Cette fanfic s'enracine dans ma recherche «Essai sur Poufsouffle» publiée il y a quelques temps déjà (mais il n'est nul besoin de l'avoir lu). Dans cet humble écrit, je m'étais donné la mission d'analyser l'ensemble du canon afin de rassembler toutes les informations concernant Poufsouffle pour d'en tirer les déductions qui s'imposeraient. Celles-ci se sont révélées beaucoup plus surprenantes que ce qu'on pouvait imaginer et puisqu'on me l'a demandé maintes fois, je me lance dans une petite histoire qui entend illustrer ces propositions.

Pour se faire, j'emprunte à l'une de mes autres histoire un peintre fameux qui lors de ses études avait eu le bonheur et le privilège de faire un échange étudiant Paris-Poudlard. Un personnage que je vous propose de suivre en catimini pour sa toute première soirée à Poufsouffle, dernière des quatre maisons et vilain petit canard de Poudlard.


Lorsque les portes de la grande salle s'ouvrirent, Jabert s'avança en tête de la file des nouveaux qu'il dépassait d'au moins trois bonnes têtes. Son statut d'étudiant français en échange scolaire et ses quinze ans bien sonnés, lui avaient valu l'honneur de briser la glace. Tout à fait confiant devant la file des première année timides et craintives, il s'avança au milieu des tables jusqu'à ce que la professeur chargée de les répartir lui fasse signe d'arrêter et d'attendre.

Tandis qu'elle gravissait les quelques marches du podium, le jeune français leva le nez pour admirer le plafond où les étoiles dansaient au travers de fins nuages. Il fallait bien l'avouer, la grande salle de cette école était vraiment impressionnante. Peut-être pas autant que celle du grand séminaire de Paris mais tout de même, ça avait une sacré classe! Les uniformes par contre, c'était de la crotte de chat songea le jeune homme en laissant ses yeux courir sur les rangées de table. Tous en noir avec une petite cravate de mauviette. Aucune imagination et d'un ennui mortel, jugea t-il.

C'est alors que s'éleva une voix bizarre juste devant lui. Revenant au podium, il vit posé sur un banc un chapeau relativement sale et amoché qui chantait avec entrain d'une voix de fausset. Surpris par l'apparition, il observa la bouche effilochée, les nombreux accrocs et la poussière incrustés qui recouvrait la chose. Franchement, ce n'était pas avec cette voix là que ce vieux machin allait se faire une place à l'opéra.

Après les applaudissements d'usage la vigile consulta sa liste.

- Jabert Petitpoint, annonça t'elle en soulevant l'horrible chapeau au dessus du banc.

Jabert perdit aussitôt son aplomb. Ils n'allaient tout de même pas lui fiche ce truc pourri sur la tête ?! Mais l'air sévère des éminents personnages qui trônaient sur l'estrade, indiquaient hors de tous doutes que l'affaire était on ne peut plus sérieuse.

- Heu excusez-moi, est-ce que c'est obligé ou …? demanda-t'il, espérant s'en sauver.

Le professeur hocha la tête indiquant qu'il n'y aurait nulle esquive et le jeune homme s'avança vers le banc désigné par le répartiteur. Il s'assit de mauvaise grâce et comme il l'avait craint, le professeur leva le bras pour enfoncer l'immonde chapeau sur son pauvre crâne.

- POUFSOUFFLE! hurla le chapeau sans même effleurer ses cheveux.

Jabert poussa un soupir de soulagement et tout en ayant l'impression d'avoir évité le pire (moisissures, acariens, poux et autre joyeux amis), il se dirigea vers la table des jaunes qui applaudissait à tout rompre. Fait étrange, les seules places de libre se trouvaient tout au bout de la longue table où visiblement on voulait rassembler tous les nouveaux. Jabert jeta un coup d'oeil aux autres maisons mais aucune n'avait laissé un bout de table vide. Seuls les Poufsouffle semblaient procéder de cette façon.

Il se dirigea donc vers le fond de la salle tout en remarquant que sur son passage, on riait sous cape, on lui lançait des regards moqueurs et il entendit même quelques «dommage pour toi», «pas de chance», «français taré» et autre quolibets plus ou moins gentils qui le mirent quelque peu mal à l'aise. Il arriva enfin au bout de l'allée et une jolie jeune fille aux cheveux bruns et bouclés lui indiqua la place à côté d'elle.

- Bienvenue Jabert, moi c'est Mary! Je suis la préfète et devant c'est Gabriel, préfet lui aussi. Dis donc, tu as Poufsouffle dans le sang toi.

- Enchanté Mary … Heu, pourquoi tu dis ça?

- Regarde, dit-elle en indiquant l'estrade où le chapeau miteux perché sur la tête d'une petite fille semblait se concentrer. En général, ça prend plus de temps, toi il ne t'a même pas touché. C'est fou.

- SERPENTARD ! hura le choixpeau.

- Ah bon? dit-il tandis que les verts applaudissaient leur nouvelle recrue. Et … c'est une bonne chose ?

- Oui. Sûr, ça veux dire que tu es des nôtre sans aucun doute possible, lui assura-t-elle avec un sourire resplendissant.

- Ha bon et bien … c'est ce qui s'appelle faire une bonne première impression j'imagine, dit-il, tout de même content à l'idée de s'en être bien tiré.

- POUFSOUFFLE ! cria le couvre-chef moisi.

Jabert applaudit avec les autres le nouvel élève mais même à cette distance, il ne put manquer l'air dépité de ce dernier. Tête basse, le jeune garçon s'avança le long de l'allée pour atteindre sa place et ne prit même pas la peine d'afficher un sourire pour la forme. Il s'assit à côté de Jabert sans lui accorder le moindre regard, visiblement découragé. Jabert se dit que le pauvre devait sûrement déjà avoir une autre maison en tête et était déçu de l'avoir raté mais lorsque la jeune poufsouffle suivante afficha elle aussi un air de déception, Jabert se dit que quelque chose clochait. Jetant un coup d'oeil autour de la grande salle, il surprit de nombreux coups d'œils moqueurs, des chuchotements amusés et il entendit même un petit rire méprisant qui accompagna la jeune recrue dans sa descente des quelques marches du podium. Elle affichait un air si triste sous les applaudissements des poufsouffles que sa longue marche jusqu'au fond de la salle avait un petit air de tragédie.

- Bon sang, c'est dingue, se dit-il, incertain de ce qu'il devait penser de ces têtes d'enterrements.

La quatrième petite poufsouffle ne sembla pas trop catastrophée de sa répartition mais lorsque le choixpeau annonça le cinquième, celui-ci pâlit et ne réussi même pas à atteindre sa place avant que des larmes de dépits ne débordent de ses yeux. Voyant cela, Jabert n'y tint plus et se tourna vers Mary.

- Dis-donc, pourquoi ils ont tous l'air si tristes?

-C'est juste que ce sont des nouveaux, dit la jeune fille en haussant les épaules.

- Ah … mais les nouveaux des autres maisons, ils ne font pas cette tête… enfin, eux ils ne pleurent pas.

Mary sourit avec indulgence et haussa les épaules à nouveau.

- C'est parce qu'ils viennent d'arriver, ça leur passera. Tu verras, éluda-t-elle en s'intéressant de nouveau à la répartition.

- Hey! Hey toi! Le français!

Jabert se retourna vers la table des serdaigles. Juste derrière lui, un garçon au cheveux noirs et courts qui semblait avoir quinze ou seize ans le dévisageait d'un air moqueur.

- Tu veux savoir pourquoi les marmots braillent quand ils deviennent des jaunes? Je vais te le dire. C'est parce qu'ils échouent dans la maison des cancres. Ce sont des épaves tu comprends. Et t'en es une aussi mon pote. Désolé pour toi. À part les nés moldus, tout le monde sait qu'échouer à Poufsouffle, c'est comme perdre en commençant.

- Tu savais que les jaunes n'ont pas gagné la coupe des quatre maisons depuis soixante-dix ans? renchérit une jeune fille blonde en se retournant. Soixante-dix … tu peux imaginer un truc pareil? Désolé le franchouillard mais ce n'est pas ta maison qui nous fera de l'ombre aux examens. Et le choixpeau ne t'a même pas effleuré la tête. Franchement, c'est quand même la honte. Hahaha!

- Ne fais pas attention à eux, dit Mary avec un sourire d'encouragement.

- POUFSOUFFLE! cria le choixpeau.

Il aurait été plus facile pour Jabert de ne pas leur prêter attention si le jeune élève sur la scène n'avait pas eu l'air de recevoir une sentence de mort et si un peu partout dans la salle, ne s'était pas élevé des rires, des chuchotements et même des quolibets moqueurs parmi lesquels on pouvait distinguer «cancre», «taré», «pauvre nul» et autre charmants descriptifs du genre.

- C'est vrai ça Julia, le choixpeau ne l'a même pas touché … , reprit le serdaigle impressionné.

- Je crois qu'on a affaire au roi des taré ici, dit joyeusement Julia. Dis, pourquoi la France nous envoie un crétin ? Vous vous y connaissez bien en poubelles?

- Toi la ferme pauvre conne! dit un élève d'une douzaine d'années en se retournant brusquement. Si tu savais …

- WILLIAM! dit Mary d'un ton sec. Ne fais pas attention à eux, c'est tout, dit-elle sévèrement.

Le dénommé William se retourna rageusement et Jabert stupéfait, se dit que si les poufsouffles se laissaient insulter par les autres maisons sans répliquer et pire, réprimandaient ceux qui se défendaient, l'année risquait d'être incroyablement longue et difficile. Troublé par cette mauvaise augure, Jabert se dit que si sa maison s'avérait remplie de mollassons qui se laissaient marcher sur les pieds, lui du moins ne s'en laisserait pas imposer et ces connards de serdaigles allaient trouver à qui parler; quitte à leur offrir de jolis bleus bien jaunes et bien français!

En tout, une vingtaine de malheureux se retrouvèrent à Poufsouffle. De ce nombre un seul sembla ravi mais comme il y retrouvait son grand frère, Jabert considéra que cela ne comptait pas. Comme ils tiraient tous plus ou moins une tête de déterré, le jeune homme en déduit que les nés-moldus devaient avoir été mis au courant de leur disgâce par les autres. Étrangement, les poufsouffles ne se montrèrent pas des plus empressés à consoler les jeunes éplorés. Aux autres tables, les nouveaux étaient introduits parmi les autres, mais chez les poufsouffles, on les avaient assis tous ensemble au fond de la table et abandonné là avec leur désespoir.

Lui-même n'était pas en reste. Personne ne lui disait un mot, ni ne s'intéressait à lui. Même Mary qui était assise assez près pour toucher son épaule, l'ignorait totalement. Comme de l'autre côté il y avait la horde de dépressifs tassés comme des sardines dans leurs malheur, il abandonna l'idée de se faire de nouveaux amis et se sentit presque aussi désespéré que les autres. Lorsque le festin apparut sur la table, il n'arriva pas à en avaler plus de cinq bouchées tellement il avait la gorge serrée. Il se dit qu'il était tombé sur la pire bande de tarés de l'univers entier et il regretta amèrement d'avoir jamais décidé de faire cet échange de chiotte. Pourquoi ce choixpeau crado l'avait-il mis avec ces ploucs? Ha pour ça, ça allait être une belle année!

Le souper de la rentrée se termina enfin et tout le monde se leva pour vaquer à ses affaires. Encore une fois, les poufsouffles ne firent rien comme les autres. Alors que les préfets des autres maisons rassemblaient les premières années à grands cris et laissaient les plus vieux vadrouiller à leur guise dans les couloirs, les poufsouffles se levèrent tous d'un seul bloc. Mary et Gabriel se tournèrent vers leur nouvelles recrues.

- Levez-vous, dit Gabriel.

Peu rassuré, ils se levèrent tous et sur un signe des préfets, se mirent en marche. Lorsqu'ils eurent dépassés la table, tous les élèves leur emboîtèrent le pas et de derniers qu'ils étaient, ils se retrouvèrent en tête de peloton, suivis par tous les autres poufsouffles. Ils enfilèrent dans les couloirs et descendirent les vastes escaliers dans un étrange silence. Ils se retrouvèrent dans un sous-sol aux couloirs de pierre éclairés par de jolies torches de fer ouvragées. On entendait que le chuintement des souliers dans les sombres passages et Jabert, éberlué par cette étrange équipée, se dit qu'à glisser ainsi silencieux dans les couloirs, ils devaient ressembler à un sorte d'Ordre secret composé de sorciers louches tout noirs.

Ils arrivèrent devant un grand tableau représentant un plat de fruit. Gabriel chatouilla la poire qui frémit et avec un petit déclic, le tableau s'ouvrit comme une porte. Ils entrèrent dans un vaste couloir éclairé au flambeau et après quelques détours, arrivèrent près d'un échafaudage de gros tonneaux de vinaigre.

- Écoutez bien le rythme que je vais taper sur ce tonneau.

Gabriel tapota quatre fois et le tonneau s'ouvrit en deux, laissant entrevoir un petit couloir circulaire.

- Si vous vous trompez, soyez certains que vous le regretterez, ajouta le préfet d'un air malicieux puis il se pencha afin de passer lui-même dans l'ouverture.

Et bien voilà qui est charmant songea Jabert. Bon sang! Au lieu de pouvoir rester dans la grande salle comme les autres et, qui sait, réussir à parler à quelqu'un d'intéressant, il était coincé avec cette bande de tarés qui se foutaient de sa gueule et des premières années au bord du suicide. S'il n'y avait qu'une seule chose de sûre, c'est que c'était la pire soirée de sa vie!

Il soupira et, la mort dans l'âme, il disparut dans le vieux baril à la suite des autres.