Amor caecus est


Disclaimer : les personnages ne m'appartiennent pas, Spartacus est une création Starz! et de Steven S. DeKnight. Je dois avouer que les scénaristes de Spartacus : Vengeance ont su titiller ma curiosité (pas seulement la curiosité, évidemment ! ) J'espère que je ne ferais pas trop de boulettes.

Beta : (qui veut une autrice autistique? )

NB : Spartacus donc, violence, relations entre hommes, jurons et compagnie... un joli petit couple aussi, Nasir/Agron.

Laissez-vous tenter. Pour revoir ou découvrir des images de ce couple masculin, tapez Nagron et Spartacus dans le navigateur de votre choix.


Tiberius allongea le pas derrière son dominus, les yeux baissés afin de ne pas croiser le regard des notables invités ici. Il ne devait pas les souiller de ses yeux d'esclave. Il pourrait être puni de cette impudence. Grassus, l'homme auquel il appartenait, s'arrêta près d'un groupe en pleine discussion. Telle une ombre silencieuse, le jeune homme calqua son attitude sur la sienne. Son maître palabra quelques minutes avant de tendre la main en sa direction, sans un mot. Il lui offrit la coupe de vin qu'il supportait depuis plus d'une demi-heure, tenté par sa fraicheur.

La villa qui les accueillait irradiait de soleil sous un vent asséché. La lumière blessait ses yeux et la chaleur parcheminait ses lèvres d'une soif dévorante. Grassus le regarda et sourit presque compréhensif à son esclave de corps. Il l'accompagnait dans tous ses déplacements, pourvoyant à tous ses besoins et ses désirs. Il se satisfaisait de son efficacité, le jeune homme s'était montré digne de sa confiance.

Il le possédait depuis l'adolescence et l'avait éduqué pour être son esclave intime. Il savait lire, compter, jouer de la musique, parler comme un érudit et connaissait les clés de la volupté. Il le conseillait parfois dans ses choix de compagnie. Grassus aimait s'entourer de beauté et la dernière acquisition était de toute beauté, aussi blonde que le jeune homme était brun.

A l'opposé l'un de l'autre, seul le jeune homme ne quittait jamais ses côtés, même pour rendre en ville. Il l'accompagnait partout, s'occupant de ses besoins et de ses désirs, honoré par sa présence et sa bonté. Il l'avait élevés au-dessus des autres esclaves, lui donnant le droit de gérer son intendance en l'absence d'une domina dans sa famille. Il prit la coupe de vin et salua la délicieuse Julia qui approchait l'âge du mariage. Jeune, tendre, naïve, elle serait une bonne épouse, fermant idéalement les yeux sur les mœurs de son époux, et lui offrant un héritier. Il était d'âge mûr et il devait penser à transmettre ses biens. La jeune fille paraissait bien disposée, son père également, à joindre la fortune de leurs familles. Il pouvait estimer heureux que Julius Gnaeus Terco ne jugeât pas sa naissance trop basse pour sa fille. Son appartenance à la gent de Sylla lui avait permis d'amasser terres et richesse. Il possédait une des latifundiae les plus riches de la vallée et savait qu'il attirait les jalousies.

Tiberius remplit à nouveau sa coupe et il lui sourit brièvement. Il aimait le voir agir autour de lui, toujours attentif à son bien-être. L'esclave avait les yeux sombres et les cils charbonneux avec cette carnation cuivrée propre aux gens de son peuple. Il observait les Romains qui échangeaient paresseusement autour du repas, de leurs terres et des alliances qui pourraient être conclues. Certains étaient allongés et mangeaient ce que leurs esclaves leur apportaient, d'autres comme son maître évoluaient dans la salle, goûtant la fraicheur apportée par les éventails.

Tiberius s'attachait à correspondre à ce que son maître attendait de lui, une attitude servile et attentionné, une présence de tous les instants. La marque sur son épaule droite montrait à tous qu'il lui appartenait et c'était la seule raison pour laquelle cette société acceptait sa présence. Il était présent au même titre qu'un meuble, uniquement jugé sur son aspect extérieur. Sa beauté et son obéissance étaient les seules raisons justifiant son existence.

Cette vie était la seule qu'il connaissait et en connaissait le prix. Il n'avait pas d'autres valeurs que celle que son maître lui accordait. Il savait qu'il n'était qu'un instrument dont celui-ci pouvait se débarrasser s'il le désirait, malgré ses largesses et sa bonté. Il lui avait offert une position enviable et il redoutait le jour où Grassus serait lassé de ses services et de ses talents particuliers. L'homme était heureusement débonnaire et satisfait de lui, mais cette menace continuait de planer sur ses épaules.

Tiberius craignait pourtant qu'un tel jour arrive. Quelques semaines auparavant, Grassus avait vendu un lot d'esclaves à Segno, un marchand qui faisait commerce d'êtres humains entre les différentes latifundae qui se partageaient la Campanie. Ils ne savaient par ce qu'il allait leur arriver et c'était l'atroce réalité de leur existence d'esclaves. Segno l'avait débarrassé de quelques vieillards trop épuisés pour les travaux aux champs, des femmes, dont une au visage marqué qui insultait le sens esthétique de son maitre et même des enfants.

Le cœur de Tiberius s'était serré en les voyant monter dans le chariot qui les emportait vers un sort incertain. Il était arrivé ici par ce même chariot et en gardait un souvenir cuisant d'humiliation et de détresse. Il n'était encore qu'un enfant à l'époque et avait dû grandir rapidement pour survivre. A présent il était l'esclave intime de son dominus. Pourtant malgré sa place privilégiée au-dessus des autres esclaves, il ne parvenait pas à s'en satisfaire. Il aspirait à plus de sécurité, plus de liberté peut-être.

Ses yeux étincelèrent et il réprima bien vite cette émotion dangereuse pour un esclave. Quelle place pouvait-il bien avoir dans ce monde ? Il savait qu'il se tenait sur une montagne de sable, une chimère qui pouvait disparaitre en fumée à la moindre déception. Il ne possédait rien, pas même ses rêves, il appartenait corps et âme à son maître. C'est pourquoi il s'efforçait de le satisfaire et de lui complaire. C'était la seule raison qui justifiait sa vie. Son maitre était son seul monde possible. Il devait lui être fidèle jusqu'à ses pensées. Son existence ne tenait qu'à celle de Grassus qui discutait avec l'hôte de cette maison.

- Alors Grassus, avez-vous eu des nouvelles de Batiatus ? demanda celui-ci d'un ton soucieux.

- non pas depuis qu'il m'a envoyé un lot d'esclaves de sa maison, dit Grassus se rapprochant de son interlocuteur, un homme âgé à la bedaine serrée par les plis de sa toge.

- Connaissant les Batiatus, vous avez dû être honoré par ce geste. Lucretia comme vous aime à s'entourer des plus belles esclaves.

- Je me le demande, l'une d'elle avait le visage balafré. Elle avait dû l'irriter, d'une manière ou d'une autre. Elle en perdait toute sa valeur.

- vous êtes un tel esthète, mon cher Grassus, fit Julius en souriant et qu'en avez vous fait ?

- je l'ai revendue, bien sûr, elle ne m'était aucunement agréable, dit Grassus en haussant les épaules.

Tiberius se raidit à ses paroles qui lui rappelaient la précarité de son existence. Il se rappelait de l'esclave dont il parlait. C'était une femme jeune et meurtrie. Son maitre la lui avait offerte comme une récompense.

Le jeune esclave avait assisté à tout ce qu'elle avait subi, cachant son sentiment de pitié qui le faisait frémir intérieurement. Son maitre avait laissé ses pires instincts le diriger lors de cette orgie entre notables. Une fois qu'il eut terminé, il l'offrit à Tiberius, laissant le jeune homme emporter l'esclave brisée. La jeune femme n'avait pas lutté lorsqu'il l'avait emmené dans sa chambre, un autre de ses privilèges octroyés par la bonté de son maitre. Elle pleurait simplement, brisée par son sort. Elle avait été meurtrie et n'avait presque plus aucune réaction. Elle continuait à vivre par habitude comme si elle avait eu le cœur arraché. Elle ne semblait plus avoir aucune émotion à offrir à ce monde.

Le jeune homme avait tenté de la calmer et de la rassurer sans succès. Chacun de ses gestes accentuaient ses larmes. Elle lui réclamait la mort, il s'y refusa. Elle ne parvenait pas à comprendre qu'il ne lui ferait aucun mal malgré toutes ses paroles apaisantes. Il avait fini par se lasser et s'allonger sur la couverture sans la toucher. Il l'entendit encore pleurer et renifler avant de sentir son corps s'étendre sur la couverture. Il avait fermé l'oeil et s'était endormi immédiatement. Au matin, lorsque son maitre s'informa d'un ton égrillard s'il avait passé une nuit agréable, il avait pu répondre sans mentir qu'elle avait été excellente. L'esclave inconnue avait été vendue quelques jours après sans qu'il ne puisse lui parler.

Il revint au présent en entendant parler d'une émeute d'esclave. Il reposa les yeux sur son maître. L'homme avait de nouveau sa coupe vide. Tiberius la remplit en tentant d'ignorer le bruit qui lui asséchait la langue.

- Ce sont les gladiateurs même de Batiatus qui se sont rebellés contre leur laniste. Depuis cet été, ils n'ont pas été rattrapés.

- Hannibal est à nos portes ? s'esclaffa Julia venue les rejoindre. C'est ridicule !

- ne vous gaussez point, ma fille. Ces esclaves ont tué leur maitre et quelques uns des membres les plus influents de Capoue. On raconte qu'ils rôdent à la périphérie de la ville, échappant aux hommes venus faire respecter l'ordre. Certaines rumeurs rapportent qu'ils égorgent les gardes, violent les femmes et libèrent les esclaves.

- Dieux de l'Olympe, que cette nouvelle est affolante, fit une matrone les yeux fardée cachant son âge mûr, secouée par un rire forcé.

Julius la réprimanda du regard de prendre cette menace à la légère.

- Ces nouvelles devraient mettre des idées dangereuses dans l'esprit des esclaves, dit-il d'un ton suffisant. J'espère que Seppius, notre cousin, mettra un terme à cette disgrâce. Mais n'ayez rien, si loin de Capoue, jamais nous ne verrons ces hordes sauvages nous envahir. Il ne s'agit que de quelques esclaves en fuite.

Tiberius s'écarta d'un pas, pour ne pas embarrasser ses maîtres romains qui continuèrent de parler de l'émeute avec des voix excitées et moqueuses, soulagé par l'éloignement de ces événements qu'ils qualifiaient de mineur. Leur conversation le troublait. Qui avait eu l'audace de rompre leurs chaines au péril de leur vie ? Qu'est-ce qui avait pu pousser des esclaves à se rebeller contre la main de leur maitre ? Leur sort était prévisible, les Romains le savaient, il le savait. Ils seraient capturés et tués pour avoir osé espérer une liberté illusoire. Seul le maitre peut libérer l'esclave, sans cela la liberté n'avait pas de valeur. Son maitre l'appela et Tiberius oublia ses réflexions sur le sort d'hommes qui ne lui était rien. Jamais il ne partagerait leur destin.

«==========((=0oooO o Oooo0=))==========»

A suivre