Quelque part sur Terre, dans une dimension parallèle
Un jour...
.
Professeur Rogue,
J'ai fait votre connaissance il y a peu. Au détour d'une lecture, d'une pensée, d'un certain regard. Je me suis attachée à votre personnage, à votre mystère, à votre ignominie. Car vous êtes un être infâme, professeur. Nous avons tendance à l'oublier trop souvent.
Je me suis attachée. C'est vrai. Cela vous surprendra sans doute, vous qui n'avez connu que l'humiliation et le mépris. Qui avez subi et faites subir en retour. Et si encore il n'y avait que moi... Une brebis égarée. Détrompez-vous. Nous sommes des centaines, des milliers derrière cette lettre. Surprenant n'est-il pas ? Nous aurions pu vibrer devant l'histoire tragique de vos pires ennemis, ériger des mausolées à leur bonté... Il est vrai qu'ils nous ont touchés et que nous les apprécions. Mais c'est vous que nous avons élu.
Quand on réfléchit bien, rien de plus absurde. Les sieurs Potter, Black ou Lupin ont eux aussi leur face noire. Et votre entourage foisonne de gens aimables et attendrissants. Mais nous avons choisi l'abjection. Est-ce que Tom Jedusor n'a pas souffert dans sa jeunesse ? Est-ce que Lucius Malefoy est entièrement responsable de l'éducation qu'il a reçu ? Peter Pettigrow n'inspire-t-il pas aussi la pitié et la compréhension ? Qu'importe. C'est à vous que nous somme prêtes à tout pardonner. Notre miséricorde vous est exclusive.
Et pourtant. Décalons légèrement notre point de vue. Je vous fais entrer dans notre monde quelques instants. Chez nous, qui seriez-vous ? Troquez donc votre cagoule noire pour une chemise brune. Tombez la baguette et brandissez votre bras tendu vers le ciel. Accourez à l'appel d'une croix et oubliez la marque noire qui orne votre bras. Vous tuez des innocents parce qu'ils ne sont pas comme vous. Vous les torturez. Vous les assassinez. Une haine aveugle. Barbarie.
Et un homme un jour viendrait nous dire que vous vous repentez et qu'il a confiance en vous. Vous poseriez sur nous ce même regard dédaigneux et suffisant. Et nous vous aimerions ?
Retour dans votre monde. Que savons-nous de vous ? Vous êtes grand et mince. Votre visage jaunâtre, cireux, anguleux, est encadré de deux rideaux de cheveux noirs et gras tombant sur vos épaules. Lorsque vos lèvres livides se retroussent en un rictus hostile, c'est pour mieux découvrir une rangée de dents jaunes plantées de travers. De chaque côté d'un nez long et crochu, deux yeux noirs, vides et froids. Vous vivez dans l'obscurité d'un cachot glacé, entouré de bocaux où flottent des créatures mortes. Votre voix est glaciale, grinçante, menaçante. Vous êtes cruel, sarcastique, venimeux, partial. Vous êtes féroce, effrayant, méprisant. Vous êtes odieux, vous êtes horrible. Voilà ce que nous lisons. Mais notre imagination construit malgré cela un homme que l'on se prend à aimer. Votre visage jaunâtre devient pâle et diaphane. Vos cheveux brillent comme de la soie. On s'amuse de vos sourires cyniques. Votre regard s'anime d'une chaleur de braise. Votre voix est grave et profonde. Votre monstruosité n'est qu'une façade. Il y a un cœur qui bat. Faiblement certes, mais il bat.
Pitoyable. Vous ririez si vous pouviez lire cette lettre. Rire. Je voulais dire : vous esquisseriez un rictus triomphant. Oui. Mais il y a pire. Nous serions heureuses si vous vous révéliez être le monstre que nous nous entêtons à maquiller de bravoure et de sensibilité. Nous ne cesserions pas de vous aimer si vous nous apparaissiez sous votre vraie nature vêtu d'une cagoule. Peut-être même que nous ne le croirions pas.
Vous avez gagné professeur. Le disciple a dépassé son Maître.
Un jour...
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Professeur Rogue,
J'ai fait votre connaissance il y a peu. Au détour d'une lecture, d'une pensée, d'un certain regard. Je me suis attachée à votre personnage, à votre mystère, à votre ignominie. Car vous êtes un être infâme, professeur. Nous avons tendance à l'oublier trop souvent.
Je me suis attachée. C'est vrai. Cela vous surprendra sans doute, vous qui n'avez connu que l'humiliation et le mépris. Qui avez subi et faites subir en retour. Et si encore il n'y avait que moi... Une brebis égarée. Détrompez-vous. Nous sommes des centaines, des milliers derrière cette lettre. Surprenant n'est-il pas ? Nous aurions pu vibrer devant l'histoire tragique de vos pires ennemis, ériger des mausolées à leur bonté... Il est vrai qu'ils nous ont touchés et que nous les apprécions. Mais c'est vous que nous avons élu.
Quand on réfléchit bien, rien de plus absurde. Les sieurs Potter, Black ou Lupin ont eux aussi leur face noire. Et votre entourage foisonne de gens aimables et attendrissants. Mais nous avons choisi l'abjection. Est-ce que Tom Jedusor n'a pas souffert dans sa jeunesse ? Est-ce que Lucius Malefoy est entièrement responsable de l'éducation qu'il a reçu ? Peter Pettigrow n'inspire-t-il pas aussi la pitié et la compréhension ? Qu'importe. C'est à vous que nous somme prêtes à tout pardonner. Notre miséricorde vous est exclusive.
Et pourtant. Décalons légèrement notre point de vue. Je vous fais entrer dans notre monde quelques instants. Chez nous, qui seriez-vous ? Troquez donc votre cagoule noire pour une chemise brune. Tombez la baguette et brandissez votre bras tendu vers le ciel. Accourez à l'appel d'une croix et oubliez la marque noire qui orne votre bras. Vous tuez des innocents parce qu'ils ne sont pas comme vous. Vous les torturez. Vous les assassinez. Une haine aveugle. Barbarie.
Et un homme un jour viendrait nous dire que vous vous repentez et qu'il a confiance en vous. Vous poseriez sur nous ce même regard dédaigneux et suffisant. Et nous vous aimerions ?
Retour dans votre monde. Que savons-nous de vous ? Vous êtes grand et mince. Votre visage jaunâtre, cireux, anguleux, est encadré de deux rideaux de cheveux noirs et gras tombant sur vos épaules. Lorsque vos lèvres livides se retroussent en un rictus hostile, c'est pour mieux découvrir une rangée de dents jaunes plantées de travers. De chaque côté d'un nez long et crochu, deux yeux noirs, vides et froids. Vous vivez dans l'obscurité d'un cachot glacé, entouré de bocaux où flottent des créatures mortes. Votre voix est glaciale, grinçante, menaçante. Vous êtes cruel, sarcastique, venimeux, partial. Vous êtes féroce, effrayant, méprisant. Vous êtes odieux, vous êtes horrible. Voilà ce que nous lisons. Mais notre imagination construit malgré cela un homme que l'on se prend à aimer. Votre visage jaunâtre devient pâle et diaphane. Vos cheveux brillent comme de la soie. On s'amuse de vos sourires cyniques. Votre regard s'anime d'une chaleur de braise. Votre voix est grave et profonde. Votre monstruosité n'est qu'une façade. Il y a un cœur qui bat. Faiblement certes, mais il bat.
Pitoyable. Vous ririez si vous pouviez lire cette lettre. Rire. Je voulais dire : vous esquisseriez un rictus triomphant. Oui. Mais il y a pire. Nous serions heureuses si vous vous révéliez être le monstre que nous nous entêtons à maquiller de bravoure et de sensibilité. Nous ne cesserions pas de vous aimer si vous nous apparaissiez sous votre vraie nature vêtu d'une cagoule. Peut-être même que nous ne le croirions pas.
Vous avez gagné professeur. Le disciple a dépassé son Maître.
