Ca devait être un OS puis finalement ce sera un recueil. Je crois que j'avais envie de ça... En même temps je dois avoouer que j'ai beaucoup de mal à écrire en ce moment. Je ne sais pas... Les idées sont là. Mais les mots ne viennent pas ! Alors... Je suis désolée si cet OS ne semble pas abouti. On verra je me lance quand même. A vous de juger


ALBUS SEVERUS POTTER


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Un an, douze mois, 52 semaines, 365 jours, 8765 heures, 525 948 minutes, 31 556 926 secondes
C'est le temps qu'il faut pour se faire des amis, commencer à vivre, recommencer à s'aimer, faire voler en éclats les certitudes, prendre des risques, se blesser, découvrir de nouveaux horizons, faire le tour du monde, ne pas se retourner, rire jusqu'à en avoir mal au ventre, pleurer pendant des heures, tomber amoureux, apprendre par cœur des défauts, dire qu'on aime, avoir le souffle coupé, apprendre de nouvelles choses, étudier, s'amuser, devenir fou, fou d'amour, changer de vie, changer d'opinion, essayer, échouer, recommencer, agir, embrasser, dévorer, crier, sauter, hurler, jouer, changer.

Un an, c'est le temps qu'il m'a fallu pour comprendre.
Comprendre que je ne voulais pas être le fils d'un héros.

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« Dis Papa, c'est quoi la Guerre ? »
Il m'a regardé, longtemps, trop longtemps. Je le voyais, avec ses grands yeux noirs et les sillons qui parsemaient ses joues. Paraît qu'avant, on entendait parler de l'éclat du vert dans sa prunelle jusqu'aux fins fonds de l'Angleterre. Moi, je n'y avais jamais vu que du noir. Un noir profond et abyssal. J'avais l'impression qu'à trop le regarder, je finirais englouti, dévoré, mangé, à bout de souffle.

- Je ne sais pas…

Il a dit ça dans un soupir et m'a observé sans me voir, comme s'il pouvait me traverser. Quand j'étais tout gamin, des joues rebondies et rouges sucrées, je m'en offusquais. Puis James disait « Il est avec les morts, tais-toi ». Moi, je ne comprenais pas comment mon père pouvait préférer les morts aux vivants. Nous, on était bien plus amusants, on était pétillants.
Au début, il les contemplait souvent... Puis un jour, je crois qu'il a choisi de ne plus leur parler, je pense, je ne sais pas… Qu'il s'est raisonné. Qu'il a fini par oublier. Non, je suis idiot. On n'oublie pas, on ne peut pas effacer les pertes et le chagrin. Si la pluie emporte les larmes, les cicatrices laissent des marques.

- Dis Papa, pourquoi je suis à Serpentard ?

Il a baissé les yeux. Il avait dit qu'il s'en fichait, que des sorciers qu'il avait admirés y étaient allés. Pourtant, à chaque fois qu'on évoquait mon admission, je voyais les fantômes qui dansaient devant ses yeux. On n'oublie pas qui on est… Pourquoi diable je n'avais pas supplié le Choixpeau. Comme lui.
Il savait pourquoi. Parce que j'étais celui qui comprenait le moins, celui à qui on n'avait pas tout dit, épuisé de répéter.
James était né dans un éclat de douleur à la fin de la Guerre. Il était le premier, l'espoir d'un monde meilleur. On avait fait de lui le petit protégé, l'arrogant, fier comme un paon et rusé comme un renard.
J'étais né en même temps que Rose Weasley et elle est plus que ma sœur. A nous, on avait si peu dit, lassé d'un bonheur qui n'arriverait sans doute jamais. Oh, bien sûr, nous avons été aimés. Bien trop comme on disait.
Nous, on ne connaissait rien de la guerre hormis les chuchotis entendus au détour des couloirs, les rumeurs dans les bacs à sable. Nos parents n'en parlaient que peu et surtout pas à nous…

J'avais onze quand j'ai entendu ce mot pour la première fois...

" - Je ne vais pas en cours d'Histoire de la magie pour ne pas voir ta sale Sang de Bourbe de mère tacher les pages de mes livres.

Le sort a touché en pleine poitrine le pauvre Don Parkinson qui a mis plusieurs jours en s'en remettre. J'ai glissé ma main dans celle de Rose aussi vite que j'ai pu. Ses mains tremblaient. Elle ne savait même pas pourquoi. Stanley Londubat ne desserrait toujours pas les doigts de sa baguette, c'est Teddy qui a dû lui saisir l'épaule pour le faire bouger.

- Ça va, Rose ? Il a demandé.

Elle a hoché la tête, peu sûre, pas sûre de ce qui venait clairement de se produire.

- C'est quoi, Sang-de-Bourbe ? J'ai fait en haussant les épaules.

Stanley s'est pincé l'arête du nez. Il avait treize ans et déjà des traits marqués. Son père l'avait élevé parmi les récits de Guerre. Entre deux histoires, il lui apprenait à lasser ses chaussures ou à se laver correctement les dents. Stanley connaissait chaque date à la perfection, chaque évènement…

- C'est un mot qu'on n'a plus le droit de prononcer…

Et c'était tout.
J'avais onze ans et j'étais un ignoble ignorant.

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A Noël, les décorations dégueulaient sur le Chemin de Traverse, les lumières frétillaient, embaumant les cœurs. Le noir avait avalé le soleil pour le recracher en milles d'étincelles colorées. C'était beau, presque trop pour être vrai.

Derrière le chocolat chaud fumant que mon père m'avait offert en attendant ma mère, et alors que mon frère et ma sœur continuaient à arpenter le marché, je l'ai regardé.

- Dis Papa, c'est quoi un Sang-de-Bourbe ?

Sa lèvre a tremblé. Je l'ai vu parce que je le regardais. C'était si minutieux, si léger, j'aurais pu croire que j'avais rêvé si sa voix n'avait pas été aussi agitée.

- Un mot qu'on n'a plus le droit de prononcer.

J'ai baissé les yeux. Il a soupiré, empreint de culpabilité. Oui c'est vrai, il avait si peu parlé, si peu raconté…

- Tu as entendu parler de la Guerre, Albus ?

- Oui, bien évidement. Dans mon livre d'histoire, il parle des deux Guerres. De la Seconde encore plus meurtrière. De celle où tu as gagné…

J'avais dit ça avec un peu de fierté. Mais son ton sec m'a réprimandé.

- Je n'ai rien gagné du tout. Ça n'a pas été juste un duel équitable. La plupart du temps, je ne savais pas ce que je faisais. Tout au long de mon cycle à Poudlard, tu le découvriras, j'ai rencontré des gens, je les ai aimés et perdus. C'est toute l'histoire de ma vie. J'ai dû reconstruire une famille avec des cendres, et quand je te regarde ou que je regarde ton frère ou ta sœur, je me dis que je n'ai pas tout gâché… La Guerre, c'est l'histoire d'un homme qui se prenait pour Dieu. Il voulait façonner un monde à son image. Il voulait des gens qui marchent droit, des gens au Sang sorcier… Il a tué, pillé, violé, détruit, saccagé… Les Mangemorts étaient ses bras droits et tous ceux qui étaient nés de parents moldus s'appelaient des Sang-de-Bourbe. Ce mot a fait trembler des décennies de sorciers, comme ta tante Hermione, qui pourtant s'est battue pour sauver des milliers de sorciers. Non, je n'ai pas gagné, je n'étais pas seul et peut être que si je l'avais été, j'aurais couru à l'opposé jusqu'à n'avoir plus aucun souffle.

- Je crois que James et Lily seraient fiers de toi s'ils savaient tout ça.

- Ah oui ? Peut-être, je ne sais pas… Ils ne sont plus là pour le dire.

J'ai mis un moment à comprendre. Et puis oui, je sais. « Tais-toi, Albus, il est avec les morts ». J'ai attendu, attendu qu'il cesse son monologue silencieux.

- Pas eux. Nos James et Lily.

- Oh oui…

Il n'a plus jamais évoqué la Guerre. Et j'ai lu. J'ai lu jusqu'à me brûler les yeux. Durant toute cette première année d'école. C'est là que j'ai su que je ne voulais pas être un fils de Héros. J'avais envie d'être aimé pour moi, Albus, et non pas parce que je m'appelais Potter. Je ne voulais pas de regards compatissants ou émerveillés. Je voulais simplement qu'on m'accorde l'intérêt que je méritais. Et je voulais mon père pour moi. Je le voulais ouvert sur le présent et pas constamment à regarder par dessus son épaule... J'ai souvent maudit mon père. A demi. Parce que j'en étais fier. Si fier…
Mon père est un héros, mais pas parce qu'il a porté une guerre à bout de bras, pas parce qu'il a combattu, non, parce que malgré ses fêlures, malgré les injures, les brisures, cassures, fractures, il a décidé de bâtir une famille, de donner l'amour qui lui a tant manqué.

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Il paraît qu'avoir le cœur brisé, c'est bien. Parce que ça veut dire qu'au moins une fois, on aura essayé.

- Dis, papa, c'est quoi l'amour ?

- L'amour ? Il a soufflé. L'amour, c'est quand tu acceptes l'autre avec son passé, ses kilomètres et son dos un peu cabossé. Et puis, tu le sens que ça fait du bien, là, au fond de ton cœur.

J'ai pensé à Sylvie, sa frange bien droite et ses dents parfaitement alignées. J'ai détourné la tête. Elle m'adulait. Elle m'avait suivi, l'œil émerveillé. J'ai pensé à Belle, sa chevelure blonde qui emprisonne le soleil, ses yeux rieurs. Ça ne m'a rien fait. Puis le visage caramel de la fille Zabini m'est apparu. J'ai serré les dents, j'ai voulu le chasser au loin mais rien à faire, mon ventre s'est noué, mon cœur s'est accéléré. Merde.

Alors je me suis dit… Je me suis dit que mon père parlait mieux de l'amour que de la Guerre…