Petite songfic sans prétention sur La Solitude de Barbara, toujours sans rating, HPDM.

(obscène et honteux d'utiliser cette sublime chanson, oser griffonner autour de Barbara, surtout de la fanfiction, oui c'est un blasphème et j'accepte toute les lapidations du monde.)

Ps: ne vous en faites pas, à partir des prochaines ça va s'agiter un peu.

Des Bizzmules et de l'amour par poignées entières. 3

La Solitude

Il s'était accoudé à la fenêtre comme il aimait le faire depuis un certain temps. Une clope au coin de la bouche et l'œil distrait, vaquant sans chercher vraiment de quoi s'arrêter. Il avait mis l'eau à chauffer pour être sûr de ne pas trop traîner, après tout, il aurait du boulot cet après-midi.

Les cigarettes fines du vieux paquet avaient un goût de souvenirs et recommencer à les embraser une odeur de printemps. Il s'était maudit en allumant la première, quand même, pour la forme.

Une chanson étrange qui lui rappelait vaguement ses cours de français grésillait dans la radio, à peine audible, surtout depuis que son visage était plongé dans les brumes piquantes et délicieuses du petit matin.

De tuiles en tuiles, de balcons aux rideaux crochetés, son regard tomba dans le parc qui déguisait la cour de l'immeuble. Plusieurs jeunes étaient assis sur un banc, amassés de façon à l'occuper totalement. Cinq heures du matin et pourtant ils semblaient être là depuis longtemps, appuyés ainsi, les uns pressés contre les épaules des autres ou adossés entre leur jambe. Cette troupe paisible lui faisait penser à une hydre endormie. Un garçon aux cheveux très clairs (Blonds ou châtains ? Il n'aurait su le dire.) riait en regardant une fille danser devant eux, les bras relevés et étendus de chaque coté de son corps comme un christ fatigué. Elle balançait son corps d'une façon maladroite et tendre pourtant, émouvante. L'odeur des tilleuls s'élevait, drap lourd qui déshabillait les arbres aux feuillages froissés, frissonnants, rhabillait le nez de l'aube. Ce matin-là lui rappelait les apogée de ses folles soirées passées, quelques années en arrière – « Peut-être trois ou quatre ans seulement. » songea-t-il – mais qui paraissaient maintenant être de vagues souvenirs, témoins d'une jeunesse terrassée. Des petits matins blêmes, les même que ceux de ces gamins à peine éjectées des nids familiaux et qui se croyaient déjà entré dans les vicissitudes du quotidien.

Il regardait le garçon, celui qu'il imaginait être grand et blond, avec sa veste en faux cuir et ses cheveux rejetés en arrière et il souriait pleinement, recrachait à grandes bouffées sa fumée délicate.

Je l'ai trouvée devant ma porte,
Un soir, que je rentrais chez moi.
Partout, elle me fait escorte.
Elle est revenue, elle la voilà,
La renifleuse des amours mortes.
Elle m'a suivie, pas à pas.
La garce, que le Diable l'emporte!
Elle est revenue, elle est là

Il lui rappelait un autre garçon.

Un autre « grand très blond », très semblable, un autre jeune homme qui s'était tenu avec lui sur le balcon d'un autre appartement, alors qu'il savourait une cigarette dans la même position.

Il se souvenait de la baie vitrée qui lui avait semblé démesurée avant qu'il ne s'y engouffre pour réchapper un peu aux cris des fêtards, aux spots rouges et jaunes, au velours des canapés tachés d'alcool et déchirés par les faux ongles d'une horde sauvage. Une fête somme toute banale quoique gargantuesque, une fête qui tapait un peu trop fort sur ses temps et à laquelle il fallait parfois se soustraire pour mieux l'apprécier.

- Bonsoir.

- Bonsoir.

Avec sa gueule de carême
Avec ses larges yeux cernés,
Elle nous fait le cœur à la traîne,
Elle nous fait le cœur à pleurer,
Elle nous fait des matins blêmes
Et de longues nuits désolées.
La garce! Elle nous ferait même
L'hiver au plein cœur de l'été.

Un petit geste de la tête pour lui signifier sa présence avait ramené deux mèches blondes sur son front, probable vestige d'une frange qui voilait un peu son regard clair. Il l'avait trouvé beau, tout de suite, mais ne s'en était pas plus préoccupé que cela, pressé de sentir le doux picotement attaquer la pointe de sa langue, pressé de s'éreinter le pouce à la roulette d'un briquet.

Ils ne s'étaient rien dit, l'autre planqué l'ombre, adossé au mur entre un pan de vitre qui donnait sur le salon et une plante d'au moins deux mètres de haut qu'il avait qualifiée de « ridicule » en visitant les lieux pour la première fois et lui, sa cigarette entamée au coin des lèvres, le regard perdu dans la nuit qui enveloppait le jardin.

- Vous êtes venus pour heu... Aurore ou Christian ?

- Aurore. Amie d'enfance. « Je ne devais pas rater ça ».

Il avait souri en imitant la voix désagréable de la maîtresse de maison. Le rictus de l'inconnu l'avait informé sur son statut : il connaissait lui aussi la délicieuse jeune femme.

- Et vous ?

- Christian. Mon cousin.

- Ah. Ok.

Leurs sourires entrecroisés ne s'étaient pas effacés tout de suite et l'inconnu avait fait un mouvement brusque empreint de maladresse pour s'approcher de lui et lui tendre la main.

- Draco.

- Harry. Enchanté.

Quel prénom étrange, avait-il pensé en plongeant son regard dans le sien. Puis une autre réflexion avait immédiatement balayé la première : gris. Ses yeux n'étaient pas seulement clairs dans le genre de vert tragiques ou bleus éthérés. Ils étaient gris. Et ça c'était vraiment fascinant.

Dans ta triste robe de moire
Avec tes cheveux mal peignés,
T'as la mine du désespoir,
Tu n'es pas belle à regarder.
Allez, va t-en porter ailleurs
Ta triste gueule de l'ennui.
Je n'ai pas le goût du malheur.
Va t-en voir ailleurs si j'y suis!

Une première cigarette échangée puis une deuxième avaient mené aux jalons habituels de la convivialité, ils s'étaient racontés des épisodes de leurs vies un peu anecdotiques sans jamais les enrober d'un contexte, ne gardant que des moments brefs et éphémères.

- Magique. C'était magique.

Sur ses lèvres cela sonnait surtout de façon incongrue. Pas vraiment le genre de type à dire « fabuleux » tout le temps, pas comme lui. Il n'avait su ni son nom ni son âge au terme de cette première soirée et maintenant il ne s'en souvenait plus. Pourtant ils s'étaient revus, souvent, aux fêtes d'Aurore qui étaient célèbres autant pour leur démesure que pour leurs fréquences. Maintenant qu'elle était mariée à Christian, les réceptions ressemblaient à un dédale dont quiconque se sortait vivant pouvait se gargariser d'être un invincible. Il s'étaient retrouvé là, sur le balcon, puis dans le jardin s'appropriant deux chaises longues usées aux coutures craquées par endroits. Celle de Draco avait crevé comme un ballon un soir, les faisant rire aux éclats. Ils avaient échangés leurs numéros justement cette nuit là, la huitième ou neuvième.

Il s'étaient revus encore, les cafés d'après le boulot, les restaurants d'après les cafés. Les mois déroulaient leurs valses glacées, en quelques heures ce fût l'hiver et les bistrots furent remplacés par des cinémas bien chauffés et de longues marches dans les rues clignotantes de Londres.

Toujours rien. Il se souvenait maintenant combien ils avaient pris de temps.

Je veux encore rouler des hanches,
Je veux me saouler de printemps,
Je veux m'en payer, des nuits blanches,
A cœur qui bat, à cœur battant.
Avant que sonne l'heure blême
Et jusqu'à mon souffle dernier,
Je veux encore dire "je t'aime"
Et vouloir mourir d'aimer.

Et puis l'emballement, un flash insaisissables. Plusieurs nuits, terribles de plaisir, saisissantes de jamais senti, pas comme ça, pas si fort. Fascinants les yeux gris changés en noirs, il les disait vert foncé pour le faire enrager. Il lui rétorquait « tu ne me connais pas. » C'était vrai.

Et pourtant sans se connaître ils se savaient tellement.

Comme retrouvés au bord de cette nuit sans passion, sans extrême mal-être ou alcool déchéant, une soirée de dilettantes simple comme une politesse échangée, une soirée de dilettantes qu'ils avaient toujours été.

L'urgence dans les geste, bouleversante et addictive. Ces geste, toujours les même pourtant, mais qui tendaient chacun à une puissance insaisissable, à chaque fois différente mais d'une même intensité.

La passion, aussi terrifiante qu'elle peut l'être.

Elle a dit : "Ouvre-moi ta porte.
Je t'avais suivie pas à pas.
Je sais que tes amours sont mortes.
Je suis revenue, me voilà.
Ils t'ont récité leurs poèmes,
Tes beaux messieurs, tes beaux enfants,
Tes faux Rimbaud, tes faux Verlaine.
Eh! bien, c'est fini, maintenant."

Un jour, il s'en rappelait bien, il était parti sans rien dire.

Qu'auraient-il pu dire ?

Parfois il ose penser qu'avec lui, ses bras de plages ensoleillées et sa gorge blanche les choses auraient pu êtres différentes.

Il y pense, s'en veut et très vite c'est fini. Son ventre oublie les rumeurs dangereuses, retrouve une sérénité totale ou feignant de l'être.

Pourtant il se souvient.

Même si ce n'est pas lui qui rit paisiblement en bas dans la cour, même si c'est un jeune homme aux cheveux savamment peignés, au blouson de cuir élimé aux manches. Même si c'est juste un garçon qu'il ne connaît pas et qui ignore la brûlure cruelle et mélancolique de son regard. Et puis, lui, il a l'air d'avoir les yeux bleus, pas gris et la bouilloire grommelle sur sa plaque, tremble d'une rage contenue.

Depuis, elle me fait des nuits blanches.
Elle s'est pendue à mon cou,
Elle s'est enroulée à mes hanches,

Elle se couche à mes genoux.
Partout, elle me fait escorte
Et elle me suit, pas à pas.
Elle m'attend devant ma porte.
Elle est revenue, elle est là,
La solitude, la solitude...

Elle siffle l'homme qu'il est devenu ou qu'il doit redevenir, celui qui doit rentrer à la maison travailler, dans le silence du bureau. Peu importe les douleurs maintenant qu'elle sont devenues primaires.

Alors il la remet à chauffer une seconde fois, et revient à la fenêtre. Après tout, il aura beaucoup de travail cet après-midi.

Merci pour votre lecture. N'hésitez pas à m'écrire pour me dire si c'est plutôt du quiphe ou du suicide qui flotte dans l'air.