La seule chose

RaeDMagdon

Traduction : RaeDMagdon-fr

Avertissement : gode "magique", D/s, bondage, humiliation. Et quelques scènes soft sans rien de tout ceci.
Quatrième épisode de la série La Meilleure des Distractions.

...

Chapitre 1

Le regard de Tevos ne quittait pas le terminal devant elle, et sa main restait suspendue au-dessus des commandes. Sa vue commençait à se troubler par manque de sommeil mais, même en fermant les yeux, elle pouvait voir le nom qui clignotait à l'écran. Commandant Shepard. Le signal du Normandy était juste assez fort pour que le terminal le capte. Tevos soupira et baissa la tête. Elle savait pourquoi Shepard appelait, pourquoi tout le monde appelait. Les Moissonneurs étaient arrivés sur Thessia.

Le Matriarcat était paniqué. Pendant que les autres races s'étaient préparées pour l'invasion imminente, rassemblant leurs troupes et évacuant le plus de civils possibles, les Matriarches avaient temporisé. Thessia était en paix depuis des milliers d'années. Elles refusaient de croire que les horreurs de la guerre finiraient par atteindre le joyau de la couronne galactique. Aucune d'entre elles n'avait tenu compte des avertissements. Et maintenant Thessia brûlait. Sa maison brûlait.

Les rapports de pertes étaient stupéfiants. Des millions de morts dans les seules premières heures. Elle avait vérifié les chiffres presque chaque minute, incapable de croire aux alertes qu'elle recevait sur son omnitool. Puis, dès la fin du premier jour, toute communication avec Thessia fut coupée. Il était impossible d'envoyer ou de recevoir des messages. La liste des victimes n'était plus mise à jour depuis, mais Tevos savait que leur nombre était inimaginable. Quand elle rouvrit les yeux, le nom de Shepard flotta devant elle. Peut-être restait-il un peu d'espoir. Thessia était perdue pour l'instant, mais si Shepard avait réussi à extraire de la balise plus d'informations sur le Creuset…

Ses doigts tremblèrent en acceptant finalement la connexion. Elle se serra les mains dans le dos et redressa les épaules tandis qu'une version miniature du Commandant Shepard apparut devant elle. L'image était un peu pixellisée mais on pouvait voir l'abattement exténué des épaules de l'humaine. Tevos ne voulut pas imaginer ce que Shepard avait pu voir sur Thessia. Elle essaya de parler mais le premier mot se brisa. Elle avait la gorge serrée et retenait ses larmes. Elle déglutit et essaya de nouveau. « Commandant Shepard, vous me recevez ? Commandant ? »

Shepard se pencha sur le bord de quelque chose – un bureau, peut-être, ou une rampe – et baissa la tête. Tevos voulut désespérément que Shepard la regarde mais quand leurs yeux finirent par se rencontrer, elle ne put voir que de la souffrance gravée dans les traits de Shepard. « Conseillère… la mission... » Sa voix hésita et le cœur de Tevos sombra.

« Nous avons perdu tout contact avec Thessia. La planète n'émet plus. Dans combien de temps le Creuset pourra-t-il être déployé ? »

« Conseillère, j'aurais aimé que les nouvelles soient meilleures. » Shepard se redressa et Tevos reconnut la pose immédiatement. C'était la même qu'elle était en train d'essayer de conserver, debout et droite même en face d'une défaite assurée. « Nous n'avons pas pu obtenir les informations. »

Elle le savait. Avant même que Shepard ne la contacte, elle l'avait su. Comment une seule humaine, même une humaine aussi remarquable que Shepard, aurait-elle pu faire face à une telle adversité ? « Que s'est-il passé ? »

« Cerberus était là. Nous avons… nous avons été battus. Nous ne savons pas comment finir le Creuset. »

« Je – Je ne sais pas quoi dire. » C'était sa faute. Sa responsabilité. Si elle avait eu plus tôt le courage de défier la volonté des Matriarches en parlant de la balise à Shepard, peut-être l'issue aurait-elle été différente. « Quelle était la situation sur Thessia ? » demanda-t-elle, bien qu'elle ne veuille pas savoir.

« Elle se dégrade rapidement. Les Moissonneurs sont venus en force. »

Tevos entendit l'épuisement dans la voix de Shepard. La culpabilité. Autant d'émotions qu'elle-même essayait de contenir. Elle leva la main vers son front, espérant cacher les larmes qui menaçaient de couler sur ses joues. « Alors vous voudrez bien m'excuser. Il y a… des préparatifs à effectuer. La continuité de notre civilisation à envisager. »

Cette pensée était presque risible. Les Moissonneurs ne laissaient rien que des cendres sur leur passage. Le fragile plan qu'elle et quelques Matriarches restantes avaient élaboré ensemble n'avait quasiment aucune chance d'aboutir. Peu importe où elles se cacheraient, les Moissonneurs les trouveraient. Ils éradiqueraient chaque colonie, chaque monde, chaque vie dans la galaxie. Elle se pinça l'arrête du nez, ignorant les larmes qui coulaient sur ses doigts. Elle doutait que Shepard puisse les voir à travers leur connexion instable. « Je n'aurais jamais cru que ce jour viendrait », murmura-t-elle en retirant sa main.

Shepard hésita un instant. Pleurait-elle aussi ? « Aucun de nous n'y aurait cru. »

La transmission prit fin et Tevos s'effondra dans son fauteuil. Elle n'avait plus la force de rester debout. Elle devait passer quelques appels mais la voix lui manquait. Elle avait juste besoin de quelques secondes. Un instant pour se recomposer avant d'annoncer la nouvelle au Conseil et aux Matriarches. Il n'y avait plus rien à faire de toute façon. Une autre minute ne ferait pas vraiment de différence quand la fin de l'univers était sur eux.

Tevos enfouit sa tête dans ses mains et laissa les larmes se répandre. Tout avait disparu. Sa maison, ses amies, sa planète entière. La balise se trouvait au temple d'Armali, où elle avait grandi. À en juger par l'attitude de Shepard, la ville devait être entièrement détruite. Elle n'avait aucune idée de l'endroit où se trouvait sa mère, et au moins la moitié du conseil matriarcal ne donnait plus de nouvelles. La plupart était sans doute mortes.

La culpabilité brûlait ses entrailles, laissant un trou béant sur son passage. C'était de sa faute. Thessia se tordait dans les flammes parce qu'elle n'avait pas agi assez rapidement. Shepard lui avait sauvé la vie deux fois, mais elle n'avait pas tenu compte des avertissements du Commandant avant qu'il ne soit trop tard. Et maintenant Thessia était perdue, et le reste du monde asari ne tarderait pas à suivre. Tout ce qu'elle avait de plus précieux lui avait été arraché.

Ou presque tout.

Soudain, elle désira Aria. C'était un désir insensé, particulièrement maintenant, mais féroce dans son intensité. Tevos se détesta pour cela. Thessia était en train de brûler, des millions de personnes étaient mortes, et tout ce à quoi elle pouvait penser, c'était à une seule Asari. Une Asari qui ne l'aimait même probablement pas beaucoup. Dans le peu de temps qu'elles avaient passé ensemble, Aria s'était révélée être une partenaire sexuelle compatible mais Tevos ne pourrait jamais oublier qui elle était vraiment. La Reine pirate d'Oméga. Impitoyable et intransigeante. Elle ne comprenait même pas comment Aria pouvait occuper ses pensées en un pareil instant.

Il fallait qu'elle appelle Sparatus et Valern. Leur dire ce qui était arrivé. Elle essuya sa main humide sur le dos de sa robe et la tendit vers son omnitool. Aussi irrationnel que cela soit, elle ne voulait plus toucher le terminal après sa conversation avec Shepard. Elle laissa sortir encore quelques larmes puis les essuya d'un revers de manche, essayant de reprendre un peu contenance. Il fallait qu'elle reste calme. C'était son métier. Après son épouvantable échec, le moins qu'elle puisse faire était d'afficher un semblant de dignité jusqu'à la fin. Son peuple ne méritait pas moins d'elle.

La main de Tevos tremblait à mesure qu'elle naviguait parmi ses contacts, cherchant le nom de Sparatus. Elle abandonna avant même de l'avoir atteint. Que pouvait-il faire pour l'aider ? L'armée turienne était occupée à défendre Palaven et les Matriarches lui avaient refusé toute aide. Tevos avait même approuvé à l'époque, convaincue que Shepard finirait le Creuset avant que les Moissonneurs ne réduisent l'armée turienne à néant et n'atteignent Thessia. Elle regrettait sa décision, maintenant. Il n'y avait pas que du sang asari sur ses mains.

Elle referma son répertoire et ouvrit l'icône dorée de sa messagerie à la place. Il lui fallait informer le Haut Commandement asari de ce qui s'était passé. La grande majorité du conseil matriarcal se trouvait sur Thessia quand les Moissonneurs frappèrent, et le peu qu'il restait n'était plus en état de donner des ordres. Elle composa un message bref mais clair, réfléchissant à peine aux mots : « Thessia est perdue. Toutes les ressources restantes doivent être redirigées vers le Creuset. Que tous les groupes survivants cessent toute communication. »

Tevos avait peu d'espoir que le Creuset fonctionne sans les éléments manquants, mais il n'y avait plus d'autre option. Même si toutes les forces militaires restantes de la galaxie arrivaient à s'unir derrière Shepard, cela ne suffirait pas pour vaincre les Moissonneurs. Elle avait encore moins d'espoir que les petites colonies asari perdues sur des mondes lointains ne soient pas découvertes. Chacune avait juste assez de membres pour assurer une continuité viable de la population, et leur espoir résidait dans cette longue durée de vie qui leur permettrait peut-être de survivre à la Moisson. Tevos avait choisi de n'accompagner aucun de ces groupes bien que les stricts pré-requis génétiques l'y autorisent. Sa place était ici, pour le meilleur et pour le pire. Elle resterait la Conseillère asari jusqu'à sa mort.

Elle relut le bref message une dernière fois en poussant un soupir tremblotant. Thessia est perdue…

« Déesse, je suis tellement désolée », chuchota-t-elle à la pièce vide. Il y avait toujours des civils coincés sur Thessia. Si le Haut Commandement asari suivait ses ordres, aucune aide ne leur parviendrait. Mais cela n'avait peut-être plus d'importance. À moins que Shepard n'accomplisse un de ces miracles pour lesquels elle était réputée et trouve un moyen d'activer le Creuset sans le Catalyseur, ils mourraient tous de toute façon.

Tevos envoya le message. Après un instant de réflexion, elle supprima la dernière phrase et le fit suivre à Sparatus et Valern. Ils savaient certainement ce qui était arrivé sur Thessia à présent, mais au moins de cette façon pouvait-elle leur montrer qu'elle essayait de faire quelque chose face à la situation. Sans les Matriarches pour l'arrêter, elle pouvait leur donner toutes les ressources qu'ils avaient réclamées depuis le début. Quand elle eut terminé, elle éteignit son omnitool et se pencha sur son bureau, pleurant dans ses bras. Elle pleura pour Thessia, pour les innombrables vies qui étaient perdues, pour ses propres fautes épouvantables. Elle pleura jusqu'à ce que ses larmes s'épuisent et que cela fasse trop mal de continuer à pleurer.

Enfin, elle leva la main et s'essuya le visage, se redressant dans son siège. Elle ne pouvait pas rester ici, seule dans cette pièce quand la galaxie agonisait autour d'elle. Sa solitude était presque aussi écrasante que sa culpabilité. Elle avait besoin de… quelqu'un.

Ses yeux brûlants jetèrent un regard rapide en direction de son omnitool. La tentation se fit sentir. Serait-ce si mal d'oublier, même simplement pour une nuit? Était-il égoïste d'abandonner le peu de contrôle qui lui restait pour pouvoir se sentir saine à nouveau? Elle n'était pas sûre de savoir si elle cherchait une punition pour ses péchés ou une certaine forme de bienheureuse atrophie mentale, mais elle connaissait une Asari qui pouvait lui procurer ça. Elle réactiva son omnitool et commença à saisir un numéro familier. Elle hésita à mi-chemin, déchirée par l'indécision. Comment osait-elle prendre ce qui lui restait de plaisir et de liberté dans cette vie quand tant d'autres personnes souffraient ?

Mais elle avait besoin de ça. Elle avait besoin de quelque chose d'abrutissant et de primitif. C'était une bonne chose qu'Aria T'Loak soit actuellement sur la Citadelle pour superviser le transfert de ses capitaux vers la nouvellement reconquise Oméga. Autrement, il n'y aurait eu personne vers qui elle aurait pu se tourner. « Uniquement ce soir », se dit Tevos en se levant de son fauteuil. « Uniquement ce soir, pour oublier. » Elle activa la connexion.

Aria répondit presque immédiatement. L'image de son visage sur l'écran était nette, mais comme toujours indéchiffrable. « Je pensais bien que vous appelleriez », dit-elle, ne prenant même pas la peine de dire bonjour.

Tevos soupira. Cela lui faisait encore mal de respirer profondément, et sa poitrine était douloureuse. « Suis-je si prévisible après seulement quelques mois ? »

« Pas prévisible. » Le tatouage sur le front d'aria se fronça et ses yeux se plissèrent. Elle avait l'air encore plus prédateur que d'habitude. « Vous avez pleuré. »

« Toutes les communications avec Thessia sont coupées. Oui, j'ai pleuré. »

« Seulement pleuré? »

« Non. J'ai mis deux-trois choses en marche mais je crains qu'il ne soit trop tard. Il n'y a rien d'autre que je puisse faire maintenant. »

« À ce point-là, mmh ? » Les lèvres d'Aria se tordirent dans un faible sourire mais son expression était loin d'être heureuse. Bien qu'elle ait toujours eu du mal à déchiffrer les émotions d'Aria, Tevos pouvait voir la souffrance dans ses yeux. Fut un temps, avant qu'elle ne devienne la Reine d'Oméga, Aria avait elle aussi eu Thessia pour demeure. D'une certaine façon, Thessia était la demeure de toutes les Asari de la galaxie, y compris celles qui n'y étaient pas nées. « Bon, vous voulez passer la fin de l'univers avec moi ? »

Tevos opina. « Au moins pour quelques heures. »

« Vous vous êtes unie à moi après que j'ai récupéré Oméga », dit doucement Aria. Son sourire s'estompa. « C'est mon tour de vous aider. »

Avant d'avoir pu le retenir, Tevos laissa échapper un léger sanglot de soulagement. Aria comprenait. En dépit de leurs différences, Aria avait l'air de toujours savoir ce dont elle avait besoin. Elle n'avait pas la moindre idée du pourquoi et du comment, mais elle en était incroyablement reconnaissante. « Vous êtes toujours au même appartement ? »

« Pour l'instant. Je ne vais pas m'y éterniser. »

Tevos ne savait pas pourquoi, mais d'entendre Aria évoquer son départ l'affecta. Cela n'avait pourtant rien d'une surprise. Bien sûr qu'Aria allait partir. Quand Thessia serait complètement détruite, la Citadelle serait logiquement la cible suivante. Elle se secoua. « Je serai là dans quelques minutes. »

Aria coupa la communication sans un au-revoir, laissant Tevos fixer à nouveau la pièce vide. Elle réajusta sa robe et quand elle se tourna vers la porte, son visage était quasiment sec. La fin de l'univers pourrait attendre quelques heures.