Bonjour à toutes et à tous ! Me voici de retour pour un petit Thiam en trois parties, cette fois-ci !

Cette histoire est différente de celles que j'ai déjà écrites sur Theo et Liam, mais je suppose qu'il faut bien un peu de diversité, pas vrai ? Je ne sais pas du tout ce que ça vaut (c'était censé être un court OS humoristique à la base, mais je me suis laissée emporter par le délire, et c'est peut-être un peu moins humoristique que je le souhaitais, mais bon...)

~ Teen Wolf ne m'appartient pas ! Je ne gagne aucune rétribution en écrivant cette histoire, à part mon propre plaisir et quelques pitites reviews ?

~ Cette histoire est inspirée par quelque chose que j'ai vraiment remarqué sur les photos des deux épisodes concernés. Vous pouvez vérifier. Bien sûr, il ne s'agit sûrement pas vraiment des deux mêmes vestes, mais elles se ressemblent vraiment, vraiment beaucoup, et même si ce sont les mêmes, c'est sûrement une inattention de la part des costumiers, mais bon ! Pour quelques minutes, imaginez qu'elles sont rigoureusement identiques !

~ J'espère que ça vous plaira ! N'oubliez pas de laisser une review, même minuscule, pour me dire ce que vous en pensez, que ce soit bon ou mauvais !

ENJOY !


UN PETIT QUELQUE CHOSE


Partie I

La veste


Et voilà. Ça titillait de nouveau Liam.

Il ne savait pas exactement ce que c'était, mais c'était fichtrement agaçant. Il regardait Theo, et il y avait quelque chose en Theo qui l'interpelait. Sauf qu'il ignorait quoi. C'était un peu comme si, au beau milieu d'une foule d'inconnus, quelqu'un vous appelait : « Hé ho, Liam ! Je suis là ! C'est moi ! Réponds-moi ! » mais qu'il était incapable de voir de qui il s'agissait, ou même de reconnaître la voix.

Il avait déjà eu ce sentiment lors de leur mission au zoo, quand ils s'étaient battus pour attirer les chasseurs et les distraire, le temps que le reste de la meute fouille le QG de Gérard et de Monroe. Mais il n'y avait pas accordé beaucoup d'attention: il avait d'autres soucis (comme gérer une armée de chasseurs psychopathes, ou gérer sa colère et son traumatisme après la mort de Brett et de Lori), et ensuite, il avait été plutôt occupé (à briser le nez de Theo et à être évanoui). Le temps qu'il y repense, les jours avaient filé, et il n'avait plus cette sensation en regardant Theo. Impossible de remettre le doigt dessus.

Il avait pensé avoir halluciné, mais voilà, un mois après la fin de la guerre – presque deux mois après cette journée au zoo – ce sentiment était de retour, plus persistant que jamais. Et comme Liam n'avait aucun autre véritable souci en tête, il avait tout loisir d'y penser, ce qui était un peu obsédant.

Il y avait un petit quelque chose qui le titillait chez Theo, et il ignorait quoi.

− Liam ? Liam ! interpela Mason en le secouant par le bras.

Liam revint à la réalité avec la détestable impression que ce n'était pas la première fois que Mason l'appelait. Ah oui, c'est vrai. C'était la réunion de meute, aujourd'hui. Ils étaient installés au cabinet vétérinaire (pourquoi Scott choisissait-il toujours cet endroit-là ?), ils mangeaient des pizzas, et ils discutaient du nouveau monstre de la semaine – des farfadets à l'humour meurtrier. A cette exception près que Liam n'écoutait pas du tout ce qui se disait, et que sa pizza avait considérablement refroidi à force de ne pas être mangée.

− Oui, Mason ? chuchota-t-il en retour.

− Tu peux m'expliquer pourquoi tu lorgnes Theo comme ça depuis le début de la réunion ?

Mason semblait sincèrement intrigué, mais le regard de Lydia – qui voyait et entendait toujours tout – en face de Liam, était clairement désapprobateur. Liam pouvait l'entendre penser « Mais enfin, quel est l'intérêt de regarder Theo ? »

− Je ne sais pas, admit Liam en regardant Theo se lever pour aller jeter sa boîte vide de pizza dans la poubelle. Il y a quelque chose qui me chiffonne avec lui.

− Tu veux dire, à part que c'est un psychopathe qui a tenté de nous tuer tous ? releva Stiles, assis à côté du Bêta.

Liam grogna, mais ne releva pas. Ce n'était pas la première fois qu'il avait une dispute avec Stiles au sujet de Theo, mais Stiles était trop borné – et rancunier – pour admettre que oui, Theo avait changé, et oui, Theo était devenu quelqu'un de bien. Liam considérait que le fait que Stiles n'ait rien dit depuis deux heures au sujet de Theo était déjà un progrès.

− Autre chose, garantit Liam. C'est comme si… je ne sais pas. Il y a un truc…

− Un truc qui cloche ? demanda Mason.

− Non, non, pas quelque chose qui cloche… Plutôt quelque chose qui n'est pas à sa place, ou… je ne sais pas, admit Liam.

Après tout, c'était stupide. Theo était exactement comme d'habitude, et d'abord, quelle était la logique là-dedans ? Quelque chose ne pouvait pas ne pas être à sa place chez quelqu'un, c'était absurde.

Et pourtant… pourtant…

− Non, il a l'air comme d'habitude, garantit Corey. Un peu fatigué, peut-être ?

− Je me demande comment il occupe ses journées ? se demanda Mason, intrigué.

Il y avait pas mal de mystères qui entouraient Theo, et Liam était loin de les percer tous. Son passé, sa famille, sa relation avec les Dread Doctors, ce qu'il pensait réellement, ce qui s'était vraiment passé en Enfer ou quelque soit l'endroit sordide où Kira l'avait envoyé, comment il se sentait à présent, s'il avait un boulot ou s'il allait à la fac, et si l'appartement dans lequel il vivait était cool, et tout un tas de choses qui faisaient de Theo un sujet d'éternelle perplexité. Mais là ? Liam ne savait même pas à propos de quoi il était perplexe, mais il l'était. Il avait la sensation qu'il devait trouver de quoi il s'agissait, mais il avait beau regarder Theo dans tous les sens, rien n'y faisait, tout était comme d'habitude.

Sauf qu'il savait bien que quelque chose n'était pas comme il fallait !

Encore une chance, Scott eut la bonne idée de mettre fin à la réunion à ce moment-là. Pile ce dont il avait besoin, car ce n'était définitivement pas sain de reluquer Theo durant toute une soirée. Vraiment pas. Être obsédé par Theo Raeken non plus n'était pas une bonne idée, et Liam empruntait dangereusement ce chemin. Il allait rentrer chez lui, se calmer, oublier ce détail de malheur, et demain tout serait de nouveau normal…

Fort de cette résolution, Liam prit le chemin du départ avec énergie, tentant d'ignorer la petite voix qui hurlait « MAIS REGARDE-LE Y A UN TRUC QUI COLLE PAS MEC ! LIAM ! LIAAAAAM ! »

Il avait définitivement besoin d'une bonne nuit de sommeil.

Vraiment.

Tout le monde avait pris la route ou était parti à pied, il était seul sur le parking et… Non, il y avait Theo. Theo qui était sous la lumière des lampadaires, bien éclairé.

Et soudain, Liam fut frappé par la révélation.

− Mais c'est ma veste !

L'exclamation avait fusé sans qu'il ait pu la retenir. Sous le choc, Liam ne pouvait que détailler la veste de Theo. Enfin, la sienne.

Theo se retourna lentement, sourcils froncés. Il observa Liam pendant quelques secondes, confus, puis ses yeux se baissèrent sur la fameuse veste, et… Mais oui, c'était bien un éclair d'horreur que Liam venait de surprendre dans ses yeux !

Liam s'approcha à grands pas et, sans laisser le temps à Theo de dire quoi que ce soit, s'empara des manches de la veste, les passant en revue avec minutie.

C'était sa veste ! Bon sang, c'était bien sa veste ! Liam la reconnaissait, cette veste grise avec ce col replié, ces deux poches sur la poitrine, les mêmes poches aux côtés aussi, les mêmes ourlets. C'était même pire que ça ! Ce n'était pas simplement le même modèle, c'était vraiment la même veste. C'était la veste de Liam. Liam reconnaissait les éraflures qu'il avait faites aux manches avec ses griffes, quand il avait affronté quelques problèmes de contrôle. Il y avait aussi ce bouton qui était un peu décousu et qui pendait parfois un peu, et que Liam n'avait jamais trouvé le temps de raccommoder. Ou encore – il écarta les pans de la veste – son nom marqué au feutre sur l'étiquette à l'intérieur, parce que sa mère était toujours un peu parano avec les affaires perdues et jamais retrouvées, et que dès qu'il achetait un nouveau vêtement, elle arrivait, marqueur en main, prête à écrire LIAM DUNBAR sur les moindres petites étiquettes.

Il s'écarta de Theo, sans savoir s'il était stupéfié, horrifié ou furieux. Un peu des trois, peut-être.

− C'est ma veste ! Qu'est-ce que tu fous avec ma veste ?

C'était la première fois que Liam voyait Theo aussi embarrassé, et aussi à court de mots. En fait, la chimère semblait proprement consternée, et mal à l'aise. C'était peut-être la seule chose qui retenait Liam de réellement se mettre en colère et d'arracher sa stupide tête à Theo.

− Je… Ecoute, Liam, ce n'est rien du tout, je te jure… plaida le garçon, en tentant d'avoir l'air aussi confiant et détendu que d'habitude.

− Ah ouais ? répliqua Liam.

Ce n'était pas qu'il avait un amour particulier pour cette veste, mais elle lui avait valu un sermon mémorable. Quelques mois plus tôt, il était rentré trempé d'une chasse au kelpie écossais (qu'est-ce qu'une créature écossaise était venue se perdre en Californie ? Enfin, Liam remerciait le ciel que ce soit un poney très poilu qu'il ait eu à traquer, plutôt que Nessie en personne), et sa veste dégoulinait d'eau. Il l'avait laissée sécher dans le jardin, et ne l'avait jamais revue. La veste avait proprement disparu, sans prévenir. Maintenant, Liam connaissait l'identité du voleur: Theo Raeken, ni plus ni moins.

Theo leva les mains en un signe qui se voulait apaisant.

− Ne le prends pas comme ça, ce n'est qu'une veste ridicule !

Ma veste que tu m'as volée et que tu portes comme si c'était la tienne alors que c'est la mienne et que tu l'as volée pour la porter comme si c'était la tienne ! rugit Liam, encore plus énervé de constater que son agacement le rendait quelque peu incohérent.

Pendant quelques secondes, Theo parut débattre intérieurement avec lui-même, et s'il ne lui avait pas volé sa veste, Liam aurait certainement eu pitié de lui. Quoi qu'il puisse se passer dans la tête de Theo, c'était un conflit au moins aussi animé que le débat d'entre-deux-tours de la dernière élection présidentielle.

Theo poussa finalement un soupir et se pinça le nez en une attitude à la fois résignée et agacée.

− Bon, très bien. Tu veux savoir ce qu'il en est vraiment ? (Il détourna le regard et poussa un grognement.) Je vis dans ma voiture, OK ? Je n'ai pas de boulot, pas d'argent, pas d'endroit où vivre, rien. J'ai quand même besoin de m'habiller, alors, quand j'ai vu cette veste abandonnée dans ton jardin, je l'ai prise, et voilà. Je ne peux pas éternellement voler des vêtements dans des magasins ou…

Theo s'interrompit brutalement. Il semblait absolument furieux, mais Liam ignorait si c'était à cause de sa situation, ou parce qu'il avait été obligé d'admettre la vérité.

Liam sentit toute sa colère s'évacuer, pour être remplacée par un gigantesque pincement au cœur. Après avoir ramené Theo de l'Enfer, il n'avait jamais songé aux conditions dans lesquelles il devait vivre à présent, et il ne s'était pas non plus posé la question auparavant, mais maintenant qu'il y songeait, Theo avait dû vivre avec les Dread Doctors toute sa vie, ou presque. Et maintenant, du coup, où pouvait-il vivre ? Et puis, il n'avait pas fini son année de terminale, et n'était jamais retourné au lycée… il n'avait pas de diplôme… et Liam ne s'était jamais, jamais posé la question. Maintenant, il se sentait à la fois égocentrique, stupide, et cruel.

Il ouvrit la bouche, mais Theo le coupa d'un ton sec.

− Ne t'avise même pas de me proposer ta charité. Tu peux te la mettre là où je pense ! Je n'ai pas besoin qu'on me donne quoi que ce soit, et j'ai encore moins besoin de ta pitié.

Liam se mordit la lèvre, embarrassé, avant d'hocher la tête.

− Autre chose, ajouta la chimère, les yeux plissés et la voix lourde de menaces. Si jamais tu racontes ça à tes petits copains…

Il n'acheva pas sa phrase, mais le sous-entendu était clair. Liam se dépêcha d'acquiescer, même s'il avait le sentiment qu'ils étaient sa meute, et qu'ils se devaient tous de faire quelque chose, mais Theo ne l'accepterait jamais, et à la réflexion, peut-être que certains dans la meute ne remueraient pas le petit doigt non plus. Corey et Mason aideraient, naturellement. Scott aussi, par devoir et parce que c'était Scott. Stiles râlerait mais s'exécuterait sûrement. Malia ou Lydia, en revanche…

− Je suppose que tu veux ta veste, alors ? soupira Theo, en commençant à l'ôter.

− Non, non, ça va, c'est bon ! s'empressa d'affirmer Liam.

Puis, pour ne pas vexer Theo :

− Elle te va mieux qu'à moi, de toute façon.

Ce qui, de fait, était vrai.


Liam s'était débattu avec sa conscience toute la semaine, mais voilà, il ne pouvait pas se débarrasser aussi facilement des confessions de Theo. Ce n'était pas quelque chose qu'on pouvait entendre, accepter et oublier dans la foulée.

Il n'arrivait simplement pas à se l'ôter de l'esprit. Il voyait Theo vivant dans les quelques mètres cubes de sa voiture, dormant avec les jambes recroquevillées car il n'y avait pas assez de place sur la banquette, frissonnant sous une couverture pas assez épaisse, mangeant de la nourriture de fast-food et économisant le moindre centime, affamé, contraint de voler pour obtenir ce dont il avait besoin, ou de travailler au noir, pour la journée, effectuant des tâches sordides à seule fin de survivre… Theo, possédant si peu de vêtements qu'il devait en voler à Liam…

Et bien sûr, il y avait la culpabilité, lancinante, de n'avoir rien vu, de n'avoir rien fait, de ne pas aider, et d'être en partie responsable de la situation.

Mais Theo refusait son aide. Quel imbécile têtu ! Liam avait essayé tout ce qu'il pouvait. Il l'avait invité à vivre chez lui, à rester pour une nuit uniquement, à venir manger un soir, à venir jouer à des jeux vidéos l'après-midi chez lui, bref, à peu près tout ce qu'il était physiquement possible de proposer, mais Theo refusait toujours, avec un mélange d'exaspération, de colère et de ce quelque chose qui lui faisait détourner le regard et serrait ses mâchoires. Un sentiment d'humiliation, peut-être ? Mais il n'y avait pas de quoi avoir honte, pourtant. Surtout pas avec Liam. Ils étaient amis, après tout ! Bon, le genre d'amis qui se bagarraient à longueur de journée, parfois autant au sens propre qu'au figuré, mais Liam appréciait Theo, il lui faisait confiance, et il voulait l'aider de tout son cœur.

C'était le minimum qu'il pouvait faire pour Theo, après tout. Au-delà du fait que savoir que Theo n'avait ni toit, ni travail, ni revenu le rendait à la fois malheureux et furieux, il devait bien ça à la chimère. Theo lui avait sauvé la vie, l'avait aidé à se contrôler, avait combattu à ses côtés, et tout ça bien plus de fois que Liam pouvait les compter. Liam avait une gigantesque dette de vie à payer à Theo, et la moindre des choses, c'était de rendre sa vie à lui un peu plus facile. Et puis, Theo était son ami. Si seulement Theo avait accepté, il vivrait chez lui à présent. Ils seraient des colocataires, ils se disputeraient à longueur de temps, et deviendraient de plus en plus proches. Une partie de Liam avait vraiment envie de faire partie de la vie de Theo.

Alors au final, Liam avait opté pour une idée différente. Theo ne voulait pas de son aide, mais ça ne voulait pas dire que Liam ne pouvait pas aider, non ? Il suffisait simplement que Theo ne se rende pas compte que Liam l'aidait. Par exemple, il pouvait glisser discrètement des affaires dans sa voiture, des choses dont Theo avait besoin. S'il les glissait une par une, peut-être que Theo ne s'en apercevrait pas ? Dans le doute, Liam avait tout de même demandé à Scott de lui apprendre comment camoufler son odeur, histoire que Theo ne puisse jamais remonter jusqu'à la source, et soit contraint d'accepter un peu d'aide. Scott avait été ravi de l'initiative de son Bêta, croyant que ce dernier était un élève modèle, et une graine d'Alpha en devenir. Liam avait d'autant moins eu le cœur de le détromper que ça arrangeait bien ses affaires.

C'était ainsi que Liam s'était retrouvé à forcer la serrure de la voiture de Theo.

Il avait profité du fait que Theo soit en mission avec Lydia (c'était elle ou Malia, et tout le monde était d'accord que Theo et Malia ne devraient jamais se retrouver sans surveillance). C'était à l'autre bout de la ville et Theo avait laissé sa voiture sur le parking derrière le cabinet de Deaton. Liam savait qu'elle serait là, et que Theo serait absent, alors il avait simplement oublié d'aller à son cours d'algèbre et se trouvait en train d'ouvrir la serrure de la portière de Theo avec ses griffes. Hayden aurait fait une délinquante redoutable, et elle lui avait appris deux-trois trucs avant de partir.

Finalement, la portière céda enfin, au grand soulagement de Liam qui craignait de se faire attraper, et il déverrouilla l'ensemble des portières à l'aide du tableau de commande. A y faire bien attention, en effet, il devenait évident que Theo vivait dans sa voiture. La banquette arrière était jonchée d'objets du quotidien. Tout était classé presque avec maniaquerie, comme si Theo, face à la déchéance la plus totale, avait mis un point d'honneur à ce que tout soit bien en ordre, impeccable. Il y avait des piles de vêtements – pas beaucoup, en réalité, le strict nécessaire –, des serviettes de toilette, une poignée de couverts, un sac dans lequel étaient soigneusement rangés brosse à dents, dentifrice, gel pour les cheveux – Liam sourit: Theo était coquet, vraiment, quoi qu'il en dise –, savon, shampooing. Il y avait un peu de nourriture emballée avec un soin maniaque, et cela brisa le cœur de Liam de voir cette moitié de sandwich, ce plat tout prêt à passer au micro-ondes, et cette boîte contenant des nuggets qui seraient certainement mangés sans être réchauffés. Et enfin, une couverture bien pliée, et un oreiller.

Liam sortit une minuscule boîte de sa veste. Ce n'était pas grand-chose, mais il espérait que ça aiderait Theo. Il avait récupéré tout ce qu'il avait pu, depuis les bons de réduction les plus avantageux, en passant par les tickets offrant des repas gratuits. Il les collectionnait depuis qu'il était petit – un vieux réflexe, datant d'avant le mariage de sa mère avec le Dr. Geyer, quand leur porte-monnaie était presque vide – mais ne les utilisait jamais. Dans l'avenir, il pourrait sûrement en trouver plus pour Theo. Lui apporter de la nourriture, également. De la bonne nourriture chaude et saine. Des vêtements supplémentaires, plus de couvertures, nota-t-il mentalement. De quoi s'occuper, peut-être ? Et peut-être pourrait-il lui trouver un bon filon pour un job ? Ses parents avaient sûrement des infos sur des boulots auxquels Theo pourrait candidater…

Liam déposa sa boîte sur la banquette, et soudain, son regard fut attiré par un éclat bleu. Un éclat bleu planqué sous le siège conducteur. C'était un coffret en carton bleu, comme une boîte à chaussures. Etrange. Il tenta de n'y accorder aucune attention, mais… il y avait quelque chose marqué sur cette boîte. LD. Comme ses initiales.

Franchement, c'était stupide. Il était en train de braquer la voiture de Theo, d'une certaine façon, et de s'introduire dans son intimité. Il ne pouvait pas non plus s'interroger sur le contenu de cette boîte, peu importe qu'elle porte ses initiales. LD. Ça pouvait vouloir dire plein de choses. Lord Darcy. Lady Diana. Les Docteurs. Linkage Desequilibrium. LSD, sans le S ?

Liam décida de ne plus y penser. Il se pencha en avant, déposa sa boîte sur la banquette, se recula. Sa tête heurta le plafonnier de la voiture, il poussa un juron, perdit l'équilibre, partit en arrière, et donna un grand coup de pied dans l'autre boîte, qui glissa, et dont le couvercle se détacha à moitié.

Oh, bon sang. Il ne l'avait même pas fait exprès, pour le coup.

Il sortit de la voiture, s'accroupit, et ramassa le couvercle, prêt à le remettre en place sur la boîte. Il tira la boîte vers lui…

Sa mâchoire se décrocha, et, avant qu'il ait pu s'en empêcher, il se retrouva à fouiller la boîte de fond en comble, abasourdi.

Toutes les affaires qui étaient dissimulées dedans… elles étaient à lui !

Choqué, Liam les passa en revue une par une.

Ça, c'était son sweat-shirt de l'équipe de Lacrosse. C'était vraiment le sien, Liam le savait. Il y avait son nom au dos, son numéro devant et derrière en grandes lettres blanches sur fond rouge, et le sweat sentait comme lui. Normal, c'était le sien. Il pensait l'avoir égaré au milieu d'une bataille ou quelque chose du genre !

Ensuite, cette écharpe bleue, c'était la sienne. Sa mère la lui avait achetée lors du précédent hiver, inquiète que son petit Liam ne prenne froid, et Liam adorait cette écharpe en laine, si douce contre la peau, et de la couleur exacte de ses yeux.

Un livre sur l'histoire de la Grèce antique. Non, pas un livre, son livre, corné d'avoir été lu tant de fois. Il y avait son nom sur la page de garde, et une foultitude d'annotations sur toutes les pages ou presque, signalant les passages préférés de Liam, des compléments d'information, ou simplement des blagues personnelles. Liam avait été si contrarié, quand il avait découvert, deux mois plus tôt, que ce livre avait disparu de sa bibliothèque – juste après l'épisode du zoo, en fait. Ce soir-là, Theo l'avait ramené chez lui, il s'en souvenait.

Une copie d'anglais. Une rédaction écrite de sa propre main. Le sujet était banal au possible, mais il avait eu une excellente note, pour une fois.

Il y avait encore une poignée d'autres objets. Un jeu de cartes, Liam se souvenait qu'ils y avaient joué une fois. Un carnet. Une feuille pleine à craquer de dessins stupides, comme il aimait en dessiner durant son cours d'algèbre. Une médaille gagnée à un tournoi de lacrosse. Une photo de Mason, Corey et lui.

Liam dévisageait le contenu de la boîte, bouche bée. Il aurait dû se sentir furieux, il aurait dû avoir envie de défoncer la tête de Theo, il aurait dû, au minimum, se sentir violé dans son intimité. Une partie de son cerveau était parfaitement consciente de toutes les choses qu'il aurait dû ressentir, mais en réalité, il ne pouvait que fixer cette boîte, ahuri. Son cerveau était sur off. Il tentait péniblement d'additionner deux et deux et de trouver la signification de… de cette situation, quelle qu'elle soit, mais il n'y arrivait pas.

Finalement, il remit en place les affaires, comme dans un songe, et rangea la boîte à l'endroit exact où il l'avait trouvée, avant de reprendre celle qu'il avait apportée. Il referma les portières, verrouilla de nouveau la voiture, il vérifia qu'il ne restait aucune trace physique ou olfactive de son passage. Puis il s'enfuit en courant.


Theo se demandait parfois si le simple fait d'être soulagé de rentrer dans sa voiture, le soir après une longue chasse, était un bon indicateur d'à quel point il avait sombré dans la misère. Il aimait sa voiture, c'était la seule chose qui lui restait après tout, mais il détestait le simple fait d'être contraint d'y vivre. C'était petit, c'était inconfortable, c'était étouffant, et c'était humiliant. Et pourtant, il y avait des soirs comme celui-ci, où il était heureux de revenir dans cette voiture. Ça ne l'empêcherait pas d'avoir mal au dos la nuit, sur la banquette arrière, ni de haïr chacune des incommodités qui jalonnaient sa vie, mais parfois, oui, parfois, il était soulagé de pouvoir à nouveau s'asseoir à l'intérieur et savourer le silence, se sentir de retour quelque part.

Ce soir-là était l'un d'entre eux. Il avait passé cinq heures à traquer des farfadets avec Lydia. Il y avait pire comme mission, et il y avait pire comme compagnie (Lydia, au moins, faisait des efforts pour être civile, à défaut d'être réellement amicale avec lui), mais ça l'avait tout de même fatigué.

Bien sûr, songea-t-il en s'allongeant sur sa banquette arrière et en s'enfouissant sous sa couverture, il aurait préféré être en mission avec Liam.

Tout était mieux avec Liam, de toute façon. Il appréciait passer du temps avec Corey, et même avec Mason, depuis que celui-ci était plus amical à son encontre. Travailler avec Lydia était, sinon agréable, du moins calme. Mais Liam ? Liam, c'était définitivement autre chose.

Mais peut-être que Theo n'était pas très objectif à ce sujet.

Il pouvait se répéter autant qu'il voulait que Liam et lui entretenaient une relation très particulière (ce qui, par certains côtés, était vrai), la vérité, c'était simplement qu'il était obsédé par Liam, point à la ligne.

Theo ferma les yeux, tentant de résister de toutes ses forces à l'envie urgente qui montait en lui. Il fit mine de l'ignorer, tenta de s'endormir, pensa résolument à autre chose, mais comme à chaque fois, c'était peine perdue. Il ne pouvait tout simplement pas s'en empêcher.

Il tendit la main, et extirpa sa boîte bleue de sous le siège conducteur. Il se rassit, et la posa sur ses genoux. Il l'ouvrit, et passa chaque objet au peigne fin, l'un après l'autre.

C'était stupide. C'était irrationnel, et c'était même dérangeant. En fait, c'était pathétique, rien de plus, rien de moins. Il était pathétique. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher.

Ça arrivait simplement, de temps à autre. Il se retrouvait seul avec un objet appartenant à Liam, ou du moins, Liam regardait ailleurs, et Theo éprouvait le besoin de chaparder cet objet, de l'emporter avec lui. C'était comme avoir un peu de Liam avec lui. Après tout, ce n'était pas comme s'il pourrait jamais avoir quoi que ce soit d'autre de la part de Liam. Son amitié, oui. Sa confiance, peut-être bien. Mais il y avait en lui ce désir, ce besoin d'autre chose, quelque chose de plus brûlant, de plus interdit, de plus exigeant et désespéré. Il ne voulait pas mettre de mots dessus, car ce serait admettre que ça existait, mais il savait très bien que de toute façon, c'était impossible.

Il ne savait pas très bien au juste pourquoi, à la place, il volait ses affaires à Liam. Une façon d'obtenir un peu de lui ? De combler un vide ? De vénérer chaque morceau de sol qu'il foulait ? Theo ne savait même pas. Il savait uniquement que c'était mal, vicieux, répugnant, et qu'au final, ça le faisait certainement plus souffrir qu'autre chose. Mais c'était plus fort que lui. A chaque fois, il se promettait de ne pas recommencer, à chaque fois, il se promettait de ne plus jamais rien chaparder, de jeter ou de restituer les objets cachés dans cette foutue boîte, de cesser d'y penser. De cesser de penser à Liam, aussi. Mais non, il ne pouvait pas s'en empêcher.

Chaque objet avait sa petite histoire, sa symbolique. Theo n'avait jamais rien vraiment pu posséder de sa vie. Quand il était avec les Dread Doctors, c'était plutôt comme s'il leur louait le minimum vital. A présent, chaque objet dans sa voiture était volé ou acheté au rabais, et aucun ne semblait être vraiment à lui. Sa voiture l'était, mais à part elle, Theo avait parfois – souvent – la sensation que la seule chose à laquelle il tenait vraiment, la seule chose qui comptait pour lui, c'était cette boîte et son contenu.

Cette écharpe bleue avait la même teinte que les yeux de Liam, par exemple. Ce jeu de cartes volé après un après-midi passé chez le Bêta lui rappelait à chaque fois leur amitié, et ces quelques heures volées durant lesquelles il s'était senti bien, et durant lesquelles il avait simplement pu profiter de la présence de Liam sans qu'une menace mortelle ou la présence de la meute planent au-dessus de leur tête. Ce sweat avait l'odeur de Liam, et ça réveillait toujours quelque chose dans les entrailles de Theo. Ce livre d'histoire le faisait sourire avec un peu de nostalgie. Cette médaille lui rappelait un peu tout ce que Liam était – combatif, entêté, et tout un tas d'adjectifs un peu moins flatteurs. Les autres objets n'avaient pas d'histoire particulière, mais ils étaient à Liam, et ça lui suffisait.

Il avait parfois l'impression d'être un gamin de dix ans, ou un maniaque obsessionnel, peut-être même un stalker dangereux. Mais franchement, il ne faisait que collectionner que quelques objets pris au hasard, simplement parce que les souvenirs qui y étaient associés le rendaient heureux, ou parce qu'ils représentaient un peu de Liam, et que c'était tout ce que Theo pourrait jamais obtenir de Liam.

Il n'était qu'un fétichiste pathétique, songea-t-il en rangeant la boîte à sa place.


Liam avait tenté de ne pas y penser. Ensuite, il avait tenté de se mettre en colère. Il avait également tenté de rationaliser la situation, ou simplement, de cesser de lui accorder la moindre importance.

Dans tous les cas, il avait affronté un échec cuisant.

C'était pire lors des réunions de meute. Il s'efforçait de tout son être de ne pas y penser, mais toute son attention était focalisée sur Theo, Theo, Theo, et le milliard de questions qui trottaient dans sa tête.

Dire qu'il avait pensé que c'était juste une veste. Une simple, bête veste sans rien de spécial. Il avait vraiment cru que Theo l'avait simplement volée parce qu'il en avait besoin, et d'une certaine façon, c'était vrai. Mais il y avait plus que ça, pas vrai ? Etant donné que Theo avait dissimulé une dizaine d'objets lui appartenant dans sa voiture.

En fait, Theo collectionnait les affaires de Liam. Tout simplement.

Ce qui effarait le plus Liam dans toute cette situation, c'était précisément son absence de réaction. Il n'était pas en colère. Il ne se sentait pas effrayé non plus, alors que c'était sûrement un peu flippant, que Theo – Theo, entre tous ! – vole et collectionne ses affaires dans le plus grand secret. Il n''était pas retourné reprendre ses affaires, il n'avait pas mis Theo au pied du mur, ne lui avait pas arraché la tête non plus. Et, ce qui était peut-être le plus étrange, il n'en avait parlé à personne. Il n'avait plus rien caché à Mason depuis que son meilleur ami connaissait l'existence du surnaturel, mais c'était quelque chose qu'il se sentait incapable de lui dire. En fait, il ne voulait pas lui révéler ce secret. C'était… c'était trop intime. Liam avait la sensation que c'était entre lui et Theo, même si Theo l'ignorait. En tout cas, c'était quelque chose qui appartenait à Liam, et rien qu'à lui. Il y tenait presque un peu jalousement. Il ne savait pas pourquoi.

Enfin, déjà, il ne souhaitait pas que tout le monde monte au créneau pour agresser Theo. Bien sûr, Theo agissait certainement comme une sorte de psychopathe un peu pervers, mais… Eh bien, Liam n'avait pas pu s'empêcher de noter que c'était somme toute assez innocent. Cette boîte ne contenait pas de sous-vêtements à lui, pas plus que de photos prises en cachette, ou de journal intime exprimant des choses flippantes à son sujet. Non, ce n'étaient que des objets du quotidien, des petits trucs qui n'avaient pas vraiment d'importance. En fait, c'était plutôt comme si Theo lui volait des objets qui avaient du sens à ses yeux.

Et puis, eh bien… Liam était troublé. Vraiment, vraiment troublé. Il ne savait pas vraiment quoi en penser, ni ce qu'il ressentait vraiment. Il était un peu flatté, peut-être. Un peu curieux, et un peu gêné. Ce n'était pas tous les jours que quelqu'un collectionnait vos affaires comme si elles étaient précieuses – comme si vous étiez précieux pour cette personne. Il se sentait un peu triste, également. Il y avait quelque chose d'amer et de malheureux dans cette petite collection.

Lorsqu'il était avec Hayden, avant qu'elle ne quitte la ville et le largue plus ou moins, il avait eu cette période, également. Elle oubliait des affaires chez lui, et d'une façon ou d'une autre, elles étaient une sorte de trésor pour Liam. Il ressentait une terrible bouffée d'affection en les voyant, et il savait qu'Hayden était une partie de sa vie.

Evidemment, cela suggérait une chose à propos de Theo, et Liam n'avait pas fini de s'interroger à ce propos.

Etait-il possible que Theo… ressente un petit quelque chose pour Liam ?


A suivre...


ALORS ? VOTRE VERDICT ?