Fandom : A Song of Ice and Fire / Game of Thrones.

Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas, ils sont la propriété de G. R. R. Martin.

Pairing : Joffrey Baratheon/Sansa Stark, Sandor Clegane/Sansa Stark et léger Sansa Stark/Margaery Tyrell.

Rating : T, principalement pour les relations abusives.

Genre : Romance/Angst, Modern!AU.

Note : Ce truc est sorti de nul part. Il n'y a aucune raison à ce qu'il soit né. Je ne suis pas spécialement fan du Sansan et à vrai dire, je n'aime pas vraiment Sandor, mais voilà. J'en suis venue à écrire ce texte et il traîne depuis des mois dans mes documents.

Il s'agit d'un Modern!AU dans lequel Sansa, Joffrey et Sandor sont au lycée. Il ne reste pas grand-chose des évènements de la série. Je voulais avant tout traiter de la relation Sansa/Joffrey et du développement d'un Sansa/Sandor. À savoir, Sandor est OOC : il est certes violent, cynique et aigri, mais il respecte Sansa et ne lui force pas la main. D'ailleurs, sa différence d'âge avec Sansa n'est pas si grande ( Sansa a seize ans, Sandor en a dix-neuf, à peu près ). Comptez trois parties ( toutes déjà écrites ). Bonne lecture !


I. Rencontrer le Prince.


1. émerveillement

Sansa n'avait jamais eu de petit-ami avant Joffrey. Il y avait bien eu quelques garçons qui lui avaient plu, mais elle n'avait jamais osé sauter le pas. Elle n'en avait pas eu besoin avec Joffrey. C'était lui qui était venu la voir.

Elle s'était sentie rougir lorsqu'il l'avait approchée aux yeux de tout le lycée. Convoité par toutes, adulé de Tous, Joffrey était connu pour son inaccessibilité – son arrogance et ses colères aussi –, mais avec elle il s'était montré prévenant comme jamais. Pour la première fois de sa vie, elle s'était crue devenir une princesse – comme dans tous ces romans à l'eau de rose qu'elle empruntait à la bibliothèque municipale.

Joffrey était dédaigneux et prétentieux. Toujours scotché à son smartphone, un rictus narquois planté aux coins des lèvres et ses cheveux impeccablement coiffés, il balançait des remarques à tous les étudiants qui croisaient son chemin et l'exaspéraient de leur seule présence. Personne n'osait jamais protester – à part Arya qui, une fois, en était venue aux poings avec lui pour finalement écoper d'un renvoi de plusieurs jours. Joffrey était le fils du maire et le petit fils du chef de la police et ça n'avait échappé à personne. Les Baratheon et les Lannister étaient à la fois respectés et craints et Joffrey ne se privait jamais d'en profiter.

C'était sans compter sur le chien de garde qui suivait Joffrey partout. Un garçon dérangé qui terrorisait à peu près tout le monde avec sa figure à moitié brûlée. Sansa qui pourtant avait appris de sa mère à toujours être polie et courtoise n'avait pu s'empêcher de flancher devant une pareille laideur. Elle avait au moins pu réprimer une grimace et s'était dit que c'était toujours mieux que rien. Sandor Clegane, bien qu'âgé d'au moins trois ou quatre ans de plus que Joffrey, lui servait de garde-du-corps et exécutait à peu près tous ses ordres. Il lui était même arrivé d'écraser un ou deux élèves à la demande de Joffrey – et quand on savait que son frère aîné, à peine plus âgé que lui, avait déjà fait quelques allers-retours en prison, ça n'avait vraiment rien de rassurant.

Mais Sansa ne prêtait pas beaucoup d'importance à Sandor, ni à tout ce qu'elle entendait dire sur Joffrey. Quand il était avec elle, il était tout simplement différent. Elle avait l'impression d'être la seule à qui il réservait son respect. À ses yeux, elle était unique – et qu'est-ce qu'une jeune fille pouvait espérer de mieux venant de son petit-ami que d'être la seule personne à pouvoir faire briller ses yeux ?


2. premier coup de sang

« Je t'ai acheté, ça. »

Joffrey sortit de la poche de son manteau une petite boîte carrée, un écrin rouge, qui cachait un bijou en argent. Il lui passa le bracelet autour du poignet, avec un sourire non dissimulé. Un petit pendentif en forme d'andouiller y pendait.

« C'est très joli, merci, lui dit-elle. »

Un rire moqueur la coupa. Debout devant eux, Sandor qui fumait sa cigarette – comme toujours – et qui envoyait sa fumée en plein sur elle – ses vêtements et ses cheveux sentiraient le tabac froid une fois rentrée chez elle et elle fronçait déjà le nez rien qu'à imaginer leur odeur – les fixait avec un rictus grossier sur les lèvres. Il était toujours aussi laid, toujours aussi terrifiant et pourtant Sansa, qui n'en pouvait plus de devoir presque toujours le supporter lorsqu'elle voyait son petit-ami, prit son courage à deux mains et s'adressa directement à lui.

« Pourquoi est-ce que tu te moques ? Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? Ce n'est pas parce que toi tu ne comprends pas ces choses que tu dois nécessairement les tourner en ridicule. Pourquoi est-ce que tu restes avec nous, d'ailleurs ? Personne n'a besoin de toi, ici. Joffrey est peut-être ton seul ami – s'il peut seulement être considéré comme ton ami –, mais ça ne devrait pas t'obliger à le suivre partout.

- Aucun problème, si ma présence n'est pas nécessaire, je me casse. »

Sans plus de protestation, Sandor les planta là et s'éloigna, les mains enfoncées dans les poches de son blouson en cuir.

Joffrey, à la surprise de Sansa, se redressa et se mit à hurler sur Sandor.

« Ne fais pas le con ! Reviens ! »

Il ne reçut en retour qu'un haussement d'épaules et de l'ignorance, ce qui aggrava son incontrôlable ire.

« Sale chien ! »

Joffrey s'était teint de rouge et des veines, bleues, quadrillaient son beau visage – Sansa pensa qu'il n'était plus si beau une fois mis en colère.

Elle se leva tout de même pour calmer Joffrey, mais quand elle posa sa main sur son bras, celui-ci se dégagea d'un coup sec et lui renvoya un regard noir.

« C'est de ta faute ! Pourquoi est-ce que tu lui as dit ça ? »

C'était la première fois que Joffrey usait d'un ton si sec avec elle – lui qui avait toujours était doux et affable à son égard. Il y avait plus que de la colère dans sa voix et cela créa une boule dans le ventre de Sansa. Sa gorge resta nouée pendant un instant, jusqu'à ce que Joffrey la fasse sursauter.

« Pourquoi ? répéta-t-il dans un cri. »

Elle sentit la sueur perler sur son front et la culpabilité l'envahir d'avoir était si dédaigneuse envers Sandor – si elle ne l'avait pas fait, Joffrey n'aurait jamais eu aucune raison de s'énerver. Mais peut-être était-ce pour le mieux que le jeune homme ne soit plus là – elle n'aurait pas voulu sentir sur elle le regard dérangeant de Sandor, ni entendre l'abominable son de ses railleries.

« Je … je ne savais pas que tu tenais à ce point qu'il reste avec nous.

- Je n'ai jamais dit que je voulais qu'il parte, ça aurait dû te suffire à comprendre. »

Joffrey grommela pendant un moment, de nouveau les yeux rivés sur son téléphone.

Sansa se trouva stupide d'avoir agi sur un coup de tête. La journée avait si bien commencé, avec Joffrey qui l'avait appelée à la dernière minute. Il n'avait sans doute pas prévu de la voir, mais s'était peut-être décidé après avoir trouvé le bijou qu'il venait de lui offrir. Il s'était assurément fait une joie de la voir et elle venait de tout gâcher.

Après quelques longues minutes interminables, elle lui lâcha une excuse et il soupira bruyamment, comme agacé.

Il vint pourtant s'asseoir à côté d'elle.

« Tant pis, ce n'est pas si grave, confia-t-il, mais sa voix restait sèche. Viens, il est temps de rentrer. »

Sansa suivit son petit-ami qui concéda à lui tenir la main sur le chemin du retour, mais elle comprit dans ses longs silences qu'elle avait agi comme une enfant – l'enfant qu'elle était encore.


3. sanglots

Elle sanglotait, assise sur le perron de la maison de Joffrey. Elle était stupide, terriblement stupide. Elle n'avait même pas été capable de se taire et maintenant elle tremblait de tout son être sur le trottoir devant l'entrée de la maison de son petit-ami.

Elle avait une fois de plus tout gâché. Elle n'avait pas voulu intervenir, mais ça avait été plus fort qu'elle. Joffrey avait fait une remarque désagréable à son petit-frère – Tommen – qui s'était mis à pleurer et Sansa n'avait pu s'empêcher de le reprendre – parce qu'après tout Tommen n'était qu'un petit garçon. Joffrey n'avait rien dit au début, il s'était seulement renfrogné et la mère de Tommen – Cersei Lannister – avait ouvert de grands yeux et lancé un regard déplaisant à Sansa. Robert Baratheon, le père, avait ri avant de se resservir un verre de vin et de sortir un « je savais que la fille de Ned te ferait du bien, Joffrey, t'as bien besoin qu'on te remette à ta place de temps en temps ».

Après le repas, lorsqu'elle avait rejoint Joffrey dans sa chambre, il l'avait regardée avec de tels yeux que son sang n'avait fait qu'un tour. Elle était restée pétrifiée, sans bouger, devant ce jeune homme qui s'était une fois de plus métamorphosé devant elle.

Il pouvait pourtant être le plus doux des garçons quand elle se comportait convenablement. Il n'y avait qu'avec elle qu'il se défaisait de ses mauvaises habitudes et de son insolence. Même ses colères étaient calmées.

Du moins, c'était ce qu'elle avait pensé jusqu'à ce moment. Elle s'était trompée sur toute la ligne. Si elle parvenait à le calmer mieux que quiconque, elle était aussi celle qui le mettait le plus en rage. Tout était de sa faute.

Joffrey lui avait demandé de fermer la porte avant de lui hurler dessus. Il s'était approché si près d'elle et elle n'avait rien vu venir, certainement pas la main de Joffrey s'écraser contre sa joue.

Elle n'avait pas réagi et il lui avait conseillé de partir, sans même s'excuser.

Elle se mit à pleurer de plus belle, ne sachant pas quoi faire. Elle avait déjà tellement pleuré. Il n'y avait plus de bus à cette heure, elle se voyait mal rentrer chez elle à pieds ou contacter ses parents. Elle pouvait toujours appeler Theon qui, en espérant qu'il n'ait rien bu ni fumé, viendrait sans doute la chercher si elle insistait, mais même si elle l'en suppliait, il ne garderait pas ça pour lui. Il irait tout raconter à Robb, prétextant que c'était pour son bien.

Mais il n'en savait rien, il ne comprendrait rien du tout.

Un râle, semblable à un aboiement la surprit.

Levant lentement la tête d'entre ses mains, elle aperçut une large silhouette se tenir devant elle.

Sandor, ses cheveux sales retombant devant son affreux visage balafré, venait d'apparaître, une cigarette coincée entre les lèvres. Il écrasa son mégot sous sa botte et se planta devant elle.

« Je te ramène chez toi. »

Sansa leva un regard noir vers Sandor qui ne tiqua même pas. Il resta de marbre devant elle.

« Tu n'oseras pas appeler tes parents et tu ne dois pas rester toute seule dehors. Ce sera plus simple pour toi comme pour moi si tu me suis.

- Sinon quoi ?

- T'as pas vraiment envie de le savoir. »

Sandor s'éloigna dans la rue et s'arrêta devant une voiture noire, neuve et d'un modèle assez cher – sa voiture.

Elle ne l'avait même pas entendu s'arrêter. Joffrey lui avait sans doute écrit.

Il la fixait à la porte du siège conducteur.

Elle se résigna à se lever et repoussa les larmes sur ses joues d'un coup de manche. Elle était peut-être folle de suivre Sandor Clegane, le chien de Joffrey, le délinquant psychopathe qui servait de garde-du-corps au fils du maire, mais quel autre choix avait-elle ?

Elle s'installa dans la voiture en silence et Sandor démarra. Il se tut sur la moitié du trajet et si on lui avait donné le choix, elle aurait préféré qu'il se taise jusqu'à ce qu'ils arrivent devant chez elle.

« T'as pas l'air stupide. Pourquoi est-ce que tu agis stupidement ?

- Quoi … qu'est-ce …

- Pourquoi est-ce que tu restes avec lui ? Il est désagréable avec tout le monde, même avec toi.

- Et pourquoi est-ce que tu le suis partout et tu réponds à toutes ses demandes ? Il te traite comme si tu étais son chien.

- Tu comprends pas, n'est-ce pas ? jappa Sandor avec un sourire mauvais. Joffrey n'a pas d'ami. Joffrey est seul. C'est Tywin qui me paie pour que je colle au train de son petit-fils et comme je lui en dois plus d'une, je ferme ma sale gueule et je fais tout ce que le gosse me dit. Et toi c'est quoi qui te pousse à rester avec lui ? L'amour ? »

Ce fut craché avec bien plus que de la moquerie. Il y avait un profond mépris dans le ton employé.

« C'est ça. Et maintenant t'es comme un petit oiseau dans une cage. »

La voiture se stoppa à quelques mètres de sa maison. Elle reconnaissait l'arbre du jardin dans lequel Bran se plaisait toujours à grimper.

« Le petit oiseau est pris au piège. »

Sandor prit son menton dans ses doigts sans délicatesse et la força à lui faire face.

Elle détourna le regard et tenta de le fuir, mais la poigne de Sandor était plus forte qu'elle.

Après la claque de Joffrey – l'humiliation –, elle n'avait même plus la force de résister à Sandor.

« Tu devrais lâcher tes cheveux, histoire de cacher la marque. Elle se voit. Et t'es démaquillée. Demain, tu mettras du fond de teint pour cacher tout ça. J'ai vu tes dessins, je sais que t'es douée pour ce genre de trucs. »

Sandor la lâcha aussitôt et Sansa, surprise, se retrouva à ne savoir quoi faire. Elle suivit machinalement les conseils de Sandor, détacha ses cheveux et, devant le miroir, elle fit ce qu'elle put pour cacher les marques et arranger son maquillage.

Elle murmura un « merci » presque inaudible lorsqu'elle sortit de la voiture.


4. soulagement

Elle avait écouté Sandor et avait laissé ses cheveux lâchés – elle qui aimait tellement les natter. Elle s'était ensuite soigneusement peint le visage. C'était vrai, elle était douée. La marque de la claque de Joffrey, encore brûlante sur sa peau d'albâtre, était totalement camouflée. À croire que sa peau était restée intacte – mais son cœur, lui, saignait toujours.

Ce n'était qu'une fois, rien qu'une toute petite fois et ça ne s'était pas reproduit. Joffrey avait sans doute eu une semaine difficile – avec la date des municipales qui approchait et les tensions qui devaient régner chez lui, Sansa pouvait comprendre. Il ne recommencerait pas.

Et c'était vrai, il n'avait pas recommencé. Joffrey était redevenu le garçon aimant et doux qu'elle avait connu dès leur premier rendez-vous. Il l'avait invitée au cinéma, au restaurant même, l'avait emmenée sur les quais de la ville. Il avait été jusqu'à la suivre à l'un des concerts de son groupe préféré, sans trop broncher. Ils pouvaient de nouveau s'afficher ensemble, partout en ville, comme le parfait petit couple et Sansa était aux anges. Elle avait presque oublié les colères de Joffrey, ses mots et la violence de son geste.

Ils n'en avaient jamais reparlé.

Sandor et elle non plus n'en avaient jamais reparlé. Ils ne s'étaient plus jamais retrouvés seuls. Il restait toujours aussi envahissant, toujours à coller Joffrey – ne pouvait-il vraiment pas se faire d'autres amis ? –, toujours aussi effrayant et désagréable, mais il se taisait, au moins. Lui que Sansa ne connaissait pas particulièrement bavard était devenu quasiment muet en sa présence.

Il ne les suivait pas toujours lors de leurs rendez-vous, mais quand ça arrivait, Sansa demeurait gênée. Elle n'avait pourtant plus osé aborder le sujet. Ça fâchait visiblement Joffrey et il était inutile d'en rajouter. Elle se taisait. Après tout, c'était mieux ainsi et tout le monde était plus heureux.


5. désillusions

Sansa prit une profonde inspiration et se retint de ne pas pleurer. Elle avait étouffé à l'intérieur, elle se noierait peut-être à l'extérieur. Adossée au mur du bâtiment, presque trop sale, elle venait de quitter la boîte de nuit.

Elle s'était fait une joie de sortir ici. Le lieu était populaire, fréquenté par toute la jeunesse de la ville. Elle n'était qu'une lycéenne et elle était pourtant entrée. Elle avait dû batailler pour convaincre ses parents de la laisser sortir si tard dans un lieu où l'alcool coulait à flot. Son père l'avait trouvée un peu jeune, sa mère l'avait laissée accompagner son petit-ami. Sansa s'était dit qu'elle porterait une jolie robe, coifferait ses cheveux et se maquillerait un peu plus que d'habitude. Elle pourrait sortir et danser avec son petit-ami, montrer aux yeux de tous son amour pour Joffrey.

Elle pensait que tous les regards seraient rivés sur elle. Elle ne s'était pas attendue à ce que ceux de Joffrey soit dirigée vers une autre fille.

Une jeune femme aux cheveux bruns, aux yeux bleus pétillants et à la moue séductrice s'était affichée.

N'importe qui aurait choisi Margaery. Elle-même aurait choisi Margaery.

Sansa retint un sanglot dans sa gorge nouée.

Pire que de la déception, elle avait une fois de plus dû affronter l'humiliation. C'était devant un parterre de gens ahuris face à Joffrey et Margaery qu'elle était finalement parvenue à s'éclipser sans qu'on la remarque. Tout le monde semblait même avoir fini par oublier que Joffrey n'était pas célibataire et qu'il avait une petite-amie. Elle avait entendu la multitude de murmures.

« Joffrey et Margaery forment un si beau couple ! »

« Imagine qu'ils finissent ensemble ! Imagine même le mariage de ces deux-là ! »

« Margaery saurait peut-être enfin comment calmer Joffrey. Personne n'y est arrivé. »

« J'ai entendu dire que Joffrey cherche à la rencontrer depuis plus de deux mois. Margaery aurait apparemment refusé de le voir parce que sa rupture avec Renly – l'oncle de Joffrey – était trop récente. Ça aurait fait jaser. »

« Regarde ce sourire ? Même Joffrey n'a pas pu y résister. Margaery est magnifique. Qui pourrait la concurrencer ? »

Sansa aurait voulu plaquer ses mains sur ses deux oreilles, mais ça n'aurait pas fait taire les voix qui lui chuchotaient qu'elle n'était tout simplement pas assez bien pour Joffrey. Peu importe les paroles qu'elle ignorerait, les coups et les insultes qu'elle encaisserait, les vêtements qu'elle porterait, la couleur qu'elle mettrait dans ses cheveux et toutes les choses qu'elle lui céderait. Rien de tout ce qu'elle pourrait faire ne satisferait Joffrey. Elle s'épuisait inlassablement à plaire à un garçon qui ne l'aimait déjà plus et elle ne le réalisait sans doute que trop tard.

Cette fois-ci, elle se laissa aller. Elle était seule dans cette ruelle sombre et sale. Il n'y avait que ses pleurs et ses amours brisés pour lui tenir compagnie.

« Faut pas pleurer pour ça, petit oiseau. »

La voix la tétanisa. Sansa s'empressa d'essuyer les larmes qui coulaient sur son visage et enfila son masque le plus strict et impassible.

Alors qu'elle était au plus mal, il fallait que Sandor apparaisse avec ses piques moqueuses et son effrayante face.

Elle le vit debout dans l'ombre, une cigarette coincée entre les lèvres, le briquet entre les doigts. Il s'y reprit à trois fois avant de parvenir à l'allumer. Quand il recracha une fumée blanche et qu'il leva enfin les yeux sur elle, Sansa comprit que quelque chose n'allait pas.

« Tu devrais laisser tomber maintenant. Pendant qu'il s'intéresse à quelqu'un d'autre. Ça fera pas trop d'histoire. »

Sandor s'approcha en titubant sur ses deux jambes.

Sansa, sur ses gardes, s'éloigna légèrement.

Cela le fit rire. Il s'arrêta néanmoins à quelques centimètres d'elle.

« Pourquoi t'es toujours avec lui, d'ailleurs ? Avec tout ce qu'il t'a fait. La première claque t'a pas suffi ? »

Sansa évita son regard. Sandor la mettait mal à l'aise.

« Tu réponds pas ? Pas grave. Je peux parler tout seul, ça va rien changer. Tu sais, si j'avais pu mettre la main dessus ce jour-là ... »

Un sourire mauvais déformait ses lippes. Alors que Sansa avait cru que jamais il n'aurait pu être plus affreux, cette expression repoussa toutes les limites de l'entendement. Ses lèvres retroussées, on pouvait compter les dents tordues dans sa bouche. Ça et les cheveux qui lui cachaient la moitié du visage pour camoufler son ignoble brûlure lui donnaient un air bestial. Si on lui avait dit à l'instant que Sandor pouvait se métamorphoser en un quelconque animal, Sansa l'aurait cru.

« Je jure que petit-fils de Tywin ou non, ça aurait très mal fini pour lui. J'en aurais rien eu à foutre des conséquences. Il m'aurait foutu au trou le vieux et peut-être que j'aurais même pu y passer toute ma vie à pourrir sur un matelas miteux. Peut-être même qu'il aurait trouvé pire et qu'il m'aurait fait tabasser au coin d'une rue et il m'aurait laissé pour mort. Mais ça aurait rien changé. J'aurais été capable de lui frapper la tête contre un mur si fort qu'il se serait même plus souvenu le nom de sa salope de mère. Je lui aurais bien écrasé sa foutue main sur la gueule. Il se serait tellement frappé avec qu'il en aurait chialé. J'aurais même été capable de lui botter le cul si fort qu'il n'aurait plus été capable de s'asseoir. J'aurais pu ... »

Sandor ne la regardait plus. Il se parlait à lui-même, il ruminait sa colère à traîner ses remords comme un boulet à sa cheville. Il explosait parfois presque au bord des larmes et se reprenait juste après d'un rire dément. Sansa avait senti l'alcool dont il était imbibé.

Sandor avait beau se farcir de bonnes intentions, ça n'effaçait rien de son inaction. Il se taisait et détournait le regard quand Joffrey lui hurlait dessus et l'affublait de tous les noms. Il essayait maintenant de se faire presque passer en victime. Ça la mettait en colère plus qu'autre chose. C'était elle qui supportait la violence et le dénigrement de Joffrey. C'était elle qui s'était laissé entraîner dans une spirale dont elle ne savait plus sortir.

« Mais t'as rien fait, rétorqua-t-elle finalement. T'as jamais rien fait. »

Il ne s'était sans doute pas attendu à ce qu'elle lui parle et certainement pas sur ce ton là. Il fit volte-face et la regarda droit dans les yeux.

Sansa s'était attendue à de la colère, elle n'y trouva que de la culpabilité.

« T'as qu'à mot à dire, petit oiseau et je promets qu'il te fera plus jamais souffrir. »

Elle se tut, mais ne flancha pas. Même si elle avait peur, elle devait lui montrer qu'elle pouvait lui tenir tête.

Il s'approcha un peu plus, une main tendue qui s'arrêta à quelques centimètres d'elle.

« Regarde ce qu'il t'a fait. Il a voulu tout changer chez toi, jusqu'à tes cheveux. Ils étaient beaux en roux. Ils étaient comme un feu. Et maintenant il n'y a plus que des ténèbres. »

Sa main retomba brusquement et il s'éloigna. Il lui faisait dos désormais et quittait la ruelle.

« Viens, je te ramène chez toi. La voiture est garée dans la rue. »

Sansa le suivit, sans réfléchir, mais objecta tout de même :

« Tu es soûl.

- Il y a un bus à quelques mètres d'ici. Je fais le chemin avec toi. »

Ils attendirent à l'arrêt de bus. Le silence régna tout le long du trajet, même encore lorsqu'ils furent déposé à quelques pattés de maison du domicile de Sansa.

Ça l'arrangeait. Elle n'avait pas envie de causer avec un homme aussi éméché.

Le temps s'était rafraîchi et elle eut un frisson. Sandor n'hésita pas un instant. Il retira son blouson en cuir et le posa sur ses épaules. Il sentait à la fois la cigarette et la transpiration. Elle le remercia cependant.

« Garde-le. Tu me le rendras un autre jour. »

Elle rentra, lui souhaitant à peine une bonne nuit, et se coucha en tentant d'oublier cette désagréable soirée.


6. retour à la réalité

Joffrey avait rappelé le lendemain. Il voulait absolument la voir. Elle n'avait pu décliner. Il l'attendait dans la voiture de Sandor devant chez elle.

Elle sortit, le blouson de cuir à la main et entra dans la voiture, juste derrière le fauteuil de Joffrey. Celui-ci zieuta sur le blouson et lança un regard noir à Sandor.

« Pourquoi est-ce qu'elle a ton blouson ?

- Elle avait froid quand je l'ai raccompagnée. »

Joffrey eut un rire moqueur.

« Ne me dis pas que t'essayes de te faire ma copine. Tu crois vraiment que t'es à la hauteur ? Avec ta sale gueule ? »

Sandor ne lâcha pas un mot. Il lança un bref regard dans le rétroviseur intérieur.

Sansa prit ça comme un appel à l'aide. Sandor n'était pas blessé, il avait l'habitude d'entendre les remarques désagréables de Joffrey et de voir son physique dénigré, mais l'insolence répétée du garçon et son dédain l'avaient lassé.

Elle s'était crue la seule à être la victime de Joffrey. Ils étaient deux dans le même bateau, les deux personnes qui lui étaient les plus proches.

« T'y crois à ça, toi ? ajouta Joffrey en se tournant vers elle.

- Il a juste voulu se montrer aimable, répondit Sansa. »

La réaction de son petit-ami ne se fit pas attendre. Il explosa littéralement de rire sur son fauteuil. Il jeta ses pieds en l'air avant de marteler de coups le tableau de bord. Il se tordit de rire sur son siège. À bout de souffle, il tenta tant bien que mal de se redresser. Il en était même venu à pleurer.

« Sandor ? Aimable ? Avec le caractère de chien qu'il a ? Tu te fous de ma gueule ! C'est la meilleure de l'année ! »

Joffrey en faisait trop, il jouait la comédie et répétait les mêmes paroles en boucle. Ça en devenait pathétique et ça jouait sur ses nerfs.

Elle voyait les traits de son visage se déformer. Il devint presque aussi laid que lorsqu'elle le voyait se mettre en colère.

Sansa garda son calme, les mâchoires serrées. Elle n'avait pas toujours prêté attention aux remarques que pouvait faire Joffrey. Elle ne sut si c'était parce qu'elle avait été aveuglée par l'affection qu'elle lui portait ou si c'était parce que Joffrey se privait de le faire devant elle.

Ne voyant qu'aucun des deux ne réagissaient, Joffrey finit par se calmer et les regarda l'un et l'autre à leur tour.

« Vous en tirez une gueule d'enterrement. Qu'est-ce qui vous arrive ?

- Je suis fatiguée, mentit Sansa. J'ai mal dormi.

- Eh ben ça promet pour aujourd'hui. »

Joffrey fit signe à Sandor de démarrer et ils prirent la route dans un silence écrasant.