylindrique avec grande attention. Des informations semblaient défiler sur l'écran. Puis, un bip sonore se fit entendre et les deux individus échangèrent un regard.

La femme sortit un calepin électronique qu'elle remplit alors que l'homme prononçait ce qu'elle devait y inscrire.

« Cas 24378, objet inspecté et confirmé en ordre le 01-17-26. Divergence du 01-17-26 déclarée accidentelle, probablement due au décès du paternel. Cas désamorcé, remise du traitement 12795. Validé par F-76 et H-453. Clôture du cas. »

La femme rangea son appareil dans son uniforme et l'homme se dirigea vers la cuisine, où attendaient Natsu et sa mère. La femme, alors, se pencha vers Hinata, qui retint son souffle.

Puis, contre toute attente, elle lui offrit le sourire le plus doux et le plus bienveillant de l'univers. Hinata eu un frisson.

« Nous devions procéder à cette inspection par mesure de sécurité, mon petit, lui déclara-t-elle d'une voix calme et compatissante. Tout s'est très bien passé, je te remercie de ta collaboration. Vois-tu, il est parfois possible d'observer des défaillances dans le fonctionnement de la Puce. Ne crains rien, ce n'est pas ton cas aujourd'hui. Je te demanderai toutefois de prendre un de ces comprimés chaque jour durant la prochaine semaine. Tu le feras ? »

Elle lui tendit avec un autre de ses sourires un paquet de pilules blanchâtres.

« B-bien sûr, balbutia Hinata, et la femme s'était déjà relevée. »

Sa mère et Natsu reparurent, accompagnées de l'autre agent. Sa petite sœur se jeta dans ses bras. Les deux agents serrèrent la main de la mère d'Hinata, s'excusèrent du dérangement, puis partirent. Hinata ne les quitta pas du regard jusqu'à ce que leur voiture disparaisse au coin de la rue.

La mère d'Hinata laissa échapper un gros soupir.

Elle s'avança vers lui, s'agenouilla. Ses mains tremblaient légèrement.

« Qu'est-ce que c'est que ça, Hinata ? demanda-t-elle en désignant la boite de comprimés.

— Des pilules que je dois prendre cette semaine. »

Elle hocha la tête lentement, puis lui retira des mains.

Sous le regard confus d'Hinata, elle se dirigea vers la salle de bain et vida le contenu de la boîte dans la toilette. Elle tira la chasse d'eau, jeta le paquet. Elle était très tendue.

« Hinata, écoute-moi, lui dit-elle alors d'une voix à la fois grave et tremblante. Il est très important que ce qui vient de se passer ne se reproduise plus, compris ? »

Hinata se sentait beaucoup mieux depuis le départ des agents. Ses membres se détendaient, il retrouvait peu à peu l'usage normal de sa parole.

« Mais qu'est-ce qui vient de se passer, maman ? Je te jure que je n'ai rien fait de mal, rien du tout.

— Je sais bien, chéri, souffla sa mère en le serrant dans ses bras, l'étouffant. Je sais que ce n'est pas de ta faute. »

N'ayant presque plus d'air dans ses poumons, Hinata se dégagea. Sa mère continua de le fixer.

« Si parfois tu sens que tu ne te plais pas, que tu veux faire quelque chose d'anormal, je t'en prie, mon chéri, au moins, n'en parle à personne et ne te fait pas prendre. C'est tout ce que maman te demande, compris ? »

Hinata cligna des yeux. Sa mère poursuivit, la voix faible :

« Il n'y a personne d'autre que nous sur qui tu peux compter, comprends-tu ? Personne, Hinata. Il faut faire très attention.

— Maman, articula-t-il, est-ce qu'il y a un problème avec ma Puce ? »

Un moment passa. Puis sa mère le reprit dans ses bras d'une étreinte brusque et brève, puis se releva aussitôt.

« Bien sûr que non, Hinata. Ta Puce va très bien. »

Elle se détourna et Hinata la vit, malgré cet effort, s'essuyer vivement un œil.

Il était peut-être jeune, à l'époque, mais il n'était pas dupe. Dans les temps qui suivirent, Hinata s'éloigna peu à peu de ses amis, sans rancune. Car il comprenait bien sûr que celui qui avait révélé ses souhaits de séchage de cours ne l'avait pas fait par méchanceté. Simplement par responsabilité.

Il comprit aussi ce qui le différenciait d'eux ; ce même sens du devoir infaillible envers la Dirigeante ne l'habitait pas comme tout le monde. Cette même écoute révérencieuse, ce même respect muet, cette même loyauté que chacun des membres de ses amis semblaient éprouver avec force pour les lois et les règles, Hinata ne les connaissait pas avec la même intensité. Il lui fallut beaucoup de temps, évidemment, pour comprendre tout cela. Les années qui suivirent l'incident se firent plutôt solitaires, en fait, pour lui.

Souvent, il sautait les cours. Bien sûr, maintenant, il faisait bien attention de ne transmettre ses plans à personne. Il partait, après avoir donné sa présence, dans les bois gorgés de soleil d'après-midi, et personne n'en remarquait rien. Il ramassait un bâton au sol, et s'imaginait être un héros d'un quelconque conte, dans un monde éloigné, très éloigné de celui où il était. Autour de lui, parfois, s'avançaient des armées de monstres qu'il détruisait à coup de bâton, victorieux, seul. Une fois tous les ennemis imaginaires vaincus, il revenait alors à la réalité, essoufflé, épuisé. Le souffle court, il regardait alors autour de lui, le bâton dans sa main droite, le soleil qui descendait. Au début, il prenait peur. Il se croyait être un monstre, un fou de s'être acharné contre de l'air innocent autour de lui, d'avoir fait preuve d'autant de violence injustifiée et incompréhensible, et il se réjouissait alors de n'avoir eu aucun témoin à ses crises ridicules. Souvent, il se sentait bien isolé, seul parmi les grands arbres, et il aurait souhaité être capable, comme les autres, de se satisfaire de la vie d'école.

Contre toute attente, lors de ses seize ans, sa solitude prit toutefois inexplicablement fin, grâce à l'arrivée de Nishinoya.

Un peu après le début de l'année, le Centre avait annoncé le transfert d'un nouvel étudiant. C'était certes peu commun, mais c'était déjà arrivé. Hinata n'y avait, de prime abord, pas fait vraiment attention. Il avait écouté la cérémonie d'accueil, un peu blasé, divaguant. Le nouveau était petit, presque même plus que lui. Il portait, comme tout le monde, l'uniforme grisâtre des étudiants, et lors du salut, avait semblé tout aussi normal que n'importe lequel d'entre eux. Pourtant, alors que les gens quittaient la salle pour retourner à leur cours respectifs, son regard avait croisé celui d'Hinata.

Une brève seconde.

Hinata ne faisait que survoler la foule des yeux, mais avait tout de suite été happé par ces yeux, ces yeux qui le fixaient intensément, ces yeux brillants, animés de quelque chose qu'Hinata n'avait pas eu le temps de comprendre avant que le contact ne se perde.

Il en resta un peu déstabilisé.

Le lendemain, il avait recroisé ses yeux, qui semblaient le chercher. La petite figure explosive de Nishinoya s'était dirigée avec vigueur vers lui, un grand sourire aux lèvres.

« Salut, moi c'est Nishinoya. Vraiment cool, tes cheveux. »

Hinata saisit la main qui s'offrait à lui et faillit défaillir sous la force de la poigne du nouveau.

« Euh, merci. Moi c'est Hinata.

— Je sais, avait-il dit avec un clin d'œil et Hinata leva un sourcil. Je peux venir manger avec toi ?

— Ouais, euh, si tu veux. »

Il avait un peu perdu l'habitude des amitiés, et l'attitude vibrante de Nishinoya le déstabilisait. Il s'y fit toutefois plus rapidement qu'il n'aurait cru.

« Qu'est-ce que tu as autour du cou ? demanda-t-il le jour suivant, alors que Nishinoya était revenu manger à ses côtés, dehors, dans la cour.

— C'est un pendentif en souvenir de ma mère, déclara l'autre entre deux bouchées de sandwich. Elle est morte. Alors on a eu droit à une photo, moi et mon père. Sauf que quand la maison a brûlé, la photo a été perdue et ils nous ont donné une mini-photo en guise de remplacement. Tu peux voir si tu veux. »

Hinata cligna les yeux. Nishinoya en avait parlé si librement, comme si ce n'était rien. Voyant qu'Hinata ne réagissait pas, le nouveau arrêta sa mastication.

« Ça va ?

— Oui, ouais, désolé. Moi aussi, j'en ai une, photo, chez moi. Non, pas de ta mère, enfin, je veux dire— de mon père. »

Nishinoya sourit.

« Tu comprends, alors. »

Puis retourna joyeusement à son repas. Une telle légèreté était si rafraîchissante qu'Hinata eut beaucoup de mal à se retenir d'éclater de rire. Le soleil brillait très fort.

Plusieurs mois passèrent alors, et Hinata connut, pour la première fois depuis longtemps, ce que ce pouvait être d'avoir un véritable ami.

Car Noya, lui aussi, n'était pas comme les autres. Bien avant même qu'ils n'en parlent tous les deux, Hinata l'avait compris.

Un matin, vers la fin de l'hiver, Noya s'était arrêté devant la maison d'Hinata à vélo, alors que celui-ci se pressait pour ne pas arriver en retard.

« Écoute, Hinata, attends. »

Hinata s'était arrêté, surpris du ton de son ami.

« J'ai pas envie d'aller en classe aujourd'hui, avait-il alors déclaré, d'une voix sourde et incertaine. »

Hinata avait cligné des yeux. Puis, il sentit un large sourire irrépressible lui envahir le visage.

« Viens, je vais te montrer un endroit génial. »

Depuis lors, ils avaient réitéré l'expérience un bon nombre de fois, et Hinata avait réalisé à quel point ses escapades solitaires pouvaient être plus fantastiques accompagné de quelqu'un avec qui les partager.

Ces mois furent définitivement les plus beaux qu'il eut connu de toute sa vie.

À la maison, au contraire, la vie n'était pas toujours rose. Sa mère, sous le poids des années et depuis l'incident des agents, semblait vivre dans une constante peur d'une menace invisible. La plupart du temps, le voyant rentrer tard, en secret, après le couvre-feu, elle ne faisait que pincer les lèvres, signe d'une désapprobation silencieuse auquel il ne pouvait que réagir en roulant des yeux. D'autres fois, elle éclatait, lui criant de cesser d'être aussi inconscient, de faire attention, pitié, pitié, de faire plus attention. De cesser de voir Nishinoya, qui, semblait-il, avait une si mauvaise influence sur lui. Bien entendu, elle ne savait rien des cours qu'il séchait en solitaire depuis des années et qui n'avaient jamais nécessité la présence quelconque de Noya.

À ses crises de paranoïa, Hinata serrait les dents et claquait la porte de sa chambre. Se priver de l'amitié de Noya ? La seule chose qui lui permettait de survivre dans ce monde débilité sans avoir envie de se crever les yeux avec ses stylos ? Au grand jamais.

Pourtant, la porte fermée de sa chambre n'empêchait pas le son des sanglots de sa mère d'atteindre les oreilles d'Hinata. Elle qui, pendant tant d'années, n'avait jamais versé une larme. Il entendait aussi, le soir, les comptines que sa mère fredonnait à Natsu, de vieilles chansons qu'Hinata connaissait pour se les être fait chanter, très jeune, par une voix grave sans visage que devait être celle de son père. Il était, à chaque fois, question d'oppression et de liberté, et Hinata encore aujourd'hui avait du mal à en déchiffrer totalement le sens.

Par-delà les frontières
Les prairies et la mer
Dans les grandes noirceurs
Sous le feu des chasseurs
Dans les mains de la mort
Il s'envole encore
Plus haut, plus haut
Le cœur est un oiseau

Sa petite sœur, quant à elle, était la seule dont il parvenait à tolérer la présence dans la demeure. Elle venait d'atteindre ses onze ans, et était très déterminée à ce qu'on ne la prenne pour rien de moins. Contrairement à sa mère, elle ne posait aucune question sur les escapades d'Hinata, ne venait que se presser contre lui après une chicane particulièrement venimeuse entre les deux autres membres de sa famille.

Une seule fois avait-elle croisé Noya, en regardant son frère sortir pour l'école, du haut de la fenêtre de sa chambre. Ses yeux l'avaient bouleversée et elle était retournée en vitesse se cacher quelque part dans la maison.

Voilà donc à quoi se résumait la vie d'Hinata, alors qu'il venait d'avoir dix-sept ans.

Jusqu'à ce jour.

En partant pour l'école le matin, le jeune homme savait bien quelle date on était, en voyant le cou rouge de sa mère, mais ne décida pas d'aller la réconforter, encore fâché d'une énième querelle de la veille. Il croisa simplement les yeux de sa mère, ses yeux sombres et fatigués, et lorsqu'elle lui fit un maigre sourire, il se détourna vivement et partit vers le Centre.

Plus tard, ses même yeux réapparaîtront dans son sommeil, la nuit, et le réveilleront en larmes, le poids de la culpabilité l'écrasant à un point tel qu'il aura du mal à respirer, mais, enfin, cela est une autre histoire.

La journée se déroula normalement, à une exception près : Noya n'était pas présent. Cela aurait certainement du alerter Hinata, mais ce ne fut pas le cas. En fait, il pensait plutôt que son ami avait dû vouloir prendre du temps pour lui seul, ou devait être malade. Ce qui poussait principalement les réflexions d'Hinata, c'était à quel point il connaissait, en vérité, peu la vie de son ami. Jamais n'avait-il visité sa maison, ni même rencontré son père. Cette réalisation vexée le travailla toute la journée.

Il marcha seul vers sa maison, traînant son vélo à côté de lui.

Même lorsqu'il vit la porte ouverte de son jardin, il ne comprit pas que quelque chose ne tournait pas rond.

« Salut ? cria-t-il distraitement. Y'a quelqu'un ? »

Il avança jusque dans la salle à manger, s'arrêta subitement.

Devant lui, le corps étendu d'un agent de la Dirigeante. Tourné sur le ventre. À ses côtés, la mère d'Hinata, un objet étrange dans les mains.

Leurs regards se croisèrent.

Elle se jeta sur lui, le poussa vivement jusqu'en bas de l'escalier du sous-sol.

« Maman, arrête, arrête, tu me fais mal ! Arrête ! Qu'est-ce que tu fais ? Mam… »

Elle plaqua vivement sa main sur la bouche de son fils.

« Chut, Hinata, tu vas m'écouter c'est très important, je n'ai pas beaucoup de temps. »

Elle donna un coup de pied dans le mur de la salle de lavage du sous-sol. Une ouverture se créa, elle poussa son fils à l'intérieur avec une vigueur qu'il ne lui connaissait pas.

« Tu te souviens quand je te disais, il y a quelques années, que si quelque chose devait arriver, tu viendrais te cacher ici sans poser de questions ? C'est ce que tu vas faire, compris, mon chéri ? Je dois partir, tu ne bouges pas, même si on te dit de le faire, tu ne bouges pas, tu ne BOUGERAS PAS compris ? »

Sauf qu'elle ne semblait pas réaliser qu'Hinata, contrairement aux années passées, n'était plus du tout un enfant.

« Lâche-moi ! s'écria-t-il, se débattant. Je ne resterai pas ici, pas si quelque chose t'arrives ! Où est Natsu ?

— Non ! Reste ici ! »

Un bruit fort résonna en haut. Il entendit des pas.

« Natsu, maman ! On doit aller la chercher !... »

Il se débattit encore un peu, puis réussi à écarter violemment sa mère. Tout à coup, il sentit une vive brûlure à l'arrière de son dos.

Puis, tout devint noir.


Hollà à tous! Voici donc le premier chapitre de cette fic qui promet d'être un vrai défi pour la merde démotivée de la vie que je suis. J'ai très hâte d'entendre (de lire plutôt, oui, bravo karelyss) vos avis! Est-ce que le concept vous plaît, ou pas du tout, ou juste un peu et que vous êtes prêts tout de même à lui laisser une chance:') Je vous jure, bon, ce premier chapitre est un peu long et nul car il y a beaucoup d'exposition du monde et patati, en plus il est un peu lourd et sombre, mais ça ne va aller qu'en s'améliorant, je le jure! Pauvre Hinata. Prochain chapitre, on rencontre Karasuno! Peut-être même le bon vieux Kags, si le coeur m'en dit... Bref! Je brûle d'envie de savoir ce que vous en pensez! À très bientôt... ;)

Sincèrement,

~Karelyss.