Chapitre 1
Musique : Jake Welden – For Someone
Il se retourna dans son lit pour la centième fois cette nuit là. Incapable de trouver le sommeil. Il régnait une chaleur étouffante dans la pièce, et à chacun de ses mouvements, le drap de coton qui le recouvrait lui collait un peu plus à la peau.
D'un geste presque rageur il finit par repousser ce dernier à l'autre bout d'un lit, puis s'installa sur le dos et ramena les mains derrière sa tête. Fixant le plafond sans vraiment le voir. Les ombres de la ville dansaient faiblement sur les murs dans une sorte de ballet parfaitement régulier, mais il n'y prêta pas non plus attention.
Le réveil affichait 5h précises et le jour ne tarderait pas à se lever. Une nuit de plus sans dormir. La 3eme de la semaine. Il se demandait comment il parvenait encore à tenir debout des journées entières.
Ce n'était d'ailleurs pas entièrement vrai puisque l'après-midi de la veille il s'était endormi dans un fauteuil à l'hopital, la tête sur l'accoudoir, un pan de son manteau en guise d'oreiller...
Combien d'heures avait-il ainsi passé assoupi dans cette position ? Il n'en avait pas la moindre idée. Lorsque un infirmier l'avait doucement réveillé pour lui indiquer que l'heure des visites était passée depuis longtemps il n'avait pas pris la peine de regarder sa montre. Il avait simplement jeté un dernier regard en direction du lit dans lequel elle se trouvait, immobile et paisible, comme assoupie, puis il avait posé une main sur la sienne et lui avait murmuré "A demain", comme il le faisait tous les jours depuis maintenant près d'un mois.
Le temps passait et l'espoir de la voir se réveiller d'elle même l'abandonnait de jour en jour. Et même si les médecins persistaient à lui répéter qu'avec ce genre de comas on ne pouvait jamais savoir "quand", "comment", ni même présumer de l'état dans lequel le patient risquait de se réveiller, il devinait à leurs lèvres pincées et leurs regards fuyants qu'on ne lui disait pas tout. Ou qu'on le ménageait tout du moins.
Il tourna la tête en direction du radio-réveil qui indiquait à present 5h04. Puis persuadé qu'il ne trouverait de toute façon plus le sommeil, il décida de se lever.
La cuisine était plongée dans la pénombre. Pour ne pas réveiller sa mère et Alexis qui dormaient à l'étage il pris le parti de ne pas allumer la lumière et se contenta de l'éclairage exterieur. La chaleur était totalement étouffante. Une cannicule digne de celle de 1976 annonçait-on aux informations.
La gorge sèche il ouvrit la porte du frigo et en sortit une bouteille de jus d'orange qu'il but directement au goulot.
Appuyé contre un mur il ressassa à nouveau les évênements de ces dernieres semaines. Il avait la sensation étrange que six mois s'étaient écoulés déjà, et pourtant une trentaine de jours seulement le séparaient de cette journée cauchemardesque.
-Kate ! Kate ! Réveille toi je t'en supplie ! Les mains en sang, penché au dessus du corps de la jeune femme inannimée il avait comme l'impression que le temps s'était figé. Autour de lui pourtant on courrait dans tous les sens. Les moins courageux en direction de leur voiture. Les autres se pressaient autour de lui. Ryan son téléphone à la main appelait les secours et perdait visiblement patience puisque Rick l'entendit crier d'une voix autoritaire qu'il ne lui connaissait pas "Je m'en moque des embouteillages et de ce putain d'accident de bagnole, on a besoin de quelqu'un ici, et tout de suite !" Il baissa la tête en direction de sa poitrine, sa main comprimait toujours fermement l'endroit précis ou la balle avait traversé. Il n'avait pas de réelles notions de secourisme, mais il savait qu'il fallait appuyer sur une plaie pour ralentir une hémorragie, ou tout du moins il avait cru le comprendre en visionnant une quelquonque émission scienfitique. -Ecartez vous Castle, je vais regarder ça ! La main de Lanie venait de se poser sur son épaule, doucement elle l'invita à se relever. Il refusait de lacher Kate. Comme si oter sa main allait comme par magie déclencher une sorte de mécanisme qui la viderait de tout son sang "Tu lis trop de mauvais thrillers mon cher Castle", se murmura t'il à lui même. -Rick ! Insista la jeune femme qui ne l'appelait jamais par son prénom, en appuyant plus fermement sur son épaule. A moins que vous ne soyez formé aux premiers soins et aux gestes à adopter en cas de blessure par balle, laissez moi la place. S'il vous plait. C'est à contre coeur mais raisonnablement qu'il retira sa main et perdit ainsi le seul contact qui lui restait encore avec la jeune femme toujours inconsciente. Lanie se pencha sur le corps de son amie et déboutonna le haut de son uniforme. Castle détourna la tête par pudeur, tout en se faisant la remarque que cette dernière était bien anecdotique dans de pareilles circonstances. Une autre main se posa alors sur son épaule, il tourna la tête pour découvrir un Esposito qui ne quittait pas du regard sa petite amie agenouillée auprès de sa supérieure hiérarchique,et dont le geste signifiait simplement un soutien sans faille. Comme un "Je suis là" implicite. Il fallut ce qui lui sembla être une éternité avant qu'enfin les sirènes des ambulances retentissent dans le cimetière. Tout se déroula au ralenti, comme dans un film, deux hommes tenant une civière le dépassèrent en courant, ils ne perdirent pas un instant avant d'installer Kate et de la brancher à tout un tas de machines tandis que Lanie leur communiquait des informations médicales auquelles il ne comprenait pas grand chose. On leur indiqua qu'une personne, une seule, pouvait les suivre dans l'ambulance. Tous les regards se tournèrent dans sa direction. Il en fut touché. -On va rester dans les parages pour essayer de trouver des indices sur le sniper lança Ryan qui sortait d'une discussion avec l'un des fossoyeurs du cimetière. Apparement des employés ont aperçu un homme étrange qui trainait dans les parages ce matin. Ca n'a peut être strictement rien à voir, mais on va visionner les bandes des caméras de surveillance pour s'en assurer. -On aura le connard qui a fait ça vous pouvez en être sur ! Ajouta Esposito. Tenez nous au courant dès que vous avez du nouveau ! Castle hocha la tête et monta dans l'ambulance à la suite de deux ambulanciers qui s'affairèrent immédiatement à revérifier les constantes de la jeune femme. Assis sur un de ces bancs blancs en plastique désagréables comme on en trouve souvent dans ce genre de camions, il observa la jeune femme endormie dont seul le visage dépassait de la couverture dans laquelle on l'avait enveloppée. -Elle va s'en sortir ? Demanda-t'il au jeune homme d'une vingtaine d'années qui venait d'installer une perfusion dans le bras de la jeune femme. Pas de réponse. Rien d'autre que le silence dans l'habitacle chahuté du véhicule durant la longue minute qui suivit. Castle devina que ce mutisme n'était pas forcément une bonne chose. -C'est trop tôt pour savoir quoi que ce soit monsieur. Finit enfin par répondre le garçon sans même lever la tête dans sa direction. Dans l'état actuel des choses tout peut arriver. -Bordel ! Jura le jeune ambulancier. Eddie ralentis on va devoir la choquer. Durant les minutes qui suivirent, la main de Castle, imbriquée dans le repli du banc ne se détendit pas un seul instant, la jointure de ses mains était blanche, il ne respirait plus, comme par soutien logique pour sa collègue, son amie, sa... -Alleez ma p'tite dame ! Lanca le plus agé des deux ambulanciers. On se bat et on y croit ! Allez ! -Allez Kate pensa Castle du plus fort qu'il pouvait. Bats toi bon sang. Une des mains de la jeune femme pendait sur le côté du brancard, il s'approcha légèrement en s'efforçant de ne pas gêner le travail des deux hommes et la saisit dans la sienne. -Allez Kate, lança t'il cette fois ci à voix haute. Après un court instant, les battements de coeur de la jeune femme semblèrent alors soudain reprendre un rythme presque normal. Il soupira de soulagement.
Et comme pour joindre la vérité des faits à ces quelques mots, la machine sur laquelle était branchée la jeune femme sembla soudain s'affoler. Des bips dans tous les sens, comme dans les séries médicales. Le coeur de Castle manqua un battement.
-Ben alors c'est à cette heure ci que tu te lèves ?
La voix fatiguée d'Alexis interrompit le fil de ses pensées. La jeune fille venait d'apparaitre au pied des escaliers, dans une de ces longues chemises de nuit affublée de nounours qui lui donnaient parfois l'impression qu'elle était encore "sa petite fille".
-Hey Pumpkin, murmura Castle en souriant.
-Tu n'arrives toujours pas à dormir hein ? Devina la jeune fille en s'approchant de la table de la cuisine contre laquelle il était désormais accoudé.
-On ne peut rien te cacher, confirma t'il en hochant la tête.
-Tu as pensé aux somnifères ? Suggera Alexis. Ou alors encore mieux, aux supers remèdes de mamie ?
-Tu ne me feras pas avaler ces especes de racines de persil infusées dans du foie de morue.
-C'était une infusion à la verveine...
-C'est la même chose.
Le silence occupa l'espace un court instant. La jeune fille savait que c'était peine perdue de convaincre son père de prendre quoi que ce soit.
-Des nouvelles de l'hopital ? Interrogea-telle sur un ton plus grave. Tu n'étais pas là quand je suis rentrée hier soir.
-Non toujours rien, répondit Castle avec fatalité. Comme chaque jour depuis le début du mois. Rien ne bouge, rien n'évolue. Elle reste plongée dans ce foutu coma.
La jeune fille s'approcha de son père, se mit sur la pointe des pieds et lui passa un bras autour des épaules.
-J'ai confiance, elle finira par se réveiller tu verras !
-Ce n'est plus de la confiance, c'est de l'optimisme excessif, répondit Castle bougon
-Je vois juste le verre à moitié plein c'est tout !
-Oui, à moitié rempli de persil au foie de morue !
Alexis sourit. Elle jeta un coup d'oeil au téléphone portable de son père qui tronait devant lui sur le coin de la table.
-Tu ne le quittes plus hein !
-lls m'ont dit qu'ils m'appelleraient dès qu'il y aurait du nouveau, quelle que soit l'heure. Alors non je ne le quitte plus, justifia-til.
-Esperons qu'il finisse par sonner très bientôt alo...
Et comme pour répondre intuitivement à cette promesse, le téléphone s'éclaira soudainement. Ce fameux moment d'une à deux secondes durant lequel on sait qu'un appel va aboutir mais que le correspondant ne s'affiche pas encore leur sembla durer une éternité inquantifiable à tous les deux.
Enfin les 8 lettres du mot hopital apparurent sur l'écran, et les premières notes de "Rencontre du 3ème type" habitèrent la pièce d'une drôle d'atmosphère.
Il décrocha dans l'instant même, fébrile, manquant au passage de faire tomber le téléphone .
-Rick Castle je vous écoute ? S'exclama-t'il dans l'expectative, non sans une pointe de stress.
Un tel coup de téléphone pouvait être autant porteur d'une bonne nouvelle que d'une mauvaise. Alexis n'entendit rien d'autre que le bruissement d'une voix féminine au bout du fil. Castle ferma les yeux et laissa retomber sa main libre sur le rebord de la table.
(A suivre)
