[14 Août]

Je descendis dans la cuisine, les yeux à demi fermés par le sommeil, mes cheveux noirs en bataille. C'était cette bonne odeur qui m'avait réveillée, sinon je serais bien restée dans mes rêves encore un peu. Ca sentait tellement bon. Trop bon. Papa avait fait du pain perdu. Je le voyais courir dans la cuisine, lançant des cris paniqués :

"Au feu ! Au feu !"

C'était comme ça à chaque fois qu'il cuisinait. Quelque chose brulait, et ce jour-là, c'était son torchon. Tandis qu'il se débattait avec le torchon enflammé, je descendais les trois marches qu'il me restait jusqu'au hall d'entrée, enfilai un pull et rentrai dans la cuisine.

"Ah, te voilà, me dit mon père."

Je baillai bruyamment et pointai du doigt le torchon qu'il tenait toujours à la main.

"Ton torchon brûle encore, soufflai-je."

Il a grogné quelque chose que je n'ai pas entendu et a plongé le torchon dans l'évier rempli d'eau. Je m'asseyais à table, attrapais l'assiette pleine de pain perdu.

"Du pain perdu… Tu n'en avais pas fait depuis… La mort de Maman, murmurai-je."

Il ne me répondit rien.

"Elle n'aurait pas aimé que je quitte Beauxbâtons. Elle a toujours vécu ici. J'ai l'impression que… Qu'on la quitte réellement."

" Tu sais très bien pourquoi on part."

"Juste à cause d'elle…"

"Il n'y a pas que ça… Tu ne comprendrais pas… a-t-il dit pour lui tout seul."

"Justement, je ne comprends pas, ai-je annoncé avant de quitter la table pour monter dans ma chambre."

Je rentrai dans la pièce, me jetai sur le matelas qui me servait de lit jusqu'à ce qu'on parte en Angleterre. Je ne voulais pas partir. J'aimais beaucoup l'Angleterre, surtout Londres, je trouvais que c'était une ville vraiment magique. Mais, je n'avais jamais pensé y vivre. Ma vie était ici, en France, je parlais couramment Anglais, ce n'était pas ça qui me posait un problème, mais… Tout quitter… Alors que… Ma mère avait toujours vécu là, et malgré qu'elle soit morte, j'avais l'horrible impression de… L'abandonner.

La porte s'est entrouverte, et j'ai entendu des petits cliquetis de griffes sur le parquet.

"Nausicaa, viens-là, ai-je chuchoté en attirant le chien vers moi."

"Chérie, a dit mon père en passant la tête dans l'embrasure de la porte, je sais que ça te fait de la peine, mais il le faut. Pour ton bien… Pour notre bien à tous les deux. Tu sais que je t'aime, et si ça n'était pas nécessaire, sache que je ne te l'infligerais pas."

"Mais je…"

"Je sais, tu as peur d'être seule, sans personne pour te comprendre, et tu es coupable de me laisser tout seul. Mais je survivrai, n'est-ce pas ? m'a-t-il dit avec son petit sourire en coin. Ne t'en fais pas pour moi."

"Je serai…"

"Non ! Grand Dieu, non, tu ne seras pas seule ! Tu as ton cousin, avec qui tu t'entends très bien ! Vous vous connaissez par cœur tous les deux. Il sera avec toi, j'ai confiance en lui pour veiller sur toi."

Il s'assit à côté de moi, je me blottis contre lui et il me murmura :

"Je t'aime plus que tout, quoi qu'il arrive, n'oublie jamais qui tu es. Tu es Emy, Emy Potter."