Hello à tous, et bienvenue !
Cette fic a une histoire un peu particulière. Il y a un an, j'ai commencé à écrire une fic parodique sur les aventures érotiques imaginaires d'Itachi. Deux chapitres et un an plus tard, au détour d'une soirée de déprime, j'ai écrit un troisième chapitre, pas du tout dans le même ton. Ça faisait quelques temps que je pensais à une fic sur Naruto, et je savais qu'elle parlerait d'Itachi et de Sasuke, mais je ne savais pas par quel bout prendre les choses. J'ai donc publié le troisième chapitre des aventures d'Itachi, beaucoup plus grave et plus tragique, sans réfléchir. Et c'est grâce aux retours, à l'écoute et aux encouragements d'une lectrice connue sous le doux pseudonyme de Kuroi-Hoshi13 (elle écrit aussi des fics sur Naruto, allez les lire!) que j'ai décidé de franchir le pas et de vous proposer cette histoire. Je l'en remercie beaucoup, car il me manquait une petit pichenette sur le front pour me lancer.
J'ai réécrit une partie de mon chapitre 3 de l'autre fic, ajouté plusieurs paragraphes et paf ! ça a fait un prologue !
Aussi : je publie deux chapitres d'un coup histoire de vous laisser l'occasion, peut-être, de plonger un peu dans l'intrigue, au lieu d'avoir juste une introduction.
Dernière chose : cette fic reprend les éléments de base de l'intrigue de l'anime concernant Itachi et Sasuke. Le reste s'en écartera probablement beaucoup. Cette fic est avant tout un hommage à mes personnages préférés :)
L'instant musical de ce chapitre : sans grande surprise, les morceaux bien déprimants du style Grief and Sorrow (sur l'OST de Naruto s'il faut le préciser), ont été ma principale source d'inspiration.
J'espère que ça vous plaira, dans tous les cas n'hésitez pas à me faire partager vos impressions !
Enjoy :)
GENJUTSU
« Les gens vivent en s'appuyant sur leurs convictions et leurs connaissances et ils appellent ça la réalité : mais le savoir et la compréhension sont des concepts si ambigus que cette réalité ne pourrait être alors qu'une illusion. »
Itachi Uchiwa
PROLOGUE : Clair de lune
Il ne lui restait que quelques jours. Ça lui paraissait très court, et pourtant, il se préparait à ce moment depuis deux ans maintenant. Même avant d'intégrer l'ANBU, il savait que l'histoire ne se terminerait pas par une happy end, et il avait accepté cette réalité depuis bien longtemps déjà.
Il l'avait toujours su. Il n'était pas destiné à vivre heureux.
Tout le monde pensait qu'il était un génie. Si ça voulait dire qu'il comprenait plus de choses, et plus vite, alors soit. Il était un génie. Danzo le pensait aussi. Sans quoi il n'aurait jamais osé lui parler de son plan.
Ce soir-là, Itachi était accroupi au sommet d'un poteau électrique, tout le village déployé sous ses yeux. Chaque fois qu'il regardait cet endroit, ses tripes se nouaient. C'était chez lui, mais pas seulement. C'était sa patrie, et toutes ces habitations anonymes massées les unes sur les autres sous le regard imperturbable des hokage figés dans la pierre, tous ensemble, incarnaient l'idée, le symbole pour lequel il était prêt à mourir. Un village représente davantage que des maisons et des gens qui choisissent de vivre ensemble. C'est une communauté réunie autour d'intérêts convergents, tournée vers un avenir commun. Mais pour faire advenir ce futur, il fallait des gens comme lui. Des gardiens. Des êtres d'ombre, tissés de contradictions et destinés au chagrin.
Il avait toujours vécu en marge, regardant les autres évoluer sous l'égide de professeurs attentifs. Mais aucun enseignant n'était assez bien pour lui, car il dépassait ses aînés à mesure qu'ils tentaient de lui transmettre leur savoir. Tout ce qu'il faisait, il le faisait à la perfection. Et même si tout le village lui enviait ses talents, lui, il aurait parfois préféré s'en débarrasser. Il avait parfois désiré se fondre dans la masse anonyme des aspirants ninjas. Ne pas sentir sur lui le regard aiguisé de son père, qui n'approuvait jamais, mais qui exigeait en silence. Toujours plus, à chaque accomplissement. Il aurait, parfois, voulu fraterniser avec des camarades et pouvoir rire d'un échec, essuyer de gentilles moqueries. Mais cela lui était interdit, parce qu'il portait sur ses épaules les aspirations et le destin du clan Uchiwa tout entier. Il serait l'héritier de la fonction de chef de son père, et même s'il avait existé un vague espoir qu'il se dédouane de cette responsabilité, toute fuite lui était devenue impossible en raison de son talent remarquable. Parce qu'il était trop puissant, trop doué, son clan ne le laisserait jamais partir. Alors, pendant toute sa jeunesse, il avait parfait ses techniques, seul. Puis, il avait intégré l'ANBU, et rencontré la seule personne à qui il n'avait pas fait peur.
Kakashi avait peut-être été impressionné par son niveau, mais n'en avait jamais laissé rien paraître. Il lui avait enseigné les méthodes des services spéciaux sans sourciller, sans rien attendre de particulier de lui, sans le considérer comme quelqu'un d'exceptionnel, et sans mépris ni envie. Pourtant, avec d'autres membres de l'ANBU, Kakashi se montrait parfois agressif, arrogant, ou sur la défensive. Avec lui, il se contentait de la neutralité la plupart du temps, mais n'hésitait pas non plus, de temps à autre, à lui dégainer l'un de ses sourires qu'on ne discernait que dans un seul œil plissé, le reste du visage étant caché par son masque. De sa part, Itachi avait même droit à ces gentilles moqueries qui lui manquaient tant. Ils avaient beau ne pas se parler beaucoup, une complicité était bientôt apparue, puis, ce qu'Itachi avait appelé de l'amitié. Maintenant, il n'était plus très sûr si ce sentiment doux-amer qui l'envahissait quand il pensait à lui, cette chaleur diffuse qui l'accompagnait quand il était près de lui, correspondait vraiment à de l'amitié. Mais, même s'il s'agissait d'autre chose... Même si Kakashi éprouvait des émotions similaires... On parlait là d'une histoire qui n'avait jamais eu la moindre chance d'être écrite.
Il l'avait toujours su. Il n'était pas destiné à vivre heureux.
À une centaine de mètres devant lui, il pouvait voir sa maison. Il y avait de la lumière. Il se représenta Sasuke qui harcelait leur mère comme à son habitude pour obtenir l'autorisation de se coucher plus tard. À cette pensée, l'amertume lui serra le cœur. Le dégoût de lui-même lui donna la nausée. Sasuke ne parvenait pas à trouver sa place dans leur famille, et Itachi en était grandement responsable. Si leur mère était aussi attentive à l'un ou l'autre de ses fils, ce n'était pas elle que Sasuke cherchait à impressionner. C'était lui et son père. Son père gardait ses distances avec eux deux, et quant à lui, il n'avait tout simplement pas le temps de s'occuper de son petit-frère. Encore une autre tache sur son âme, un autre méfait à ajouter à la triste liste de son existence. Même si ce n'était encore rien, une telle trivialité, comparé à ce qu'il s'apprêtait à lui faire.
Son frère était la seule chose au monde capable de faire vaciller sa résolution. Le terrible sentiment de regret qui s'emparait de lui quand il pensait à lui l'atteignait au plus profond de son âme, lui retirait toutes ses forces. Alors, il essayait de ne pas trop s'y attarder. Il s'interdisait d'y penser. Même s'il savait que ça le hanterait toute sa vie, et plus douloureusement encore par la suite que maintenant.
Il se força à détacher son regard de sa maison, et se tourna dans l'autre sens, vers l'immense clair de lune qui surplombait, impassible, le décor d'une tragédie dont le premier acte s'était déroulé il y avait bien longtemps déjà. Itachi était là pour assurer le cinquième et dernier acte. Mais avant, il lui restait une dernière chose à faire.
D'un bond souple, il descendit de son perchoir et se reçut sur un toit. Puis, il fila jusqu'à l'endroit de la ville où il savait qu'il trouverait celui qu'il cherchait ce soir. Itachi avait l'habitude de déambuler sans but dans les rues de Konoha la nuit, parce que ça le distrayait de ses insomnies chroniques. Il y avait fait plus d'une rencontre intéressante – et certainement distrayante – et presque à chaque fois, il avait senti sa présence dans le cimetière du village. Presque toujours à la même heure. Il ne comptait plus les fois où il l'avait senti là, devant la tombe d'un ninja abhorré, et qui était pourtant son père, et l'un des plus grands héros de Konoha.
Moi, je n'aurai pas de tombe. Personne ne saura jamais pourquoi je vais faire ce que je m'apprête à faire. Même pas Kakashi. Et personne ne viendra voir ma tombe avec regret. Et c'est tant mieux : si je le pensais, je ne pourrais pas m'acquitter de ma tâche.
Il l'avait toujours su. Il n'était pas destiné à vivre heureux.
« Bonsoir, Itachi, dit Kakashi sans se retourner.
— Bonsoir. »
La lune brillait sur la pierre tombale et sur le nom gravé. Itachi se rapprocha discrètement, et nul n'aurait pu l'entendre malgré le silence intense des lieux. Les rayons de l'astre nocturne illuminaient la chevelure blanche avant l'âge de son mentor, mais peinaient à éclairer ses traits masqués, desquels on ne pouvait apercevoir qu'un unique œil. Kakashi s'appliquait toujours à ne laisser paraître aucune émotion, sinon la perplexité, l'amusement, et la légère surprise, mais quand il le faisait, cet œil lui suffisait largement.
« Que me vaut l'honneur de ta visite ? » demanda le ninja copieur.
L'audace ? La volonté de vivre encore un peu ? Il existait bien des mots qu'il n'avait jamais prononcé, bien des pensées qu'il aurait tant aimé exprimé, mais il n'en avait ni le temps ni le droit, et peut-être même pas la volonté. Il tut ce qu'il avait sur le cœur, mais d'une certaine façon, le silence recueillit ses non-dits et devint vibrant, plus vaste et profond, plus éloquent peut-être, qu'aucune des paroles qu'il aurait pu prononcer.
Itachi fixa son regard sur le nom gravé dans la pierre.
« Je suis venu te dire adieu », murmura-t-il avant d'avoir pris la décision de le dire.
Kakashi hocha la tête.
« Je ne vais pas t'en dissuader, parce qu'il n'y a rien que je puisse dire, n'est-ce pas ?
— Rien », confirma Itachi d'un ton bas.
Ils prirent conscience d'une légère brise, toute douce et insignifiante, et qui pourtant leur donna la chair de poule.
La lune était suspendue très haut au-dessus de leurs deux silhouettes immobiles.
« Ne fais pas ça, demanda Kakashi, sa voix à peine un murmure dans le silence reposant du cimetière.
— Tu sais ?
— J'en sais suffisamment. Pense à ton petit-frère. »
Justement, je ne pense qu'à lui. Mais ce n'est pas pour ça que je suis venu.
« Sempai ? »
Kakashi se tourna vers lui d'un air interrogatif, apparemment surpris par le choix du terme.
« Je voulais te remercier, dit Itachi. Pour tout.
— Ne fais pas ça. »
Et ça voulait autant dire « ne me remercie pas » que « quels que soient tes ordres, envoie Danzo se faire foutre ».
Merci, Kakashi. Merci de t'en préoccuper autant.
« Personne ne me force.
— Tu te forces.
— Peu importe. Ce n'est pas pour ça que je suis ici.
— Pourquoi, alors ? »
Itachi sourit, même si la seule chose qu'il ressentait à cet instant, c'était une douleur noire qui lestait ses vertèbres à tel point qu'il peinait à se tenir debout. C'était là le seul défaut du grand Itachi Uchiwa : quand il se sentait déprimé, angoissé ou en colère, son dos lui faisait souffrir le martyr. Autant dire que ce soir-là, il n'y avait que sa légendaire maîtrise de lui-même pour l'empêcher de gémir de douleur.
« Je voulais te voir, sempai. »
Kakashi se tourna tout à fait vers lui, et comme s'il voulait diagnostiquer son esprit par le seul pouvoir du sharingan, il souleva son bandeau et fixa son œil rouge sur lui.
« Itachi. Il se passe quoi, au juste ? Ton chakra est complètement chamboulé.
— Le tien aussi, sempai.
— Ça m'arrive toujours, ici. Je pense que tu sais déjà pourquoi.
— C'est vrai. Pardonne-moi. Je voulais juste... »
Non. Aucun mot n'était approprié. Il fit un pas en avant. Il contempla le masque noir dissimulant les lèvres qu'il avait souvent imaginées désirables. Et comme il n'avait rien à perdre ce soir-là, même pas l'amitié de Kakashi puisqu'il la perdrait de toute façon, il tendit la main. Kakashi n'esquissa pas un geste. Il baissa le masque, dévoila le nez fin et droit, la bouche un peu de travers, comme son œil unique quand il souriait. Il s'approcha de ses lèvres que personne ne voyait jamais prononcer le moindre mot, et les embrassa.
Ce fut un instant furtif, un geste d'affection qui ne lui fut même pas retourné. Non qu'il se soit attendu à l'inverse. Il recula, sourit encore, contemplant le visage découvert de Kakashi, ce visage qui demeurait l'un des secrets les mieux gardés de Konoha. Et malgré tout, cela lui suffisait, parce que Kakashi l'avait laissé le voir. Et ça signifiait beaucoup plus qu'aucun geste qu'il aurait pu faire ce soir.
C'était juste une poignée de minutes au clair de lune. Une poignée de minutes avec le vrai visage de Kakashi. Et Itachi n'avait pas le moindre doute qu'à cet instant, son sempai voyait aussi le sien. Son vrai visage. Le chagrin immense né de l'anticipation de ce qu'il allait faire. Une forme d'affliction qui ne se soigne pas. Tout son être débordait de l'acte qu'il n'avait pas encore commis, et que rien ni personne ne pourrait jamais arranger ou minimiser.
Et pourtant, Kakashi ne tenta plus de le dissuader. À la place, il surprit Itachi en s'approchant de lui et en quêtant un autre baiser. Le temps s'arrêta brièvement tandis que leurs bouches se mêlaient, dérangeant le silence parfait du cimetière. Itachi s'y perdit quelques instants, car, s'il avait embrassé beaucoup d'hommes au cours de sa vie, rarement ces baisers étaient réellement parvenus à briser sa solitude. Jamais il n'avait éprouvé tant d'émotions, y compris envers la personne qu'il embrassait.
À regret, il lâcha les lèvres tendres de Kakashi et fit un pas en arrière.
« Au revoir, sempai. »
Il se détourna et commença à s'éloigner avant qu'il ne soit plus capable de faire le moindre pas.
« Itachi ?
— Oui ? fit le jeune homme en se retournant.
— Ne pars pas ? »
L'hésitation dans ces mots, la façon dont ils sonnèrent, presque comme une prière, lui ravagea le cœur. Il déglutit, prit une lente inspiration, et répondit doucement :
« Je suis vraiment désolé. Si je pouvais m'effacer de ta mémoire, de celle de Sasuke... Je le ferais sans hésiter. »
Kakashi n'allait pas lui demander s'il était sûr de lui. Il n'allait pas exiger plus d'explications. À la place, il remit le masque en place sur son visage, dérobant sa beauté rayonnante à ses yeux assoiffés.
« Alors va, et vis. Continue à protéger ton frère.
— Jusqu'à ma mort. Mais...
— Je prendrai soin de lui. J'y consacrerai tout le temps nécessaire. Je ferai tous les sacrifices. Tu peux me le confier.
— Alors... Je te le confie. Kakashi... Merci.
— Ne me remercie plus jamais, pas pour cautionner ce que tu t'apprêtes à faire. Contente-toi de partir. »
Itachi hocha la tête et se fondit dans les ombres environnantes. Il avait eu son dernier moment de bonheur. À présent, seul l'appel du sang devait compter. Ses yeux le brûlaient et chaque fois qu'il essayait d'essuyer ce qu'il croyait être des larmes, il récoltait du sang. C'était bon signe. Il était devenu assez fort.
Kakashi, je t'en supplie. Quoi qu'il arrive. Ne le laisse jamais partir.
