"Au delà des apparences"

Bonjour à tous, voici une fanfiction sur la série "Hartley coeurs à vif" et plus particulièrement sur le couple Drazic/Anita.

Cette histoire reprend les éléments de base de la série mais s'en detache fortement au fil des chapitres.

Les personnages sont identiques sauf quelques traits de caractère que j'ai modifié pour le bien de mon histoire comme le côté très studieux d'Anita.

J'espère que ceci vous plaira et que vous pardonnerez les fautes qui m'ont échappé et parsèment le texte.

Cette histoire est un moyen de faire revivre les personnages, je n'y gagne rien si ce n'est beaucoup de plaisir à l'écrire.

Bonne lecture.

Ville de Hartley

Mardi

Du brouhaha dans les couloirs de son immeuble sortit Drazic de son sommeil bien avant que son réveil ne sonne. De mauvaise humeur, il se leva et se dirigea machinalement vers la salle de bain quand il vit la porte de la chambre de son père encore grande ouverte et son lit défait. Seulement les draps étaient dans cet état depuis la veille ce qui signifiait que son père n'était pas revenu depuis au moins deux jours. Il laissa un profond soupir d'agacement mêlé de lassitude se faire entendre entre les murs de cet appartement sans vie puis entama sa routine matinale. Une fois douché et habillé, il s'avança vers la kitchnette qui leur servait de cuisine dans un coin du salon et allait se servir un bol de céréales avant de réaliser que les placards étaient vides. Sans espoir, il ouvrit le frigo et ne vit que des bouteilles de bière. De rage, il claqua la porte du réfrigérateur et se retint de laisser éclater sa colère sur la bouteille de scotch que son père avait négligemment laissée sur le plan de travail. Il ferma un instant les yeux pour calmer ses nerfs puis se saisit de sa besace et quitta l'appartement en claquant bien la porte pour déranger les voisins qui l'avaient tiré de son sommeil.

...

Anita Scheppers sortit de la salle de bain, un sourire aux lèvres se sentant fraiche comme une rose. Elle avait décidé d'oublier les mésaventures de la veille et de repartir sur un bon pied. À vrai dire, elle espérait qu'ignorer le problème le ferait disparaître. C'est sur cet état d'esprit qu'elle s'avança dans la cuisine, attirée par une délicieuse odeur de pancakes.

- Bonjour m'man, dit-elle en embrassant sa mère sur la joue.

Hilary Scheppers, occupée à retourner les fameux pancakes lui tournait le dos.

- Tu pourrais bien aller réveiller ton frère avant que je m'en charge, gronda Hilary dont la patience avait des limites.

- Je suis là, grommela ce dernier en descendant les escaliers.

Anita sourit en voyant son frère encore en pyjama.

- Non mais tu te fiche de moi, s'énerva sa mère. Ça va bien faire une heure que je t'appelle.

- Oh exagère pas il est même pas 7h30.

- Il est 7h40, fit remarquer Anita en riant.

- Quoi? s'étonna Ryan, en se passant une main dans ses cheveux en bataille, visiblement mal reveillé.

- Tu vas me faire le plaisir de te préparer, demanda Hilary d'une voix sans appel.

- Mais j'ai faim, rala Ryan en obtempérant tout de même.

Il fit demi tour sous le regard amusé d'Anita qui secoua la tête désabusée par son attitude.

- Dis-moi, comment ça s'est passé hier pour lui? s'enquit Hilary une fois que son fils fut hors de portée de sa voix.

- Si tu veux savoir s'il s'est attiré des ennuis, pas encore mais ça ne saurait tarder.

Hilary roula des yeux.

- Je suis sérieuse.

- Ça s'est bien passé, la rassura Anita. Arrête de le materner.

- Il a intérêt à réussir cette année, dit-elle. Je ne le lâcherai pas.

Anita leva les yeux au ciel face à l'attitude surprotectrice de sa mère. Elle comprenait son inquiétude mais jugeait qu'elle en faisait parfois beaucoup trop et devrait les laisser respirer, autant elle que son frère. Elle adorait la présence et la dévotion de sa mère envers elle mais elle ne pouvait nier se sentir étouffée.

...

Sur le chemin menant au lycée, Ryan prit de l'avance sur sa soeur pour rejoindre un groupe de copain et ne lui laissant d'autre choix que de finir le chemin seule. Arrivée devant les grilles du lycée, Anita vit l'une de ses camarades de classe, Katerina placarder une affiche sur un poteau faisant face au portail du lycée. Curieuse, elle s'approcha et vit qu'il s'agissait d'une offre d'emploi.

...

Lycée de Hartley High

C'est finalement en traversant la cour du lycée que les événements de la veille revinrent en mémoire à Anita. Elle tenta à nouveau de les occulter, marchant la tête haute et forçant un sourire sur ses lèvres, hélas, son angoisse grimpa à mesure qu'elle avançait dans les couloirs de l'établissement.

Anita Scheppers s'engouffra dans la salle de classe de littérature, la boule au ventre. La veille, lors de la pré-rentrée en Terminale, tout ne s'était pas passé aussi bien qu'elle se l'était imaginée. Elle était angoissée non pas pour cette nouvelle année de tous les dangers mais par la présence d'un camarade dénommé Drazic, avec qui elle avait eu un accrochage.

C'était la première fois qu'elle le rencontrait et très franchement elle aurait souhaité que ce soit la dernière car le regard glacial qu'il lui avait lancé en aurait effrayé plus d'un.

"C'est ça, moque toi du malheur des autres comme le parfait crétin congénital que tu es." Cette phrase résonnait encore dans son esprit, tout comme le silence religieux qui s'en était suivi et lui avait fait réaliser la portée de ses mots. Aussitôt que ces paroles avaient franchi la barrière de ses lèvres, elle avait vu le visage de Drazic se décomposer, laissant apparaitre un bref instant une vulnérabilité qu'il réussit à masquer à la perfection quelques secondes plus tard par un regard des plus noirs. À cet instant précis, elle savait qu'elle venait de déclencher une guerre et aurait aimé revenir sur ses paroles.

Jamais de sa vie elle n'avait eu l'audace de traîter quelqu'un de la sorte et encore moins devant témoins. Elle savait qu'elle allait amèrement le regretter.

Pour sa défense, elle avait vu rouge lorsque le jeune homme avait insulté sa camarade de classe et meilleure amie, Mélanie Black. Bien qu'il s'en était pris à la majeure partie de la classe, cette attaque avait été celle de trop aux yeux d'Anita et sachant pertinnement que Mélanie ne répliquerait pas, Anita n'avait pu s'empêcher de defendre son amie. Hélas, prise dans le feu de l'action et face à un Drazic qui ne lui adressait que du mépris, la jeune fille n'avait pu retenir ses paroles malheureuses. En toute honnêteté, elle pensait qu'il lui renverrait à son tour une réplique cinglante au lieu de cette froide indifférence qui semblait lui promettre de lourdes représailles. La jeune fille imaginait qu'il se serait défendu, l'aurait insulté de tous les noms, ce qui l'aurait conforter dans le fait qu'elle avait eu raison de le traiter ainsi et lui aurait permis de passer à autre chose. Mais, c'est comme s'il avait deviné ce qu'elle espérait et qu'il n'était pas décidé à lui accorder cette échappatoire. Elle se souvenait encore du regard assassin qu'il avait lancé à la ronde pour faire cesser les rires moqueurs et étouffés à son encontre. Visiblement, la mauvaise réputation du jeune homme n'était plus à prouver car, par crainte de ses réactions, les moqueries avaient brusquement cessées. Muet comme une tombe, il avait rejoint sa place sans quitter un seul instant sa nouvelle Nemesis des yeux. Affreusement gênée, Anita avait été sur le point de s'excuser maladroitement lorsque discrètement, certains de ses camarades, à commencer par son frère aîné Ryan qui lui ne s'en cachait pas, l'avaient félicité. Honteuse d'avoir humilié publiquement quelqu'un, même s'il s'agissait d'un imbécile, Anita s'était alors faite toute petite jusqu'à la fin de l'heure durant laquelle les professeurs étaient venus se présenter tour à tour.

À présent, le coeur battant la chamade, Anita inspecta un moment la salle de classe avant de s'installer à une table du devant, près de Mélanie.

- Il n'est pas encore arrivé, lui indiqua la jeune fille en voyant l'inquiétude se lire sur les traits de sa meilleure amie.

- Tu crois qu'il aura oublié? demanda Anita sans réellement y croire.

Le regard ennuyé que lui adressa Mélanie suffit à monter son angoisse d'un cran.

- Evidemment que non! se dit-elle à elle même.

C'est alors qu'elle le vit entrer, une pomme à la main que leur professeur de littérature, Mlle Ronnie, ne tarda pas à lui arracher.

- Merci Drazic! Dépêchez-vous les retardataires! prévint Ronnie en fermant la porte sur les derniers arrivants.

Anita eut un léger soulagement car Drazic faisait le pitre à cause de sa pomme dérobée et semblait ne pas se préoccuper de sa présence. Seulement, quand il finit par se calmer sur les ordres de Ronnie et s'avança vers une place au fond, ses yeux verts vrillèrent ceux bleus gris d'Anita avant de quitter son champ de vision.

- Waouh! fit Anita en avalant avec peine sa salive.

- Ne t'inquiète pas, il veut t'intimider, c'est tout, tenta de la rassurer Mélanie.

- Eh bien ça marche, avoua Anita qui tremblait presque en sortant ses affaires.

- Qu'est-ce que tu vas faire?

- La seule chose que j'aurais dû faire, présenter mes excuses.

- Mais tu n'avais rien fait...

- Hum hum! fit Ronnie en se raclant la gorge. Dites-le nous si on vous dérange les filles?

- Pardon mademoiselle! firent-elles en coeur.

Mélanie palissait à vue d'oeil, craignant que cette mauvaise conduite n'apparaisse sur son relevé de note. Mais Anita était à mille lieu de ces considérations et se demandait simplement comment elle allait faire pour se tirer ce mauvais pas. Car se confondre en excuse était une chose mais rien ne lui garantissait que Drazic accepterait si facilement de lui pardonner.

La fin de la première heure de cours retentit et Anita avait honte de reconnaître qu'elle n'avait strictement rien écouté du cours sur Shakespeare et consors.

- Dis, tu peux me passer tes notes?

- Evite d'être dans la lune la prochaine fois, la réprimanda gentiment son amie tout en enlevant deux feuilles de son classeur. Tiens, les voilà!

- Merci, c'est sympa!

- On se rejoint après la pause, je dois passer en salle informatique, la prévint Mélanie.

- Pas de souci, je te garderais une place si j'arrive avant toi en cours de science.

- Oui je ferais pareil, à tout à l'heure.

Anita finissait de placer les notes de Mélanie dans son classeur lorsque Drazic la bouscoula en passant pour sortir.

- Oh, désolé, je ne t'avais pas vu! dit-il d'un air faussement contrit.

Nul doute qu'il l'avait fait exprès car la rangée était assez large pour éviter ce genre d'incident.

- C'est pas grave! marmonna la jeune fille qui jugea préférable de ne pas lui faire de remarque.

Avec un sourire sournois, il quitta la classe, certainement fier de son petit effet. Anita se maudit de ne pas avoir profiter de l'occasion pour présenter ses propres excuses mais se dit finalement que le moment n'était pas le plus opportun, entourée de tous ces élèves et de son professeur qui effaçait le tableau pour préparer une nouvelle heure de cours.

...

La pause du matin aurait pu être le moment idéale pour Anita d'affronter Drazic, seulement il disputait un match de basket en compagnie de deux autres camarades de classe incluant son frère, Ryan. Elle doutait donc que l'interrompre le rende plus enclin à l'écouter d'autant plus qu'il semblait déjà passablement énervé par ses coéquipiers.

Tout en dribblant, il tourna autour de Ryan sans se soucier de ses autres camarades qui réclamaient le ballon.

- Tu sais que ta soeur est plutôt bien roulée! lui dit Drazic à mi-voix.

- Te fatigue pas, t'es pas son genre! rétorqua Ryan en essayant de faire une feinte pour lui reprendre la balle.

Mais Drazic était un joueur né et les autres avaient bien compris que c'était lui qui menait le jeu.

- Elle se donne de grands airs mais je suis sûr que si on la pousse un peu elle se laisserait facilement faire.

- Bon, tu joues oui ou quoi?! s'agaça Ryan.

Il se faisait violence pour ne pas entrer dans son jeu et lui casser la figure.

Drazic le vit et profita de cet instant de faiblesse pour lancer le ballon de basket qui attérit sans peine dans le panier.

Bien trop loin dans la cour, Anita n'avait pu discerner les mots de Drazic mais son sixième sens lui dictait qu'elle était directement concernée. Assise contre un muret, la jeune fille studieuse qu'elle était essaya tant bien que mal de se replonger dans les notes du cours d'Anglais qu'elle avait littéralement zappé.

- T'es qu'un tricheur! s'emporta Ox.

- On est mauvais joueur, Obélix! le nargua Drazic en l'attaquant directement sur son physique alors que son pote Bazza lui tapa dans la main, fier de son coéquipier.

- Très drôle, Drazic, répondit simplement Ox.

- Viens Ox, il en vaut pas la peine! lança Ryan en quittant le terrain de basket.

Drazic se contenta de sourire niaisement en faisant un signe de la main pour les saluer.

- Aurevoir les filles! se moqua-t-il en prenant une voix exagérément féminine.

Sa voix aigue atteind l'ouïe fine d'Anita qui soupira fortement.

- Quel crétin!

...

La deuxième heure de cours allait débuter. Les élèves de Terminale s'engouffrèrent dans la salle de science d'un pas vif, se bousculant les uns et les autres au passage, comme s'il s'agissait d'un jeu.

Du fait de sa petite taille et de sa timidité, Mélanie choisit d'entrer parmis les derniers pour ne pas se mêler à la cohue générale. Elle vit Anita installée au deuxième rang et une place vacante à ses côtés.

- Merci pour la place!

- Pas de quoi, marmonna Anita sans conviction, les yeux dans le vague.

- Ça va?

- Hein? balbultia la jeune fille avant de reprendre pied à la réalité. Ah oui, j'étais ailleurs.

- Ne me dis pas que tu as eu une nouvelle altercation avec Drazic?

- Non, dit-elle vivement avant d'ajouter plus calmement. Non, ce n'était pas le bon moment.

- Alors ne le fais pas!

- Oh, c'est facile à dire.

- Ça ne fera qu'empirer les choses, soutint Mélanie. Il va s'en servir contre toi. Avec ce genre de gars, il n'y pas de dialogue possible.

- Mais qu'est-ce que tu en sais? Peut être qu'il est plus tolérant que ça.

A l'instant où cette phrase franchit la barrière de ses lèvres, Anita ne put retenir un rire nerveux.

- Non, tu as raison, il va sûrement me rire au nez ou pire encore me cracher à la figure.

- Ça serait bien son genre, approuva Mélanie en riant.

- Mais je dois quand même m'excuser et pas seulement pour lui, mais pour moi. Tu comprends, si je ne le fais pas je ne pourrais plus me regarder en face.

- Oui, je comprends, seulement ne te fais pas trop d'illusions, d'accord?

Légèrement contrariée, Anita hocha simplement la tête.

- Bien, je vois que vous êtes tous là! s'exclama Mr Bailey en refermant la porte de la classe. Pour ceux à qui ça aurait échappé ou qui n'aurait pas été attentif à mon discours de pré-rentrée, je suis Mr Bailey. Je serais votre professeur de sciences et de mathématiques pour toute votre année de Terminale ainsi que votre proviseur jusqu'à ce que quelqu'un d'autre soit nommé à ce poste. Si l'un d'entre vous rencontre le moindre problème, c'est à moi qu'il devra s'adresser. Vous pouvez aussi vous confier à vos autres professeur mais sachez que pour tous problèmes de disciplines, c'est à moi qu'il faudra en référer.

- Oui, Mademoiselle Ioannou? s'enquit-il en voyant un bras levé.

- C'est Katerina, rectifia la jeune brune.

- Justement, c'est un des points que j'aimerais aborder avec vous, la coupa Bailey. Dorénavant, vous ne vous adresserez à vos professeur que par leurs noms de famille ou leur civilité et non par leurs prénoms. Et eux feront de même avec vous.

- Quoi? s'indigna une poignée d'élèves.

- Mais on a toujours fait comme ça, renchérit Charlie un jeune homme à lunettes, assis aux côtés de Katerina.

- C'est injuste monsieur! ajouta cette dernière.

- C'est trop naze! lança Drazic qui paraissait vraiment déçu de cette nouvelle obligation.

- Mais pourquoi nous enlever ce droit, monsieur? demanda Anita, tout aussi abasourdie par cette nouvelle.

- Il n'y a pas à discuter, jeunes gens, c'est un privilège dont vous avez bien trop longtemps abusé, leur expliqua Bailey.

- Ce n'est pas de l'irrespect monsieur mais une marque confiance, aussi bien de notre côté que du leur, insista Anita.

- Ouais, Anita a raison, renchérit Drazic à la surprise générale. Ce n'est pas parcequ'on tutoie nos profs qu'on va les traîter comme nos potes.

Mr Bailey asséna une réplique qu'Anita n'entendit pas tant elle était sous le choc des mots de Drazic. Venait-il réellement d'approuver ses dires? Et si tel était bien le cas, y avait-il une infime chance que cela signifie qu'il ait décidé de passer l'éponge ou bien se faisait-elle des idées?

Un simple échange de regard entre eux lui aurait donné la réponse mais la jeune fille n'osait pas se retourner, de peur de se prendre une nouvelle claque.

- Ce sujet est clos! Mlle Ioannou, il me semble que vous aviez une question à me poser?

- C'est Katerina, railla-t-elle peu enjoué par ces nouvelles règles. Vous disiez tout à l'heure qu'on devra s'en remettre à vous pour tous problèmes alors ce que je voudrais savoir c'est si ça concerne uniquement les soucis de disciplines?

- Il me semble avoir déjà répondu à cette question. Si vous avez des ennuis, vous devez venir me voir, point.

- Oui mais si on confiait quelque chose de très personnel à Ronnie par exemple, est-ce que vous auriez un droit de regard sur ce problème?

- Je crois savoir que vous êtes redoublantes, mademoiselle Ioannou.

- Oui, mais je ne vois pas bien ce que ça vient faire là-dedans, répondit-elle quelque peu vexée.

- Les années précédentes vous aviez peut être pris l'habitude de confier votre vie personnelle à vos professeurs, et quand je dis professeur j'entends surtout Mlle Brooks, mais sachez qu'ils sont tenus de m'informer de tous problèmes qui pourraient compromettre votre avenir et l'intégrité de cet établissement.

- Si je comprends bien, si on a besoin de réconfort, autant allez voir la psychologue! se moqua Mai, une jeune asiatique à la langue bien pendue.

- Bien sûr que non, si vous avez besoin de parler, vous pourrez toujours vous confier à vos professeurs...

- Pour qu'ils aillent tout vous balancer! s'insurgea Drazic en reprenant part à la conversation.

- Oh je vous en prie, Mr Drazic!

- C'est Drazic! corrigea le jeune homme en se marrant.

- Pour que les choses soient plus claires, je vous ai fait à chacun une copie du nouveau règlement, annonça Mr Bailey sur un ton qui n'admettait aucune réplique.

De la main, il désigna Anita.

- Mlle Scheppers, voulez-vous bien les distribuer?

Plongée dans ses pensées, Anita mit un temps à répondre avant de sentir le coup de coude de son amie.

- Euh, oui bien sûr, monsieur.

Heureusement pour elle, Mr Bailey avait joint le geste à la parole en s'approchant d'elle pour lui tendre les copies.

Tandis qu'elle passait entre les rangs, elle sentit plus qu'elle ne vit le regard perçant de Drazic. Elle était pourtant de dos, mais elle avait la conviction que si elle choisissait ce moment pour se retourner, leurs regards se croiseraient. C'était bien la première fois que la jeune fille avait ce genre de pressentiment et cela fut plus fort qu'elle, elle tourna la tête un instant pour rencontrer des iris emeraude la transpercer de toute part. Drazic ne paraissait même pas gêné de s'être fait prendre sur le fait puisqu'il ne baissa pas un seul instant les yeux de sa proie.

Proie était le mot juste car à ce moment la jeune fille se sentit comme une pauvre biche prise dans les phares d'une voiture ou plutôt d'un gros camion citerne.

Pourtant, le regard de Drazic n'avait rien de menaçant, ni d'intimidant, pour une fois il se contentait de la fixer sans qu'aucune trace de méchanceté ne se reflète dans ses yeux. Seulement, toute son attention était portée sur Anita qui blêmissait à vue d'oeil. Elle lutta pour ne pas baisser les yeux la première, signe évident qu'il aurait réussi à la mettre mal à l'aise, et remercia le ciel d'avoir ces feuilles entre les mains car cela lui donna un bon prétexte pour détourner son regard.

- Un escargot irait plus vite que toi. Tu vas nous les donner ces foutues feuilles? râla Barry, appelé familièrement "Bazza", l'un des potes à Drazic.

- Eh, ferme là, toi! le remit aussitôt à sa place ce dernier en donnant un coup dans les pieds de la chaise sur laquelle était assis Bazza.

Cette simple remarque avait agacé Drazic, sans qu'il ne sache réellement pourquoi.

Anita se demandait si elle était en train de rêver ou si Drazic avait vraiment pris sa défense. Elle était d'autant plus embarrassée qu'elle ne savait pas s'il était judicieux de le remercier ou de jouer la carte de l'indifférence. Elle fine mine de rien et tendit une feuille à chacun d'entre eux.

- Merci, lui dit Drazic en feignant un sourire.

La sourire semblait tellement forcé qu'Anita préféra ne pas y répondre, ni par la parole, ni par le geste.

Elle finit de distribuer le nouveau règlement intérieur, sans oublier d'en réserver un pour elle, puis reprit sa place auprès de Mélanie, complètement déboussolée.

Premièrement, Drazic avait approuvé sa manière de penser. Certes, il y avait de grande chance qu'il ait abondé dans son sens uniquement pour se dresser contre l'autorité de Bailey mais pourquoi alors l'aurait-il défendu suite à la remarque de Bazza?

Et s'il avait voulu passer l'éponge sur leur querelle, pourquoi afficher un tel sourire moqueur?

Etait-ce une sorte de jeu pour lui? Lui donner l'illusion qu'il lui pardonnait pour qu'elle tombe de haut?

Anita trouva cette idée ridicule et vraiment tordue mais ne l'exclua pas.

...

- Tu es vraiment sûr? demanda Mélanie, la voix teintée d'inquiétude tout en ouvrant son casier.

- Oui Mel. Il faut juste que je trouve le bon moment.

- Tu sais, moi je trouve vraiment qu'il ne mérite pas ton pardon.

- Oui, je sais mais je ne me sentirais pas mieux tant que je ne lui aurait pas dit.

- Mais quand même...

- Oh allez, Mélanie, on parle d'autre chose, d'accord!

- Très bien, c'est toi qui voit.

- Tu passe chez moi après les cours?

- Je ne peux pas, mon père rentre justement ce soir et il m'a promi de passer la soirée avec moi.

- Ah, je comprends, répondit Anita dont la déception se faisait clairement entendre.

- Mais demain, y'aura pas de souci.

- Il est là!

- Qui? s'enquit Mélanie sans comprendre à qui faisait allusion son amie.

- Drazic, murmura Anita, il est à son casier.

- Et alors?

- Je crois que je vais y aller.

- Quoi, maintenant?

- Oui, je ne tiendrais pas une minute de plus comme ça. En plus, il n'y a presque personne dans les couloirs.

- Alors tu ferais bien de te dépêcher parcequ'il referme son casier, la prévint Mélanie tout en refermant son propre casier.

En effet, Drazic prenait déjà la direction de la sortie, une planche de skate sous le bras.

- Drazic! l'arrêta Anita en accourant vers lui.

Mélanie préféra s'éclipser, certaine que son amie en ressortirait plus déçue que véritablement soulagée.

Le jeune homme fit volte face, étonné que sa camarade lui adresse la parole. Il allait l'envoyer balader quand la curiosité le gagna.

- Ouais, quoi? répondit-il, quelque peu bougon.

- Est-ce.. que je peux te parler? balbutia Anita en triturant nerveusement ses mains.

- De quoi?

- En privée, précisa-t-elle alors qu'il restait planté sur le perron du lycée menant à la cour.

- J'ai pas que ça à faire, figure-toi! dit-il en acceptant pourtant de reculer de quelques pas dans les couloirs vides du lycée.

- Bah, vas-y, je t'écoute! la pressa-t-il en jouant avec sa planche de skate, la faisant passer d'une main à l'autre.

- Je suis désolée, lâcha finalement la jeune fille. Sincèrement.

- Ah ouais et à propos de quoi?

Anita en resta quelques instants coîte avant de comprendre qu'il ne lui faciliterait pas la tâche.

- De t'avoir traîté comme je l'ai fait...

- Traité de quoi? Redis-le moi que je me raffraîchisse la mémoire! demanda-t-il en prenant un malin plaisir à la mettre mal à l'aise.

- Tu le sais très bien, Drazic, soupira-t-elle en perdant peu à peu patience. Je ne vais pas le répéter!

- Tu viens t'excuser, la moindre des choses ce serait de me dire pourquoi.

- Tu tiens vraiment à ce que je le redise?

- C'est à toi de voir, lança-t-il en haussant les épaules d'indifférence avant de prendre le chemin de la sortie.

- De t'avoir traîté de "crétin congénital" voilà, ça te va! s'énerva-t-elle.

Drazic revint vers elle, un sourire narquois aux lèvres.

- Tu vois, c'était pas si dur. Et maintenant dis-moi pour quelle raison je devrais accepter tes excuses?

- Comment ça? demanda-t-elle innocemment tandis qu'un profond soupir s'échappait de ses lèvres.

- Tu n'espère tout de même pas que de plates excuses vont effacer l'humiliation publique que tu m'as fait subir?

- Oh ça va, n'exagère pas! s'emporta la jeune fille. Tu sais très bien que je me suis emportée après que tu aies toi-même humilié la moitié de la classe par tes propos mesquins et méprisants.

- Bah oui, parce que surnommer ta copine de petite intello coincée c'est bien pire que de me traîter de crétin congénital qui ne fera jamais rien de sa vie.

- Je n'ai jamais rajouté ça! s'indigna Anita.

- Ça revient au même, décréta Drazic sur un ton qui en aurait découragé plus d'un.

- Eh, tu ne t'es pas contenté de la traîter de bourge coincée du cul alors arrête un peu avec ta mauvaise foi!

Drazic ne put se retenir de rire en constatant que la colère la faisait devenir grossière. Du peu qu'il connaissait la jeune fille, ce n'était clairement pas dans ses habitudes de jurer comme un charetier.

- Tu sais, pour quelqu'un qui cherche à se faire pardonner, tu t'y prends très mal.

- Ce que tu peux être...

La jeune fille inspira profondément, fermant un court instant les yeux pour se détendre. Il ne manquerait plus qu'une vacherie franchisse encore le seuil de ses lèvres.

De son côté, Drazic ne put masquer le sourire qui étirait toujours ses lèvres, car il trouvait la réaction d'Anita divertissante.

- Tout ce que je voulais te faire comprendre, c'est que ce n'est pas dans mes habitudes d'insulter les gens. Je ne pensais pas du tout ce que je disais mais tu m'as poussée à bout.

- Bien sûr, ça va être de ma faute! cracha Drazic, tout son sérieux retrouvé.

- Est-ce que tu écoutes ce que je te dis au moins? Je viens m'excuser pour m'être emportée l'autre jour et toi tu ne comprends que ce que tu veux!

- Bien oui, tu ne le savais pas, fit-il d'un air incrédule, je suis un crétin congénital alors forcément il faut un certain temps avant que les informations ne montent au cerveau.

Anita ouvrit un instant la bouche, interdite avant de baisser les yeux puis de les relever pour affronter à nouveau les yeux qui la transperçaient de part et d'autre.

- Je sais que je t'ai blessé et ça me rend malade, reprit la jeune fille sur un ton qui se voulait plus posé.

- Non, non, là je t'arrête tout de suite! s'énerva Drazic. Tu es venue uniquement pour apaiser ta conscience de petite bourgeoise toute propre sur elle. Si tu crois que je vais oublier cette histoire alors là tu te fourres le doigt dans l'oeil.

Sur ces mots, il planta sa camarade dans le couloir, qui se décomposait à vu d'oeil, pour retourner dans la cour.

Anita en avait presque les larmes aux yeux mais ce qui lui fit plus mal encore c'est que Drazic n'avait pas totalement tord. Bien sûr qu'elle était navrée de lui avoir causé de la peine mais comme elle l'avait elle-même confié à Mélanie, ce qui la tracassait le plus était de garder cela sur la conscience.

...

Drazic avait envie de frapper sur quelque chose ou quelqu'un. Comment osait-elle lui présenter des excuses alors qu'elle ne pensait qu'à sa petite personne? Dès qu'elle avait commencé à s'excuser, il lui était apparu clair qu'elle ne faisait que peu de cas de l'humiliation qu'elle lui avait donné, bien plus interessée d'obtenir le Salut pour purifier son âme. Alors il avait joué avec elle, comme il continuerait de le faire pour le simple plaisir de l'humilier, au moins autant que lui avait pu l'être face à cette classe de plouc.

...

C'était la pause déjeuner, la plupart des élèves qui ne déjeunaient pas au réfectoir prenaient un casse-croute qu'ils dégustaient sur une des tables de la cour. En avisant Mélanie assise à l'une de ses tables, Anita se hâta de la rejoindre.

- Grrrr! Non mais quel abruti! grogna-t-elle sur les nerfs.

Elle n'en avait que faire que plusieurs élèves, à commencer par le principal intéressé, puisse l'entendre, tout ce dont elle avait besoin c'était d'expulser sa colère.

- Ça ne s'est pas bien passé, conclut son amie en affichant un air désolé.

- Tu avais raison, aucun dialogue n'est possible avec ce genre de type.

Sur ces mots, elle posa rageusement son sac à dos sur la table.

- Dans ces circonstances, j'aurais aimé avoir tord, affirma Mélanie.

- Tu ne sais pas ce qu'il a osé me dire? dit la jeune fille, toujours aussi remontée.

Sa question semblait ne demander aucune réponse car elle enchaîna sans laisser à Mélanie le temps de répondre.

- ... que je ne lui présentais des excuses que pour soulager ma conscience.

- Ce qui est un peu vrai, la coupa son amie d'un ton ennuyé.

- Oui, je le sais, reconnut Anita d'un ton agacé, mais ce n'est pas la principale raison. Je sais que ce que je lui ai dit était mal venu, et qu'à sa place j'aurais apprécié qu'on vienne s'excuser.

- C'est ça le problème, Anita, tu ne peux pas te mettre à sa place parce qu'il ne pense pas comme nous.

- Ouais, je me demande d'ailleurs s'il réfléchit parfois, poursuivit Anita. C'est vrai, qu'attendait-il de plus? Que je me mette à genoux?

- Ça lui aurait sûrement fait plaisir, oui, rit Mélanie.

- Oui et bien tu sais quoi? J'en ai fini avec lui, maintenant s'il a quelque chose à me dire qu'il me le dise en face ou qu'il me fiche la paix!

Contente de sa bonne résolution, Anita s'assit enfin à côté de son amie avant d'éclater d'un rire nerveux.

- Quoi? s'étonna Mélanie en riant à son tour.

- En plus, il m'a mise si hors de moi que j'étais à deux doigts de le traiter à nouveau d'idiot!

Toutes deux partirent dans un fou rire qui n'échappa nullement à Drazic. Il revenait tout juste de la cafétéria, un sandwich au bacon à la main lorsqu'il vit les deux jeunes filles se tordre de rire.

Il n'arrivait presque pas en à croire ses yeux. Anita se moquait certainement de lui en rapportant leur échange mouvementé à qui voulait bien l'entendre. Il ne s'était pas trompé à son sujet, elle n'en avait que faire de l'avoir blessé du moment que cela n'entachait pas sa réputation. A présent qu'elle avait fait sa bonne action de la journée en s'abaissant pour présenter des excuses, elle croyait pouvoir tout se permettre. Mais Drazic était loin d'en avoir fini avec elle.

- Rira bien qui rira le dernier! assura-t-il avant de détourner les yeux de cette scène.

...

Anita toqua à la porte du bureau du proviseur, peu rassurée à l'idée de se retrouver face à lui.

- Entrez! dit la voix bourrue de Les Bailey.

- Vous m'avez fait appeler monsieur? s'enquit la jeune fille après avoir poussé la porte.

Cependant, elle resta sur le seuil, embarassée.

- Ah oui, justement je pensais à vous Mlle Scheppers! Entrez, je vous en prie!

De savoir qu'elle occupait les pensées du proviseur la mit d'avantage mal à l'aise. Elle se demandait ce qu'elle avait bien pu faire de mal.

Tout en se triturant l'esprit, elle ferma la porte afin d'empêcher des oreilles indiscrètes d'avoir accès à la conversation et vint s'installer sur l'une des deux chaises libres devant le bureau.

- Comment se passe cette rentrée? s'enquit Mr Bailey avec sérieux.

- Euh, bien, répondit vaguement la jeune fille qui ne parvint pas à masquer son étonnement ni son embarras.

Avait-il ce genre de considération pour tous les élèves?

- Il n'y a pas eu d'autres conflits depuis hier?

Anita soupira en comprenant enfin où il voulait en venir.

- Si c'est au sujet de mon altercation avec Drazic, monsieur, ça ne se reproduira plus, je vous assure.

Il avait été aux premières loges lors de la pré-rentrée lorsqu'Anita avait été la seule de ses camarades à oser remettre Bogdan Drazic à sa place. Et il n'avait sûrement pas apprécié ce genre de débordement dans son établissement, venant principalement d'une élève de Terminale.

- Ce n'est en aucun cas pour vous réprimander que je vous ai fait venir, la rassura-t-il, bien au contraire, je trouve que vous avez eu beaucoup de cran pour remettre un énergumène comme Drazic à sa place.

- Ce n'était que sur le coup de la colère, monsieur.

- Non, vous avez eu totalement raison et ce n'est pas donné à tout le monde d'imposer son autorité, c'est pourquoi j'aimerais vous proposer quelque chose.

Le sang d'Anita ne fit qu'un tour dans ses veines, véritablement inquiète de ce que le nouveau proviseur, qui avait déjà bien mauvaise réputation auprès des élèves pour ses méthodes jugées trop strictes, avait à lui proposer.

- Je voudrais vous nommer présidente des élèves de Terminale.

- Moi? Mais je ne suis pas la meilleure élève de la classe.

- Il ne s'agit en rien de vos résultats scolaires, Mlle Scheppers, ils sont certes très bons mais ne dépassent pas ceux de Mélanie Black, par exemple, qui est l'un de nos meilleurs atouts.

- Alors, je ne comprends pas bien...

- D'après ce que j'ai pu voir et ce qu'on pu me rapporter vos anciens professeurs, vous avez le sens du social et ne craignez pas d'affronter les autres lorsque la situation l'exige. Vous irez loin dans la vie avec de telles qualitées.

- Merci, monsieur Bailey, fit Anita, flâtée par ces compliments.

- Ce que je recherche c'est un ou une élève de Terminale capable de faire le lien entre ses camarades, ses professeurs et moi-même.

- Je ne suis pas sûre de comprendre quel serait mon rôle, exactement?

- Oh ne vous inquiétez pas, il n'est pas question de vous rajouter des devoirs supplémentaires mais de créer un réel contact entre nous, vos professeurs et les autres lycéens. Si l'un de vos camarades rencontrait des difficultées lors de son parcours scolaire, c'est à vous qu'il devra d'abord s'adresser. Vous établirez ainsi un dialogue de confiance. Les élèves, particulièrement les plus asociables, auront moins de craintes à se confier à vous avant de se tourner vers leurs professeurs.

- Je devrais les conseiller ou...

- Tout en veillant à ce qu'ils viennent bien me voir, au bout du compte, précisa Mr Bailey. Qu'on se comprenne bien, vous devrez les guider jusqu'à leurs professeurs ou jusqu'à moi mais en aucun cas tenter de résoudre la situation par vous-même.

- Je devrais donc les convaincre de s'adresser à vous mais s'ils ne le veulent pas?

- Dans ce cas de figure, votre rôle de médiateur s'arrêtera là mais vous serez tout de même tenu d'en informer vos professeurs et moi-même.

- Contre sa volonté?

- Seulement si la situation l'exige mais ne vous en faite pas, il y a peu de risque que ce genre de chose arrive. Si un élève est vraiment en difficulté scolaire et éprouve le besoin de s'en sortir, je suis certain que vous trouverez les mots pour le convaincre de venir nous voir.

- Vous croyez?

- J'en suis persuadé. De plus, vos camarades semblent vous apprécier, ils n'auront aucune réticence à se confier à vous.

- Je n'en suis pas aussi sûre, monsieur.

- J'attends aussi de vous que vous encouragiez vos camarades de classe à respecter les consignes et que vous me rapportiez toutes actions nuisibles à l'établissement.

La jeune fille tiqua à l'idée de jouer aux gendarmes et doutait que ce poste lui corresponde vraiment. Remarquant sa réticence, Mr Bailey changea de tactique.

- Et d'une manière plus générale, vous pourrez me proposer des idées pour la bonne marche du lycée et proposer à vos camarades d'y participer afin qu'ils se sentent tout aussi impliqués.

- Vraiment? s'intéressa soudain, Anita.

Il était vrai que cette partie du contrat lui donnait particulièrement envie si grâce à cela elle avait le pouvoir de faire bouger les choses.

- Dans la limite du raisonnable, bien sûr.

- Bien sûr, accepta la jeune fille qui pensait déjà à quelques améliorations majeures qui faciliteraient grandement la vie des lycéens. Si je peux me permettre, Melanie aimerait justement lancer la première édition du journal du lycée.

- C'est envisageable, concéda Bailey. Ce serait l'occasion de démarrer cette année sur de bonnes bases.

- C'est ce que nous pensions aussi, dit Anita en parlant au nom de tous les élèves.

En réalité, elle n'avait émi cette hypothése qu'avec sa meilleure amie mais elle ne doutait pas que d'autres suivraient. Quel meilleur moyen de se faire entendre que de participer au journal du lycée?

- Alors, que pensez-vous de ma proposition?

- Eh bien... réfléchit-elle, quand vous dites que je serais le lien entre mes camarades et vous autres professeurs, est-ce que cela veut dire que je ne serais chargée que de ma classe de Terminale?

- Ah oui, oui, bien entendu. J'ai déjà nommé deux autres élèves pour les classes de secondes et de premières. Votre aurez seulement un rôle de médiateur entre les élèves de votre classe de Terminale et moi-même.

- Alors je suis d'accord, Mr Bailey, s'avança la jeune fille. Je vous remercie beaucoup de m'accorder une telle confiance, j'espère juste être à la hauteur de vos attentes.

Les Bailey se leva, invitant Anita à en faire de même pour la raccompagner devant la porte et lui tendit une main chaleureuse.

- J'ai toute confiance en vous, Anita, dit-il en insistant bien sur son prénom comme pour lui faire comprendre qu'elle faisait à présent partie du corps professoral.

Sans comprendre pourquoi, cette marque de confiance inquiéta Anita plus qu'elle ne la rassura.

...

- Hey Katerina! l'interpella Drazic.

La jeune fille brune, qu'il trouvait plus qu'à son goût, fit volte face, interrompant la discussion hoûleuse qu'elle avait avec son petit ami, Charlie.

- Tu peux venir voir une minute?

Katerina s'avança, un sourire amusée aux lèvres, sans se rendre compte que Charlie la suivait.

Toutefois, cela n'échappa aucunement à Drazic qui vit sa venue d'un très mauvais oeil.

- Tu t'appeles, Katerina?

- Si tu as quelque chose à lui dire, tu peux le faire devant moi.

- Parce que tu es son petit toutou, se moqua Drazic en plaçant ses deux mains au niveau du menton pour faire le chien.

- T'es bête, rit Katerina.

- Non, mais je suis son petit ami et j'estime avoir le droit de savoir ce que tu lui veux.

- Charlie, râla Katerina dont la présence du jeune homme l'irritait.

- Non mais qu'est-ce que ce type pourrait bien avoir à te dire en privée à part te faire du rentre-dedans!

- Bon, Charlie, tu deviens lourd! s'agaça Katerina. Laisse-nous, d'accord!

- Attends, tu me vires?

- Ouais, t'es sourd ou quoi, Chucky! renchérit Drazic. Barre-toi, on veut plus voir ta face de binoclard.

- Merci, je m'en souviendrais, fit Charlie en fixant sa petite amie droit dans les yeux avant de décamper plus vite que son ombre d'un pas furibond.

- Pff, quel naze, dit Drazic, t'as vraiment rien à faire avec lui.

- Oui, ben ça c'est mon problème, lui fit remarquer la jeune femme. Qu'est-ce que tu voulais me dire? Et je te jure que si c'est pour me faire un numéro de charme, je me tire!

- Non, pas cette fois, rigola Drazic. J'ai vu que vous recherchiez un serveur au sharkpool et ça m'intéresserait.

- Toi, tu ferais ce genre de boulot? s'étonna Katerina, un sourire amusé aux lèvres.

- Ben, ouais, faut bien commencer par quelque chose et j'ai envie de mettre des sous de côtés pour me tirer de chez moi.

- Je comprends, mais il n'est pas seulement question d'un job de serveur. Tu devras débarasser les tables, les nettoyer, tenir parfois la caisse et assurer plusieurs ouvertures et fermetures par semaine.

- Ça me va!

- Est-ce que tu as déjà fait ce genre de chose avant? demanda-t-elle d'un ton sérieux.

- C'est à peu de chose près ce que je fais tous les jours chez mes vieux.

- Ça pourra peut être le faire, alors! ricana Katerina.

- Tant que tu ne me demande pas de tenir un livre de compte, ça ira.

- Ok, passe me voir après les cours que je vois ce que tu donne sur le terrain.

- Oui, patronne! se moqua Drazic en faisant un geste solennel de la main.

- Et sois pas en retard, hein! Je sais quand tu finis les cours, s'amusa la jeune femme en le quittant pour rejoindre deux de ses copines qui l'appelaient au fond de la cour.

...

Cela faisait deux fois qu'Anita parcourait les couloirs de longs en large à la recherche de sa meilleure amie lorsqu'elle tomba nez à nez avec Charlie qui avait l'air passablement énervé.

- Salut! Tu n'aurais pas vu, Mélanie? demanda-t-elle.

- Non, désolé! fit le jeune homme d'un ton qui semblait sans appel.

- C'est moi, désolée de t'avoir dérangé, répliqua la jeune fille à la fois ennuyée et vexée.

Charlie dû sentir au ton de sa voix qu'il s'était montré désagréable car il se retourna pour revenir vers elle.

- Excuse-moi, Anita. Ce n'est pas contre toi.

- Des problèmes avec Kat?

- Non, c'est plus avec ce crétin de Drazic.

- Bienvenue au club, ria la jeune fille. Je me demande s'il y a encore une personne dans ce lycée qu'il n'a pas rendu dingue.

- Je peux t'en citer une, Katerina.

- Ah oui?

- Elle est toute mielleuse avec lui et rit à chacunes de ces blagues en pensant que c'est juste un clown inconscient du mal qu'il peut faire autour de lui.

- Au contraire, il en a bien conscience, ça se voit!

- Tu seras gentille de bien vouloir l'expliquer à Kat parceque si ça vient de moi, elle ne voudra rien entendre.

- Je suis désolée que ça aille si mal.

- Non, non, c'est rien. On a juste des divergences d'opinion.

- Je comprends, dit Anita en secouant lentement la tête, accaparée soudain par ses pensées.

- Mais je dois t'ennuyer avec mes problèmes, tu as sûrement assez des tiens.

- Non, ce n'est pas à ça que je pensais Charlie mais je me souviens avoir vu une annonce au Sharkpool disant que Kat et toi recherchiez un nouvel employé?

- Pourquoi, tu serais intéressée?

- Pour ne rien te cacher, j'ai vraiment besoin d'argent. Ma mère avait l'habitude de me donner pas mal d'argent de poche mais depuis que Ryan est revenu à la maison, il lui en demande tout le temps alors forcement je me vois assez mal en faire autant.

- Oui, mais tu sais, c'est assez éprouvant comme travail. Il y a du nettoyage à faire en plus des clients à servir et tu devras peut être te lever aux aurores pour tout remettre en ordre et faire une ou deux fermetures par semaine.

- Ça ne me fait pas peur. Par contre, je ne pourrais pas faire de fermeture. Ma mère ne me laisserait jamais travailler aussi tard, surtout une veille d'école.

- Pas de problème, on pourra trouver un arrangement.

- C'est gentil, Charlie.

- Si tu es vraiment motivée...

- Je le suis, affirma-t-elle.

- Alors je peux te prendre à l'essai dès ce soir!

- Mais tu ne devrais pas en parler à Kat, avant?

- Je le ferais s'il s'agissait de n'importe qui d'autre mais Kat t'adore. En plus, elle est tellement désespérée de ne trouver personne qu'elle m'a dit d'engager la première personne qui se présenterait.

- Ohh, j'arrive pas à y croire! Merci, Charlie! s'exclama la jeune fille en sautillant presque de joie.

- Attends, attends, il y aura quand même une période d'essai d'une semaine.

- Que je réussirai, dit Anita sûre d'elle.

- J'en doute pas, lui sourit Charlie en s'apprêtant à partir. Ah, au fait, si tu cherches Mélanie elle est peut être en salle informatique, Mr Bailey vient de nous donner la permission de lancer le premier numéro du journal, c'est placardé sur la porte.

- C'est génial, ça! s'émerveilla la jeune fille.

Ainsi, le proviseur avait accedé à sa requête et mis tout en oeuvre pour que le premier numéro sorte dans les meilleurs délais. Finalement, cette journée grisâtre s'annonçait des plus ensoleillées.

...

- Katerina, attend! s'écria Charlie en accourant vers sa petite amie.

- Ah non, hein! Si tu viens me demander un rapport détaillé de ma discussion avec Drazic...

- Pas du tout! Écoute, Kat, je n'aurais pas dû m'emporter. J'ai été nul.

- Je ne te le fais pas dire! Bon, c'est pas grave, reconnut la jeune fille. Qu'est-ce que tu voulais me dire?

- Tu ne le croiras jamais, j'ai enfin trouvé quelqu'un pour remplacer Declan au Sharkpool.

- Quoi? s'égosilla-t-elle presque. Dis-moi que tu me fais marcher!

- Euh non. Mais je pensais que tu serais plus heureuse que ça par cette nouvelle.

- C'est pas vrai, ça alors. Et tu lui as déjà dit oui?

- Rien n'est sûr, mais elle est à l'essai pour une semaine.

- J'y crois pas! Et de qui est-ce qu'il s'agit?

- C'est Anita. Pourquoi, est-ce que ça pose un problème?

- Mais bien sûr que oui, j'ai déjà refilé ce poste à Drazic.

- À qui? Non mais tu plaisantes j'espère? Il n'est même pas capable de tenir un crayon pour écrire correctement son nom alors une tasse de café fumante.

- Ce que tu peux être pénible! s'emporta Katerina. On ne s'était pas mis d'accord pour en discuter entre nous avant d'engager qui que ce soit?

- Tu viens bien de le faire avec Drazic!

- Parce que c'est moi qui gère les entretiens, je te rappelle! Mais toi, tu devais m'envoyer les potentiels candidats.

- Non, je regrette, il n'a jamais été question de ça! Je me souviens très clairement que tu m'as demandé de prendre la première personne qui se présenterait pour le poste parce qu'on ne trouvait personne.

- Et comment on va faire maintenant avec les deux sur les bras? T'y a pensé à ça?

- Comment je pouvais deviner que tu engagerais quelqu'un comme Drazic.

- Ecoute, tu fais comme tu veux mais tu dis à Anita que j'ai déjà accordé le poste.

- Et pourquoi ce serait à moi de la virer?

- Parce qu'on ne va pas garder deux employés! Surtout deux qui passeront leur temps à se voler dans les plumes. En plus, je te signale que Léo n'en a pas les moyens.

- Je ne vois pas pourquoi je devrais rembarrer Anita. Elle a tout aussi le droit de se présenter que l'autre zouave.

- T'es obligé de parler de lui comme ça?

- Qu'est-ce qu'il y a? Il t'a tapé dans l'oeil, c'est ça?

- Des deux, je me demande vraiment qui est le plus idiot! lança Katerina en faisant volte face pour le laisser planter dans le couloir menant à leur salle de classe.

- Merci, c'est très sympa! dit-il blessé. Et je fais comment moi maintenant?

- Tu te débrouilles!

...

Le dernier cours de l'apres-midi était art-plastique, une discipline optionnelle que des cancres tel que Drazic n'affectionnaient pas spécialement. Bien qu'elle était heureuse de ne pas avoir à supporter ce dernier durant cette heure de cours, les pensées d'Anita la ramenèrent au jeune homme et elle se fit la promesse de ne plus se laisser intimider et d'être la première à l'affronter du regard jusqu'à ce qu'il baisse lui-même les yeux.

En avisant Charlie, elle lui adressa un sourire empli de gratitude qu'il eut bien du mal à soutenir. Il appréciait beaucoup la jeune fille et se sentait très mal à la pensée de revenir sur ses paroles avant même qu'elle ait fait ses preuves. D'un autre côté, deux employés de plus au Sharkpool était inenvisageable tant les finances de leur patron, Léo, étaient en dent-de-scie. Pourtant, plus il y réfléchissait et plus il se disait qu'il n'y avait aucune raison à ce que ce soit lui qui revienne sur sa décision.

Tout en dessinant une coupe de fruit, Anita dévoila en détails son entretien avec le proviseur à sa meilleure amie qui ne put s'empêcher de jalouser son nouveau statut.

- Tu en as de la chance! ne cessait-elle de répéter.

Elle n'était pas réellement jalouse, davantage déçue que Mr Bailey ne lui ait pas fait cette proposition.

- Tu sais, il va aussi falloir que je fasse la police, alors tout ne sera pas rose, tenta de la réconforter Anita.

- C'est sûr que vu sous cet angle, je préfère te le laisser. Mais jouer la médiation entre profs et élèves c'est un rôle important qui t'apportera beaucoup sur ton dossier scolaire.

- Je suis désolé qu'il ne te l'ait pas proposé.

- Non, ça ne fait rien. Je pense qu'il cherchait une personne avec plus de poigne.

- Je n'en ai pas beaucoup plus que toi!

- Mais tu as bien plus de répondant et tu n'as pas peur d'affronter les autres.

- Je suis sûre que tu aurais pu exceller aussi dans ce rôle. Tu réussis tout ce que tu entreprends.

- Je ne crois pas, non! Pour ce qui est de proposer des idées pour le lycée ou de faire tourner correctement un journal, il n'y pas de problème, mais pour remettre des idiots comme Drazic et Bazza dans le droit chemin, je me ferais rapidement dévorer.

À la réalisation de sa tâche, le visage d'Anita perdit de ses couleurs. Bien sûr, elle savait qu'elle devrait de temps à autre se faire respecter de ses camarades pour imposer son autorité mais il ne lui était pas venu à l'esprit qu'elle pourrait être amenée à dénoncer l'une des frasques de Drazic et consors.

Pourtant, le proviseur ne lui avait pas caché cette face sombre de son rôle de présidente mais la jeune fille ne prit conscience de ce qu'il impliquait qu'en cet instant.

...

Le cours prit fin assez rapidement au goût d'Anita qui n'avait cessé de penser à son nouveau rôle au sein de l'établissement, pesant les pour et les contres. Elle avait même gribouillé une liste dans sa tête qu'elle se promit de coucher sur papier, dès que possible. Elle se surprenait elle-même à trouver plus de positif que de négatif quant à son statut de présidente de Terminale car ce n'est pas ainsi qu'elle ressentait les choses. Mais en y pensant de façon tout à fait détachée et objective, la seule ombre au tableau était ce semblant de discipline qu'elle devrait maintenir. On ne lui demandait pas de règler elle-même les débordements mais d'en aviser le proviseur. L'idée de rapporter ne lui plaisait pas, cependant le reste du poste lui convenait.

- Je vais en salle informatique? Tu me rejoins? s'enquit Mélanie

- Oui mais je ne pourrais pas rester longtemps, je viens d'être embauchée au Sharkpool, expliqua la belle blonde en sortant la première de la classe.

- Au Sharkpool, vraiment? s'étonna Mélanie.

Elle ne voulait sûrement pas paraître dédaigneuse pourtant ce fut l'impression qu'elle laissa à son amie.

- Tu sais, il n'y a aucune honte à bosser dans ce genre d'endroit, se vexa Anita.

- Je n'ai pas dit ça, se défendit son amie.

- Tu n'en as pas besoin, ce que tu penses se lit sur toi comme le nez au milieu de ton visage.

- C'est juste que je ne pense pas que ce soit un travail fait pour toi.

- Ah oui et pourquoi ça? demanda Anita dont la voix montait crescendo.

- Ne le prends pas mal mais c'est plutôt physique et...

- J'ai besoin d'argent, Mel, c'est aussi simple que ça. On a pas tous hérité de riches parents!

À l'instant où elle prononça cette remarque, Anita la regretta car s'il y avait bien une chose qui peinait son amie c'est qu'on l'attaque sur la richesse de son foyer alors qu'elle faisait tout pour s'en détacher et ne pas en profiter.

- Excuse-moi, commença la jeune fille avant d'être stoppée par sa meilleure amie.

- On m'attend en salle informatique! dit-elle sèchement.

Ses larmes aux yeux étaient visibles et renforçaient le sentiment de culpabilité d'Anita qui allait la rattraper et se confondre en excuse lorsqu'une voix qu'elle finissait par bien connaître la fit se retourner.

- Qu'est-ce qu'on a là, les gars? demanda Drazic, mimant la surprise en prenant ses deux copains à témoins. Ce ne serait pas le toutou du proviseur?

- Qu'est-ce que tu veux Drazic? grinça Anita.

- Rien, juste voir si tu as flairé un truc pas net?

- Oui ta définition de mon statut, pour commencer. Bailey m'a nommée Présidente des élèves de Terminale, rectifia Anita en affichant un sourire crispé.

- Appelle-ça comme tu veux mais je sais reconnaître les taupes quand j'en vois.

- Ton vocabulaire est impressionnant, je ne savais pas que tu en connaissais autant, se moqua la jeune fille en le dépassant pour aller à son casier.

- Et moi je ne te croyais pas si naïve.

- Ce qui veut dire?

- Que Bailey t'a nommé uniquement parcequ'il ne peut pas avoir un oeil sur le lycée en permanence. Il en a rien à faire que tu joues les médiateurs entre profs et élèves, tout ce qu'il attend de toi c'est que tu lui rapporte nos moindres faits et gestes.

- Tu ferais bien de consulter le dictionnaire. Le rôle du chef de classe ne s'arrête pas à ça sinon je n'aurais jamais accepté.

- Pfff. Il t'a promis quoi en échange?

- Je suis sûre qu'il lui fait des avances, ricana Bazza avant de sortir sa langue tel un gros pervers.

- Ce que vous pouvez être débiles! lâcha leur camarade, irritée. Je lui ai proposé de lancer la première édition du journal du lycée et il a tout de suite accepté ma demande.

- Bien sûr qu'il l'a fait, ricana Drazic. Il attend quelque chose de toi, ça aurait été stupide de sa part de te rembarrer dès le début. Mais tu vas voir, propose lui tes supers idées dans quelques jours et on en reparlera!

- Mais vous ne comprenez rien! C'est une énorme opportunité pour nous de nous faire entendre, de rendre la vie dans ce lycée meilleure pour tout le monde.

- Désolée de te ramener sur terre, boucle d'or mais on ne vit pas tous au pays des bisournours.

- Oh, ce que tu m'agaces, avoua-t-elle en grinçant des dents, je ne sais même pas pourquoi je continue de discuter avec toi?

- Parce qu'au fond de toi, tu sais que j'ai raison et tu cherches un moyen de te convaincre que tu ne t'es pas laissé embobiner par les belles paroles du proviseur.

- Je ne suis pas débile, d'accord, je sais très bien ce qu'il attend précisement de moi mais en tant que présidente j'ai le pouvoir de m'exprimer au nom de tout le monde et de faire bouger les choses alors peu importe ce que Bailey veut de moi, je compte bien m'en servir.

- Tu vas tomber de haut. Bailey n'acceptera jamais de changer un seul élément de ce lycée sans qu'il l'ait lui-même décidé.

- Oui et bien on verra.

- En attendant, tu devras être une gentille écolière modèle et obéir sagement à tous ses ordres, dit le jeune homme en passant brièvement et de façon provocante, son doigt sous le menton d'Anita qu'elle s'empressa de retirer.

- Si je dois me salir les mains pour arriver à mes fins alors je le ferais, affirma la jeune fille sans quitter un seul instant Drazic du regard.

Ne venait-elle pas de lui promettre que s'il se mettait dans une sale situation elle ne reculerait devant rien pour l'enfoncer et même le faire couler? Elle aurait dû baisser les yeux, seulement le faire à cet instant, aurait été la preuve que son regard l'intimidait.

- Je ne te conseille pas d'essayer! lui dit-il d'une voix un peu trop calme, la menace à peine voilée.

- Alors ne fais rien de stupide! osa-t-elle répliquer.

La jeune fille s'était promis de ne plus se laisser intimider par son camarade et elle se sentait suffisament sur les nerfs pour appliquer ses bonnes résolutions.

- Tu n'oserais pas, pensa-t-il.

- Ne me teste pas!

- Tu vois, c'est justement ce que je vais faire pour tester ma théorie. Tu n'auras pas le cran de me dénoncer, parceque si tu le fais je peux te promettre que tu te mettras tout le monde à dos!

- En te dénonçant? Je crois plutôt qu'on me remercierait.

- Pas si je m'arrange pour te faire couler avec moi, promit-il.

Il envahissait tellement son espace vital que le souffle chaud de son visage atteint celui d'Anita et la fit frisonner. Elle ne sut si cela était de crainte ou de gêne mais la jeune fille ne put faire autrement que de reculer pour se défaire de son emprise.

Fier de son petit effet qui était tout sauf innocent, Drazic se détacha de sa victime, un sourire amusé au coin des lèvres et le regard empli d'assurance avant de prendre le chemin de la sortie, ses deux copains sur les talons.

...

- Hey Charlie, attends-moi! demanda Anita.

Lorsque Katerina vit leur camarade se diriger vers eux, elle leva les bras au ciel.

- Tu sais ce qu'il te reste à faire!

Sans laisser une chance à Charlie de se défiler, sa petite amie s'en alla sur ces mots.

Charlie ne répondit rien mais se passa nerveusement une mains dans ses cheveux bruns courts qu'il mit en bataille.

- Je ne l'ai pas fait fuir au moins? s'étonna Anita en faisant allusion au départ précipité de sa camarade.

- Non, pas du tout, elle avait deux ou trois trucs à faire avant le Sharkpool, mentit Charlie en n'osant la regarder en face. D'ailleurs il faut que je te parle, à ce sujet.

- Oui, moi aussi. Je suis si excitée, tu sais, c'est la première fois qu'on me laisse ma chance pour un boulot. C'est vrai, que je n'avais pas vraiment postulé avant mais ça me fait chaud au coeur que tu aies accepté.

De plus en plus angoissé, Charlie se massa l'arrière de la tête comme pour chasser un torticoli.

- Ecoute Anita, à ce sujet, il faut que je te dise quelque chose...

La voix de Charlie fut soudain couverte par celle du frère aîné de la jeune fille, Ryan.

- Anita! T'aurais pas 50 dollars à me passer?

- 50 dollars? répéta-t-elle ahurie. Non mais tu me prends pour qui, je ne suis pas ta banque!

- Allez, c'est juste pour ce soir, je te les rendrais demain, c'est juré.

- Ryan... soupira la jeune fille.

- Et avec les intérêts! Tu as tout à y gagner.

- Sauf que je n'ai même plus de quoi me payer un paquet de chips, lui expliqua-t-elle d'un air faussement contrit. Tu vas devoir te débrouiller par tes propres moyens, comme je le fais moi.

- Charlie, commença-t-il avant que ce dernier ne le coupe.

- Ah non, je te rappelle que tu me dois déjà 20 dollars.

- C'est vrai, reconnut Ryan en prenant mentalement note de rembourser son ami un de ces jours.

Il se tourna de nouveau vers sa soeur d'un air abattu.

- Tu vois, je ne peux plus emprunter à qui que ce soit.

- Alors rend utile à la société en faisant quelque chose pour le mériter cet argent.

- T'es vache! Je suis sûre qu'il te reste au moins dix dollars à la maison.

- Même si c'était le cas, ils resteraient dans mon porte-feuille.

- Sympa!

- Je n'ai plus rien, Ryan, affirma sa soeur. Mais grâce à Charlie, mes problèmes d'argent ne seront bientôt plus qu'un mauvais souvenir.

Charlie se sentait pâlir aussi bien que l'enthousiasme de sa camarade grandissait. Cela aurait été le moment opportun pour lui parler de Drazic à qui Katerina avait aussi attribué le poste mais il ne pouvait se résoudre à briser les rêves de la jeune fille, particulièrement quand celle-ci avait un frère qui ne lui témoignait aucun soutien.

- Toi, bosser au Sharpool, éclata de rire ce dernier. C'est le truc le plus grotesque que j'ai jamais entendu.

Il lança une oeillade à son camarade.

- C'est pas très cool de lui faire ce genre de blague, Charlie!

- La proposition est très sérieuse, dit Anita irritée par la réaction moqueuse de son frère. Charlie a confiance en moi, lui au moins.

- Non mais attends, est-ce que tu sais à quel point ma frangine peut être maladroite? C'est bien simple, elle a deux mains et deux pieds gauches. Quand elle était gamine elle a même trouvé le moyen d'emmêler ses chaussures ensemble sans le remarquer avant de s'étaler comme une...

- Bon ça va, on a compris, Ryan! le coupa Anita, agacée. Et pour le coup des chaussures, je ne les aie jamais attachées ensemble, j'ai toujours su que c'était toi qui l'avait fait!

- Alors toi, t'enfiles des chaussures sans regarder! pouffa-t-il de rire.

- J'avais même pas cinq ans, Ryan, grommela sa soeur, entre ses dents serrées.

- Et la tisane bouillante renversée sur maman quand elle n'était déjà pas au meilleur de sa forme.

- J'ai glissé parce qu'un abruti laissait traîner ses vieilles chaussettes moisies!

- N'empêche que tu devrais réfléchir à deux fois avant de l'embaucher, renchérit Ryan en adressant un clin d'oeil à Charlie. Cette fille est un vrai danger ambulant.

La main de sa soeur s'abattit soudain sur l'arrière de sa tête mais cela ne l'empêcha pas de rire de plus belle tandis qu'il s'éloignait des deux jeunes gens et quittait les couloirs du lycée.

- Charlie, je ne suis pas aussi maladroite que ça, je te le jure.

- Je te crois, rit-il. Ryan aime en rajouter des tonnes.

- Ecoute, je passe aider Mélanie pour le journal puis je te retrouve d'ici une demie heure au Sharkpool?

- Oui, ça sera très bien.

Charlie la regarda partir avec une pointe de regret. Il se demandait ce qui était pire, qu'il la laisse se bercer de fausses illusions jusqu'à ce qu'elle découvre d'elle-même le pot au roses dans quelques heures ou bien de réduire à néant ses espoirs?

D'un autre côté, il n'avait aucunes réelles raisons de ne pas lui laisser sa chance. Plus le jeune homme y songeait et plus la solution s'imposait à lui: il devrait tout simplement laisser faire les choses, que Katerina soit d'accord ou non était le cadet de ses soucis, et laisser l'avenir décider qui de Drazic ou d'Anita seraient meilleurs pour ce poste.

...

- Alors, comment ça avance? demanda Anita en pénétrant dans la salle informatique où Mélanie et un élève de première était déjà bien occupée à rédiger la première édition du journal.

Mélanie ignorait totalement son amie, ses yeux rivés sur l'écran d'ordinateur.

- Mélanie, je suis désolée pour ce que j'ai dit.

La jeune fille rousse soupira avant de pivoter sur sa chaise.

- C'était bas. Tu sais très bien que je ne suis pas du genre à profiter de l'argent de mon père et que je ne dénigrerais jamais un travail durement gagné.

- Oui, bien sûr que je le sais. Ce n'est pas pour rien que tu es ma meilleure amie. Je sais qui tu es.

- Mais je ne crois pas avoir dit quoi que ce soit qui aurait pu te blesser.

- Bien sûr que non, c'est moi qui m'en suis prise à toi sans raison, Mel, tu ne méritais pas une telle réaction de ma part. Je n'ai aucune excuse.

- Ça va, c'est oublié, la rassura son amie.

- Si je peux faire quelque chose, n'importe quoi pour me racheter, dis-le moi!

- Tu n'en as pas besoin mais c'est gentil de proposer. En fait, on aurait besoin de ton point de vue en ce qui concerne ton rôle de chef de classe pour le lancement du journal.

- Ah, vraiment, fit Anita ennuyée à l'idée de relancer le sujet.

- Mais si ça t'embêtes, on peut s'en passer.

- Non ce n'est pas ça.. c'est juste que.. balbutia Anita qui peinait à trouver les mots.

- Tu peux toujours démissionner, tu sais?

- Et donner de moi l'image de quelqu'un qui ne tient pas ses promesses ou recule devant la première difficultée, remarqua amèrement Anita.

- Oui mais si tu ne te sens pas à l'aise avec ce poste, il vaudrait mieux y mettre un terme avant qu'il ne prenne trop d'importance.

- Non, l'idée en elle-même me plait plutôt bien, c'est juste que je ne me vois pas jouer au chien de flic.

- Te laisse pas impressionner par des imbéciles comme Drazic.

- Pourtant, c'est bien eux que je vais devoir affronter à un moment ou un autre parce qu'ils ne vont pas louper cette occasion pour me provoquer et surtout pas lui.

- Mais tu es forte, je sais que tu ne te laisseras pas marcher sur les pieds.

- C'est bien ce qui m'inquiète, figures-toi! Que je ne sois pas capable de me maîtriser parceque je t'assure que si je réplique ça ne fera que mettre de l'huile sur le feu.

- Dis-toi que tu es en bonne position pour te venger s'il te fait une crasse.

Anita continua de s'épancher sur ses malheurs à sa meilleure amie sans remarquer la présence d'une de ses camarades de classe, Mai Hem. À l'extérieur de la salle, le dos contre le mur, la jeune fille reportait avec grand intérêt tout ce qu'elle entendait par écrit dans un calepin.

- Tu sais quoi, tout compte fait ce n'est pas une si mauvaise idée de faire entendre ma voix. Je viens d'avoir une altercation avec Drazic...

- Encore! râla Mélanie, désolée pour son amie.

- Oui et lui et ses imbéciles de copains me voient maintenant comme la taupe du proviseur.

- Ce sont des idiots, ne leur prêtent pas d'intérêt.

- Idiots ou non, c'est sûrement la manière dont la majorité du lycée me perçoit maintenant mais si, à travers cette interview j'explique clairement mon rôle et pourquoi je l'ai accepté alors il se peut que j'arrive à faire comprendre aux autres que d'être dans les petits papiers du proviseur c'est la seule façon de nous faire entendre et de changer les choses.

- Oui et ce sera sans doute la seule chance de te faire entendre de tous et ravaler le caquet de tous ces imbéciles.

Anita hocha la tête en souriant d'un air entendu.