Rating : M
Disclaimer : L'univers et les personnages utilisés dans cette histoire appartiennent à JKR
N.B. : ce récit tient compte de tous les tomes de la saga, mais pas de l'épilogue du tome 7!


Sept Leçons


"Vous parlez bien, sorcier, et je serais enchantée de toutes vos attentions si seulement je pensais que vous aviez un cœur ! "
(JK Rowling, Le sorcier au cœur velu)

Chapitre 1
Envie

La pointe de ses doigts remonta d'entre ses omoplates, frôla sa nuque avant de s'enfoncer dans ses cheveux. Il n'avait pas enlevé ses gants.

Le cuir glissa entre ses boucles avant de redescendre sur son cou, lent et calme, suivant une trajectoire soigneusement étudiée. Autour d'elle, le bureau ministériel se dissolvait, perdait de sa réalité.

La main gantée se referma une seconde sur son cou, serrant au creux de sa paume la carotide affolée. Du revers de ses doigts, il descendit sur sa gorge le long du tissu de sa chemise, avant de s'arrêter à hauteur du troisième bouton.

Enfin, avec une lenteur traduisant la préméditation, il se pencha sur son visage, les yeux mi-clos, et caressa sa bouche de ses lèvres tièdes. Son souffle serpenta entre ses dents, et lorsqu'il parla, ses mots se déversèrent directement dans sa bouche.

« Première séance, premier péché. La faute à la base de toutes les autres : l'Envie.

Front contre front.

Ses doigts enrobés de cuir glissèrent à nouveau sur sa nuque et de son autre main, il frôla sa taille. Une mèche d'un blond presque blanc, longue et froide, vint caresser le visage d'Hermione Granger. Elle repensa un instant à ses amis emprisonnés, peut-être même torturés. Elle ferma les yeux, résolue à ne pas flancher, et laissa Lucius Malefoy donner son épouvantable leçon.

***

Le Mal a de curieuses façons de renaître. Par exemple, qui aurait pensé qu'après la mort du Seigneur des Ténèbres, son adepte favori renverserait la situation à son avantage ?

Beaucoup imaginaient qu'après la disparition de Voldemort le monde sorcier renaîtrait de ses cendres, lavé de toute haine. C'était sans compter sur l'ambition peu commune de son premier lieutenant.

Et alors que les forces du monde libre focalisaient leur attention sur le Mage Noir, elles négligeaient l'ascension d'un sorcier au visage moins préoccupant, mais tout aussi machiavélique.

Lucius Malefoy, aujourd'hui ministre de la Magie.

L'homme au profil aristocratique et aux mains invariablement impeccables effrayait moins. Ses actes, ses ordres et ses objectifs inquiétaient moins, dissimulés sous un masque policé de sorcier raisonnable.

Alors que le monde magique basculait de son côté (son image de patriarche au sang froid rassemblant les indécis), la résistance s'affaiblissait, et l'odieux travail de haine de Voldemort se poursuivait.

Torture, emprisonnement, ségrégation.

L'ordre du Phénix dissolu de façon officielle, la moitié de ses membres se trouvait enfermée à Azkaban, emprisonnée sans procès.

C'était à ce titre que Hermione Granger était venue le voir, une semaine auparavant. Son laïus soigneusement orchestré l'avait agacé, puis presque amusé : se croyait-elle en mesure de lui enseigner à distinguer le Bien du Mal ?

Mais Lucius Malefoy était un dirigeant avisé : se débarrasser d'elle en l'envoyant en prison l'aurait desservi. L'opinion publique était une chose fragile et l'emprisonnement arbitraire, une arme dont il fallait user à bon escient.

Mieux valait saper dans l'ombre les forces anonymes, les soldats, la masse indistincte des opposants. Il avait déjà mis en détention le Survivant (officiellement fou à lier) et le jeune Weasley. C'était assez de symboles destitués. Assez de démonstrations de force.

Depuis la fin des combats, Hermione Granger n'était plus une anonyme, mais une opposante notoire à traiter avec une condescendance tranquille. Et pour être tout à fait honnête, le monde était bien plus intéressant s'il comportait quelques ennemis.

Elle avait continué à parler et, curieux, il l'avait écouté comme l'on assiste à un divertissement.

***

Que croyait-il lui apprendre ?

Pensait-il l'instruire d'une quelconque façon, ou bien cherchait-il à l'humilier ? Hermione ne mit pas longtemps à choisir la réponse. La colère et la honte l'éclaboussaient par vagues successives, tordaient son ventre, et la nausée lui faisait tourner la tête.

Encore une fois, l'image de ses pairs emprisonnés traversa sa conscience, et elle s'accrocha à elle de toutes les griffes de son esprit.

Sa bouche venait à nouveau de s'inviter sur la sienne. Sa poigne couverte de cuir tenait solidement ses cheveux. Il lui faisait boire sa respiration, comme pour l'empoisonner. Son haleine était chaude et subtilement relevée d'anis. Peut-être s'était-il préparé à cette rencontre, peut-être était-ce une habitude chez lui.

Toujours nauséeuse, elle attendait le contact d'une langue ennemie. Il resta longtemps ainsi, et bien qu'elle s'attendît à un baiser profond, celui-ci ne vint pas. Elle aurait préféré l'action, même hideuse, dans laquelle elle aurait pu s'oublier. Son supplice prenait racine dans l'attente de ce geste obscène.

Elle attendait, rien ne venait.

Au bout d'une éternité, Lucius Malefoy prit un peu de distance. Il examina son visage rougi et ses pupilles vrillèrent les siennes. D'une prise assurée sur sa mâchoire, il l'empêcha de se détourner. Hermione soutint ce regard, si bien qu'elle en oublia ce qu'elle voyait, noyée dans la grisaille hypnotique de ses iris. Privé d'âme, juste un regard.

Elle s'élevait, hors de son corps. Avec une part de dégoût pour sa faiblesse, elle comprit ce qui faisait de lui un dirigeant persuasif. Outre son allure il avait une expressivité particulière, cet éclat capable de dominer un échange, une conviction contagieuse.

Ron, son amour, grelottant sur le sol gelé de sa cellule d'Azkaban…

Elle se surprit à espérer un geste, à l'attendre même avec impatience. Elle ne voulait plus penser. Le ministre Malefoy lui ferma les yeux de sa main gantée.

***

Lors de l'entretien qu'il lui avait accordé, Hermione Ganger avait usé de toute la force de conviction dont elle était capable.

Non, elle n'ignorait pas que son statut de membre du barreau l'avait en sorte protégée de l'emprisonnement. Elle savait que relâcher Ron Weasley et Harry Potter n'aurait pas de sens aux yeux de ses partisans. Mais ne pensait-il pas, dans l'importance de sa fonction, qu'un geste de clémence aurait un impact bénéfique sur l'opinion de ses détracteurs et représenterait, aux yeux du monde sorcier, un acte de confiance en la stabilité de son régime ? Un apaisement pour les tensions qui émergeaient çà et là ?

Il ne lui avait pas donné raison. Elle avait rougi, aux limites de l'exaspération et du désespoir. Puis elle l'avait ennuyé un long moment avec sa vision manichéenne de l'existence.

Rien ne l'obligeait à l'écouter : il avait du travail à revendre, et avait même dû annuler un rendez-vous avec le président du Magenmagot pour la recevoir. Mais il n'avait pas pu résister à une telle distraction. Voir cette Sang-de-Bourbe le supplier de libérer ses amis était tout simplement trop bon. N'était-ce pas le genre de menu plaisir qu'il avait tant convoité, lors de son combat pour le pouvoir ?

C'était si délectable qu'il supportait sans trop de mal l'idée de son ascendance misérable.

***

Les yeux fermés, elle attendait toujours l'issue de cette terrible entrevue. Une bouche odieuse explorait son cou. Elle eut peur d'une morsure, puis pensa qu'il ne supporterait jamais le contact de son sang.

Toujours ses lèvres. Il n'utilisait pas sa langue, comme s'il craignait de goûter sur sa peau quelque arôme déplaisant. Il le ferait certainement, et l'attente de ce contact se mua en impatience sous l'effet de l'appréhension.

« Monsieur Malefoy, je vous prie de faire ce que vous avez à faire, sans plus nous faire perdre de temps, à vous comme à moi.

« - Mais nous y somme déjà, ne voyez-vous pas ? murmura-t-il tout contre sa peau. A vous entendre, on croirait que l'impatience vous torture.

Elle rouvrit les yeux.

« L'impatience ou l'envie, ajouta-t-il.

***

A bout d'arguments, ou bien à cause de la fatigue, elle avait fini par se taire, continuant à le foudroyer de ses yeux noirs.

Il s'était levé, avait rejeté les mèches platine qui serpentaient sur ses épaules et, jubilant, avait fait mine de contempler les ouvrages qui ornaient les rayons de sa bibliothèque.

« - Je pourrais vous en apprendre sur le Mal, Miss Granger. Chacun pense faire le Bien autour de soi, mais nul n'est irréprochable. N'avez-vous jamais commis d'actes répréhensibles ?

« - Je n'ai jamais enfermé d'innocents.

« - Je vous prouverai que vous avez une part d'ombre, comme tout être vivant.

Son regard avait eu un éclat cruel, et il avait repris la parole.

« - Je ferai libérer messieurs Potter et Weasley. Mais j'apposerai deux conditions à cette faveur.

Il y eut un silence.

« Sitôt libérés, ils devront quitter le pays de façon définitive. Acceptez-vous cette condition ?

Il se délectait de cette torture. Elle avait hoché la tête, comme l'épouse muette d'un mariage forcé, et il avait repris, de sa voix claire et posée.

« Seconde condition. Je vous ai montré l'étendue de ma clémence, vous devez donc admettre que je suis capable d'actes de générosité. Je vous demande donc d'en faire de même vous concernant : avouez que vous êtes capable de commettre des fautes. Et quand je parle de faute, je fais bien entendu allusion à des actes répréhensibles. Ai-je été clair, jusqu'ici ?

Elle avait pincé ses lèvres pâlies par la tension.

« En échange de la grâce de deux détenus, je sollicite de votre part sept entrevues, de durée et de nature variables, au cours desquelles vous vous rendrez coupable d'une faute. Au vu de mon emploi du temps chargé et de vos origines plus que douteuses, considérez ces séances comme autant de faveurs de ma part. Au terme de ces rencontres, je m'engage à libérer vos amis, et à les conduire à la frontière de l'état qu'ils auront désigné pour les accueillir.

Elle n'avait pas hésité une seconde à accepter, et cet empressement l'avait réjoui. Le marché qu'il venait de lui faire passer avait coulé hors de lui comme un poison longtemps retenu, rien n'avait été planifié. Il était le maître, et il disposait des ses prisonniers comme bon lui semblait.

Quelques jours plus tard, il avait envoyé une première convocation.

***

L'impatience, ou l'envie.

On le disait très seul. Son mariage était un échange de convenances de la part de deux riches et anciennes familles. Et au poste qu'il occupait, les amis étaient rares. Son fils avait disparu depuis son accès au pouvoir, fuyant probablement une influence qui jusqu'ici l'avait desservi.

On le disait aussi très cruel. Il avait usé des Impardonnables, ce dont Hermione en personne aurait pu témoigner. Sa ruse et ses coups bas ainsi que sa haine des sang-mêlés faisaient de lui un être sombre et retors à des lieues de l'image noble qu'il souhaitait afficher.

L'impatience ou l'envie ?

Tout ce qu'elle voulait, c'était qu'il en finisse. Mais à ce seuil d'angoisse et d'abnégation, l'impatience et l'envie devenaient la même chose. Et quoi de plus horrible que d'espérer quelque chose de la part de son pire ennemi, l'envie d'un geste intime motivée non pas par le désir, mais par la volonté d'en finir.

Et Lucius Malefoy faisait en sorte d'étirer ce moment à l'infini.

Elle sentait la sueur couler sur ses tempes. Bientôt, ses jambes ne porteraient plus. Le sang cognait dans sa tête, brouillant ses pensées. Les larmes montaient à ses yeux, et l'effort pour ne pas repousser l'homme mobilisait toutes ses forces. Allait-il ou non aller au bout de ses projets ?

Sa bouche rampait derrière son oreille, puis sur sa tempe humide, en passant par le coin de ses lèvres. Elle eut un hoquet de panique.

« Détendez-vous, il n'arrivera rien que vous n'ayez voulu.

Il quitta la peau de sa tempe et se recula. Sa cape gris foncé frôlait le parquet luisant alors qu'il la contournait avec lenteur et venait se placer derrière elle. Une main pencha sa tête en avant, et sa nuque fut au contact d'une chose étrange qui laissait un sillon froid sur sa peau.

Cette parade allait-elle durer encore longtemps ? Sa langue sur sa peau, une ignominie comme elle pensait ne jamais en connaître. Mais elle avait choisi d'honorer ce marché. Encore une fois, elle se concentra sur ses amis emprisonnés. Ce faisant, un bras solide entoura sa taille, et Lucius Malefoy planta brièvement dans son cou ses dents méprisantes.

« Finissez-en, je vous en prie, murmura Hermione, au bord du malaise.

« - C'est un plaisir de vous entendre supplier, mais je suis désolé de vous décevoir : notre rencontre s'achève ici.

Il resserra l'étreinte de son bras et déposa un baiser au creux de son cou. Hermione respira profondément.

« J'ai eu tout ce que j'attendais de vous. Vous êtes coupable d'Envie.

Elle n'avait rien trouvé à lui répondre, et alors que la tension abandonnait son corps et son esprit, elle n'en avait même pas eu envie.

Il lui donna congé.


J'espère que ça vous a plu.
N'hésitez pas à laisser un mot pour me dire ce que vous en pensez. A bientôt.