La pluie qui tombait lentement vers le sol empestait l'atmosphère de son odeur humide et étouffante, emprisonnant en ses barreaux de tristesse et de grisailles les esprits des personnes qui, soit chez elles, soit dehors, revenaient sur leur passé. Et les larmes ne tardaient généralement pas, ainsi que le goût amer que la morosité et le désespoir laissaient dans la bouche.

La salle ou d'habitude les nombreuses personnes rassemblées en ce lieu énorme venaient manger était étrangement silencieuse, quasi religieuse. Pourtant, tous étaient là… Du moins, tous les vivants. Et certaines présences en particulier se faisaient sentir de par leurs absences qui n'auraient jamais du être. Ils auraient du être là, et manger jusqu'à ce qu'une énorme pile d'assiette se fasse sur la table afin de satisfaire son appétit d'ogre pour l'un, que l'autre grommelle vaguement quelque chose avec son mauvais caractère, qu'un autre encore fasse le pitre et qu'une dernière tente vainement de les calmer avec une amie et un aristocrate. Mais non, ils ne reviendraient jamais, et tous le savait… Alors même si la victoire avait été obtenue, grâce à lui, grâce à son sacrifice, elle n'était tintée que d'amertume, et jamais une victoire et une paix n'auront été si meurtrières et si teintées de larmes au sein du bâtiment.

Ils étaient morts contre le comte et les Noahs, les emportant avec eux dans l'atmosphère glacée de la mort. Mais ils ne voulaient pas mourir, tous le savaient, mais ils l'avaient fait, pour eux, pour tout le monde en somme…

Tous revoyaient leurs sourires, leurs « on y vas » teintés d'espoirs. A cette pensée, les survivants laissèrent échappés leurs pleurs, et leurs plaintes allèrent jusqu'aux nuages lourds qui continuaient, imperturbables de déverser leur chargement.

Ils croyaient que malgré leurs morts, les autres pourraient vivre et les oublier un peu, que leurs peines s'atténueraient. Mais leurs souvenirs flottent toujours et sans fin, sans que les pleurs et les plaintes ne secouent ceux qui restent… Voila le triste trésor que se transmettent les personnes au sein de la Congrégation, tristes larmes, triste pluie qui sans cesse tombe dans la nuit…