Commentaire
: Cette fanfiction (ou song fic, en fait) se passe juste après
les évènements du volume 6. Si vous ne l'avez pas lu
ou si vous ne voulez pas connaître certaines choses, mieux vaut
quitter cette page (et ne pas lire la suite du commentaire). Pour les
autres, j'espère que la lecture vous plaira, je l'ai
écrite en deux jours. J'avais envie de faire un texte sur
God Child depuis un moment mais un couple Cain/Riff traditionnel ne
m'intéressait pas. Par traditionnel, j'entend un Riff
dévoué et gentil, bien sûr (ben Riff dans toute
sa splendeur, quoi). Alors quand le « méchant »
Riff est apparu dans le volume 6, ça m'a tout de suite donné
des idées. Je dois être bizarre mais j'aime les
histoires où l'amour et la haine se mélangent, où
les sentiments sont compliquées (qui a dit « tordu » ?).
Je ne sais pas si j'ai bien réussi à rendre ce que
j'avais en tête et j'ai peut-être fait quelques
incohérences avec le manga. Bah, on verra bien. Moi je suis
satisfaite, en tout cas. J'avais aussi envie de faire apparaître
Jezabel (ou Jezebel, j'ai du mal à me rappeler de
l'orthographe de son nom) dans la fic mais sa présence était
superflue et n'apportait rien (dommage, j'aime ce personnage).
La chanson appartient au groupe Epica. Il s'agit de Trois Vierges,
présente sur leur second cd (consign to oblivion). Pour ceux
qui sont ennemis avec l'anglais, il y a des sites qui doivent
proposer des traductions.
Between lust and hate
Memory, fading out
Its presence
still lingers in my mind
Listen to your inner voice
There's no
escape, there's no other choice
A foolish fate that came
about
Death could not leave without
Don't try to scour your
inane soul
It would be labour lost
Riff était parti.
Cain n'aurait jamais cru que trois mots, trois petits mots
insignifiants, puissent semer autant le trouble dans son cœur.
Riff était parti. Delilah le lui avait volé. Son père
s'évertuait à lui prendre tout ce qui lui était
précieux, à briser son bonheur, à détruire
ceux qu'il aimait.
Le Riff qui avait pris soin de lui et qui avait pansé ses
blessures n'était plus. Et Cain ne savait réellement
ce qui était le plus douloureux : la trahison ou savoir
que cet être qui lui était si précieux ne
reviendrait jamais ?
Le Riff qu'il avait connu n'était rien de plus qu'une
illusion, créée par Delilah. Tout ce qu'ils avaient
vécu était faux et… Pourtant… Le comte ne pouvait
se résoudre à l'accepter. Malgré les paroles
blessantes de son serviteur, lorsque sa vraie personnalité
avait été retrouvée, il ne pouvait admettre cet
échec. Il ne pouvait admettre que ses souvenirs n'avaient
aucune valeur. Que le réconfort que lui avait apporté
Riff n'avait été qu'un mensonge savamment élaboré.
Il ne pouvait laisser Riff à Delilah. Laisser encore son père
anéantir ce en quoi il accordait de l'importance.
Alexis n'avait fait que renforcer sa détermination à
combattre l'organisation maléfique. Il était prêt
à employer n'importe quel moyen pour atteindre son but. Et,
plus que tout, il ne pouvait laisser Riff entre les mains de Delilah.
Il préférait le tuer plutôt que de le perdre…
Il était à lui, bon ou mauvais. C'était une
victoire qu'il ne pouvait accorder à son père.
Car Riff n'avait pas simplement été son serviteur.
Il avait été celui qui lui avait apporté de
l'espoir et qui l'avait protégé. Il avait été
celui sur qui Cain pensait pouvoir à jamais compter. Jamais il
n'aurait pu croire à une trahison de sa part.
Alors, au nom de tout ce qu'ils avaient vécu… Il le
délivrerait. D'une façon ou d'une autre.
Pourtant, malgré toutes ses « bonnes
résolutions », l'incertitude dominait Cain comme
elle ne l'avait jamais fait.
Serait-il seulement capable de tuer l'homme qui avait pris tant
d'importance dans sa vie ? Il voulait le garder uniquement
pour lui et le délivrer mais… Son cœur se serrait à
chaque fois qu'il y pensait. Comment imaginer un monde où
Riff ne serait définitivement plus ? De plus, il ne
pouvait croire qu'il ne subsistait rien de lui. L'autre Riff, si
méprisant et cruel. Celui-ci devait bien se souvenir de tous
les instants passés. Ne les regrettait-il pas ? N'y
avait-il aucun espoir de le voir revenir auprès de lui ?
Devrait-il absolument le tuer ?
Il ne pouvait pas l'oublier, ni l'enterrer.
Chaque chose lui rappelait Riff. Il ne pouvait poser son regard sur
une pièce du manoir sans se laisser submerger par les
souvenirs. Parfois, il se mettait à l'appeler, par simple
habitude, et il réalisait ensuite sa bévue. L'absence
de son serviteur et ami lui pesait bien plus qu'il ne voulait le
montrer aux autres. C'était comme une plaie enflammée
qui ne pourrait à jamais guérir.
Deep inside hides a lie
Where can
we try to seek
A way so this will die
Innocence died when
they took his mind
And they tried to leave him behind
Not even
a cascade of tears will save you
And keep you away from harm
C'en était trop, Cain étouffé. Il était
tard, il faisait nuit, mais il ne cessait de ressasser les mêmes
pensées déprimantes. Il ne pouvait rester un instant de
plus dans cette maison qui lui rappelait tant de choses à
présent douloureuses.
Alors, il avait décidé de sortir, malgré la
mauvaise humeur d'une Maryweather qui trouvait cela imprudent. Il
avait décidé de sortir car il étouffait et se
sentait oppressé. Peu lui importait les risques. Il avait le
sentiment que son heure n'était pas encore arrivée
pour Delilah et que l'organisation allait continuer de jouer un peu
plus longtemps avec ses nerfs.
Cain revêtit un long manteau noir par dessus son costume
seyant. Il prit aussi un chapeau haut de forme qu'il vissa sur sa
tête et une canne qui semblait être l'accessoire
indispensable pour tout noble. Il s'habilla seul car aucun autre
serviteur que Riff ne pouvait le toucher. Il laça ses
chaussures lui-même. Et, enfin, il prit un dernier accessoire,
pour sa protection, car il n'était pas aussi inconscient que
sa sœur voulait bien le croire. En vérité, il était
d'humeur à écorcher vif tout représentant de
Delilah. Ou à concocter un poison qui les laisserait
définitivement sans voix…
Cain quitta le manoir et marcha dans la rue. Il aurait pu prendre un
fiacre mais il avait besoin de se dégourdir les jambes. Le
fond de l'air était frais mais cela n'était pas
désagréable, loin de là.
Il promena son regard sur les façades des riches demeures. La
rue où il se trouvait était déserte mais il ne
tarda pas à rejoindre l'agitation de la population
Londonienne. Des commerces s'alignaient des deux côtés
de l'avenue et Cain songea qu'il pourrait en profiter pour
acheter quelque chose à Maryweather. Il avait envie de voir un
sourire rayonner sur le visage de sa petite sœur. Au moins, cela
pourrait peut-être dissiper son obsession pour Riff durant un
instant.
Alors qu'il observait chaque vitrine et que le soleil déclinait
rapidement dans le ciel, il crut apercevoir un reflet dans la vitre.
Son regard essaya de se concentrer sur l'étalage de robes à
rubans mais finit par revenir sur l'image qui avait attiré
son attention.
Dans la foule, juste derrière lui… Cain essaya de garder
son calme mais il ne put empêcher les battements de son cœur
de s'accélérer.
C'était Riff, il n'avait aucun doute. C'était
lui.
Il se trouvait derrière lui, à quelques mètres
seulement. Il le regardait.
L'autre Riff qui l'avait trahi…
Cain chercha à se contrôler à nouveau et à
se focaliser sur les articles. Il pensa à Maryweather. Il
voulait lui faire plaisir et la voir heureuse. Pourtant, son regard
ne cessait de revenir à ce reflet aussi intangible qu'un
fantôme. Il allait d'une robe à celui-ci, puis faisait
de son mieux pour revenir aux robes. Et lorsqu'enfin l'image
ayant amené son trouble disparut, la panique l'envahit.
Cain, habituellement si calme et sûr de lui, se retrouva comme
un enfant venant de perdre ses parents parmi tout un tas d'inconnus.
Il ne parvenait pas à se raisonner. Il venait de voir Riff et
celui-ci était soudainement reparti, comme si de rien n'était.
Le jeune comte chercha parmi la foule en bousculant plusieurs
personnes dans son agitation. Il tourna plusieurs fois sur lui-même,
n'hésitant pas à se mettre sur la pointe des pieds
pour essayer de voir par dessus l'épaule des personnes qui
étaient plus grandes que lui. Il ne se souciait guère
des regards agacés que lui lançaient de stricts
inconnus.
Alors qu'il pensait avoir définitivement perdu de vu son
ancien serviteur ou avoir été victime d'une
hallucination, il vit réapparaître Riff, de dos, à
l'autre bout de la rue. Ses cheveux d'un blond presque blanc ne
pouvaient passer inaperçus. Sans savoir exactement si ce qu'il
faisait était bien raisonnable, et sans même s'en
soucier à vrai dire, Cain pressa le pas pour essayer de le
suivre. Il ne se faisait aucune illusion, Riff n'était pas
là pour revenir à son service, mais il avait
désespéramment besoin de le voir, un peu plus encore.
Même de loin, cela lui suffisait. Les paroles blessantes
n'avaient pas fait naître la haine chez lui, juste la
tristesse et l'incompréhension.
Il ne pouvait laisser partir son oiseau en cage.
Il ne pouvait l'oublier ou le détester.
Cain veilla à rester toujours à une certaine distance
de Riff. Malgré tout, il était sûr et certain que
celui-ci se savait suivi et il se demandait même si ce n'était
pas le but recherché. Mais le comte n'avait pas peur de
tomber dans un piège.
Lorsque Riff s'arrêta devant une maison de maître, qui
paraissait presque abandonnée, et y entra, Cain marqua
toutefois un instant d'hésitation. Une partie de lui-même,
sans aucun doute celle qui avait encore un minimum de raison, lui
souffla que poursuivre n'était pas une bonne idée. Il
allait s'attirer des ennuis. Mais l'anglais ne voulait pas
rebrousser chemin maintenant. Même si c'était pour
être blessé et constater l'emprise de son père
sur celui qui lui avait offert tant d'espoir, il avait besoin de…
Une fine pluie commença à tomber lorsque Cain entra à
son tour dans la bâtisse. Il enleva son chapeau et l'abandonna
à côté de la porte, sur un petit meuble dévoré
par la vermine. Puis il s'avança dans le hall, la canne
toujours dans une de ses mains. Son regard alla de droite à
gauche. Les deux portes menant au rez-de-chaussée étaient
condamnées par des planches solidement clouées mais
l'escalier face à lui était praticable. Il l'examina
de longues secondes avant d'oser l'emprunter, une main sur la
rampe. La première marche craqua sèchement et la
suivante aussi, malgré les précautions qu'il avait
prises pour se faire le plus silencieux possible. Voyant que tout
effort de discrétion était vain, il poursuivit d'un
pas plus rapide et atteint le palier du premier étage. A
nouveau, il observa les lieux, essayant de savoir par où Riff
avait pu aller. Les choix étaient restreints. Il y avait le
côté gauche du couloir ou le côté droit. Il
décida de tenter à gauche, examinant chaque porte qu'il
croisait. Elles aussi avaient été fermées par
des planches. Arrivé au bout, dans un cul de sac où se
trouvait une grande fenêtre, il revint sur ses pas pour
traverser l'autre portion du couloir. Il remarqua, au passage, la
trappe du grenier, inaccessible. A nouveau, il constata la même
chose. Les pièces derrière les portes étaient
inaccessibles. Un instant… Pas toutes. L'une d'elle avait été
réouverte. Peut-être récemment. Sur le mur, on
voyait encore l'empreinte des clous.
Cain stoppa devant d'un air circonspect. Il toucha le vieux bois
d'une main gantée et baissa les yeux sur la poignée
en métal. Ses doigts l'effleurèrent, il se demanda si
Riff était derrière. Il pressa la poignée et
poussa la porte.
« Que suis je donc en train de faire ? »
pensa-t-il en même temps. « C'est de la folie mais
ne peux pas m'en aller. J'ai besoin de revoir son visage.
J'aimerais qu'il me redonne l'espoir que mon père m'a
volé. »
La déception creva le cœur de Cain, lorsqu'il vit que la
pièce était vide. Peut-être avait-il rêvé.
Peut-être que Riff n'avait jamais été là.
C'était une chambre qui sentait le renfermé. Les
meubles avaient été laissés et de la poussière
les recouvrait. Une épaisse couche de poussière. Le
jeune homme s'approcha d'une petite commode et passa son doigt
sur le dessus. La saleté recouvrait le tissu noir de son gant.
Il ferma à demi les yeux. Il se sentait si triste. Son regard
alla jusqu'à la fenêtre, qui possédait encore
des rideaux rendu jaune par le temps.
Lorsqu'il entendit derrière lui le grincement de la porte
qui se refermait, Cain ne bougea pas d'un millimètre. Il
n'était guère surpris. Et il n'avait soudainement
plus envie de se retourner.
« - Et la curiosité tua le chat, »
murmura Riff d'une voix froide.
Cain se contenta d'un sourire étrange. Il était le
chat mais il ne comptait certainement pas mourir pour sa curiosité.
« - C'est pourtant toi qui a commencé à
m'épier, » rétorqua le comte en se
retournant lentement. Il fixa Riff en imitant son attitude distante.
Il ne voulait pas lui montrer le trouble qu'il pouvait ressentir.
D'un autre côté, peut-être que la façon
dont il l'avait suivi était la meilleure manifestation de
celui-ci.
Il se rendit compte que Riff n'avait pas répondu à
sa remarque. Cain en fut quelque peu mal à l'aise, il
n'appréciait pas la tension qui commençait à
s'installer.
« - Tu comptes m'empêcher de repartir ? »
questionna le jeune homme en fixant la porte devant laquelle se
trouvait Riff. L'ancien valet suivit son regard et eut un petit
rire moqueur :
« - Parce que vous pensez qu'un nobliaux infantile tel
que vous m'intéresse ? »
Il s'écarta, montrant la sortie à Cain d'une main.
Le jeune homme ne bougea pas pour autant. Il avait un pressentiment.
« - Vous ne voulez plus partir ? »
insista Riff en prenant une mine faussement déconcertée.
Il continuait de s'amuser de son attitude.
Cain, agacé, franchit la distance qui le séparait de
la porte avec rapidité. Alors qu'il s'apprêtait à
l'ouvrir, il sentit la main de Riff sur son épaule.
« - Ne me touche pas, » ordonna le comte d'un
ton impérieux. Ses yeux mordorés foudroyèrent
son ancien serviteur. Il ne savait pas réellement pourquoi il
réagissait ainsi. La présence de son ancien serviteur
l'irritait soudainement. Sans doute parce qu'il ne pouvait
s'empêcher de penser à nouveau à sa trahison et
à son changement de personnalité. Au mensonge.
« - A présent, vous ne voulez plus que je vous
touche ? » s'étonna Riff d'un air qui se
voulait blessé mais Cain se doutait qu'il jouait la comédie
pour le tourmenter. « Vous ne réclamiez pourtant
que ma présence, auparavant. Pleurant comme un enfant derrière
vos airs supérieurs. »
Cain essaya de se libérer de la main qui le retenait toujours
mais Riff le poussa soudainement dos contre la porte, tout en se
rapprochant de lui.
« - Vous pouvez faire illusion devant les autres. Ils
pensent que vous êtes forts ou dangereux. Mais vous ne pouvez
pas me tromper, Cain. Je sais que vous êtes angoissé et
possessif. Vous ne m'avez jamais laissé de liberté,
soit disant parce que vous teniez à moi. Mais tenir à
quelqu'un veut-il dire pour autant de l'empêcher de vivre
comme il l'entend. Je n'étais qu'un objet entre vos
mains. »
Cain se sentit piqué au vif.
« - Ce que tu dis n'est que mensonge. Riff ne pensait
pas ainsi et toi tu n'es pas Riff. »
L'homme ne sembla pas s'émouvoir des paroles de Cain et
poursuivit sur sa lancée :
« - Et pauvre Maryweather. Elle vous aime tellement mais
vous la maintenez recluse aussi, soit disant pour la protéger.
Comme si elle n'était qu'une poupée que vous ne
sauriez partager avec quiconque. Pauvre Oscar qui fait tant de vains
efforts. Comprend-t-il seulement que vous ne lui accorderez jamais ce
qu'il souhaite ?
« - Tais toi ! » s'écria Cain,
perdant toute maîtrise de ses sentiments. « Je
t'interdis de dire ça ! » Et sur ces mots,
il empoigna Riff par le col de sa chemise, faisant tomber sa canne au
passage.
L'homme aux cheveux blancs resta tout d'abord aussi froid qu'il
l'avait été durant cet échange. Puis un
sourire étira ses lèvres.
« - Que désirez-vous vraiment, Cain ? »
Le comte eut un mouvement de recul, son dos heurtant la porte, car
la main de Riff s'était approchée de son visage.
« - Quoi ? » commença-t-il,
surpris. « Je n'ai pas à répondre à
cette question, » ajouta-t-il en relâchant Riff.
« - Est-ce si innocent de me suivre ? »
poursuivit-il d'une voix plus basse en repoussant un peu plus, si
cela était possible, Cain contre la porte. Leurs visages
n'étaient séparés que de quelques centimètres.
« Depuis que nous nous connaissons, vous n'avez cessé
de détester toute personne qui aurait pu attirer mon
attention. Est-ce parce que j'ai été votre serviteur
le plus proche ou bien parce que… »
Il laissa sa phrase en suspend.
Cain se sentait de plus en plus mal à l'aise, car l'espace
qui séparait ses lèvres de celles de Riff semblait se
rétrécir de secondes en secondes. Il ne voyait que trop
bien où voulait en venir son valet. Il voulait fuir et laisser
tomber toute cette folie mais il ne parvenait à bouger. Le
regard de Riff le captivait. Sa voix le captivait. Il n'y pouvait
rien, c'était ainsi.
« - Cesse de dire des bêtises, » murmura
Cain, cherchant une façon de noyer le poisson. « Tu
étais mon serviteur mais aussi un ami, pour moi. »
Riff parut amusé.
« - Est-ce que l'on regarde un serviteur ou un ami
comme l'on regarde un amant ? » demanda-t-il, en
avançant encore son visage. Leurs lèvres se touchèrent
presque. « Je pourrais… »
Cain voulut savoir pourquoi il s'était interrompu mais
leurs lèvres s'effleurèrent pour de bon. Une personne
extérieure aurait sans aucun doute trouvé ce bref
contact insignifiant mais le comte sentit son cœur battre plus fort
et son corps frissonner. Lorsqu'il se rendit compte de l'effet
que lui avait procuré ce frôlement, il se troubla. Que
lui arrivait-il donc ? Riff était un homme et lui aussi.
Il était vrai qu'il avait toujours été
possessif envers son serviteur. Oui, il était prêt à
l'admettre, il l'avait été et il le serait encore.
Mais c'était parce qu'il s'était occupé de
lui, qu'il avait essuyé ses pleurs et qu'il l'avait
protégé. Il ne pouvait permettre que Delilah salisse ce
qu'ils avaient vécu ensemble, comme si cela n'avait pas
d'importance. Mais, jamais… Enfin, il ne pensait pas avoir eu…
Ce genre de sentiments ou d'attirances pour Riff… Pourquoi
réagissait-il ainsi ?
« - Ca n'a jamais été le cas, »
se défendit Cain en essayant de le repousser. « Je
n'ai jamais eu ce genre de désir. » Mais lui même
n'en était plus aussi sûr.
« - Tu trembles. Ce n'est pas de peur, »
rétorqua Riff, portant ses doigts sur la joue du comte sans
que celui-ci cherche à l'éviter, pour cette fois.
Concinnity of destiny
Is not what
you wished it to be
Blinded by love
Between lust and
hate
You scarred your fate
There's no time to waste
Ride
for your own ruin
Odium became your opium
C'était tout sauf sensé.
Cain le savait pourtant et avait essayé de résister.
Mais lorsque la distance entre leurs lèvres s'étaient
à nouveau réduites et que Riff avait engagé un
baiser plus prononcé, il s'était retrouvé
totalement désarmé, partagé entre désir
et envie de fuir au plus vite.
Le désir l'avait finalement remporté.
Il n'avait pas du tout réfléchi aux conséquences.
Il n'avait pas du tout pensé au fait que Riff était,
en quelque sorte, son ennemi. Même si tout était faux,
même si son ancien serviteur le manipulait, cela n'avait pas
d'importance. Il avait envie d'être auprès de lui.
Il avait envie de se sentir aimé, par les actes.
C'était quelque chose que personne d'autre ne pouvait lui
offrir. Aucune femme, aucun autre homme. Riff détenait une
place à part dans son cœur. Maryweather elle aussi était
importante mais c'était sa sœur, l'affection qu'il
avait pour elle était différente.
Il ne savait pas si sa soudaine attirance était due aux
paroles et aux actes de Riff, dans cette chambre, ou s'il l'avait
déjà eu avant, sans s'en rendre compte. Dans le fond,
il s'en fichait. Ses lèvres étaient tout ce qui lui
importait. La chaleur du baiser rendait son cœur plus léger.
Il en oubliait presque que ce n'était pas réellement
SON Riff qui était devant lui mais celui qui avait pris sa
place. Une personne bien plus cruelle et, à l'évidence,
perverse.
Leurs baisers se firent plus passionnés. Cain était
totalement sous l'emprise du séducteur. Ses bras avaient
glissé le long de son cou et ses doigts s'étaient
enfoui dans sa chevelure si claire. Il donnait la fausse impression
de maîtriser les choses mais il n'était que l'esclave,
suivant les désirs de son maître.
Il se laissait embrasser plutôt qu'il n'embrassait, et il
se laissa conduire jusqu'au lit, pousser dessus et déshabiller.
Il aimait sentir les mains de Riff sur son corps. Ses épaules,
son torse, son ventre et plus bas encore. Il n'aurait jamais cru
son serviteur capable d'embraser ainsi ses sens, lui qui paraissait
toujours si strict et sérieux. Et, pourtant, il lui faisait
connaître un plaisir qu'il n'avait jamais ressenti. Par ses
doigts et ses lèvres qui ne restaient guère sages.
Cain eut bientôt lui aussi l'envie de goûter au corps
de Riff. Il lui ôta sa chemise, prenant enfin une initiative.
Ses mains explorèrent sa peau qui lui paraissait si douce mais
son cœur se serra en voyant l'étrange marque en forme de
rose. C'était elle qui avait révélé la
trahison. Il évita de la toucher, ou même de la
regarder. Il ne voulait pas voir pareille marque sur le corps de
Riff. C'était une souillure.
Lorsqu'ils furent tous les deux nus, leurs corps se pressèrent
l'un contre l'autre. Ils échangèrent d'autres
baisers et d'autres caresses, assis sur le lit. Cain se rendait
compte que Riff était bien plus grand et fort que lui. Le
comte avait des membres beaucoup plus fin et, par certains côtés,
des traits féminins.
Au bout de quelques longues minutes, Riff lui saisit soudainement
les poignets d'une façon impérieuse et l'allongea
dos sur le lit, les mains ramenées au dessus de la tête.
L'homme le fixa, droit dans les yeux. Cain se sentit à
nouveau mal à l'aise, car il n'appréciait guère
cette position qui le mettait dans une totale soumission.
« Les rôles sont inversés, »
songea-t-il. « C'est moi qui reçois les ordres à
présent. »
Hors, ce n'était pas comme s'il était habitué
à pareille situation.
Comme s'il devinait son trouble, Riff se mit à sourire mais
ne relâcha pas pour autant les poignets de Cain. Il en profita
d'ailleurs pour se glisser entre ses cuisses ouvertes, son propre
membre tendu venant effleurer celui de son partenaire et le faire
gémir.
« - Je ne pensais pas que tu me céderais aussi
facilement, » fit remarquer Riff.
Le comte nota qu'il ne le vouvoyait plus. Ce changement soudain le
perturba bien plus qu'il ne voulait l'accepter. Son serviteur
avait toujours utilisé le « vous », même
après son changement de personnalité.
« - Toi qui es si fier et imbu de ta personne, »
poursuivit Riff, desserrant légèrement sa prise sur les
poignets de Cain. « Tu t'offres à moi comme si
j'étais réellement ton soi-disant « ami ». »
Le jeune homme voulut rétorquer et clamer qu'il savait très
bien qui il était mais Riff le retourna brusquement sur le
ventre. Cain ne put que lâcher une exclamation de surprise. Un
baiser dans son cou apaisa sa mauvaise humeur. Une pensée
venait toutefois de naître dans son esprit : ce qu'il
faisait était un jeu dangereux. Peut-être plaisant par
bien des côtés mais dangereux. Il avait toutes les
chances d'en ressortir blessé et de le regretter.
« - A-t-on avis, je fais ça pourquoi ? »
demanda Riff à un Cain silencieux. Il fit courir ses doigts le
long du dos de son partenaire, jusqu'au niveau de ses reins.
« Parce que je te hais… »
Cain ferma les yeux. Il ne pleura pas pourtant. Il le savait.
La haine…
Mais la haine n'était-elle pas tout aussi extrême que
l'amour ? Tout aussi passionnée. Elle pouvait donner
envie de convoiter l'impossible. Elle pouvait engendrer la douleur
et le désespoir. Haine et amour n'étaient pas si
éloignés.
Cain voulait Riff parce qu'il l'aimait et qu'il n'y avait
rien de plus satisfaisant que de concrétiser son amour. Et
Riff voulait Cain parce qu'il le haïssait et qu'il n'y
avait rien de plus satisfaisant, pour lui, que de posséder son
ennemi, corps et âme.
Et lorsque Riff commença à aller et venir en lui, Cain
lui offrit ce dont il avait envie, car se satisfaire était
bien la dernière chose qu'ils pouvaient faire l'un pour
l'autre à présent.
Lorsque Cain s'éveilla, quelques heures plus tard, la nuit
avait étendu son règne et la lune était cachée
par des nuages. Il se redressa dans le lit, sentant une douleur due
aux ébats. Assis, il jeta un regard à Riff et sentit la
peine l'envahir. Qui aurait pu croire que cet homme qui dormait
paisiblement à ses côtés était son
ennemi ? Cain lui-même aurait pu se bercer d'illusions,
en contemplant son visage. Quelques mèches blanches balayaient
son front et sa joue. Il était si beau et paraissait si
inoffensif. Incapable de dire des mots cruels à la personne
avec qui il partageait son lit.
Mais Cain savait pourtant ce qu'il en était et il avait
pris une décision douloureuse après que l'extase
l'ait submergé. Les larmes qui avaient coulé de ses
yeux à cet instant, Riff n'avait sans aucun doute pas su les
interpréter. Cela avait pu être de la joie ou de la
tristesse. Cela n'avait été que du désespoir.
Parce qu'il savait ce qu'il avait à faire, hélas.
Cain se pencha et plongea la main dans ses vêtements
abandonnés au pied du lit. Puis il s'assit à nouveau
et observa encore Riff, durant quelques secondes. C'était
comme s'il cherchait à graver son visage dans son esprit,
pour ne jamais l'oublier.
Cain se jucha ensuite sur le ventre de son ancien serviteur et posa
le canon du pistolet sur la poitrine de celui-ci. Les mains du comte
tremblaient. Il essayait pourtant de se convaincre qu'il s'agissait
de la seule et unique manière de retrouver Riff. De le libérer
de l'emprise de Delilah.
Il n'arrivait pourtant pas à presser la détente.
Riff ouvrit soudainement les yeux. Peut-être n'était-il
pas aussi profondément endormi que Cain le croyait. Il fixa le
jeune homme installé sur lui et leva la main pour enserrer le
canon de l'arme.
« - Vous voulez donc me tuer. Est-ce par vengeance ?
Allez-vous vous suicider ensuite, parce que vous ne pouvez vivre sans
votre Riff ? »
Le ton était méprisant mais Cain n'y prêtait
guère attention. Il se contentait de le dévisager, ne
sachant plus que faire. Presser la détente. Y mettre fin. Ou…
Mais quelle autre solution y avait-il ? Comment faire revenir
son Riff ? Celui qui avait toujours été si gentil.
« - Si je te tue, au moins, Delilah ne pourra plus
t'avoir, » avoua-t-il, sans réellement comprendre
pourquoi il se confiait.
« - Alors il s'agit tout simplement de votre éternelle
possessivité. Celle qui vous fait croire que je suis à
vous et uniquement à vous ? Et qu'un lien incassable
nous unie ? »
Cain acquiesça, même s'il n'aurait pas formulé
cela ainsi. Et les larmes coulèrent le long de ses joues. Il
se mit à sangloter comme un enfant. Il n'avait pas mémoire
de s'être montré sous un jour aussi fragile. Il
n'arrivait pas à s'arrêter de sangloter.
Riff lui retira le pistolet des mains et il ne chercha pas à
le récupérer. Même avec la pensée que
l'homme aurait pu en profiter pour le tuer, puisqu'il avait
lui-même tenté de le faire.
Ce ne fut pas le cas.
Il sentit la main de Riff dans ses cheveux et celui-ci l'invita
d'une pression à venir poser la tête contre son torse.
Cain se demanda, alors qu'il était blottit contre lui,
quelles étaient les raisons qui le poussaient à
réconforter son ennemi.
Please don't let me bleed for all eternity
Please leave me be in my own misery
Cain
ouvrit les yeux alors qu'une éternité semblait être
passée. Il ne tarda pas à se rendre compte qu'il
était seul dans le lit. Le jour n'était toujours pas
venu relayer la nuit mais il put constater que ses habits avaient été
soigneusement pliés sur une chaise.
Dehors, la lune libérée des nuages offrait un visage
rond. Ses rayons blafards berçaient Cain. Il songea qu'elle
était tout aussi froide que l'homme dont il était
tombé amoureux et dont il ne pouvait plus rien espérer.
