Madame Rosa était gravement malade et Mohamed avait peur, chaque jour il allait voir M. Hamil qui lui répétait que ce n'était rien.

Inquiet, il se rendit chez le Dr. Katz qui lui promit d'examiner madame Rosa, ce qu'il fit deux jours plus tard. Il demanda à Momo de se retirer tandis qu'il auscultait la vieille dame. En sortant de la chambre, il rassura le garçon qui comprit toutefois, a la mine du médecin, que ce n'était pas ''rien''…

La grosse femme parlait souvent d'Israël à l'adolescent, elle disait que sans jamais y être allée, elle y avait cependant ses plus beaux souvenirs… Il entreprit alors de l'y envoyer par tous les moyens ! Il se mit donc en quête de trouver de l'argent pour le voyage.

Il commença à fouiller dans l'armoire du salon et découvrit, cachées dans une boîte sous une pile de linge, des photos et des lettres adressées à Rosa Ginsburg. Sur les clichés, elle y paraissait avec un homme, ils devaient avoir la trentaine, à peine. Dans les lettres, des mots d'amour qui contaient une histoire passionnée que Momo s'empressa de lire. Elles étaient signées d'un certain Srulik. Il eut alors une idée…

Trois semaines plus tard, il reçut enfin le billet d'avion accompagné d'une longue lettre :
Mon cher petit Mohamed,
Je te remercie de m'avoir contacté. Rosa sera très bien reçue chez moi. Tu m'as demandé ce qu'était Rosa pour moi alors je vais t'expliquer.
Je suis né en Pologne et j'ai vécu dans le ghetto de Varsovie avec ma famille. En 1942, j'avais neuf ans, je me suis échappé et j'ai retrouvé mon père que j'ai vu se faire tuer par des nazis pour me sauver la vie.
J'ai réussi à survivre en me cachant dans la forêt et en travaillant chez des paysans. Il y a eu de belles rencontres, mais aussi des moments difficiles… Comme la perte de mon bras à cause d'une machine agricole, et surtout de l'antisémitisme d'un chirurgien qui refusa de m'opérer et qui me dénonça même…
J'ai rencontré Rosa bien après la guerre, à Paris. Nous sommes tombés éperdument amoureux et avons vécu un an de bonheur… Ce fut ma plus belle histoire d'amour.
Malheureusement, j'ai dû rentrer en Israël, car ma sœur, seule autre survivante de ma famille, était tombée gravement malade. Au début, Rosa et moi nous écrivions souvent, presque chaque jour. Puis une de mes lettres m'est revenue : elle avait changé d'adresse… Moi, je n'ai jamais déménagé, peut-être dans l'espoir qu'elle me retrouve… Puis j'ai fait la connaissance d'une femme formidable que j'ai finie par épouser. Mais je n'ai jamais oublié Rosa.
C'est pourquoi je te suis reconnaissant, Mohamed ! Tu as eu raison de compter sur moi. Ma femme et mes enfants l'accueilleront chaleureusement et nous la soignerons.
C'était signé Srulik.

Momo s'empressa d'aller annoncer la nouvelle à madame Rosa qui fut surprise mais heureuse.
La semaine suivante, Lola et lui l'accompagnèrent à l'aéroport.
Avant d'embarquer, la grosse dame serra l'enfant contre son cœur pendant un long instant, car elle le considérait comme son fils.

Cinq mois après, Mohamed qui habitait désormais chez Nadine, reçut une nouvelle lettre d'Israël.
À l'intérieur, un billet d'avion à destination de Tel Aviv et une belle carte postale d'une plage de sable blond au dos de laquelle madame Rosa avait écrit : ''Je vais beaucoup mieux, rejoins-moi, mon petit Momo.''