Chapitre 1 : Une Fugue dans la Nuit

Deux soldats attendaient derrière les colonnes d'un couloir obscur. Ils entendirent au même moment le bruit de pieds nus sur les dalles de pierres. Un coup d'œil discret leur confirma ce qu'ils attendaient : une petite silhouette en chemise blanche se dirigeait vers la chambre princière, dans leur direction. Ils échangèrent un regard, retinrent leur respiration, et quand la silhouette passa à leur niveau, ils bondirent de leur cachette. Le premier lui décocha un violent coup sur le crâne et le second accompagna le corps sans vie pour ne pas qu'il fasse de bruit en tombant. Ni l'un ni l'autre ne s'attendait à entendre l'exclamation étouffée d'une quatrième personne. Ils relevèrent la tête : c'était un garçon du même âge que celui qu'ils venaient de tuer. Pendant quelques secondes, les trois se regardèrent sans oser faire un mouvement. Soudain, le garçon s'enfuit dans la direction opposée.

« On ne nous avait pas dit qu'ils seraient deux ! » fit le premier soldat.

« Occupe-toi du corps, lui répondit l'autre, moi je m'occupe du gamin. »

Il s'élança à sa poursuite, mais après un virage tomba sur un couloir complètement vide. Le soldat vérifia les portes et les rideaux avant de se rendre à l'évidence : le gamin lui avait échappé. Il marmonna un juron, puis partit rejoindre son collègue qui devait s'être occupé du cadavre. Le Régent n'allait pas aimer leur rapport...

Le jeune garçon descendait quatre à quatre les escaliers de la petite tour. Par les meurtrières, il pouvait entendre les explosions du feu d'artifice qui célébraient la naissance du fils du Régent. Arrivé en bas de la tour, il se glissa sans bruit dans les écuries. En prenant bien garde à ne pas effrayer les bêtes, il s'approcha d'un grand cheval blanc et commença à lui flatter l'encolure.

« Doucement Destrier, doucement... »

Une main se posa sur son épaule. Il se retourna d'un bond, prêt à se défendre.

« Doucement, murmura un vieil homme, ce n'est que moi. »

« Professeur ! »

« Je vous ai cherché partout. Où est... »

« Il y avait des gardes, répondit le garçon d'une voix entrecoupée de sanglots. Ils nous attendaient. Ils l'ont assommé. Je crois... je crois qu'il est mort. »

Le vieil homme resta silencieux un instant, puis se reprit.

« Dépêchons. Nous devons quitter Béruna au plus vite. »

Le garçon acquiesça et finit de harnacher sa monture. Il avait à peine eu le temps de monter en selle que la porte intérieur des écuries s'ouvrit violemment.

« Ils sont là ! » cria un homme.

Sa voix fut couverte par les feux d'artifices. Le jeune homme et le vieillard éperonnèrent leurs montures en s'enfuirent au grand galop, dispersant la foule indifférente qui affluait dans les rues de la ville pour fêter l'heureux événement.