- La demoiselle à lunettes - [Amedot]
Peridot soupira, bougeant lentement pour trouver une position plus confortable dans l'espace exigu, tâchant de ne pas se coincer encore plus dans l'opération. Une fois son dos allongé contre le mur froid et fin, elle se laissa glisser au sol, remontant ses jambes courtes contre sa poitrine, raclant le sol avec ses talons hauts dans un bruit métallique. Elle prit le téléphone dans sa poche et ouvrit l'application dictaphone.
« Peridot, entrée 12-3-15, 15:30. Je suis coincée dans mon casier. A nouveau. » Ajouta-t-elle en grognant. « Le coupable est très probablement l'un des nombreux fauteurs de troubles qui infestent ce lycée, quoique je n'aie pas eu le temps de l'identifier. » Elle marqua une courte pause pour réévaluer la situation. « Cependant, la situation d'aujourd'hui est légèrement plus compliquée que d'habitude puisque mes outils sont dans le sac que j'ai laissé sur le sol à côté du casier. Le coupable pourrait l'avoir volé, comme il ou elle l'a fait il y a trois semaines. » Elle s'arrêta à nouveau pour réfléchir un peu. « Ma seule option est d'attendre que Professeur Diamond ait finit son travail pour la journée. Je l'appellerai et lui demanderai de me libérer. En entendant je…
- Yo, meuf, tout va bien là-dedans ? » Surprise, Peridot faillit lâcher son téléphone en entendant la voix moqueuse à l'extérieur du casier. Une voix qu'elle connaissait un peu trop bien car la seule à laquelle elle prêtait attention lorsque l'équipe de lutte du lycée passait dans les couloirs. La panique commença à remonter dans sa poitrine comme des bulles dans une canette de soda, il n'y avait pas moyen qu'entre tous elle la laisse, ELLE, la voir dans cet état.
« Je-heu… J-je vais bien ! J'ai juste… Euh, je… » C'était mauvais, il fallait qu'elle trouve une phrase correcte. Elle entendit la voix rire bruyamment depuis l'autre côté de la porte du casier et rougit. Génial, maintenant elle était encore plus ridicule.
« Oh mon dieu, calme-toi. » dit-elle sans cesser de rire. « Aller, je vais te faire sortir. C'est quoi la combinaison ? »
« J-je… » Peridot ne savait pas quoi faire mais elle ne pouvait pas faire semblant d'aimer être prisonnière, ou de savoir comment sortir toute seule. C'était très humiliant mais elle devait accepter son aide. « 3141 » dit-elle à contrecœur. Elle entendit la serrure cliqueter et la porte s'ouvrit. Un visage bronzé encadré de cheveux d'un mauve pâle incroyablement longs apparut dans la lumière des lampes électriques du corridor. Des yeux rieurs, des joues rondes, un sourire fier et provocateur ; elle était petite et potelée, autant par abondance de muscle que de graisse, et dégageait une confiance en elle telle qu'elle ne pouvait sembler que magnifique. Amethyst, la meilleure lutteuse de l'équipe du lycée.
Elle tendit une main que Peridot prit et la tira sur ses pieds avec un sourire. « Oh, c'est toi, Peri ! Je me disais bien que je reconnaissais cette voix. » dit-elle.
Peridot ouvrit des yeux surpris derrière ses lunettes. « Tu veux dire que tu connais mon prénom ?
- Ben ouais ! On est un peu dans la même classe, l'intellote ! » Elle rit à nouveau d'un rire qui ronflait un peu. « Et on ne peut pas oublier une je-sais-tout dans ton genre, si ? On n'entend que toi, en cours !
- … Je suppose que c'est vrai. » dit lentement Peridot. Ses mains cherchèrent instinctivement un livre à tenir mais elle n'avait rien sur elle. Elles se tordirent devant elle, mal à l'aise d'être vides. « En tout cas, merci de m'avoir aidé.
- T'inquiète pas, Peri, c'est rien. Et puis, c'était drôle de t'entendre faire tes notes d'intellote. » Peridot rougit davantage, à la fois gênée et agacée, et évita le regard d'Amethyst en cherchant son sac. Par chance, il était encore posé sur le sol à côté de son casier. Elle le ramassa rapidement. « Eh, t'as encore quelque chose avant la fin de la journée ?
Peridot leva les yeux, surprise par la question. « Non. Mais j'avais prévu d'aller travailler au CDI. »
« Cool ! P, G et moi on va chez Rose dans une heure, tu veux venir ? »
Un stupide espoir mêlé à de la peur et de l'incertitude remplit le cœur de Peridot. Elle se secoua mentalement, tâchant de se contrôler. « Je ne crois pas que je devrais… Je dois travailler et cela risquerait de ne pas plaire à tes amies d'avoir une invitée surprise. » Sans compter qu'elle n'était pas vraiment à l'aise en la compagnie de personnes, ou de choses, ou de n'importe quoi qu'elle ne connaissait pas. Les lèvres épaisses d'Amethyst se tordirent en une moue déçue.
« Oh, aller quoi, c'est une soirée révision, ça ne te changera pas beaucoup. Avec toi ce serait au moins un peu drôle ! » Peridot ne répondit pas, incertaine et presque – bon d'accord, très flattée de la proposition et de l'estime que la jeune fille semblait avoir pour elle. Amethyst roula des yeux agacés mais sourit un peu à nouveau et haussa les épaules avec détachement. « Ok, tu sais quoi ? C'est pas grave, fais comme tu le sens. On se voit plus tard, Peridot l'intellote ! » dit-elle avant de se retourner et de poursuivre son chemin dans le couloir. Peridot la regarda partir, puis se retourna vers son casier pour en changer la combinaison. Elle ne réfléchit que quelques instants avant de mettre « 1203 » en rougissant légèrement. Elle reprit alors son téléphone et ouvrit l'application dictaphone.
« Peridot, entrée 12 3 15, 15:45. Je suis sortie. Et… Amethyst sait comment je m'appelle. »
